BILAN PAR MINISTERE
PREMIER MINISTRE
SECTION 1
Les problèmes généraux concernant l'ensemble
des départements ministériels
1. Les problèmes soulevés par l'application abusive du principe de non-rétroactivité de la règle de droit.
a) Ces problèmes avaient déjà été exposés dans le rapport de 1975 (pp. 93 à 97). Ils ont fait également l'objet d'un abondant commentaire au rapport de 1976 (pp. 49 à 63).
Ce dernier commentaire reprenait les considérations développées en 1975, analysait les conclusions de l'étude demandée au Conseil d'Etat sur le sujet, décrivait enfin en détail, au titre des " mesures d'exploitation ", la proposition de réforme " Synergie 5 ", destinée à faire céder l'application de la règle de non-rétroactivité dans un domaine limité : essentiellement celui des pensions de vieillesse de la Sécurité Sociale.
Rappelons que les mesures de rétroactivité suggérées dans cette proposition portaient sur les matières suivantes :
1. Durée d'assurance à prendre en compte pour le calcul des pensions de vieillesse du régime général ;
2. Prise en compte des dix meilleures années d'activité pour le calcul du salaire moyen intervenant dans la détermination de la pension ;
3. Majoration de la durée d'assurance en faveur des mères de famille ;
4. Suppression de la condition de " stage " pour l'ouverture du droit à pension de vieillesse ;
5. Choix de leur régime d'affiliation pour l'assurance maladie par les titulaires de pensions de vieillesse relevant de régimes différents ;
6. Situation des tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite qui ont quitté le service sans droit à pension.
Cette synergie 5 a reçu un accueil de principe favorable de la part du Ministre chargé de la Sécurité Sociale. Mais celui-ci n'a pas manqué de faire valoir le coût élevé des mesures proposées, et la difficulté de les mettre en oeuvre dans la situation financière que connaît actuellement le régime général.
Il faut noter toutefois que la première des mesures suggérées, à savoir la revalorisation forfaitaire des pensions de vieillesse liquidées avant l'entrée en vigueur (1er janvier 1975) du maximum actuel de durée d'assurance à prendre en compte pour le calcul des pensions (37 ans et demi ou 150 trimestres), a été en grande partie satisfaite, puisque trois revalorisations successives ont porté les pensions liquidées jusqu'au 31 décembre 1972 à un taux correspondant à l'application de la durée maximale d'assurance prévue pour 1972, soit 136 trimestres.
b) Mais il y a plus grave que cet insuccès relatif de la première " synergie " lancée par le Médiateur en ce domaine :
D'abord l'Administration continue à parler de " principe ", de non-rétroactivité de la règle de droit alors que le Conseil d'Etat, dans son étude ci-dessus rappelée, avait fortement insisté sur le fait que ce principe n'a pas d'application hors du domaine de la loi pénale.
Cette observation peut paraître de pure forme, mais on sait que bien souvent " les mots obligent "...
Ensuite, l'Administration n'a pas compris la position du Médiateur, pourtant clairement exposée dans ses deux derniers rapports.
On croit que le Médiateur est parti en guerre, sans nuances, contre la non-rétroactivité des textes partout où elle se rencontre : cela est inexact.
A la vérité - et il l'a dit - il n'a jamais été question pour le Médiateur de méconnaître les obstacles, et notamment ceux d'ordre financier, qui pouvaient s'opposer à la rétroactivité d'une loi ou d'un règlement.
Mais ce qui crée, au fond, ces obstacles, c'est le nombre plus ou moins important des personnes qui bénéficieraient de la rétroactivité - comparé d'ailleurs au nombre plus ou moins grand des bénéficiaires immédiats et futurs du texte.
Et c'est pourquoi, dans son rapport de 1975, le Médiateur avait tenté un effort de clarification, en distinguant trois " cas de figure " :
- petit nombre des bénéficiaires " immédiats " par rapport à celui des exclus ;
- nombre sensiblement égal des bénéficiaires et des exclus ;
- petit nombre des exclus par rapport à celui des bénéficiaires immédiats.
Or même dans la seconde hypothèse, où l'obstacle financier est a priori considérable, on a vu le Gouvernement et le Parlement porter un coup sérieux (cf. ci-dessus) à la non-rétroactivité des textes pris pour la réforme de l'assurance vieillesse.
Mais la troisième hypothèse, où pourtant aucun argument d'ordre budgétaire ne peut être sérieusement avancé, s'est trouvée encore illustrée cette année par d'incompréhensibles refus d'accepter la rétroactivité - refus opposés ou inspirés, naturellement, par l'administration des finances.
On aboutit ainsi à des situations inéquitables.
c) Dans ces conditions, le Médiateur est décidé à poursuivre sur de nouvelles bases son effort contre l'application abusive de la règle de non-rétroactivité.
Ces bases seront les suivantes :
- Faire des propositions précises et limitées portant sur les situations les plus choquantes ;
- Obtenir des administrations qu'elles chiffrent, au moins approximativement, le coût de la rétroactivité des textes, notamment en matière sociale - ce qui permettrait, comme dans le domaine des pensions de vieillesse, de proposer des améliorations forfaitaires, conduisant dans le temps à l'égalité des droits des " anciens " et des " nouveaux " ;
- Plus généralement, dresser un véritable catalogue, où les mesures de rétroactivité jugées souhaitables seraient classées suivant l'ordre d'" iniquité décroissante " des textes à rendre rétroactifs, et en tenant compte :
- du coût budgétaire net de la mesure envisagée ;
- de son coût administratif, résultant de la nécessité de réexaminer des situations anciennes ;
- du fait qu'il y a deux espèces de rétroactivité possibles : l'une, intégrale, dans laquelle les situations anciennes sont révisées en remontant à la date de création des droits de leurs titulaires ; l'autre, partielle, qui accorde les avantages nouveaux prévus par le texte à ces mêmes titulaires de situations anciennes, mais seulement pour maintenant et pour l'avenir, c'est-à-dire à compter de la date d'effet de ce texte.
Le Médiateur ne cache pas sa préférence pour cette seconde forme de rétroactivité, moins équitable certes, mais assurément moins coûteuse que la première : en un mot, beaucoup plus praticable.
2. Les problèmes soulevés par les forclusions et prescriptions.
Comme les précédents, ces problèmes ont déjà fait l'objet d'un examen approfondi dans le rapport de 1976 (pp. 64 à 99). Y était notamment analysée, dans le plus grand détail, l'étude menée par le Conseil d'Etat sur le sujet à la demande du Médiateur, et les conclusions, en forme de propositions, de cette étude se trouvaient intégralement reproduites (pp. 95 et 96).
Le Médiateur avait un moment songé à exploiter ces conclusions par la voie de négociations " bilatérales " avec chacun des départements ministériels concernés.
Mais cette procédure est apparue trop fragmentaire - donc trop lente - et à la demande du Secrétariat Général du Gouvernement, les conclusions du Conseil d'Etat ont fourni le thème d'une proposition de réforme du Médiateur (" synergie " n° 7) qui a été adressée dans le courant de l'été 1977 à tous les ministres et secrétaires d'Etat.
On trouvera ci-après le texte des propositions formulées dans cette synergie :
a - L'amélioration de l'information du public en matière de forclusion et prescriptions.
1° - Il est suggéré en ce domaine de mettre au point un programme d'information du public sur les raisons d'être des forclusions et des prescriptions et sur les principaux délais en vigueur (Rapport du Médiateur pour 1976, pp. 70 et 71).
