SECTION 2
Les progrès de la politique de réformes du Médiateur
1. Les procédures
Il est bon de rappeler suivant quelles voies une proposition de réforme élaborée par le Médiateur peut, après aménagements éventuels, se trouver concrétisée dans un texte législatif ou réglementaire, selon la procédure instituée par le Conseil des Ministres du 11 mai 1977 (cf. rapport du Médiateur pour cette année, pp. 56 et suivantes).
1. Propositions ayant obtenu l'accord des départements ministériels concernés.
Elles forment la première liste adressée au Secrétariat général du Gouvernement en application des instructions données par le Premier Ministre en 1977.
2. Propositions soumises à l'arbitrage du Premier Ministre.
Ce sont évidemment celles sur lesquelles le Médiateur n'avait pu obtenir l'accord des services, et qui constituent la seconde liste prévue par les instructions susvisées.
3. Propositions, ou parties de propositions, tendant à la modification de dispositions législatives.
Qu'elles figurent sur la première liste, ou que, portées sur la seconde, elles aient fait, après discussion, l'objet d'un arbitrage favorable du Premier Ministre, ces propositions sont, dans le cas général, regroupées dans un projet de loi " global ", analogue à celui qui est devenu la loi du 17 juillet 1978 déjà citée.
Il faut souligner, à propos de cette procédure d'arbitrage et de projets " globaux " :
- que le Premier Ministre a accepté que chaque année, se tiennent deux sessions d'arbitrage, et soit déposé un projet de loi global ;
- que les lois de ce type seront désormais limitées aux propositions retenues du Médiateur et aux mesures législatives de simplification administrative, et peut-être même aux premières.
Dans sa réponse à la question orale de M. Schiele, mentionnée à la section 1 ci-avant, le représentant du Premier Ministre a en effet déclaré qu'il croyait à l'utilité de la procédure déjà employée, " mais à la condition que les parlementaires ne présentent que des amendements entrant dans le cadre des propositions du Médiateur ".
Il y a donc tout lieu d'espérer que la prochaine loi " globale " se bornera à donner la sanction du Parlement aux propositions de réforme du Médiateur.
Certes, même ainsi restreint dans sa portée, un tel texte pourra encore, comme il a été noté au rapport de 1977 (p. 59), donner une impression de disparate au lecteur non averti. A cette critique, le Médiateur ne peut que faire la même réponse : en premier lieu, ce n'est pas lui qui choisit ses sujets de réforme, qui peuvent donc toucher des secteurs très divers de la législation ; ensuite, quelque divers qu'ils soient, ces sujets se rattachent tous à l'un ou l'autre des deux thèmes principaux qui orientent l'activité réformatrice du Médiateur : promouvoir l'équité, appliquer le principe de la symétrie des droits et obligations respectifs de l'Administration et des administrés (rapport de 1977, p. 59).
4. Exception : propositions de réforme d'ordre législatif ne figurant pas dans le projet de loi global.
Il arrive que certaines propositions de l'espèce visent à la modification d'une législation tellement spécifique qu'elles aient leur place toute naturelle dans le cadre de cette législation, surtout si celle-ci est en cours de remaniement : il en a été ainsi des suggestions contenues dans la proposition n° FIN 77-35, qui ont été intégrées dans le projet de réforme de la loi sur l'actionnariat dans les entreprises.
Il peut arriver aussi que des propositions soient reprises dans une loi de finances : cela a été le cas pour la proposition FIN 76-24 (tendant à l'allongement du délai de demande de révision d'une pension en cas d'erreur de droit) et la proposition FIN 78-37 (qui demandait l'égalité du traitement fiscal des rentes viagères quelqu'en soit le montant). Ces deux propositions ont été satisfaites, la première par la loi 77-574 du 7 juin 1977 et la seconde par la loi de Finances pour 1979 (article 3).
5. Propositions, ou parties de propositions, suggérant la modification des dispositions réglementaires.
Ces propositions figurent elles aussi sur les listes adressées au Secrétariat général du Gouvernement. Elles n'échappent donc pas à l'attention des services du Premier Ministre.
Mention spéciale doit cependant être fait des mesures réglementaires qui doivent assurer la mise en oeuvre des propositions de réforme d'ordre législatif soumises au Premier Ministre, notamment après arbitrage : ses services suivent leur élaboration avec une attention particulière, apportant ainsi au Médiateur un appui efficace.
On peut dire en conclusion que toute la procédure d'examen et de concrétisation des propositions de réforme du Médiateur se trouve désormais placée, plus ou moins directement, sous l'autorité coordonnatrice du chef du Gouvernement.
2. Les résultats
Le bilan d'ensemble de l'action réformatrice du Médiateur a été donné dans la première partie de ce rapport.
Par ailleurs, une analyse des propositions les plus récemment élaborées sera trouvée ci-après, sous la rubrique du département ministériel qu'elles concernent plus particulièrement.
On se bornera donc à regrouper ici les résultats les plus importants qui ont marqué l'année 1978 dans le domaine étudié.
1. La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (dans le texte de cette loi, les dispositions concrétisant des propositions de réforme du Médiateur figurent en caractères italiques)
a) L'analyse des dispositions émanant du Médiateur qui figuraient dans le projet de cette loi a été donnée au rapport de 1977, pp. 57 à 59.
Le législateur n'ayant apporté que peu de modifications aux articles correspondants, il a semblé inutile de reprendre ici cette analyse in extenso.
Il est bon cependant de souligner l'importance de certaines des dispositions finalement adoptées :
- Les articles 26 à 32, 33, III à 37 de la loi organisent la symétrie des droits et obligations des organismes de Sécurité Sociale et des assurés, en alignant les délais dont les premiers disposent pour recouvrer des prestations indûment payées, sur les délais impartis aux seconds, à peine de prescription, pour obtenir le paiement des prestations qui leur sont dues.
