Interrogé, le Ministère de l'Education signale que l'intéressée, mariée à un Français, est d'origine belge. C'est pour cette raison que la possession du baccalauréat français serait une condition de sa titularisation.
Mais, observe le Médiateur, lorsqu'elle a été admise à se présenter au certificat d'aptitude pédagogique, elle ne possédait pas davantage le diplôme qu'aujourd'hui on exige d'elle. C'est à ce moment-là qu'on aurait dû lui en faire grief, et non pas après dix ans d'enseignement, au cours desquels elle a donné toute satisfaction, et obtenu le C.A.P., c'est-à-dire, si les mots ont un sens, le droit d'exercer dans l'enseignement primaire français.
Cela devrait lui être un mérite suffisant à la titularisation, sans qu'on exige d'elle, de façon aussi tardive, un diplôme dont elle possède d'ailleurs l'équivalent.
L'affaire se poursuit.
n° 78.2049
La réclamante est victime d'un grave accident alors qu'elle était en vacances loin de son domicile.
Elle commet l'imprudence de se faire transporter en ambulance dans une clinique de son département de résidence, et a la naïveté de demander le remboursement des frais correspondants : impossible lui répond-on, car la législation exigeait que vous vous fassiez soigner sur place...
Pourtant, la différence des prix pratiqués par l'établissement qui aurait dû l'accueillir et celui où elle a été hospitalisée pendant deux mois est telle qu'elle couvre très largement les frais de transport.
Ainsi, à une assurée qui fait économiser à la collectivité plus de 20.000 Frs, laisse-t-on à sa charge près de 2.000 Frs...
Le Médiateur a demandé le réexamen du dossier.
11. Discriminations
On connaît le succès de l'expression " Je ne suis pas raciste, mais ...". A considérer les exemples suivants, il semble que l'Administration la reprenne parfois à son compte :
Huit veuves d'anciens militaires marocains ayant servi sous le drapeau français demandaient à ce titre la réversion de la pension de retraite de leur mari, ce qui les obligeait à apporter la preuve de leur mariage.
L'Administration a cependant rejeté ou ignoré toutes leurs demandes, pour des motifs dont la valeur n'est pas absolument évidente, comme on va pouvoir en juger :
Trois d'entre elles produisaient à l'appui de leur demande, non seulement leurs actes de mariage, mais aussi les autorisations de mariage délivrées par l'autorité militaire : cela n'a pas été jugé suffisant...
Trois autres avaient épousé des goumiers militaires qui pouvaient se marier sans l'autorisation de leur chef de corps. A l'une, il a été reproché l'absence de la mention du mariage sur les pièces militaires de son mari... Quant aux deux autres, elles apportaient comme preuves supplémentaires de leur mariage des extraits d'actes de naissance des enfants : en vain...
Les deux dernières avaient été empêchées, par leur ignorance, de produire en temps utile leurs actes de mariage : elles ont réussi à compléter leur dossier, mais l'Administration a continué à les ignorer...
Le Médiateur est naturellement intervenu avec vigueur auprès du ministre compétent pour que le cas de ces personnes, dépourvues de ressources et illettrées, soit favorablement réglé, comme la simple humanité le commandait.
Ce règlement est en cours.
n° 78.0995
Un médecin, né au Cameroun, avait exercé dans ce pays jusqu'en 1960, puis est venu travailler en France, où il est décédé en 1974.
Sa veuve, de nationalité française, a demandé, en vain jusqu'à présent, le bénéfice d'une pension de réversion à raison des droits acquis par son mari auprès de la caisse des retraites de la France d'Outre-Mer.
Pour s'opposer à cette demande, le ministère compétent entasse des arguments juridiques qui tendraient à démontrer que l'intéressé n'appartenait pas à la fonction publique française.
Or tel n'a jamais été l'avis des autorités camerounaises, qui, après l'indépendance de leur pays, l'ont sommé de demander sa radiation du cadre français et d'intégrer la fonction publique camerounaise, et, devant son refus de rejoindre son poste, l'ont finalement révoqué.
Par ailleurs, l'intéressé avait demandé sa naturalisation française, et s'il ne l'a pas obtenue, c'est qu'il est mort alors que plus d'un an après le dépôt de sa demande, celle-ci n'était pas encore instruite...