En dehors de l'action que poursuit le Conseil d'Etat, l'effort d'information du public pourrait porter :
- sur la généralisation des errements déjà suivis par certaines administrations, dont notamment le Ministère de l'Equipement, qui font apparaître clairement dans leurs décisions l'existence de voies de recours et des délais dans lesquels les contestations doivent être formées. Cet effort doit être développé, et pourrait s'étendre à toutes les décisions administratives qui s'insèrent dans une procédure organisée et font - l'objet d'une présentation " standardisée " : tous les formulaires administratifs comme les lettres de notification des décisions juridictionnelles devraient désormais faire apparaître ces mentions (cf. Rapport de 1976, pp. 78-79 et ci-après, II, suggestion n° 2) ;
- sur les problèmes soulevés par les notifications faites par lettre recommandée (Rapport de 1976, p. 79 et ci-après, II, suggestion n° 3).
En définitive, le Médiateur ne peut qu'inviter le Gouvernement à prendre dès que possible les mesures nécessaires afin que soient définis :
- Le contenu du programme général d'information du public en matière de forclusions et de prescriptions ;
- Les moyens (médias et supports) de porter ce programme à la connaissance du plus large public ;
- Le cas échéant, le contenu d'une information plus spécifique, qui serait destinée à certaines catégories de ce public.
b - La limitation du nombre des forclusions.
Il est suggéré à cet effet :
2° - De recommander par voie d'instructions à toutes les administrations et aux greffes des juridictions qui ne le font pas encore de mentionner dans la notification des décisions, le délai avant l'expiration duquel il faut se pourvoir en cas de contestation, et, le cas échéant, la procédure particulière à suivre (cf. à ce sujet Rapport du Médiateur pour 1976, pp. 78-79, 86-87 et 88).
3° - Que la date de première présentation d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception - qui constitue le point de départ du délai de recours chaque fois qu'une notification est exigée - figure clairement sur l'enveloppe dans tous les cas où un avis de passage est laissé parce que le destinataire était absent (Rapport de 1976,p. 79).
4° - De prescrire à toutes les administrations de faire l'inventaire des délais inférieurs à deux mois et d'en faire parvenir le résultat à la Commission du rapport et des études du Conseil d'Etat, avec une proposition motivée de maintenir ou de supprimer les dispositions qui instituent ces exceptions au délai de droit commun de deux mois (Rapport de 1976, pp. 82-83).
5° - De prendre une disposition réglementaire selon laquelle lorsque les délais de recours contre des décisions juridictionnelles sont inférieurs à deux mois, ils ne seront opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés dans la notification (Rapport de 1976, pp. 83.).
6° - D'élaborer une disposition réglementaire permettant au juge administratif de décider que le délai de recours n'a pas couru lorsque l'intervention d'une décision implicite de rejet n'a pu être décelée du fait de l'administration (Rapport de 1976, p. 77).
Le mécanisme des recours contre les décisions implicites de rejet est généralement ignoré des administrés, sur lesquels il fait planer des menaces de forclusion non négligeables.
La disposition projetée donnerait au juge le pouvoir de décider que la forclusion n'est pas encourue ou que le requérant peut en être relevé, toutes les fois que la tardiveté du recours contre la décision implicite serait imputable au fait de l'administration.
7° - Dans le domaine dit " périfiscal " (Rapport de 1976, pp. 87-88)
- de procéder au recensement des textes relatifs à divers prélèvements obligatoires (taxes diverses, redevances, etc.) pour lesquels le renvoi au régime des contributions directes est formulé par le législateur ou l'autorité réglementaire ;
- de prendre une mesure de caractère général fixant, et harmonisant , dans ces hypothèses, les règles de procédure et de délai à suivre par les redevables qui veulent former un recours ;
- de réviser dans le même sens le décret du 24 août 1961 modifié relatif aux taxes parafiscales.
c - L'amélioration du régime des prescriptions.
Les suggestions suivantes sont présentées en ce domaine :
8° - Prendre une disposition législative établissant au profit des débiteurs des personnes publiques une prescription quadriennale comparable à celle dont bénéficient les personnes publiques en vertu de la loi du 31 décembre 1968, dans tous les cas où il n'existe pas une prescription particulière instituée par un texte (Rapport de 1976, pp. 88 à 93).
Le Médiateur n'a cessé de dénoncer le caractère inégalitaire de la situation faite à l'administré face à certaines prérogatives injustifiables de la puissance publique. Aussi insiste-t-il pour que la disposition projetée soit élaborée au plus tôt et soumise sans délai au Parlement.
9° - Élaborer une disposition législative réduisant de 10 à 4 ans le délai de prescription des titres de perception établis par les comptables de la Direction Générale des Impôts, notamment en matière de TVA et de droits indirects (Rapport de 1976, p. 92).
Il s'agit d'une de ces prescriptions particulières qui, dans notre droit, " divergent " de part et d'autre de la prescription quadriennale : la prescription en question ne paraît justifiée par aucune considération spécifique, et rien ne semble s'opposer à ce que soit instituée en ce domaine la même prescription de quatre ans que pour les créanciers d'impôts directs.
10° - Reprendre, à l'occasion de la révision en cours du Code Général des Impôts, la rédaction des textes relatifs aux délais de réclamation et de prescription (Rapport de 1976, p. 93).
11° - Instituer, par la modification des articles L 395 et L 465 du Code de la Sécurité Sociale, une prescription de deux ans à l'encontre des Caisses de Sécurité Sociale, en matière de prestations d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles, conformément à ce que ces mêmes articles imposent déjà aux ayants droit, et étendre cette règle à tous les régimes autre que le régime général (Rapport de 1976, pp. 94-95).
En ces deux matières, l'action de l'assuré - ou de la victime de ses ayants droit - se prescrit par deux ans. En revanche l'action des Caisses en répétition de l'indu se prescrit par 30 ans - délai du droit commun.
Rien ne justifie ces discordances et leur disparition a été elle aussi, demandée à plusieurs reprises par le Médiateur (notamment dans sa proposition de réforme n° STR 76-19, relative aux délais en matière de Sécurité Sociale).
Seules certaines de ces propositions ont été examinées lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement en septembre et octobre 1977 (cf. ci-après section 2).
- C'est ainsi que le Ministère de l'Economie et des Finances a accepté de réduire à 4 ans les délais de prescription existant en matière de T.V.A., droits d'enregistrement et droits indirects (proposition n° 9).
Ces dispositions, qui auront pour contrepartie un alignement des pouvoirs des comptables des Impôts sur ceux du Trésor, seront incluses dans le " code de procédure fiscale " actuellement en préparation au Ministère, et qui devait être déposé devant le Parlement au cours de sa session d'automne.
- Le même Ministère, afin de donner suite à la proposition du Conseil de réduire à 5 ans toutes les prescriptions supérieures à ce délai (cf. Rapport de 1975, p. 91 : l'idée de cette réduction figure dans le corps de l'étude du Conseil, mais n'est pas reprise dans les propositions finales), va étudier le problème des créances non fiscales, pour lesquelles la prescription trentenaire du Code Civil existe encore.
- Quant à la proposition n° 11 (alignement des délais en matière de Sécurité Sociale), elle a été amplement satisfaite à la suite des discussions qui ont porté sur une autre proposition de réforme ponctuelle celle-là, relative à la matière (cf. ci-après, section 2).
- Par ailleurs, il faut noter que la proposition n° 3 (mentions à porter sur les avis de passage relatifs aux lettres recommandées) a reçu très vite l'accord du Ministre chargé des Postes et Télécommunications ; celui-ci a fait élaborer des documents qui devraient donner toute satisfaction.
L'essentiel reste évidemment à faire. Mais il est important qu'à la réunion d'arbitrage où a été évoquée la proposition SYN 7, il ait été décidé :
- que le Premier Ministre adresserait à toutes les administrations concernées l'étude du Conseil d'Etat faite à la demande du Médiateur (cette étude est évidemment beaucoup plus explicite que la proposition de réforme SYN 7, où l'on se contentait de renvoyer à l'analyse de l'étude faite dans le rapport de 1976) ;
- que les conditions d'application des conclusions de cette étude seraient examinées au cours d'une nouvelle réunion tenue au Secrétariat Général du Gouvernement.