Dès les débuts de l'institution, le Médiateur avait été frappé par le fait que, dans certaines matières, un organisme de Sécurité Sociale pouvait bénéficier du délai de trente ans fixé au Code civil pour exercer l'action en répétition de l'indu, alors que dans les mêmes matières, le droit de l'assuré au versement des prestations auxquelles il pouvait prétendre se prescrivait par deux ans.
Il y avait là un déséquilibre, une iniquité inadmissible, qui se sont retrouvés dans un grand nombre de situations soumises depuis lors au Médiateur.
C'est donc un résultat considérable, qu'au moins dans le domaine de la Sécurité Sociale, celui-ci ait obtenu du législateur la sanction de ce principe d'égalité des droits et obligations de l'administré dont il entend poursuivre la reconnaissance et la mise en oeuvre dans toutes les matières où sa méconnaissance entraîne des iniquités injustifiables (rappelons que l'un des buts de la proposition SYN n° 7 est d'étendre ce principe à toute la matière des forclusions et prescriptions).
Certes, le droit administratif est classiquement considéré comme inégalitaire " par principe ".
Mais si la situation inférieure faite à l'administré peut se justifier lorsque sont en jeu les prérogatives de la puissance publique, on chercherait en vain cette justification dans le cas contraire : en quoi l'autorité de l'Etat ou de son administration peut-elle bien être concernée - sauf exceptions rarissimes - par l'octroi à l'administré de délais égaux à ceux dont disposent les services publics pour intenter une action ou faire un acte ayant même objet ? Il est consternant d'entendre certains administrateurs plaider quand même pour l'inégalité, " parce que l'administration a besoin de plus de temps ", ou tout simplement " parce que c'est l'administration "...
Ce n'est pas le seul exemple - on l'a vu à propos du principe de non-rétroactivité de la règle de droit - d'extension illégitime d'un principe de droit hors de son domaine naturel, alors que sitôt franchies les limites de ce domaine, il devrait cesser d'exister, ou même, comme dans le cas ici étudié, être remplacé par son contraire.
Certes, le Médiateur ne prétend pas figurer parmi les sources du droit. Mais il est bien obligé de faire métier de juriste lorsqu'il voit l'équité, et même la logique, bafouées par de tels " glissements ".
- Une autre disposition particulièrement intéressante est l'article 54 de la loi, relatif aux dégrèvements de taxes foncières indûment établies.
On sait (cf. rapport de 1977, pp. 59-60) que jusqu'alors, en cas d'erreur d'imposition à la taxe foncière, le contribuable imposé à tort ne pouvait réclamer le remboursement de l'impôt que dans le même délai de deux ans pendant lequel l'administration pouvait exercer son " droit de reprise " sur le véritable redevable, même si le paiement indu s'était prolongé pendant un grand nombre d'années.
Quoique confirmé par la jurisprudence, ce " couplage " de deux délais n'ayant ni même objet, ni mêmes sujets... n'était pas seulement contraire à l'équité, mais aussi à la simple logique : il est particulièrement satisfaisant pour le Médiateur de l'avoir fait légalement disparaître.
- Autre anomalie corrigée par le texte : les bénéficiaires de l'indemnité de soins aux tuberculeux prévue à l'article 41 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - c'est-à-dire essentiellement les réformés militaires atteints de cette affection pendant leur service - ne pouvaient cotiser au régime de l'assurance-vieillesse pour la période correspondant au service de cette indemnité, au motif qu'ils n'avaient exercé, pendant cette période, aucune activité professionnelle... ce qui leur était d'ailleurs interdit...
Ainsi leur employeur - l'Etat - en même temps qu'il les empêchait de travailler, les privait d'une part de leurs droits à une pension de vieillesse...
Les articles 22 à 25 de la loi ont mis fin à cette absurdité - encore que les intéressés ne bénéficient désormais que de la faculté de racheter les cotisations correspondantes. Il semble qu'on aurait pu aller, sans excès de générosité, jusqu'à une validation gratuite de services.
L'article 24 soulève d'ailleurs un autre problème, qui sera examiné ci-après.
Ces deux derniers exemples montrent qu'en combattant pour l'équité, il arrive au Médiateur de combattre aussi pour la simple logique. D'une manière générale, il apparaît que son action sur le droit positif peut être ample et profonde et que l'aspect disparate de la loi ne doit pas masquer la philosophie qui la sous-tend.
b) Il va de soi que le Premier Ministre et le Médiateur se préoccupent de l'élaboration, par les départements ministériels concernés, de l'ensemble des textes d'ordre réglementaire qui doivent permettre la mise en application pratique de la loi.
Cette élaboration semble malheureusement devoir être assez longue. Ainsi la loi a prévu un certain nombre de décrets d'application ; or, à ce jour, un seulement (article 30) est au Conseil d'Etat pour examen ; un deuxième (article 56) doit lui être transmis prochainement ; les autres sont en cours de préparation, sans qu'on puisse à l'heure actuelle fixer de terme à leur mise au point.
Il en est de même pour les nombreux textes de rang inférieur au décret (arrêtés, circulaires...) qui doivent compléter l'édifice.
c) Par ailleurs, l'article 24 de la loi (cf. ci-dessus a, troisième exemple) n'a pas satisfait le Médiateur.
En effet, cet article impose aux anciens bénéficiaires de l'indemnité de soins aux tuberculeux, non seulement de racheter leurs cotisations, comme il a été dit, mais encore de le faire dans les deux ans de la cessation du service de cette indemnité, ou, s'agissant de situations anciennes, de la date de promulgation de la loi.