Voici donc une Française, dépourvue de ressources, ayant à sa charge cinq enfants en bas âge, veuve d'un " étranger malgré lui " pourrait-on dire, à qui l'on refuse une pension de réversion, alors que la veuve étrangère d'un fonctionnaire " plus nettement français " l'obtiendrait, elle, sans aucune difficulté...
Le Médiateur poursuit son intervention afin qu'il soit mis un terme à cette situation injuste et paradoxale.
12. Renoncements
La tâche du Médiateur est, essentiellement, de révéler et de tenter de corriger les abus du " pouvoir administratif " : c'est à quoi il s'emploie quotidiennement.
Mais il n'en est que plus à l'aise pour dénoncer, dans certains cas, l'affaiblissement injustifié de ce pouvoir.
Cet affaiblissement peut résulter, comme dans le premier exemple qui suit, d'une délégation de fait de son pouvoir de décision par l'autorité qui en est légalement investie - le Préfet en l'occurrence - au profit d'un organe (le groupe de travail du P.O.S.) dont le rôle est d'élaborer la décision, mais n'est que cela.
Le second exemple met en scène une société d'H.L.M. C'est un organisme de statut " quasi-privé ", mais qui admet en son sein un représentant de la collectivité publique, qui fonctionne sur fonds publics, et qui est régi par la législation applicable à tous les organismes de statut " plus ou moins public " institués en matière d'H.L.M. Or la société en cause refuse d'appliquer un point de cette législation.
On peut mettre cette attitude au compte du représentant de la collectivité publique, qui n'a pas fait son devoir, ou dont la voix n'a pas été écoutée. On peut l'imputer à la faiblesse de l'autorité de tutelle, qui aurait dû imposer le respect de la loi. On peut même, en dernier ressort, en faire grief au législateur qui a " démembré ", au profit de toute une gamme d'organismes, allant de l'office public à la société purement privée, un domaine d'activités soumis aux mêmes règles, sans se donner les moyens de faire respecter ces règles dans toute l'étendue de ce démembrement.
Quelle que soit la leçon retirée de cet exemple, elle renvoie à la même idée d'affaiblissement de l'autorité administrative, de " braderie " de celle-ci - qui se dégageait de l'exemple précédent.
Lettre d'un Préfet au Médiateur
On peut lire dans cette lettre - qui n'est d'ailleurs pas seule de son espèce - l'étonnante affirmation suivante :
" Je puis vous faire connaître que le plan d'occupation des sols n'est pas une décision de la Direction Départementale de l'Equipement mais d'un groupe de travail de nature municipale qui émet, de façon souveraine, ses propositions de délivrance ou de refus de permis de construire en imposant le sursis à statuer ".
Or, selon le Code de l'Urbanisme (articles L 123-3 et R 123-4 à 7), si le projet du P.O.S. est effectivement élaboré par un groupe de travail ad hoc, d'ailleurs constitué par le Préfet, encore doit-il être ensuite soumis à l'approbation du Conseil Municipal de la ou des communes concernées, qui peut, dans un certain délai, lui apporter des modifications, avant d'être définitivement arrêté par le Préfet, qui le publie. Le ministre compétent a même reçu de la loi un " pouvoir d'évocation " qui lui permet de se substituer à l'autorité préfectorale dans les cas difficiles.
On ne saurait donc soutenir que le groupe de travail dispose d'une quelconque " souveraineté " en matière d'adoption du P.O.S. A plus forte raison est-il juridiquement incapable d'opposer, de façon " souveraine ", les dispositions d'un projet en cours d'élaboration aux demandes de permis de construire qui ne lui sont soumises que pour avis.
Il est donc étonnant - et sans doute inquiétant, puisque le cas n'est pas isolé - de lire sous la plume d'un Préfet - c'est-à-dire de la seule autorité qui possède, avec le Conseil Municipal, un pouvoir de décision en la matière - qu'un organisme chargé de préparer le contenu d'un acte aurait en outre le pouvoir de donner l'existence juridique à cet acte. C'est, de sa part, un étrange abandon de "souveraineté".
n° 78.891
Une société d'H.L.M. s'oppose à l'acquisition par un de ses locataires du logement qu'il occupe, parce qu'elle n'accepte pas l'estimation faite par l'administration du Domaine de la valeur de ce logement.