Que le Premier Ministre ait ainsi décidé de prendre à son compte ces très importantes questions ne peut que réjouir le Médiateur, qui était certes beaucoup moins bien armé pour le faire.
3 - Les problèmes de l'information des administrés.
Dans ses deux précédents rapports (1975, pp. 86 et suivantes, 1976, pp. 111 et suivantes), le Médiateur s'est efforcé de donner des problèmes de l'information des administrés - et, plus généralement, de la communication administrative - une vue aussi cohérente et aussi complète que possible.
Il n'y a pas, semble-t-il, à revenir sur ces considérations, théoriques certes, mais qui seules pourraient servir de base à une politique de l'information administrative de suffisante ampleur.
En ce qui concerne la propre action du Médiateur en ce domaine, le rapport de 1976 (pp. 118 à 136) mentionnait les initiatives suivantes :
a) Information des assurés sociaux sur l'accès à la retraite.
Le texte (pp. 118 à 128) présentait une analyse complète du contenu de la proposition de réforme " synergie n° 2 " consacrée à ce sujet.
La proposition de réforme en question a reçu de tous ses destinataires un accueil particulièrement favorable. Mais, comme on vient de le dire, et comme le rapport de 1976 le soulignait déjà, une concertation s'impose avec les responsables des principaux régimes de retraite : le Médiateur s'efforce de la hâter.
b) Information des ressortissants du Code des pensions civiles et militaires de retraite en ce qui concerne la majoration de pension pour enfants à laquelle ils peuvent avoir droit.
Le problème, posé dans la proposition de réforme " FIN 76-15 ", et mentionné pp. 128 et 129 du Rapport de 1976, a sensiblement évolué depuis la discussion de cette proposition lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement (ci-après, section 2). Les points suivants semblent aujourd'hui acquis :
- L'information donnée aux fonctionnaires qui n'ont pas encore pris leur retraite apparaît acceptable, sous réserve d'une nouvelle rédaction du chapitre consacré aux majorations pour enfants dans le livret remis aux agents qui vont quitter le service ;
- Quant à l'information des agents qui sont déjà à la retraite, jusqu'ici inexistante, elle sera assurée suivant des modalités à étudier, mais qui en tout état de cause devront être " légères " : donc pas d'envoi de documents volumineux, mais par exemple des " annonces " utilisant divers médias.
Le Médiateur suit, et suivra naturellement de très près la mise en oeuvre de ces décisions.
En revanche, l'attribution automatique de la majoration pour enfants - souhaitée par le Médiateur, et par le Ministre de l'Intérieur - a paru excéder les possibilités techniques de certaines administrations, et surtout réveiller les craintes que leur inspire toute simplification tant soit peu radicale...
c) Amélioration de l'information des demandeurs de permis de construire (rapport de 1976, pp. 129 et 130).
Dans une proposition de réforme (EQ 76-8) adressée au Ministre de l'Equipement, le Médiateur avait demandé que soit étudiée une nouvelle rédaction de l'accusé de réception de la demande d'un permis de construire, de manière à faire apparaître la possibilité de retrait d'un permis tacite dans les délais du recours contentieux, et à mettre le demandeur en garde contre les risques qu'il courrait à se prévaloir prématurément d'un tel permis - par exemple en commençant immédiatement ses travaux.
Le Ministère a élaboré et diffusé un nouvel imprimé à la suite de cette proposition. Mais le texte ne fait que souligner l'" intérêt ", pour le demandeur, de prendre contact avec les services de l'Equipement avant d'user de son permis tacite - ce qui paraît bien faible, car pour éviter toute équivoque, c'est une recommandation expresse qui devrait être faite à l'intéressé de prendre contact avec les services, de manière à lui rendre évidents les risques encourus.
Le Ministère a promis d'en tenir compte dans la rédaction de l'imprimé en question, qui doit être revu à brève échéance.
Plus généralement, les mesures récemment annoncées par le Ministère de l'Equipement : installation de services de " consultations administratives et juridiques ", demande simplifiée de permis de construire pour les " aménagements sommaires ", délivrance immédiate de certaines autorisations par des " services guichets "... devraient améliorer sensiblement l'information des administrés dans l'ensemble du domaine du permis de construire.
d) Amélioration de l'information des administrés en matière d'expropriation (rapport de 1976, pp. 130 à 132, relatives à la proposition de réforme " Synergie 1 ").
Les problèmes que posait l'insuffisante information des expropriés (quant au déroulement de la phase judiciaire de l'expropriation et quant au régime fiscal de l'indemnité d'expropriation) sont maintenant en passe d'être résolus, par les modifications qui vont être apportées à un certain nombre d'imprimés, mais aussi de textes. Un groupe de travail interministériel, animé par le Médiateur, a été chargé de cette tâche, qui devait être achevée à la fin de 1977.
Mais la proposition de réforme " Synergie 1 " soulevait aussi d'autres problèmes, qu'une étroite collaboration avec les départements ministériels concernés (Justice et Equipement) a permis de résoudre, si bien qu'un accord général sur le contenu de cette proposition s'est trouvé consacré lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement.
On reviendra sur l'ensemble de ces problèmes à la section 3 du présent chapitre, où le " point " sera fait sur les différentes " synergies " élaborées par le Médiateur.
4 - Le problème de l'inexécution des décisions de justice :
L'année 1977 a elle aussi apporté son lot d'affaires où était en cause l'attitude de l'Administration devant l'exécution des décisions de justice rendues contre elle.
Cependant, la lutte contre l'inexécution de ces décisions se poursuit ; de nouveaux moyens lui ont même été affectés :
a) Les intérêts moratoires
Depuis longtemps, le Conseil d'Etat a pris pour règle de sanctionner les cas les plus scandaleux d'inexécution par des dommages intérêts distincts des simples intérêts de retard. Mais, comme le fait remarquer le doyen VEDEL (" Le Monde " du 6 mai 1977), encore faut-il que cette condamnation annexe soit elle-même exécutée.
b) L'action de la " Commission du Rapport " du Conseil d'Etat.
Le décret du 30 juillet 1963 (art. 58) et celui du 28 janvier 1969 (art. 6) ont ouvert aux ministres la faculté de demander au Conseil d'Etat d'éclairer l'Administration sur les modalités d'exécution d'une décision ou d'un jugement.
Malheureusement, le nombre de ces demandes d'éclaircissement est resté jusqu'ici très faible, ce qui est d'autant plus étonnant que parmi les excuses les plus fréquemment avancées par l'Administration à propos de l'inexécution d'un jugement figure en bonne place la difficulté de choisir les mesures propres à assurer l'exécution de la sentence...
Mais l'objet principal du décret de 1963 était évidemment de permettre aux justiciables de saisir la Commission du rapport de l'inexécution des décisions de la juridiction administrative rendues à leur bénéfice.
Lorsqu'on étudie les documents émanant de cette commission, on relève deux remarques à peu près constantes :
- Les justiciables se heurteraient moins à une volonté délibérée de l'Administration de refuser l'exécution de la chose jugée, qu'à l'inertie, à la négligence, parfois à l'ignorance des services.
- L'exécution des décisions juridictionnelles présente souvent pour l'Administration de réelles difficultés.
Il n'en demeure pas moins que l'action de la Commission du Rapport s'est révélée efficace puisque, pour ne citer qu'un chiffre, 170 mesures d'exécution, sur un total de 364 réclamations, étaient intervenues entre l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1963 et le 15 septembre 1975.
c) Le pouvoir d'injonction du Médiateur.
