BILAN PAR MINISTERE
PREMIER MINISTRE
Section 1
Les problèmes généraux concernant l'ensemble des départements ministériels
1 - L'information des administrés
a) La loi n° 79.587 du 11 juillet 1979 " relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ".
Annoncée dans le rapport de 1978, cette loi pose en principe que " les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent ".
Elle règle ensuite les modalités de cette information, d'une façon qui, à première vue, n'appelle aucune critique : le champ de décisions " motivables " apparaît très large ; l'information à donner sur les fondements de la décision est complète et précise ; en cas de décision implicite de rejet, la procédure de communication des motifs vient légitimement suspendre le délai du recours contentieux.
Par ailleurs, la même loi a apporté une modification essentielle au Titre 1er intitulé " De la liberté d'accès aux documents administratifs " de la loi n° 78.753 du 17 juillet 1978 " portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal " (texte au rapport de 1978, pages 247 et suivantes).
Dans sa rédaction primitive, ce titre ne visait en effet que la liberté d'accès des administrés " aux documents administratifs de caractère non nominatif ".
Or le Médiateur n'a jamais caché (cf. notamment son rapport de 1975, pages 89-90) que, pour lui, la " liberté d'accès aux documents administratifs ", c'était d'abord, et principalement, le droit pour l'administré d'accéder aux pièces qui constituent le dossier de son affaire - c'est-à-dire à des documents où il est nommé.
C'est donc avec satisfaction qu'il a pris connaissance de l'adjonction, par le législateur de 1979, à la loi du 17 juillet 1978, d'une disposition (art. 6 bis nouveau) en vertu de laquelle toute personne aura désormais droit à la communication des documents de caractère nominatif qui la concernent.
b) Les progrès réalisés en matière d'information.
L'amélioration de l'information des administrés, et, en général, de la " communication administrative " devait a priori être poursuivie dans quatre domaines :
- le droit positif ;
- les structures ;
- la pédagogie ;
- les modalités du message informatif.
Dans le premier domaine, l'acquis est décisif. L'ensemble formé par les deux lois dont il vient d'être question pose en principe le droit de tout administré à l'information et organise, de la façon la plus libérale qui soit, le régime de communication, à toute personne intéressée, des documents administratifs et des motifs des décisions administratives. L'Administration française commence à devenir transparente...
Il lui restera (cf. plus haut " Une proposition pour l'avenir ") à admettre une plus large participation des administrés à son action.
Dans le deuxième, des efforts se développaient depuis longtemps, mais en ordre dispersé. La décision prise, en 1976, de confier au service de documentation et de diffusion placé auprès du Premier Ministre un rôle propre en matière d'information générale des administrés, et la mission de coordonner l'activité des organes d'information dépendant des diverses administrations, a permis de franchir une étape capitale : pour la première fois en France, l'information des administrés va pouvoir être assurée par une structure complète et bien articulée.
Dans les deux derniers domaines, en revanche, la situation apparaît beaucoup moins brillante.
Le Médiateur ne peut à ce sujet que rappeler ce qu'il n'a cessé de dire dans tous ses rapports précédents :
- Il n'y a de solution radicale aux problèmes de l'information, et en général de la communication administrative, que psychologique : c'est une question de mentalité.
Pour que nos fonctionnaires acquièrent en ce domaine la mentalité qui convient, il faut donc que dans tous leurs programmes de fonction et de perfectionnement, une place soit faite à l'étude psychologique de la relation " administrant-administré ".
- En règle générale, l'information " portable " doit être préférée à l'information " quérable ". Envoyée au bon moment, et aussi complète que possible, elle touche l'administré sans aucun effort de sa part. Elle est la preuve que l'Administration peut aller au devant de lui. Elle est la solution de l'avenir, comme le prouve l'essor de la télématique.
Le fait que, dans ces deux domaines, aucun progrès sensible n'ait pu être constaté donne à penser que le problème de la communication administrative n'a encore jamais été appréhendé dans son ensemble. Ce serait pour le Médiateur un grand motif de satisfaction s'il parvenait à convaincre les plus hautes autorités de l'Etat de faire prévaloir en ce domaine la vision globale qui s'impose.