Or, selon la législation et la réglementation en vigueur, la demande d'acquisition était recevable. Pour s'y opposer, la société disposait d'un délai qu'elle a laissé expirer : légalement, elle était donc réputée y avoir acquiescé, et ne pouvait revenir plus tard sur cet accord tacite. Quant au prix de vente, il ne pouvait être que celui résultant de l'estimation des Domaines, à moins que l'organisme ne lui oppose une valeur plus élevée prise en compte dans sa comptabilité - ce qui n'a pas été fait.
La société en cause n'en a pas moins maintenu avec acharnement sa position de refus. A la demande du Médiateur, le Préfet l'a mise en demeure de procéder à la vente : elle a ignoré cette mise en demeure. Le Médiateur a ensuite fait procéder à une enquête sur place, à l'occasion de laquelle s'est tenue une réunion groupant les représentants des parties et de toutes les administrations intéressées : contre l'avis général, le représentant de la société a maintenu son refus - ouvrant cependant la possibilité d'un compromis sur le prix.
L'intéressé s'étant prêté à la transaction, l'affaire s'est trouvée ainsi réglée.
On a dit plus haut toutes les leçons que l'on pouvait tirer de ce dossier.
On ajoutera que ce n'est pas de gaieté de coeur, mais seulement en considération des intérêts de la personne qui s'était adressée à lui, que le Médiateur ne s'était pas élevé contre la solution de compromis qui s'ébauchait, et qui est finalement intervenue.
Car cette solution consacre l'impuissance de l'autorité à faire respecter la loi par un organisme qui lui est strictement soumis.
Le Médiateur a demandé au Ministre de l'Environnement et du Cadre de Vie de prendre les dispositions nécessaires pour que pareille situation ne se reproduise plus.
B – UNE PROPOSITION POUR L'AVENIR
INTRODUCTION
LA " LEGITIMATION " DES DECISIONS ADMINISTRATIVES. SA NECESSITE.
Depuis plusieurs années se développe un vaste effort en vue d'améliorer les rapports entre l'Administration et les administrés.
A cet effort, le Médiateur n'a cessé de participer : par son travail quotidien sur les dossiers ; par ses propositions de réforme de la loi ou du règlement ; par les études et les suggestions contenues dans ses rapports annuels.
C'est ainsi qu'il avait demandé :
- que soit intensifiée la lutte contre l'insuffisance de l'information donnée aux administrés ; - avec la création en 1976, auprès du Premier Ministre, du " Service d'information et de diffusion ", qui ajoute ses actions propres et son activité de coordination à celle des services spécialisés des diverses administrations, cet objectif paraît aujourd'hui atteint ;
- que soit organisée, dans un esprit aussi libéral que possible, la liberté d'accès des citoyens aux documents administratifs ; - la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, complétée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, est venue répondre à cette préoccupation ;
- que le plus grand nombre possible de décisions administratives soient désormais motivées ; - la même loi du 11 juillet 1979 pose en principe que les personnes physiques ou morales doivent être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent ; elle règle les modalités de cette information.
Par ailleurs, en matière de "communication administrative" - notion plus large que l'information proprement dite - des progrès peuvent également être constatés : ainsi l'accueil fait au public dans les administrations a-t-il été considérablement amélioré. Mais le problème est vaste...
Ces résultats sont importants, mais il faut aller au-delà.
L'instruction de nombreuses affaires soumises au Médiateur montre en effet qu'aux yeux de bien des administrés, les décisions dont ils ont à supporter les effets, quoique prises dans les formes légales, n'apparaissent pas pour autant " légitimes ".
C'est que la justification ne leur en semble pas évidente, et que - à tort ou à raison - ils les croient prises sans que leurs auteurs aient préalablement recueilli les avis, ou accueilli les participations nécessaires. Ils ne comprennent pas ; ils y voient l'acte arbitraire de décideurs solitaires, le fait du prince abusivement généralisé.