Or cette stipulation vient s'ajouter à toute une série de dispositions semblables, éparses dans diverses législations et réglementations, dont le Médiateur a pu constater à la fois l'iniquité et l'inutilité (notamment à l'occasion des effets constatés d'un décret du 20 décembre 1931, instituant la coordination entre le régime des fonctionnaires et le régime général de l'assurance-vieillesse).
De tels délais sont iniques, car ils sanctionnent d'avance un défaut d'information ou un oubli - alors que, comme l'expérience quotidienne du Médiateur le démontre, c'est généralement au moment de la retraite que les assurés découvrent les lacunes ou les discontinuités des annuités validées.
Ils sont également inutiles, puisque les caisses de retraite des régimes de base pratiquent couramment les rachats et validations prévus par l'actuelle réglementation. Même le délai fixé par le décret susvisé de 1931 a disparu en 1950, à la suite de la publication d'un texte permettant une validation automatique de services.
C'est pour tarir définitivement toutes ces sources d'iniquités que le Médiateur a élaboré, sous le numéro FIN 78-44, une proposition de réforme tendant à l'abrogation de tous les délais imposés, à peine de forclusion, pour obtenir le rachat de cotisations ou la validation gratuite de services faits. Désormais, la demande de rachat ou de validation serait possible jusqu'à la date de liquidation des droits à pension. En outre, les victimes d'une forclusion encourue dans le passé pourraient obtenir la révision de leur pension, pour tenir compte de la durée d'activité correspondant à des cotisations versées sans contrepartie.
C'est, en effet, le problème des " cotisations perdues " qui se pose ici, et le Médiateur ne peut admettre qu'il continue d'être traité de façon aussi inique, pour ne pas dire malhonnête. Passe encore de forcer des assurés au rachat de cotisations d'employeur qu'ils n'auraient pas dû payer à l'époque, mais laisser définitivement sans contrepartie des cotisations déjà versées et correspondant à des services faits, c'est permettre l'enrichissement sans cause d'un régime de Sécurité Sociale, par une amputation indue de la " carrière validable ".
A ce propos, s'il est un principe d'équité qui, aux yeux du Médiateur, devrait gouverner la matière, c'est celui en vertu duquel " carrière validable " et " carrière effective " devraient en toutes circonstances coïncider.
Cela impliquerait, non seulement qu'aucune cotisation ne puisse plus être perdue, mais encore qu'aucune période de services effectifs ne puisse plus être neutralisée, comme cela se produit lorsque l'assuré a été remboursé des cotisations correspondantes.
2. Les prochaines sessions d'examen et d'arbitrage des propositions de réforme
Comme il a été dit au I ci-avant, la procédure d'examen et d'arbitrage par le Premier Ministre des propositions de réforme du Médiateur se poursuivra en 1979.
Une session est prévue pour le printemps de cette année, où seront notamment réexaminées un certain nombre de propositions demeurées en cours de discussion.
Les propositions de nature législative qui seraient retenues nourriraient naturellement le projet de loi global de 1979.
3. Etat actuel des " Synergies "
Comme dans le rapport de 1977 (p. 60 et suivantes), une place à part doit être faite à ce type particulier de propositions de réforme, d'objet plus ample et plus complexe que celui des propositions dites " ponctuelles ", et qui concernent généralement un groupe important de départements ministériels.
Synergie n°1
" L'administré devant l'expropriation pour cause d'utilité publique ; quatre problèmes liés ". (cf. rapport de 1976, pp. 130 à 132, 205 à 207 ; rapport de 1977, pp. 53-54, 61 à 63).
La mise en oeuvre de cette synergie peut maintenant être considérée comme terminée :
- par le vote de l'article 58 de la loi du 17 juillet 1978 ;
- par l'adoption des textes réglementaires appropriés ;
- par la mise au point d'un " guide de l'expropriation " et d'un " mémento de l'exproprié ". (Leur édition devrait intervenir dans les prochains mois).
Synergie n°2
" L'accès à la retraite et ses difficultés ". (cf rapport de 1976, pp. 118 à 128).
Bien qu'elle n'ait suscité aucune critique, cette proposition nécessite une concertation avec tous les organismes intéressés, qui, pour des raisons matérielles, n'a pu être encore organisée.
Synergie n°3
" Régime de Sécurité Sociale et régime fiscal des gérants majoritaires de S.A.R.L. ". (cf. rapport de 1977, pp. 64-65).
Sur le plan fiscal, le Médiateur a obtenu que la situation de ceux des intéressés qui sont chefs d'entreprise soit revue dans le cadre d'une éventuelle révision du régime d'imposition des dirigeants d'entreprise.
Sur le plan de la Sécurité Sociale, les discussions continuent.
Synergie n°4
" Mise en oeuvre de l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale ". (cf. rapport de 1976, pp. 162-163 ; rapport de 1977, pp. 147 à 166).
Les suggestions contenues dans cette synergie sont, dans l'ensemble, trop coûteuses pour qu'il puisse y être donné suite dans l'état actuel du budget de la Sécurité Sociale.
Le Médiateur en a cependant extrait une proposition de réforme " ponctuelle " (n° STR 78-38) qui tend à assurer l'harmonisation entre les régimes en matière d'invalidité et de décès.
L'inexistence de cette harmonisation entraîne en effet des situations iniques, en matière d'invalidité, lors du passage d'un assuré d'un régime à l'autre. De telles situations, déjà dénoncées par le Médiateur dans ses précédents rapports (cf. notamment rapport de 1976, p. 103) ne sauraient être plus longtemps tolérées.
Synergie n°5
" Application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit en matière de législation sociale ". (cf. rapport de 1976, pp. 57 à 63 ; rapport de 1977, pp. 45-46).
L'application de cette synergie, qui tendait à résoudre, dans un domaine limité, le problème d'ensemble étudié à la Section 1 précédente, se heurte, elle aussi, à des obstacles financiers. Elle a d'ailleurs été évoquée, sans succès, dans la question orale de M. Schiele mentionnée ci-avant.