On a vu (1re partie, A, " Bilan chiffré ") que la loi du 24 décembre 1976 avait ajouté à l'art. 11 de la loi du 3 janvier 1973 un alinéa ainsi conçu :
" (Le Médiateur) peut en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'art. 14 et publié au Journal Officiel ".
On a vu aussi que le Médiateur n'avait usé qu'une fois jusqu'ici de son pouvoir d'injonction, mais qu'il était bien décidé à la faire chaque fois que cela lui paraîtrait nécessaire.
Certes, comme le disait le rapport de 1976 (p. 29), ce n'est pas une tâche facile pour le Médiateur que l'usage de ce nouveau pouvoir. Mais on ne saurait pour autant partager le pessimisme du doyen VEDEL (loc. cit.) lorsqu'il affirme que " la résistance de l'administration à l'injonction n'a d'autre conséquence que sa mention dans un rapport spécial du Médiateur publié au Journal Officiel, qui, hélas ! en a vu bien d'autres ".
En effet, le rapport du Médiateur est publié au Journal Officiel ; mais il est aussi adressé au Président de la République et au Parlement : il paraît difficile de lui faire une publicité plus autorisée...
Sans compter la volonté du Médiateur, et l'indépendance de sa position, qui peuvent elles aussi faire leur effet, surtout si l'opinion publique en est saisie.
d) Le projet de loi sur les astreintes.
Le projet de loi soumis au Parlement sous le n° 2936 et adopté par le Sénat, comporte deux dispositions principales :
- Il permet au Conseil d'Etat, sur requête de la partie intéressée, de prononcer des astreintes à l'encontre de la personne publique qui n'exécute pas, ou n'exécute que partiellement ou tardivement, la décision d'une juridiction administrative.
Toutefois, il faut noter que le prononcé de l'astreinte n'appartient qu'au seul Conseil d'Etat. Par ailleurs, le bénéfice de l'astreinte ne profite pas dans sa totalité au justiciable lésé : la partie qui dépasse la réparation légitime de la victime ira donc à un Fonds spécial (Fonds d'action locale).
- Il rend les agents responsables du retard ou de l'inexécution, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière. Celle-ci peut prononcer des amendes équivalant au traitement annuel brut du fonctionnaire incriminé.
Comme le projet de loi n° 3229, dont il sera question à la section 2 ci-après, ce projet n'a malheureusement pu être discuté au cours de la législature qui vient de s'achever.
SECTION 2
L'action du Premier Ministre
en matière de réformes proposées par le Médiateur
1 - Comme on l'a mentionné dans la 1re partie du présent rapport (A, section 1 : Bilan chiffré), l'année 1977 a vu pour la première fois le Premier Ministre intervenir dans les modalités d'examen et la suite à donner aux propositions de réforme élaborées par le Médiateur.
Cette intervention, on l'a également signalé, a son origine dans les mesures adoptées par le Conseil des Ministres du 11 mai 1977, " en vue de permettre une exploitation des propositions de réforme faites par le Médiateur dans son rapport pour 1976 ". Dans la pratique, nombre des propositions qui ont ultérieurement été soumises à la procédure décidée par le Conseil ne figuraient pas au rapport de 1976, et beaucoup n'avaient été élaborées qu'en 1977.
Les mesures adoptées peuvent se résumer ainsi :
1. Les Ministres et Secrétaires d'Etat étaient invités à achever l'instruction des propositions de réforme avant le 15 juillet 1977 ;
2. A cette date, ils devaient adresser au Secrétariat Général du Gouvernement deux listes : celle des propositions ayant recueilli leur accord ; celle des propositions auxquelles ils ne pensaient pas pouvoir donner suite, en indiquant les motifs de leur refus ;
3. Des réunions devaient être tenues, soit pour obtenir que le Ministre principalement intéressé revienne sur une décision négative, soit pour arbitrer d'éventuels désaccords entre départements ministériels concernés par une même affaire.
4. " Afin d'en souligner la commune inspiration et d'en accroître l'impact auprès du public, les textes législatifs élaborés par le ministère compétent sur la base des propositions retenues seront regroupés dans un projet de loi unique qui pourrait être déposé devant le Parlement au cours de la session d'automne ".
La lettre par laquelle le Premier Ministre rappelait ainsi aux Ministres et Secrétaires d'Etat les décisions du Conseil du 11 mai 1977 se terminait par les deux alinéas suivants :
" Je voudrais enfin appeler votre attention sur l'intérêt qui s'attache à ce que les propositions du Médiateur reçoivent une suite et puissent ainsi contribuer à l'illustration de la politique engagée par le Gouvernement en vue d'améliorer les relations entre l'administration et le public ".
" Je vous demande en dernier lieu de veiller personnellement à ce que soit réelle et suivie la collaboration entre vos services et ceux du Médiateur, collaboration nécessaire tant à la qualité des propositions qu'à celle des réponses qui pourront y être apportées ".
Ainsi l'action réformatrice du Médiateur, " officialisée " par l'art. 9 in fine de la loi n° 76.1211 du 24 décembre 1976 complétant celle du 3 janvier 1973, a-t-elle reçu en 1977 un appui dont on ne saurait sous-estimer la portée.
D'abord parce que les propositions de réforme du Médiateur voient ainsi consacrées, et par la plus haute autorité gouvernementale, leur importance ainsi que l'urgence de leur donner suite.
Ensuite parce que des procédures ont été instituées, qui permettent leur examen exhaustif, et leur adoption ou leur rejet finals dans les meilleures conditions d'objectivité. - On peut d'ailleurs espérer que ces procédures seront reconduites au-delà de l'année 1977.
Enfin, parce qu'il est important qu'un texte unique regroupe tout ce qu'il y a de législatif dans les propositions du Médiateur : le Parlement et l'opinion ne peuvent manquer d'être frappés de cette consécration de son rôle.
2 - On a pu lire également au bilan de la 1re partie les résultats chiffrés des arbitrages rendus par le Premier Ministre.
On a appris à cette occasion qu'une vingtaine de dispositions législatives émanant du Médiateur figuraient dans le projet de loi " portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public " déposé devant l'Assemblée Nationale le 18 novembre 1977 sous le numéro 3229.
Voici une brève analyse de ces dispositions ; elles ont pour objet :
En matière de service national :
- D'assouplir les conditions d'exemption du service national des fils ou frères des militaires décédés au cours ou des suites de l'accomplissement de ce service (Art. premier et 2 du projet de loi) ;
- De permettre la validation pour la retraite des services effectués dans les armées alliées, pendant les deux grandes guerres, par des militaires étrangers naturalisés français ultérieurement, dans les mêmes conditions que pour les Français de naissance (Art. 3).
En matière de pensions militaires d'invalidité.
D'autoriser le versement de la majoration de pension de veuve de guerre, en cas de carence de la titulaire, à la personne qui assure effectivement la charge des enfants (Art. 5) ;
- D'élargir le recrutement des tribunaux des pensions, mesure législative préalable aux dispositions à prendre pour accélérer la procédure contentieuse en ce domaine (Art. 6 et 7) ;
- De permettre aux réformés militaires du contingent, bénéficiaires de l'indemnité de soins, de racheter, en recourant à l'assurance volontaire vieillesse du régime général de la Sécurité Sociale, les cotisations correspondant à la période pendant laquelle ils ont été dans l'impossibilité de travailler (Art. 8 à 11).
En matière de Sécurité Sociale.