Ainsi, par exemple, est-il particulièrement difficile de faire comprendre aux usagers qu'une opération déclarée d'utilité publique a bien été conçue dans leur intérêt...
Un tel état de choses, préjudiciable à l'administré, ne l'est pas moins à l'Administration, qui endosse trop souvent une responsabilité qui n'est pas la sienne.
Le seul moyen d'y mettre fin est de faire en sorte que la légitimité des décisions administratives apparaisse clairement aux yeux des administrés - autrement dit, qu'une légitimité " subjective " vienne s'ajouter pour eux à une légitimité " objective " qui va de soi, toute décision prise, dans le cadre de ses attributions, par une autorité régulièrement instituée étant a priori légitime.
I - LES INSUFFISANCES DE LA SITUATION ACTUELLE.
1 - L'administré devant la décision : ce qu'il conteste en elle.
La décision peut être " le fait d'un seul ", d'une autorité individuelle. Mais hormis les cas où il pouvait agir en opportunité, il est exceptionnel que le décideur se soit prononcé sans consultations préalables - consultations que la complexité croissante des problèmes administratifs rend d'ailleurs de plus en plus diverses et de plus en plus souvent obligatoires.
Or le Médiateur constate ceci : l'administré n'a en vue que " l'homme qui a signé ", et qu'il tient pour seul responsable, non seulement en droit mais en fait, de la décision prise. - Cela, évidemment, parce que le processus de préparation de celle-ci lui échappe, en tout ou en grande partie.
Ignorant de ce qui pourrait étayer l'acte administratif qui le concerne, il en contestera donc le bien-fondé, et, finalement, la légitimité.
Il est encore plus frappant de rencontrer semblable attitude lorsque la décision émane d'une autorité collégiale, et alors même, le cas est fréquent, que l'administré s'y trouve représenté...
Cela donne à penser que subsiste, en France, un véritable " mythe de l'autorité ". Pour nos administrés, à quelque niveau qu'elle s'exerce, l'autorité est solitaire, et ses décisions personnalisées : " C'est le Ministre (le Préfet, le Maire...), c'est le Président (de la Commission ... ) qui a signé - c'est lui qui a tout fait ".
Conception anachronique, qui ne pouvait que conduire à une vision déformée et simpliste de ce qu'est aujourd'hui le processus de décision.
De très nombreux exemples pourraient illustrer ce qui précède. En particulier, il est significatif de constater, à l'analyse de certaines affaires, qu'à travers les griefs mis en avant de façon expresse par le réclamant (" La décision me cause tel ou tel préjudice injustifié ", " Telle ou telle formalité a été omise ou incorrectement remplie ", etc ... ), transparaît, plus ou moins nettement exprimé, le véritable objet de la réclamation : " La décision est critiquable au fond ; elle n'aurait pas dû être prise ; elle est illégitime ".
Cette structure de la réclamation est particulièrement nette lorsque le litige porte sur les conséquences d'une opération d'aménagement du territoire ou d'urbanisme. Dans ce domaine en effet, le préjudice causé à l'administré ne provient pas de l'application, correcte ou non, d'une disposition législative ou réglementaire - qui pourrait d'ailleurs être contestée, mais c'est un autre problème ; il a sa cause première dans un acte administratif - la déclaration d'utilité publique - qui apparaît particulièrement fragile quant à sa légitimité " subjective ".
En voici un exemple :
n° 79.2856
Une propriété agricole fait l'objet d'une procédure d'expropriation en vue de permettre l'extension de la zone industrielle d'une commune, opération déclarée d'utilité publique par un décret.
Pour écarter cette menace de leur exploitation, les intéressés font valoir les moyens les plus divers : caractère incomplet et peu explicite du dossier mis à l'enquête publique ; absence d'étude d'impact sur l'environnement ; vice de forme de la décision ayant déclaré l'utilité publique ; responsabilité du maire, qui serait personnellement intéressé au développement de la zone industrielle, etc...
Mais " en deuxième ligne " viennent les arguments de fond : avis défavorable des commissaires enquêteurs à l'extension projetée, qui, notamment, outre les nuisances qu'elle entraînerait, priverait une commune à vocation essentiellement agricole de terres de première catégorie - alors qu'elle pourrait tout aussi bien être réalisée ailleurs ; attitude peu favorable, même chez les industriels concernés par le projet... ; coût de l'opération disproportionné aux possibilités financières de la commune.