Synergie n°6
" Proratisation en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux ". (cf. rapport de 1975, pp. 110 à 112 ; rapport de 1976, pp. 163-164 ; rapport de 1977, pp. 155 à 158).
Cette proposition a pour but de régler la situation des personnes qui, ayant travaillé dans une entreprise soumise à un régime spécial de retraites, ont quitté cette entreprise avant d'avoir accompli le minimum de services requis pour avoir droit à la pension de vieillesse dudit régime - pension qui représente un avantage au moins égal à la somme, dans le régime général des salariés, de la pension de vieillesse et de la retraite complémentaire.
Or, il existe une coordination entre régimes qui permet, au profit de ces personnes, la prise en charge par le régime général d'une fraction de pension correspondant au temps passé dans l'entreprise, et assise sur la part de la cotisation globale équivalant à la cotisation requise pour la constitution de la pension de vieillesse dans le régime général. Mais cette coordination ne s'étend pas au droit à la retraite complémentaire qui pourrait naître de la prise en compte du surplus de cotisation versé.
On retrouve donc ici le problème des cotisations perdues ; pour tenter de le régler dans les cas de l'espèce, le Médiateur avait proposé deux solutions :
La proratisation " interne " aurait conduit à la prise en charge par le régime spécial, au prorata du temps passé dans l'entreprise, d'une pension globale correspondant à la cotisation globale versée par l'assujetti. Mais, outre qu'une fraction de cette pension peut déjà être prise en charge par le régime général, cela eût entraîné la disparition du minimum de services requis pour la constitution du droit à pension dans les régimes spéciaux, minimum qu'il semble indispensable de maintenir, ne serait-ce que pour éviter les évasions précoces du service, particulièrement préjudiciables à une bonne gestion dans les entreprises publiques concernées.
Après discussions, le Premier Ministre a finalement rendu son arbitrage en faveur de la seconde solution avancée par le Médiateur : la proratisation " à l'extérieur " du régime spécial.
Dans cette formule, le complément de pension est pris en charge par un organisme de retraites complémentaires, " extérieur " à ce régime. Ainsi l'assujetti à un régime spécial qui n'a pas atteint le minimum de services requis serait-il affilié au régime spécial de la Sécurité Sociale pour sa pension de base, à un organisme ad hoc pour sa pension complémentaire.
Il ne reste plus qu'à mettre en pratique la solution ainsi retenue.
On ne citera que pour mémoire la Synergie n° 7 relative aux problèmes soulevés par le régime des forclusions et prescriptions (cf. ci-avant : " Une proposition pour l'avenir " et la section 1 du présent chapitre).
MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
I. BILAN
En 1978, le Médiateur constate une baisse très sensible des dossiers (22 affaires soit 0,5 % de l'ensemble) par rapport aux années précédentes (62 réclamations en 1977). Elle est peut-être imputable aux difficultés rencontrées par les requérants pour faire aboutir des réclamations qui mettent en jeu des rapports internationaux.
L'accent peut être mis encore en 1978 sur les problèmes matériels des Français séjournant hors de la métropole : transferts de fonds nécessitant des délais excessifs, rentes et indemnités diverses bloquées à l'étranger. Quelques réclamations présentent par contre un caractère plus politique et concernent la situation des réfugiés apatrides ou le droit d'asile.
Toutefois, c'est une affaire bien particulière qui a retenu cette année l'attention du Médiateur. Particulière dans la mesure où elle est ancienne (les faits litigieux remontent à 1946) et où en raison de sa complexité, elle n'a jamais pu trouver de solution satisfaisante. C'est pourquoi le Médiateur s'y est attaché. Elle concerne le problème de l'indemnisation des employés des anciennes concessions françaises en Chine.
II. INDEMNISATION DES EMPLOYES DES ANCIENNES CONCESSIONS FRANCAISES EN CHINE
La seconde guerre mondiale a sonné le glas des empires coloniaux occidentaux.
Avant même le renoncement définitif au rêve impérial dans les années 60, la France se voyait contrainte d'abandonner ses anciennes possessions chinoises.
La fin de la présence française en Chine devait soulever pour les Français alors rapatriés des problèmes graves, tant sur le plan humain (réinstallation en métropole, réadaptation) que matériel (indemnisation des biens perdus).
A. Le problème posé.
1° - Sur le plan historique.
Avant 1945, la France possédait des concessions en Chine : Shangaï, Tien-Tsin, Hankéou.
Dans ces concessions avaient été créées des " municipalités ", personnes morales de droit privé, chargées en quelque sorte à l'instar des consulats, de l'administration et de la défense des intérêts des ressortissants français en Chine.
Leurs agents étaient des personnes privées liées à elles par un contrat de travail.
En 1946, par le traité de Tchong King, la France rétrocéda à la Chine les trois concessions.
Les conséquences pour les ressortissants français, employés des concessions, furent souvent très lourdes : pertes de biens immobiliers, perte d'emploi, difficultés de reclassement et de réinsertion en métropole. En outre, il s'agissait de régler définitivement leur situation administrative.
2° - Sur le plan juridique.
Un triple but devait être poursuivi : il convenait d'indemniser les personnes dépossédées, de leur permettre de faire valoir leurs droits à la retraite et enfin de favoriser leur accueil en métropole.
Jusqu'en 1961, aucun moyen juridique n'était prévu pour indemniser et réinsérer dans la communauté nationale les Français rapatriés.
Or, à partir de 1961, deux textes législatifs ont été adoptés, qui semblaient susceptibles d'être invoqués à l'appui des demandes d'indemnisation des intéressés.