- De mettre en symétrie les droits des organismes de Sécurité Sociale et ceux des assurés, en alignant à deux ans les délais de prescription dont les premiers disposent pour le recouvrement des prestations, et cela dans un certain nombre de domaines : assurance maladie, accidents du travail, trop-perçus en matière de prestations de vieillesse et d'allocation supplémentaire du Fonds National de Solidarité. Les nouvelles mesures sont rendues applicables au régime de la mutualité sociale agricole et au régime spécial d'assurances sociales d'Alsace-Lorraine (Art. 12 à 19) ;
- D'introduire dans le code des pensions de retraite des marins une disposition instituant le partage de la pension de réversion entre la veuve et l'ex-épouse divorcée, au prorata de la durée de chaque mariage. - Cette mesure est prise en application de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 qui a remanié la législation du divorce (Art. 20). L'application de cette loi à tous les " régimes spéciaux " - pour lesquels cette matière ne relève pas de la loi - sera poursuivie d'autre part.
En matière de travail et de main-d'oeuvre :
- De permettre au salarié licencié de refuser le paiement en une seule fois de l'indemnité de délai-congé s'il peut en résulter une surimposition à l'impôt sur le revenu du fait de la progressivité de cet impôt (Art. 24).
- Dans le même esprit, des mesures administratives ont été prises pour pallier les conséquences fiscales de la mensualisation du paiement des pensions.
En matière fiscale et financière :
- De permettre à l'administration fiscale de dégrever d'office, dans un délai (4 à 6 ans) sensiblement plus long que par le passé, les personnes qui auront été indûment imposées à la contribution foncière (Art. 25).
- D'obliger la juridiction répressive saisie d'une action tendant à la condamnation d'une personne en application de l'une des dispositions du Code Général des Impôts prévoyant des sanctions pénales, à statuer sur le prononcé et la durée de la mesure prévue à l'article 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 (Art. 26).
(Cette mesure exclut du droit d'obtenir des marchés publics les entreprises dans lesquelles une personne, condamnée en application d'une des dispositions ci-dessus mentionnées du Code des Impôts, occupe une situation de dirigeant ou d'associé).
3 - La juxtaposition d'articles concernant des sujets aussi divers peut assurément donner l'impression d'un assemblage hétéroclite de dispositions ponctuelles, sans commune mesure avec l'ampleur des difficultés auxquelles se heurtent les administrés.
Mais, en premier lieu, le Médiateur ne choisit pas ses sujets de réforme ; ils lui sont imposés par les réclamations qui lui parviennent : c'est ce qui fait la vertu concrète de son activité réformatrice, mais c'est aussi ce qui tend à en limiter l'ampleur.
Ensuite, les disparates constatées cachent une organisation. C'est ainsi que les articles du projet de loi peuvent se répartir en deux groupes :
- ceux qui répondent à la volonté du Médiateur de promouvoir l'équité, et d'abord dans la loi (articles 2 à 4, 7 à 10, 22) ;
- ceux qui constituent la première application d'un principe que le Médiateur n'a cessé de rappeler, celui de la symétrie des droits et obligations respectifs des administrations et des administrés.
On dit couramment que le droit administratif est inégalitaire par essence. Le Médiateur estime que ce principe est trop souvent appliqué abusivement : il ne peut légitimement jouer que lorsque - et dans la mesure où - l'exercice de prérogatives de puissance publique le rend nécessaire.
Il est par contre inacceptable lorsqu'il conduit à des dissymétries que rien ne justifie. C'est le cas notamment en matière de forclusions et de prescriptions.
Les articles 11 à 19 tendent à rétablir cette symétrie dans les relations des assurés avec les régimes de Sécurité Sociale. Il s'agit de mettre fin à une situation inégalitaire qui heurte à juste titre les administrés. Le Médiateur a décidé de s'attaquer à de telles situations chaque fois que les doléances qui lui sont transmises lui en montreront la survivance.
Notons toutefois qu'il peut y avoir des symétries dangereuses pour l'administré : la mesure concernant les mutations cadastrales (article 25) procède de cette constatation. En cas d'erreur d'imposition à la taxe foncière le contribuable imposé à tort ne pouvait réclamer le remboursement de l'impôt que pendant le délai de 2 ans pendant lequel l'administration pouvait exercer son " droit de reprise " sur le véritable contribuable, même si le paiement indu s'était prolongé pendant un plus grand nombre d'années. L'article 25 met fin à cette " symétrie " anormale en dissociant les deux aspects de ce problème fiscal.
Enfin les dispositions retenues dans la loi ne sont bien souvent que le couronnement d'un édifice de règles (40 décrets et arrêtés, sans compter les instructions, circulaires, etc.) dont l'ensemble seul permettra la mise en oeuvre pratique de la réforme.
C'est ainsi, par exemple, que l'article 20 étend aux veuves de marins les dispositions de la loi du 11 juillet 1975 qui stipulent que la pension se répartit entre la veuve et la ou les femmes divorcées dans certaines conditions au prorata de la durée respective de chaque mariage.
Dans ce cas, le code des pensions de retraite des marins ne pouvait être modifié que par la loi. Mais il n'est pas le seul visé, car à l'occasion de l'examen de cette proposition, il a été décidé que tous les régimes spéciaux de retraite seraient invités à modifier leurs règlements internes pour les conformer à la volonté du législateur.
Le Médiateur n'a cessé de rappeler que cette volonté doit être respectée et que, passé un certain délai, la non-application de la loi devenait inacceptable.
SECTION 3 : Les synergies
Rappelons tout d'abord ce qu'il faut entendre par " Synergies " :
Parmi les propositions de réforme faites par le Médiateur, il a été jugé nécessaire de faire une place à part à des propositions " d'objet plus ample, où sont traitées et critiquées toutes les dispositions législatives ou réglementaires - à quelque partie du droit positif qu'elles appartiennent, ainsi que tous les comportements administratifs - à quelque service qu'il faille les imputer, dont l'administré peut subir les effets convergents dans une situation donnée " (Rapport de 1976, p. 35).
Le rapport cité ajoutait : " Les propositions de ce type ont pu être appelées " synergies ", en raison du caractère coordonné de l'action qu'elles suggèrent à tous les services intéressés en vue de résoudre l'ensemble des problèmes posés - action évidemment plus efficace et cohérente que celle qui consisterait à résoudre ces problèmes isolément ".
La synergie apparaît en somme comme la réponse du Médiateur, dans son action réformatrice, à ce phénomène de " convergence " qui accumule sur la tête d'un même administré les effets de textes ou de comportements défectueux ou mal coordonnés.
Le Médiateur a jusqu'ici élaboré 7 Synergies :
N° 1 : " L'administré devant l'expropriation pour cause d'utilité publique ; quatre problèmes liés ".
N° 2 : " L'accès à la retraite et ses difficultés ".
N° 3 : " Régime de Sécurité Sociale et régime fiscal des gérants majoritaires de S.A.R.L. ".
N° 4 : " Mise en oeuvre de l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale ; examen de quelques dysharmonies subsistantes ou nouvellement introduites ".
N° 5 : " Application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit en matière de législation sociale ; six propositions de réforme ".
N° 6 : " Proratisation " en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux ".
N° 7 : " Exploitation des conclusions de l'étude menée par le Conseil d'Etat à la demande du Médiateur et relative aux problèmes soulevés par le régime des forclusions et prescriptions ".
La plupart de ces synergies ont déjà été annoncées, citées, voire commentées, au rapport de 1976 (Syn. n° 5 : pp. 15 et 57 à 63 ; Syn. n° 2 : pp. 20, 31 et 32, 118 à 128 ; Syn. n° 7 : p. 24 ; Syn. n° 4 : p. 27 et 162, 163 ; Syn. n° 6 : pp. 163, 164 ; Syn. n° 1 : pp. 38, 130 à 132, 205 à 207 ; Syn. n° 3 : note p. 38).