L'affaire a été portée devant la justice administrative. Mais la position des réclamants a paru au Médiateur suffisamment forte pour qu'il demande au ministre compétent de faire procéder à une enquête sur place en vue de déterminer s'il ne conviendrait pas, sans attendre l'issue des instances en cours, de rapporter le décret ayant déclaré l'utilité publique.
Dans cette affaire, comme on le voit, l'administré critique directement le bien-fondé, la légitimité, de la décision qui est à l'origine de ses " ennuis ". Dans d'autres, cette critique n'est qu'implicite. Entre ces deux extrêmes, il y a les cas où la même critique est exprimée, mais peu crédible : on sent bien que le réclamant a voulu par ce moyen noyer l'atteinte portée à ses intérêts personnels dans une prétendue méconnaissance de l'intérêt public... Mais toujours on la rencontre, expresse ou sous-entendue.
2 - Ce que l'administré devrait savoir.
Il existe beaucoup d'autorités collégiales dont la décision est prise avec la participation - souvent majoritaire - de représentants des administrés, quand elle ne l'est pas par ces représentants eux-mêmes.
Mais combien d'administrés savent-ils, par exemple :
- que les commissions de recours gracieux de la sécurité sociale (organismes préjuridictionnels) sont constituées sur une base paritaire ; que, notamment, pour ce qui concerne les caisses maladie et vieillesse du régime général, les caisses d'allocations familiales et les unions de recouvrement, la décision est prise par un collège de quatre administrateurs (de l'organisme en cause), dont deux appartenant à la même catégorie d'assujettis que le requérant, deux à d'autres catégories ; et que par conséquent, comme ces administrateurs sont élus, l'Administration au sens strict n'est pour rien dans cette décision ?
- qu'une telle représentativité se retrouve même dans les commissions de première instance du contentieux général, dont le président, un magistrat, est assisté d'assesseurs représentant toutes les catégories d'assujettis ?
- que les A.S.S.E.D.I.C. sont des organismes purement privés, sur lesquels aucun service d'Etat n'exerce la moindre tutelle, et dont les décisions sont prises par des commissions paritaires réunissant représentants des salariés et représentants des employeurs ?
- que la commission communale de remembrement (organisme quasi-juridictionnel) est présidée par un juge, et que, face à quatre représentants de l'Administration, on y trouve, outre le maire, trois exploitants désignés par la Chambre d'agriculture et trois propriétaires désignés par le Conseil Municipal ?
- que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires - à laquelle les contribuables peuvent soumettre leurs litiges avec les services fiscaux lorsque ces litiges portent sur des " questions de fait " (également, dans certains domaines, sur des questions de droit) - est elle aussi présidée par un magistrat et que, là encore, les représentants de l'Etat (trois fonctionnaires) sont en minorité par rapport à ceux des usagers (quatre pour chaque branche professionnelle) ?
Quant aux décisions émanant d'autorités individuelles, mais dans l'élaboration desquelles la représentation des usagers joue un rôle - parfois considérable - elles sont également nombreuses, et le processus qu'elles couronnent également ignoré.
- Pour ne prendre qu'un exemple, l'administré sait-il qu'en matière de plans d'occupation des sols, le groupe de travail du P.O.S., organisme constitué sur une base paritaire, décide pratiquement à lui seul ce que sera le P.O.S. - le pouvoir de décision étant en passe d'être transféré, du préfet qui l'exerce en droit, et du Conseil Municipal qui l'exerce en fait, à cet organisme consultatif ? - Cette évolution soulève d'ailleurs des critiques, comme on l'a vu au " Bilan thématique ".
II - LES MOYENS D'Y REMEDIER.
Ces moyens, comme on l'a annoncé, sont ceux que peuvent procurer l'amélioration et l'extension de la participation des administrés aux décisions de l'Administration.
Pour qu'ils soient utilisables dans leur totalité, et dans leur diversité, il faut évidemment prendre le mot " participation " dans son acception la plus large.