- La loi du 26 décembre 1961 concernait l'accueil et la réinstallation des Français d'Outre-Mer.
- La loi du 15 juillet 1970 prévoyait une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.
Le bénéfice de la première de ces lois était réservé aux Français qui ont dû quitter, par suite d'événements politiques, un territoire jouissant du même statut juridique que celui fixé pour l'application de la loi du 15 juillet 1970.
Or, au regard du droit international, et selon un avis de la section de l'Intérieur du Conseil d'Etat (27 mai 1971), les concessions chinoises n'étaient soumises ni à la souveraineté française, ni à la tutelle ou au protectorat de la France.
Dès lors, ces textes, outre le fait qu'ils ne revêtent aucun caractère rétroactif, ne peuvent s'appliquer aux anciens personnels des concessions.
Par ailleurs, l'Administration estimait qu'une telle extension des deux lois serait dangereuse, car elle créerait un précédent entraînant de lourdes charges financières, et difficile : il s'agit d'évaluer des biens trente ans après le départ des Français.
B. La position du Médiateur.
1° - Des prises de position divergentes.
Le premier objectif du Médiateur a été de tenter de rapprocher des points de vue apparemment difficilement conciliables.
D'une part, les requérants souhaitaient :
- L'extension de la loi de 1970 à leur propre cas.
- La validation sur le plan de la retraite des années passées au service des municipalités.
- Leur reclassement a des grades équivalents.
- Six mois de solde pour perte d'emploi.
D'autre part, l'Administration estime que les municipalités sont des organismes privés, dont les agents bénéficiaient de garanties financières propres.
Ainsi avait été mis en place un fonds de garantie et de rapatriement.
Ce fonds avait été constitué avant l'installation des autorités chinoises pour pallier un éventuel refus des Gouvernements chinois successifs de prendre en charge les obligations découlant du passif des Municipalités. Il provenait de la vente de biens municipaux et aurait dû permettre de résoudre les problèmes rencontrés par les agents au moment de leur rapatriement en France.
En outre, l'Administration fait valoir que l'Etat français n'agit que comme un simple intermédiaire entre le Gouvernement chinois et les anciens employés des concessions. Il n'est obligé à aucune prestation vis-à-vis de ceux-ci jusqu'à ce que le Gouvernement de Chine ait fait lui-même face à ses obligations.
Enfin, le Gouvernement français avait déjà, en 1946, dans un souci d'équité, accordé aux réclamants quelques mesures dont les principales sont la gratuité du rapatriement, une gratification de fin de service, une allocation spéciale.
2° - La démarche du Médiateur.
Celui-ci s'est trouvé confronté à une situation délicate :
- La position de l'Administration française est justifiée sur le plan du droit - l'Etat français n'a pas à se substituer à la municipalité, collectivité privée - et en partie sur le plan de l'équité, puisqu'un effort appréciable a été fait pour aider les employés lésés.
- Les revendications des intéressés sont le reflet d'une juste amertume due à leur spoliation. En plus, des éléments de cette affaire leur paraissent douteux : ainsi le solde du fonds de garantie précité a été reversé au Trésor en 1946 et n'a jamais reçu de liquidateur.
Le Médiateur ne pouvait, en tout état de cause, clore le dossier. Il a donc effectué une ultime démarche auprès du Ministère des Affaires Etrangères.
Celle-ci s'est révélée fructueuse, puisque l'Administration a reconnu que certaines doléances étaient légitimes, notamment en ce qui concerne :
- le rappel d'une partie de leur solde de 1945 ;
- le rappel de six mois de solde pour perte d'emploi sans reclassement.
Deux problèmes restent cependant en suspens et font l'objet de négociations serrées : la disparition surprenante du fonds de garantie et le rachat éventuel de cotisations sociales auprès du régime général de la Sécurité Sociale qui, à l'époque (en 1946), aurait permis de satisfaire la plus grande partie des revendications des agents des municipalités désireux d'augmenter leur retraite.
Cette affaire souligne combien le Médiateur est soucieux de réunir tous les éléments lui permettant d'apprécier la portée d'un éventuel préjudice causé à nos concitoyens. En trente ans, en dépit d'interventions de type traditionnel, aucun progrès n'avait été réalisé dans l'instruction d'un dossier voué à être clos le plus rapidement possible. Or, le Médiateur a réussi à rendre l'Administration " partie prenante " dans une affaire à laquelle elle s'estimait étrangère.
Et demain, si les derniers obstacles à une solution définitive ne sont que d'ordre financier, alors pourquoi le fonds d'indemnisation proposé par le Médiateur voici un an ne pourrait-il permettre de résoudre enfin ce dossier très délicat ?
III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS
Cette année encore, aucune proposition de réforme, aucune recommandation ni injonction n'a été adressé au Ministère des Affaires Etrangères.
IV. CONCLUSION
Le Médiateur remarque une nouvelle fois que l'instruction des dossiers auprès du Ministère des Affaires Etrangères nécessite des délais sensiblement plus longs que dans les autres secteurs.
Cependant, il est conscient qu'il s'agit de réclamations plus complexes dans la mesure où elles impliquent pour leur solution l'accord d'Etats étrangers.
Il en résulte que les succès obtenus par le Médiateur auprès des Affaires Etrangères sont moins nombreux qu'auprès d'autres administrations.
Le Médiateur se félicite d'autant plus des progrès accomplis dans des domaines certes limités mais importants, comme celui de l'affaire des concessions françaises en Chine ci-dessus analysée.
MINISTERE DE L'AGRICULTURE
I. BILAN
En 1978, 84 réclamations relevaient du Ministère de l'Agriculture (2,1 % du total).
Comme précédemment, certaines affaires étaient liées à des opérations de remembrement. Elles n'ont rien ajouté aux constatations déjà faites en ce domaine par le Médiateur (cf. Rapport de 1977 pp. 129 et suivantes).