En ce qui concerne le présent rapport, le point a déjà été fait précédemment sur les synergies suivantes :
- Syn. n° 5 (cf. section 1 ci-avant, " problèmes soulevés par l'application abusive du principe de non rétroactivité de la règle de droit ") ;
- Syn. n° 7 (ib. " problèmes soulevés par les forclusions et prescriptions ") ;
- Syn. n° 2 (ib. " problèmes de l'information des administrés ").
En outre, il a été traité - partiellement - de la Syn. n° 1 sous la même rubrique " information " de la même section 1. Par ailleurs, les problèmes soulevés par les synergies n° 4 et 6 font l'objet d'une étude approfondie et actualisée dans la suite de la présente partie, à la rubrique relative au Ministère de la Santé et de la Sécurité Sociale (cf. infra).
Reste donc ici à compléter le commentaire de la synergie n° 1 et à faire celui de la synergie n° 3.
Synergie n° 1
Cette synergie avait pour objet, rappelons-le, d'améliorer la situation de l'administré devant certaines contraintes de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Comme on l'a dit, les mesures tendant à améliorer son information ont été commentées plus haut (Section 1, rubrique " information des administrés ") : on n'y reviendra donc pas, encore qu'elles soient essentielles.
Mais par ailleurs, le Médiateur et les départements ministériels intéressés ont mis au point un certain nombre de dispositions propres à améliorer la situation de l'exproprié sur d'autres plans, et qui, elles, nécessitaient toutes la modification des textes en vigueur :
a) Extension de délais en faveur des expropriés :
Le deuxième alinéa de l'article L. 13.2 du code de l'expropriation impose aux propriétaires et usufruitiers d'appeler et de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes, dans la huitaine qui suit la notification faite à eux par l'expropriant, en vue de la fixation des indemnités, soit de l'avis d'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, soit de l'acte déclarant cette dernière, soit de l'arrêté de cessibilité, soit de l'ordonnance d'expropriation.
Faute d'avoir été dénoncée à l'expropriant, l'une de ces personnes non connue de celui-ci et par conséquent non indemnisée peut intenter une action en dommages intérêts contre le propriétaire ou l'usufruitier.
Il importait donc d'étendre le délai imparti à ces derniers afin de mieux leur permettre de remplir leur obligation. D'où la modification suivante au code de l'expropriation, qui porte ce délai à trente jours :
" Au deuxième alinéa de l'article L. 13.2 du code de l'expropriation les mots " dans la huitaine qui suit cette notification " sont remplacés par les mots dans les trente jours qui suivent cette notification ".
b) Obligation de ventiler les indemnités fixées à l'amiable en matière d'expropriation :
Aux termes de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation, le jugement fixant les indemnités d'expropriation rendu par le juge de l'expropriation doit distinguer, notamment, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont calculées.
Cette ventilation a, entre autres avantages, celui de permettre de déterminer exactement, le cas échéant, le montant des sommes qui seront soumises à l'imposition des plus-values prévues par la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976.
N'étant pas obligatoire en matière d'accords amiables, une telle manière de faire n'est pas toujours pratiquée, aussi l'exproprié peut être imposé indûment. Sans doute la situation est régularisée ultérieurement si l'exproprié en fait la demande au service des impôts compétent, mais elle lui cause un trouble et parfois un préjudice.
Pour que cet état de choses ne se produise plus il convient de rendre applicable les dispositions de l'article L. 12.6 susvisé aux actes de cession amiable passés après déclaration d'utilité publique, aux ordonnances de donné acte de cessions amiables consenties avant la prise d'une déclaration d'utilité publique et aux traités d'adhésion à une ordonnance d'expropriation.
L'adjonction suivante au Code de l'expropriation doit permettre de réaliser cet alignement - très souhaitable - de la situation des cédants amiables sur celle des expropriés après décision de justice :
" Il est ajouté à l'article L. 13.6 du code de l'expropriation un deuxième alinéa ainsi libellé : Il en est de même pour les actes de cession amiable passés après déclaration d'utilité publique, les ordonnances de donné acte de cessions amiables consenties avant la prise d'une déclaration d'utilité publique et les traités d'adhésion à une ordonnance d'expropriation ".
c) Augmentation du délai d'appel contre les jugements des juges de l'expropriation.
Le délai de quinze jours dont disposent actuellement les expropriants et les expropriés pour interjeter appel devant la Cour d'Appel du jugement du juge de l'expropriation est trop court pour leur permettre de prendre une décision pleinement réfléchie. C'est ainsi que certains appels sont formés hâtivement à titre de mesure conservatoire et font l'objet ensuite de désistements. En portant à trente jours le délai d'appel, de telles formalités inutiles seraient évitées.
D'où la modification proposée au Code de l'expropriation :
Au deuxième alinéa de l'article L. 13.21 les mots " dans le délai de quinze jours " sont remplacés par les mots " dans le délai de trente jours ".
Ces dispositions n'ont pas été discutées lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement (ci-avant section 2), car le Ministre de l'Equipement considérait qu'elles étaient toutes d'essence réglementaire et non législative.
Le Premier Ministre a bien voulu appuyer la demande de " délégalisation " des matières touchées par ces textes présentée peu après au Conseil Constitutionnel.
Celui-ci a donné son agrément à la délégalisation proposée, sauf en ce qui concerne la modification de l'article L. 12.6 du Code de l'expropriation (extension de délais en faveur des expropriés).
C'est pourquoi les mesures analysées en b) et c) ci-dessus font l'objet de décrets en préparation, tandis que le maintien au niveau législatif de la mesure mentionnée en a) a conduit le Gouvernement à présenter un amendement tendant à l'insérer, après l'article 24, dans le projet de loi n° 3229, rassemblant les résultats des arbitrages rendus sur celles des propositions du Médiateur qui étaient de nature législative (ci-avant, section 2).
Synergie n°3
En matière sociale, les gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée sont exclus de l'affiliation au régime général de la Sécurité Sociale - alors que cette affiliation est obligatoire pour les gérants minoritaires, ainsi que pour les présidents-directeurs et les directeurs généraux des sociétés anonymes (article L. 242 du Code de la Sécurité Sociale).
En matière fiscale, alors que les gérants minoritaires de SARL jouissent du régime applicable aux bénéficiaires de traitements ou salaires, la rémunération des gérants majoritaires est imposée, entre leurs mains, au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, mais est considérée comme un élément de leur part dans les bénéfices sociaux, et placée en conséquence sous le régime applicable aux bénéfices industriels et commerciaux (article 62 du Code Général des Impôts).
La distinction faite, dans les deux législations, entre gérants minoritaires et gérants majoritaires reposait sur l'idée que les premiers pouvaient être assimilés à des salariés et les seconds considérés en fait comme leurs propres employeurs.
Mais les conséquences de cette distinction ont été, sur le plan social, assez lourdes pour avoir provoqué deux types de réactions de défense :
- chaque fois que cela a été possible, les majoritaires de fait ont organisé une minorité de droit ;
- à défaut, ils ont cherché dans la société anonyme un statut personnel de salarié, qui d'une part leur donnait l'accès au régime général de la Sécurité Sociale, le bénéfice des caisses de retraites des cadres, etc…, et d'autre part les plaçait sous un régime fiscal nettement plus avantageux (droit à la double déduction préliminaire, etc...).
Cette " fuite " devant la S.A.R.L. a provoqué en France une véritable prolifération des sociétés anonymes.
Ainsi, la réalité économique que la loi prétendait saisir lui a pratiquement échappé. Il est évident, en effet, que s'il y a environ 89 000 S.A. de plus en France qu'en République fédérale d'Allemagne, par exemple, un pourcentage très élevé de cette différence est constitué de fausses S.A., fondées pour échapper aux règles appliquées aux gérants de S.A.R.L. et à leurs conséquences sociales très lourdes.