Il faut donc avoir en vue une notion qui recouvre aussi bien la simple consultation des administrés ou de leurs représentants, que leur participation stricto sensu - conjointement avec l'autorité administrative, ou même, cas extrême, sans elle - à la prise de la décision, en passant par les diverses modalités de ce qu'on désigne du terme assez vague de " concertation ". - En un mot, l'ensemble des accès ouverts à l'administré aux différentes étapes du processus complet de la décision.
Cela précisé, il apparaît que l'effort à entreprendre dans le domaine étudié devra se développer suivant deux axes :
A : Faire connaître et améliorer ce qui existe déjà en matière de participation ;
B : Etendre systématiquement la participation dans tout le domaine de l'action administrative, et plus particulièrement dans certains secteurs, mais sans jamais dépasser certaines limites.
A - Faire connaître et améliorer ce qui existe.
1 - Informer les usagers
Ceux-ci devraient mieux connaître l'existence de structures de participation et leur rôle dans l'élaboration ou la prise de diverses catégories de décisions.
En général, leur attention devrait être attirée sur les avantages de la participation, et leur intérêt pour celle-ci, actuellement très insuffisant, fortement stimulé : " Participez à la participation "...
L'action à entreprendre devrait faire plus spécialement appel aux moyens d'information ayant une aire de diffusion locale.
2 - Sensibiliser les autorités et agents publics
Les autorités et agents publics appelés à prendre ou à appliquer une décision comportant intervention d'une structure de participation devraient être invités :
- à prendre conscience du surcroît de légitimité que la participation apporte aux décisions de ce type, et de la part de responsabilité dont elle exonère le décideur nominal ;
- à en informer les usagers concernés.
3 - Améliorer le régime actuel de la participation
Certes il existe déjà en France ce qu'on peut appeler une " administration consultative ", sur laquelle le décideur s'appuie, à tous les échelons de l'Exécutif. Mais, pléthorique, elle appelle un sérieux élagage, et devrait s'ouvrir davantage à la participation des citoyens.
En revanche on rencontre des structures plus spécifiques, fonctionnant suivant les divers modes de la participation au sens large, et qu'il suffit d'améliorer.
a) " L'administration consultative "
On ne peut qu'être frappé de la prolifération des organes consultatifs de toute appellation (" Hauts –comités ", " Comités supérieurs ", " comités ", " conseils ", " supérieurs " ou non, " commissions ", " centrales " ou non, etc ...) directement rattachés aux autorités de l'Exécutif, et à tous les niveaux de celui-ci (depuis le Président de la République et le Premier ministre jusqu'aux préfets, en passant par les ministres, et même les chefs de certaines directions de ministères...).
A cet appareil consultatif - dont l'utilité de principe est hors de discussion - on peut d'abord reprocher sa lourdeur. Le nombre des organes qui le composent a quelque chose d'effrayant : on en a recensé 2 000 en tout, dont 46 pour le seul Premier ministre - sans compter la centaine de commissions consultatives fonctionnant dans chaque département...
Le choix des membres de ces organes - et par conséquent leur " qualité " - soulève une autre remarque. Ce sont certes, comme il se doit, des personnes, et même des personnalités - issues ou non de l'Administration - éminemment qualifiées dans leur spécialité. Mais il s'agit souvent d'hommes ou de femmes parvenus au terme de leur carrière, dont on ne peut attendre beaucoup de célérité dans l'examen, ni de hardiesse dans la proposition...
Il en résulte un ralentissement, pour ne pas dire une paralysie, de l'action gouvernementale, que le Médiateur a pu constater dans certains domaines (notamment celui de la Santé, où la consultation du " Conseil Supérieur d'hygiène publique de France " n'accélère pas, c'est le moins qu'on puisse dire, l'adoption de certaines propositions de réforme, comme par exemple la reconnaissance légale d'une nouvelle maladie professionnelle, etc ... ).
Par ailleurs, on peut compter sur les doigts (" Conseil Supérieur des Postes et Télécommunications ", " Conseil Supérieur des Transports ", " Conseil Supérieur des classes moyennes ", " Comité du travail féminin " ...) ceux de ces organes qui admettent en leur sein une représentation des usagers. Encore cette représentation apparaît-elle parfois noyée dans la masse des " technocrates ", sans compter que ces usagers sont, eux aussi, des " personnalités ".