Plusieurs réclamations ont mis en cause des SAFER, et notamment l'attitude de ces organismes dans l'exercice de leur droit de préemption (affaires III 2907, IV 643, IV 2007). Il semble que ce droit soit souvent mal compris des administrés.
Les autres réclamations visaient à l'obtention de certaines aides : indemnité viagère de départ ainsi que son complément, primes exceptionnelles destinées à indemniser des calamités agricoles...
Enfin, il faut signaler cette année encore, les lenteurs apportées par l'O.N.I.V.I.T. à régler aux sociétés importatrices de vins communautaires le montant des droits compensatoires auxquels elles peuvent prétendre (voir à cet égard le rapport de 1977 p. 134). Alors que l'on pouvait penser le problème général définitivement réglé, de nouveaux retards sont apparus lors du règlement des sommes dues (affaires IV 631 et IV 3056).
Comme on peut le constater, les thèmes ne varient guère d'une année sur l'autre. Les diverses réclamations soumises au Médiateur n'ont pas permis de dégager pour ce rapport un problème particulièrement significatif. Quelques dossiers méritent cependant d'être analysés.
II. QUELQUES AFFAIRES PARTICULIERES
- Refus d'une commission départementale de remembrement d'exécuter le jugement d'un tribunal administratif annulant un plan de remembrement : (affaire III 506).
L'intéressé, s'estimant lésé par les opérations de remembrement décidées par sa commune, avait d'abord tenté, mais vainement, d'obtenir à l'amiable une rectification du plan arrêté. Devant le refus des services concernés, il s'était adressé au tribunal administratif qui avait annulé le plan contesté. A la suite de ce jugement, la commission départementale de remembrement avait pris de nouvelles décisions, mais celles-ci, ne pouvant être considérées comme constituant une exécution satisfaisante de la décision du tribunal, avaient également été annulées.
Finalement, après dix années de démarches pour obtenir satisfaction, et désespérant de vaincre la " mauvaise foi " de la commission, l'intéressé a saisi le Médiateur.
Celui-ci a obtenu que le requérant soit convoqué à la prochaine séance de la commission qui examinera différentes affaires dont la sienne.
- Conditions d'octroi de prêt : (affaire III 422).
La requérante, société civile agricole, contestait l'interprétation, faite par la Caisse nationale de crédit agricole, du décret du 4 janvier 1973 relatif aux prêts spéciaux d'élevage accordés aux agriculteurs, dans la mesure où cette interprétation avait pour conséquence de réserver le bénéfice de ces prêts aux seules personnes physiques.
La Caisse nationale, d'ailleurs soutenue dans son argumentation par l'Administration, se fondait sur les dispositions de l'article 2 du décret précité, qui prévoient que pour pouvoir obtenir de tels prêts, " il faut apporter la preuve de sa qualité d'éleveur dans des conditions fixées par les ministres de l'agriculture et de l'économie ". Or, l'arrêté en question précise que l'éleveur doit être " exploitant affilié à l'assurance maladie, invalidité et maternité des agriculteurs non salariés ". Selon les services administratifs, cette précision impliquerait nécessairement l'exclusion des personnes morales du bénéfice des prêts spéciaux.
Mais le Médiateur a estimé qu'une telle interprétation conduisait à vider de leur sens les dispositions de l'article 3 de ce même décret du 4 janvier, lesquelles admettent parfaitement que les personnes morales puissent accéder à ces prêts " à condition d'avoir un objet exclusivement agricole et de faire la preuve que 70 % au moins de leur capital social sont détenus par des personnes ayant l'agriculture comme activité principale ".
Bien qu'aucune solution n'ait encore été donnée à cette affaire, il semble qu'elle devrait finalement pouvoir être réglée positivement.
- Intérêts des prêts consentis par le Crédit Agricole : (affaire IV 19707)
Les pouvoirs publics ont décidé de faire prendre en charge par l'Etat, dans la limite d'un certain plafond, les intérêts échus en 1976 des prêts consentis aux viticulteurs. Mais la réglementation applicable en la matière prévoit cet avantage pour les prêts consentis par le Crédit Agricole exclusivement.
C'est cet aspect de la réglementation que contestait un viticulteur, auquel la prise en charge des intérêts lui incombant avait été refusée, au motif que les prêts dont il avait bénéficié avaient été contractés auprès de la Banque Nationale de Paris.
La limitation établie par les textes incriminés s'explique par le fait que la quasi-totalité des emprunts des viticulteurs sont contractés auprès du Crédit Agricole. Caractéristique constante des avantages accordés aux agriculteurs, elle permet d'aider l'ensemble d'une catégorie socioprofessionnelle sans multiplier excessivement les opérations administratives.
Mais il a semblé au Médiateur qu'en l'espèce, les objectifs visés par le Gouvernement devaient précisément permettre de ne pas sacrifier le fond à la forme.
- Indemnisation des calamités agricoles : (affaire IV 346).
L'intéressé, qui avait vu tout son troupeau de brebis décimé par la brucellose, invoquait la responsabilité de l'Administration dans cette affaire. Celle-ci avait en effet, en contravention avec la réglementation applicable, laissé entrer dans le département habité par le réclamant un troupeau contaminé venant d'un autre département.
Cet éleveur demandait que sans attendre une décision juridictionnelle, son exploitation soit déclarée sinistrée et bénéficie de la garantie prévue au titre des calamités agricoles.
Reconnaissant que cet incident dommageable pour l'intéressé résultait de la disparité des réglementations régissant la transhumance des troupeaux, le principe d'une indemnisation par la Commission nationale des calamités agricoles ainsi que de la fixation de son montant par un expert a fini par être admis sur la demande instante du Médiateur.