Le but visé n'a donc pas été atteint et le législateur se trouve aujourd'hui devant une situation complètement différente des objectifs qu'il s'était fixés.
Il paraît donc, en premier lieu, souhaitable de mettre fin à une situation génératrice de distorsions et de complications inutiles.
Sur le plan économique, au moment où l'on s'efforce d'aider les P.M.E. et de favoriser le redressement du taux de natalité des entreprises, il ne paraît pas opportun de maintenir des obstacles à l'adoption des structures juridiques inventées (ou adoptées en France) en 1925 pour favoriser cet essor.
Sur le plan social, cette discrimination ne semble plus avoir de justification à une époque où se multiplient les mesures tendant à l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale et à l'extension de la Sécurité Sociale à tous les Français.
Enfin, l'évolution récente de la législation fiscale rend possible la révision des dispositions actuelles :
En effet, on peut déduire de certaines dispositions des lois de finances pour 1976 et 1977 que désormais, les rémunérations perçues par les dirigeants de sociétés quels qu'ils soient - donc aussi bien les gérants majoritaires de S.A.R.L. que les dirigeants de S.A. - sont, à la condition que ces dirigeants détiennent plus de 35 % des droits sociaux, traitées comme des salaires au-dessous d'un certain plafond, comme des bénéfices distribués au-dessus. C'est là un pas important vers l'harmonisation des situations faites aux dirigeants de sociétés par la loi fiscale.
Quand le Médiateur propose - et c'est l'objet même de la synergie étudiée - que les gérants majoritaires de S.A.R.L. soient soumis au même régime fiscal que les dirigeants de S.A., et au même régime de Sécurité Sociale que les gérants minoritaires, il a donc la conviction d'être dans le droit fil de la double évolution qui se poursuit en ce domaine : celle du droit fiscal et celle du droit social.
MINISTERE DE LA JUSTICE
I. BILAN
Pour l'année 1977, le Médiateur a été saisi de 272 réclamations, ce qui représente 7,6 % de l'ensemble des requêtes.
On peut remarquer un léger accroissement, par rapport à l'année précédente, où le nombre des dossiers traités dans le secteur Justice était de 209.
Les principales requêtes que le Médiateur a été amené à examiner concernent pour la plupart les problèmes posés par la non-exécution des jugements par l'Administration, l'aide judiciaire, ou des plaintes contre divers auxiliaires de justice et officiers ministériels (avocats, notaires, commissaires-priseurs).
Toutefois, le Médiateur observe que c'est la lenteur de la justice qui entraîne le plus de difficultés pour l'administré. Parmi les causes de cette lenteur, le recours accru à l'expertise en est une des principales et a donc attiré plus particulièrement l'attention du Médiateur cette année.
II. PROBLEMES LIES A LA LENTEUR DES EXPERTS
Le propre d'une bonne justice n'est pas seulement de dire le droit Il faut encore qu'elle le dise dans des délais convenables.
Attendre des années pour entrer en possession d'un bien qui vous revient et pour bénéficier d'un avantage qui apparaît comme dû, est de plus en plus mal accepté par les citoyens.
La justice est chère. La justice est lente.
La première de ces deux critiques devrait tomber à la suite de la loi intervenue le 30 décembre 1977. Le Médiateur croit devoir insister sur la seconde, qui repose pour une grande part sur les inconvénients du recours de plus en plus fréquents à la procédure de l'expertise.
1° Le problème de l'expertise :
Pratiquement tous les domaines de la vie courante peuvent faire l'objet de litiges susceptibles d'être soumis au juge, celui-ci intervenant aussi bien en matière de licenciement que d'expropriation, de Sécurité Sociale que d'indemnisation des victimes de guerre.
Au fur et à mesure que l'Etat social prend chaque jour davantage en charge le citoyen, où le droit, par le biais de la multiplication des réglementations, fait son entrée normale dans le quotidien, le recours à la justice devient plus fréquent. De nouveaux plaignants vont la saisir d'autant plus que l'on s'oriente vers un moindre coût de celle-ci.
Plus sollicité, le juge se heurte à de nombreux problèmes techniques auxquels le droit seul ne peut apporter de solution satisfaisante. Comment, par exemple, déterminer avec précision le taux d'invalidité d'une pension ou le degré de fragilité d'une construction ?
Devant la complexité des différends, le rôle essentiel tend à passer du juge à un auxiliaire indispensable : l'expert.
Cette situation est normale : Pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le juge a besoin d'un spécialiste, mais dans le même temps, on attend beaucoup de la justice - et donc de l'expertise - qui doit être neutre, objective, juste. Or l'expertise, elle, n'est que relative et valable à un moment technique donné. La partie qui n'est donc pas satisfaite de l'expertise la conteste d'autant plus vivement qu'elle conditionne en fait la décision finale du juge, l'expert se substituant pratiquement à lui.
Ce rôle essentiel dévolu à l'expert peut avoir des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement de la justice.
2° Les conséquences :
a) la lenteur dans l'expertise, facteur de retard dans la procédure.
Ce phénomène s'observe dans tous les domaines. Des exemples concrets vont le montrer.
- Ainsi dans une affaire mettant en cause une entreprise de construction (Affaire II. 18), la négligence et la passivité de l'expert désigné par le Conseil d'Etat a retardé considérablement la solution du litige, la Haute Assemblée ayant attendu ses conclusions pour rendre une décision.
Cinq ans ont été nécessaires aux experts pour pouvoir définir la responsabilité de l'architecte dans un litige relatif à un glissement de terrain aux conséquences meurtrières (Affaire III.2430).
En matière de liquidation et de partage de succession, les délais exigés par les experts ont entraîné des retards importants dans l'inscription des affaires aux rôles des tribunaux (un an dans l'Affaire II.771 et plus de deux ans dans une autre Affaire IV.1367).
Enfin, un expert a mis plus d'un an pour pouvoir se prononcer sur le rétablissement d'une pension militaire préalablement supprimée (Affaire I.1016).
Que ce soit en matière sociale ou médicale, dans le domaine de l'urbanisme, du bornage des propriétés ou du droit successoral, les délais exigés par une expertise tendent à devenir insupportables pour les requérants.
Cette lenteur de l'expertise existe aussi à tous les stades de la procédure juridictionnelle. Notamment avant que le juge ait rendu sa décision, il a besoin des conclusions de l'expert pour se prononcer en tout état de cause (cf. affaires précitées). Parfois, l'expertise est nécessaire pour déterminer les modalités d'application d'un premier jugement : Ainsi M.L. a intenté devant le Tribunal d'Instance une action en vue d'obtenir la vente des biens immobiliers de la succession de ses parents et le partage du produit de celle-ci. Le Tribunal, qui a conclu au partage en nature, a nommé un expert afin de déterminer les lots revenant à chaque partie appelée à la succession. L'expert a tardé à déposer son rapport et a rallongé alors les délais d'exécution du jugement (Affaire II.771 précitée).
b) Quelles sont les causes de la lenteur des expertises ci-dessus dénoncée ?
Il peut s'agir de causes purement techniques : l'expert va rencontrer des difficultés pour rassembler toutes les pièces d'un dossier, dont par exemple un avocat se désaisira tardivement et avec mauvaise volonté (Affaire 1481). Quelquefois, l'expertise en soi est complexe, longue et imbrique étroitement le droit et la technique : une enquête de sécurité à propos de bâtiments scolaires préfabriqués a demandé la collaboration de multiples experts et des opérations de contrôle très nombreuses et variées (Affaire II.104).
D'autres causes sont liées à l'expert lui-même : l'ensemble du jugement repose sur un seul expert qui se montre défaillant pour des raisons de santé (Affaire II.771 précitée) ou par simple négligence (Affaire II.18 précitée). L'expert peut aussi renoncer à sa mission pour des raisons personnelles (Affaire III.368 précitée).