Assurément, il est des compétences (les questions de défense par exemple) et des types de consultation (les comités interministériels) qui interdisent a priori toute représentation du " citoyen quelconque ". Mais dans bien d'autres domaines, les questions soumises à consultation intéressent si directement la vie quotidienne et les intérêts essentiels de l'administré qu'on s'étonne de ne pas le voir admis à dire son mot, ou à le mieux faire dire.
De ces réflexions, trop rapides sans doute, se dégage néanmoins la certitude que l'appareil consultatif étudié gagnerait à être allégé, rajeuni, et ouvert davantage à la représentation des citoyens. C'est cette certitude que le Médiateur souhaiterait voir partagée par les plus hautes autorités de l'Exécutif, et c'est en ce sens qu'il leur suggère d'entreprendre un effort difficile, de grande ampleur, mais sans conteste prometteur.
b) Quelques structures spécifiques
Le Médiateur n'a évidemment pas fait l'inventaire de toutes les structures de participation instituées dans les différents secteurs de l'action administratives. Il n'en examinera donc ici qu'un petit nombre, mais dont l'amélioration lui est apparue s'imposer.
1) C'est particulièrement le cas en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme, où les atteintes au droit de propriété, aux conditions de logement ou de travail, à la jouissance d'un certain environnement et, en général, d'un certain cadre de vie, se font avec les années de plus en plus nombreuses et graves. Si donc il est un domaine où l'information, et, au-delà, la participation des citoyens doivent être développées, c'est bien celui-là.
Le Ministre compétent doit en être aujourd'hui pleinement convaincu après les travaux du colloque qu'il a organisé en Octobre 1978 sur le thème " Urbanisme et libertés ".
Les idées générales qui se dégagent de ces travaux rejoignent les considérations développées par le Médiateur dans son rapport de 1978 sur la déclaration d'utilité publique et par le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics dans son récent rapport consacré aux " problèmes posés aux administrations territoriales par les nouvelles réglementations en matière d'urbanisme ". Elles permettent d'aboutir aux conclusions suivantes :
- En matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme, les structures existantes assurent mal leur fonction ;
- Certaines soulèvent des aspects fondamentaux du problème de la représentativité : étroitesse de la représentation directe des usagers concernés ; choix entre celle-ci et la représentation d'un autre type qui est assurée par les élus locaux ;
- D'autres posent les problèmes connexes, et non moins fondamentaux, de la composition de l'organe de participation et des pouvoirs qui peuvent lui être dévolus. Il apparaît que le pouvoir de décision en ce domaine doit rester à l'autorité publique, envisagée comme unique décideur possible et comme arbitre nécessaire, quoique souvent contesté. En contrepartie, ce pouvoir devrait être largement décentralisé : dans ce sens, des initiatives ont déjà été prises ;
- Un courant puissant, et, au fond, unitaire, semble emporter tous les " acteurs " de la participation vers le renforcement de celle-ci dans le domaine étudié. Le Médiateur s'en félicite. Mais il ne peut, quant à lui, faire de propositions spécifiques qu'à partir des situations concrètes qui lui ont été soumises.
On a rappelé ses suggestions de 1978 en matière d'utilité publique. Ce qui précède lui permet aujourd'hui d'aller plus loin, en proposant, notamment, que les commissions d'enquête publique - dont la multiplication, aux dépens du commissaire unique, lui semblait déjà nécessaire et urgente - soient présidées par un magistrat. La directive du Premier Ministre en date du 14 Mai 1976 se borne en effet à indiquer que les anciens magistrats peuvent faire partie de la Commission, et la nomination à la présidence de celle-ci reste à l'entière discrétion du Préfet.
2) L'admission à l'aide sociale et le contentieux de cette aide sont, comme on sait, le domaine d'attribution d'une organisation complète et nettement structurée : au niveau cantonal, les commissions d'admission - Organismes " quasi-juridictionnels " ; aux niveaux départemental et
national, les vraies juridictions de l'aide sociale : commissions départementales et commission centrale.