Toutefois l'intéressé, ayant estimé que les décisions adoptées par l'Administration remettaient en cause les engagements initialement pris, n'a pas accepté l'indemnisation qui lui était proposée.
Il reste à signaler également que le principe d'une indemnisation amiable s'est heurté au blocage du Budget et du contrôle financier.
C'est là un exemple parmi d'autres de la tendance regrettable de l'Administration qui, après avoir admis le bien-fondé d'une réclamation, quant à son principe, en réduit la portée dans son application pratique (9692. - 5).
- Conditions de recrutement par l'O.N.F. : (affaire IV 2793).
L'intéressée se plaignait de se voir refuser son recrutement en qualité d'agent technique de l'Office National des Forêts, au motif que la réglementation applicable en l'espèce réserve cet emploi aux candidats de sexe masculin. Constatant qu'on l'avait admise à suivre pendant deux années les études préparatoires à cette fonction, elle ne pouvait accepter l'argumentation avancée par l'Administration selon laquelle la réglementation incriminée ne constituait pas une " mesure discriminatoire, mais un impératif imposé par les risques particuliers inhérents à l'activité considérée ".
L'instruction de l'affaire a révélé qu'en tout état de cause, la requérante ne pouvait prétendre à être recrutée puisque, contrairement à ce qu'elle avait indiqué, elle avait échoué aux épreuves exigées. Mais elle a permis cependant de dénoncer le caractère anticonstitutionnel du texte et de demander sa modification afin d'ouvrir l'accès de l'emploi d'agent technique de l'O.N.F. aux candidats des deux sexes.
En dépit des risques qu'entraîne ce type de travail isolé, le Ministre de l'Agriculture a décidé au nom de la politique générale menée par le Gouvernement en la matière de passer outre à ces difficultés et d'ouvrir l'emploi d'agent technique forestier aux femmes dès que les nouvelles modalités de recrutement auront pu être sanctionnées par les textes réglementaires nécessaires, c'est-à-dire vraisemblablement dès l'année 1980.
- Conditions faites aux objecteurs de conscience : (affaire V 1534).
Ayant demandé à bénéficier du statut d'objecteur de conscience, le réclamant souhaitait être incorporé par anticipation afin de ne pas perdre, du fait de son incorporation, une année scolaire (il était étudiant en médecine).
Les circonstances n'ont pas permis à la Commission Juridictionnelle de lui octroyer ce statut suffisamment tôt pour qu'il puisse obtenir satisfaction.
Cependant l'affaire a révélé, sur un plan général, des difficultés de coordination entre deux départements ministériels, celui de 1a Défense et celui de l'Agriculture, le premier étant en principe chargé de la détermination de la composition du contingent incorporé, le second ne se considérant que comme un ministère d'accueil prestataire de service
Des contacts ont été pris avec les services concernés pour améliorer le système actuel.
- Révision de la date d'entrée en jouissance d'une pension : (affaire III 3084).
L'intéressé, ancien agent technique forestier à l'O.N.F., contestait la date d'entrée en jouissance de sa pension. Cette date avait en effet été modifiée unilatéralement par l'Administration trois ans après la première décision intervenue, parce que les services s'étaient aperçus que cet agent ne remplissait pas les conditions pour obtenir une pension à jouissance différée à l'âge de cinquante-cinq ans, et qu'il fallait donc retarder cette date jusqu'à son soixantième anniversaire.
Les services en cause avaient d'abord laissé sans réponse les multiples réclamations de l'intéressé pour lui indiquer, cinq ans après la naissance du litige, que la décision contestée lui était applicable de plein droit, aucun recours juridictionnel n'ayant été exercé dans les délais légaux.
Saisi du dossier par le Médiateur, les services ont reconnu qu'une telle situation n'était pas admissible et que le réclamant pouvait prétendre au versement d'une indemnité mais dont le montant devait, selon eux, être fixé par les tribunaux. Une nouvelle intervention du Médiateur a permis d'obtenir le versement d'une indemnité amiable dont le montant, tenant compte des divers éléments de l'affaire, s'est révélé satisfaisant.
III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS
a) Propositions de réforme.
Deux propositions de réforme - qui sont en réalité le rappel de propositions élaborées antérieurement - ont été adressées au Ministre de l'Agriculture. Elles ont toutes les deux trait à l'action des SAFER :
- L'une (AGR 78-5) est relative aux procédures applicables aux SAFER.
Elle tend :
- d'une part, à améliorer l'information fournie aux tiers sur les transactions amiables qui sont notifiées aux SAFER, ainsi qu'à accroître les délais dans lesquels les candidats éventuels intéressés par un projet de mutation amiable doivent pouvoir demander l'intervention de la SAFER ;
- d'autre part, à revoir le rôle des commissaires du Gouvernement dans la procédure préalable à l'exercice du droit de préemption de manière à alléger cette procédure.
- La seconde (AGR 78-6) concerne l'exercice du droit de préemption des SAFER à l'égard du preneur à bail de certains terrains.
Ayant eu l'occasion de constater que certains propriétaires donnaient leur exploitation à bail à de futurs acquéreurs uniquement pour échapper à l'exercice du droit de préemption des SAFER, le Médiateur estimerait souhaitable que des dispositions soient prises pour faire échec à ces manoeuvres manifestement frauduleuses.
b) Recommandations - Injonctions.
En 1978 ces procédures n'ont pas été utilisées à l'encontre du Ministre de l'Agriculture.
IV. CONCLUSION
La collaboration apportée par le Ministère de l'Agriculture dans l'étude des dossiers qui lui sont soumis par le Médiateur se révèle dans l'ensemble satisfaisante. Les réponses sont transmises dans des délais convenables et le désir d'aboutir à une solution tenant compte de l'équité est manifeste.