Il peut arriver que l'expert soit récusé par l'une des parties elle-même (Affaire SN° 37) ou que les décisions initiales de plusieurs experts soient contestées par le requérant qui demande alors une seconde expertise - longtemps après la première d'ailleurs. Cette contestation retarde alors d'autant l'issue du procès ou la bonne exécution du jugement (Affaire II.2073).
Enfin, mentionnons la rareté des experts dans des branches techniques très spécialisées.
c) La lenteur de l'expertise provoque un préjudice certain pour les administrés :
Les exemples abondent, qui montrent les dommages causés par des expertises trop longues.
Ainsi en matière d'urbanisme, tant qu'une décision juridictionnelle définitive n'est pas intervenue, il est impossible pour Monsieur D. de construire une maison... et le même expert se contredit à un mois d'intervalle...
Tant de retard est manifestement source d'un préjudice financier pour Monsieur D. (affaire III.2073). De même les négligences de l'expert n'ont pas permis à Monsieur P. de poursuivre les travaux d'une piscine qu'il devait réparer à titre professionnel (affaire IV.333).
Dans un autre domaine, pour obtenir le versement d'une pension d'invalidité, qui conditionne la vie quotidienne d'un administré, il faut attendre les conclusions de l'expert qui en détermine le taux et le montant. Tout retard de sa part peut-être gravement préjudiciable à l'intéressé (affaire III.538 précitée).
Enfin le Médiateur croit devoir évoquer le cas douloureux de ce couple de vieillards, âgés de 80 ans, qui attendent depuis plus de deux ans le partage judiciaire d'une succession pour pouvoir, en disposant du produit de cette succession entrer en maison de retraite (affaire IV.1367 précitée).
Devant ces errements, quelle est la position du Médiateur ?
3° La position du Médiateur
Il prend note de certains progrès survenus en la matière, en particulier par le biais de deux décrets.
Le premier en date du 17 décembre 1973, entré en application le 1er février 1974, stipule que le juge civil " impartit le délai dans lequel l'expert devra donner son avis ". Ce texte témoigne d'un souci évident de contrôler la durée de l'expertise et a d'ailleurs été bien accueilli par les magistrats. Le Médiateur avait déjà attiré en son temps l'attention du Garde des Sceaux sur ce problème (Rapport 1973 p. 220).
Le second texte, un décret du 12 septembre 1974, donne en matière prud'homale les moyens de remédier aux défauts des anciennes procédures d'instruction (notamment avec le rôle assigné au bureau de conciliation qui peut ordonner toutes mesures d'instruction même d'office ...). Ces dispositions devraient permettre une meilleure pratique de l'expertise et une réduction de la durée des procédures, mais elles impliquaient le renforcement en moyens du Secrétariat des juridictions concernées.
Toutefois, il n'est pas encore possible de préciser si ces décrets ont entraîné dans les faits un raccourcissement des procédures engagées, mais il est indéniable qu'ils donnent désormais la possibilité de pallier les inconvénients dus à la lenteur des expertises.
Le Médiateur constate cependant que le nombre de réclamations dénonçant les errements en ce domaine n'a pas décru et que, pour bien des requérants, le problème demeure. Il attire donc une fois encore l'attention de l'Administration sur ce point.
Mal nécessaire, l'expertise est un phénomène qui doit être encadré
L'effort entrepris doit se poursuivre.
III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS
a) Propositions de réforme :
Une proposition de réforme émise en 1975 a fait l'objet d'un rappel auprès du Ministre. Elle concerne la réforme de la procédure du règlement judiciaire et du statut des syndics. (cf. JUS-75.8 Rapport 1976 pp 235-236).
La proposition de réforme JUS.76.5 relative à la procédure à laquelle est subordonnée la vente des véhicules accidentés, abandonnés dans des garages en Alsace-Lorraine, et toujours à l'étude dans les services (cf. Rapport 1976 pp 234-235).
Une autre proposition de réforme (FIN. 76-22) intéresse à la fois le Ministère de la Justice et le Ministère de l'Economie et des Finances et a déjà fait l'objet d'une mention dans le rapport 1976 (p. 189). Elle vise à accroître le rôle d'informateur de la Commission des Opérations de Bourse en matière de fusion, fusion-absorption ou fusion-scission de sociétés. Les entreprises concernées seraient tenues de fournir de plus grandes précisions à leurs actionnaires lors de ces opérations sous le contrôle de la Commission.
b) Recommandations, Injonctions :
Au titre du Ministère de la Justice, le Médiateur n'a pas eu recours à ces procédures cette année.
IV. CONCLUSION
Le Médiateur se félicite de ses rapports avec le Ministère de la Justice. Cette Administration fait preuve d'une grande compréhension dans l'examen de cas souvent complexes et délicats qui lui sont soumis, notamment sur le plan humain.
Bien que plus que toute autre tenue par le respect strict du droit, ses réponses n'en révèlent pas moins un souci réel d'équité.
MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
I. BILAN
En 1977, le Médiateur a été saisi de 62 réclamations qui représentent 1,7 % de l'ensemble des requêtes reçues en ce domaine.
On peut signaler une légère diminution des dossiers par rapport à l'année précédente (67 réclamations avaient été examinées en 1976).
Les affaires instruites dans ce domaine par le Médiateur sont peu nombreuses mais très variées et concernent aussi bien des problèmes d'ordre social comme la prise en compte pour la retraite d'activités exercées en Allemagne par un travailleur français ou d'ordre historique comme la demande de remboursement d'emprunts russes.
Mais le Médiateur s'est étonné du nombre de dossiers relatifs à la protection matérielle et individuelle des français à l'étranger : contrats rompus unilatéralement, indemnités diverses non versées aux coopérants, nationalisation de biens. C'est pourquoi il a cru devoir attirer plus particulièrement l'attention du Département sur l'importance de cette question.
II. LES PROBLEMES POSES PAR LA PROTECTION DES FRANCAIS A L'ETRANGER
L'expansion économique de la France à l'étranger (expansion que de multiples interventions publiques visent à favoriser) suppose la présence de nombreux français à l'étranger.
Le développement et la coopération culturelle et technique impliquent également une politique de détachement et d'expatriation.
Or, force est de constater ce paradoxe, que les conditions juridiques et sociales de cette double politique ne sont pas réunies.
1° Les difficultés rencontrées :
- Sur le plan contractuel en particulier, il est souvent difficile pour des français expatriés ou ayant résidé outre-mer de se voir régler des sommes parfois importantes dont l'Etat d'accueil est débiteur à leur égard.
Ainsi dans l'affaire III.719, le requérant, coopérant technique en Algérie pendant huit ans, se plaint de ne pouvoir obtenir le paiement de la " part algérienne " des rémunérations qui lui sont dues pour une période de six mois. Les démarches répétées effectuées auprès des autorités locales sont restées vaines.
Il arrive également que des Français ayant exercé une activité hors de France se heurtent à l'inertie ou au refus des pouvoirs publics étrangers lorsqu'il s'agit de préjudices qu'ils ont subi au cours de leurs séjours : Madame G. (affaire III.2085) ne parvient pas à se faire verser la totalité d'une indemnité qui lui était due par l'Etat Cubain, à la suite de l'appropriation par celui-ci de biens appartenant à la famille de la réclamante.
On ne peut passer sous silence les difficultés rencontrées par les français cherchant à faire valider les droits à la retraite qu'ils ont acquis auprès d'organismes étrangers auxquels l'Etat français a donné sa garantie, qu'il s'agisse de services concédés (cheminots de Tunisie - IV.2316 / Electricité et Gaz d'Algérie III.1481) ou de caisses de retraites locales (Algérie IV.1956, Maroc IV.2788, Tunisie IV.1391).