Cette collaboration efficace n'empêche cependant pas quelques blocages, dont certains ne sont pas dus seulement aux services du ministère intéressé.
SECRETARIAT D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS
I. BILAN
En 1978, le Médiateur a reçu 102 réclamations dirigées contre ce Secrétariat soit environ 2,5 % du total.
La comparaison avec les années précédentes montre que le nombre des dossiers enregistrés fléchit faiblement mais de façon régulière.
Concernant le fonctionnement de cette administration et la situation des anciens combattants, le Médiateur n'a pas à faire état d'un problème dominant.
Des mesures récentes, relatives notamment : à la retraite anticipée (loi du 21 novembre 1973) et à la préretraite (avenant à l'accord du 13 juin 1977 signé le 24 mai 1978) attribuées désormais aux anciens combattants ; à la suppression, par décret du 6 août 1975, de la forclusion pour les demandes de carte de combattant volontaire de la résistance, de personne contrainte au travail et de réfractaire ; à la vocation à la carte du combattant au titre des opérations en Afrique du Nord (décret du 9 février 1975), ont sensiblement amélioré le sort des anciens combattants et permis de régler des problèmes soumis au Médiateur.
Néanmoins, au cours de l'étude de ses dossiers, le Médiateur a décelé encore des iniquités, dont certaines ont retenu particulièrement son attention.
En effet, les difficultés auxquelles se heurtent, dans certains cas, les victimes de la guerre, les anciens prisonniers et combattants, ou les victimes d'accident survenu au cours du service national pour faire reconnaître ce qu'ils considèrent comme leur droit, entraînent des situations choquantes que les intéressés, à juste titre souvent, jugent inéquitables.
Ces difficultés se rencontrent à propos de sujets divers. On peut cependant remarquer que la plupart des litiges portent sur :
- les demandes de carte de combattant,
- les homologations de blessure de guerre,
- les demandes de pension d'invalidité pour blessure imputable au service,
- les demandes de révision de pension pour aggravation d'un état reconnu imputable au service,
- les demandes de titre de réfractaire au service du travail obligatoire,
- les demandes de reconnaissance du titre de résistant, d'interné ou d'évadé etc.
II. ANALYSE DES DIFFICULTES
A. Des exemples
Plusieurs affaires attestent des difficultés tenant aux conditions exigées pour obtenir le titre de réfractaire au service du travail obligatoire dont :
- L'affaire V 168
En février 1943, l'intéressé a quitté la ville où il était ouvrier ébéniste pour échapper à la réquisition. Il est devenu réfractaire volontaire clandestin et s'est réfugié dans une autre ville. En 1944, il a rejoint le maquis.
Pouvant difficilement démontrer, plusieurs années après que sa volonté, en 1943, était bien de se soustraire à une telle mesure de réquisition, il fournit, à l'appui de sa demande de titre de réfractaire, des témoignages qui devraient suffire à établir sa bonne foi et qui attestent que sa vie, à l'époque, revêtit un caractère clandestin.
Ce dossier fait, à l'heure actuelle, l'objet d'un examen attentif.
- L'affaire V 808
L'intéressé prétend avoir mentionné par erreur le début de l'année 1942 comme date de sa réquisition (en fait ce serait en 1943) alors que les premières réquisitions sont intervenues fin 1942. Cette erreur constituant un nouvel élément du dossier, celui-ci est de nouveau à l'étude.
- L'affaire V 396
La demande de l'intéressé est rejetée, au motif que sur sa carte de travail, il avait été déclaré inapte à diverses reprises.
Or, il assure que sa carte de travail était un faux destiné à le faire échapper à un ordre de réquisition pour l'Allemagne. Il fournit, à l'appui de sa demande, diverses pièces établissant qu'il a été arrêté pour infractions au service du travail obligatoire et qu'à plusieurs reprises, il a tenté de fuir.
Ces tentatives d'évasion et le fait d'établir une fausse carte de travail devraient suffire à démontrer que l'intéressé avait l'intention de se soustraire à une mesure de contrainte au travail. C'est en ce sens que le Médiateur est intervenu pour qu'il puisse obtenir satisfaction, ce qui n'a cependant pas été fait à ce jour.
- L'affaire V 92
Dans ce cas, l'intéressé a dû se plier à une exigence plus grande encore, puisque la Commission Nationale, relevant les éléments favorables du dossier, n'a pas confirmé la décision préfectorale de rejet, mais elle s'est estimée insuffisamment informée sur l'activité et le domicile de l'intéressé durant la période de réfractariat. En effet, le statut exige des postulants non seulement de s'être soustraits à une mesure de réquisition, mais également d'avoir vécu pendant au moins trois mois en marge des lois et règlements en vigueur à l'époque.
Un complément d'enquête a donc été demandé au service départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et le dossier sera présenté à nouveau à la Commission Nationale.
Plusieurs litiges portent sur la reconnaissance des droits à pension d'invalidité pour accidents, blessures ou maladies survenus à un militaire en permission ainsi :
- L'affaire I 797
En 1956, pendant son service militaire, l'intéressé a été victime d'un accident de la circulation survenu alors qu'il se trouvait en permission. Grièvement blessé, il a été réformé sans pension par la Commission de réforme.
Cette affaire a entraîné de nombreux échanges de correspondance sur la notion d'accident de trajet mais, en définitive, une imprudence grave, constitutive au surplus d'une infraction au Code de la route, a été retenue à la charge de l'intéressé. L'argument selon lequel le traumatisme crânien qu'il avait subi l'avait empêché de contester la décision du Conseil de réforme n'a pas permis de revenir sur cette décision.
- L'affaire III 1054
L'intéressé a été victime d'un accident, alors que bénéficiaire d'une permission de convalescence pour une blessure contractée en service, il se rendait en chemin de fer chez ses parents.