2 - Forclusions et prescriptions
La matière est toujours dominée par la mise en oeuvre de la proposition de réforme du Médiateur (" Synergie 7 ") dont il a déjà été abondamment traité, notamment au rapport de 1978 (pages 56 à 58 et 69).
Les résultats sont aujourd'hui les suivants :
- L'avis de passage laissé chez le destinataire d'une lettre recommandée lorsqu'il est absent porte désormais une mention l'avertissant que cette lettre peut contenir l'annonce d'un délai courant contre lui.
- Le Médiateur examine avec le Ministre de la Justice les conditions d'élaboration des textes qui devraient augmenter, pour l'administré ou le justiciable, la possibilité d'échapper à la forclusion ou d'en être relevé.
- La mise en symétrie des droits des administrés et de l'Administration en matière de prescriptions et de forclusions a été réalisée dans tout le domaine de la sécurité sociale par la loi du 17 juillet 1978, reproduite au rapport de 1978.
Un projet de texte doit diminuer considérablement le nombre des cas d'application de la prescription quadriennale des créances contre les personnes publiques, ce qui rendrait inutile l'institution d'une prescription symétrique en faveur des débiteurs de ces personnes.
- L'unification des délais de prescription des titres de perception établis par les comptables des impôts, qu'il s'agisse de droits indirects ou d'impôts directs, sera réalisée avec l'adoption du nouveau code de procédure fiscale.
- La chasse aux délais inférieurs à un mois, et l'effort en vue de généraliser le délai " de droit commun " de deux mois se poursuivent avec succès, notamment dans le domaine des délais administratifs. Avec l'accord des administrations compétentes, il est acquis que bon nombre de délais trop brefs seront augmentés, et souvent portés au " standard " de deux mois. Mais la matière est vaste...
- Mais il est d'autres domaines, non couverts par la proposition de réforme " Synergie 7 " où la situation d'infériorité faite à l'administré ne se justifie pas.
A ce propos, on rappellera la mise en cause par le Médiateur du " principe d'intangibilité des pensions une fois liquidées " (voir Rapport 1976, pages 20-21).
Avant son intervention, ce principe n'admettait aucune exception : la liquidation d'une pension pouvait être entreprise, à tout moment, en cas d'erreur matérielle, dans un délai de 6 mois en cas d'erreur de droit.
Par sa proposition de réforme n° FIN. 76-24, le Médiateur a obtenu que ce dernier délai soit porté à un an.
Or cette extension apparaît insuffisante pour ne pas dire arbitraire. On peut en effet se demander ce qui légitime la distinction faite entre erreur de droit et erreur de fait. Ainsi le Médiateur a eu l'occasion de constater dans une affaire que le fonctionnaire chargé de liquider une pension avait omis de tenir compte d'un document figurant au dossier. L'Administration avait plaidé l'erreur de droit - mais il s'agissait évidemment d'une erreur matérielle déguisée en erreur de droit.
D'une manière générale, on n'aperçoit pas pourquoi l'erreur de droit ne pourrait être soulevée à tout moment, aussi bien que l'erreur matérielle, par celui qui en est la victime : dans les deux cas la responsabilité est partagée entre le retraité qui a peut-être fait preuve de négligence et l'Administration qui a certainement commis une faute que cette faute soit le résultat d'une erreur matérielle ou qu'elle provienne d'une mauvaise application des textes.
Le Médiateur a l'intention d'élaborer une proposition de réforme tendant à abolir tout délai imposé à la remise en cause d'une liquidation de pension, quelle que soit la nature de l'erreur commise par l'Administration.
On se verrait d'ailleurs ainsi revenir à un état du droit qui a subsisté pendant de longues années (de 1948 à 1964).
3 - L'inexécution des décisions de justice par l'Administration
(Voir notamment à ce sujet rapport de 1977, pages 54 à 66 et rapport de 1978, page 59).
On rappellera que les moyens affectés à la lutte contre l'inexécution, par l'Administration, des décisions de justice qui la condamnent, sont, mis à part l'attribution par la juridiction administrative de dommages-intérêts dans les cas les plus scandaleux d'inexécution, et la loi sur les astreintes en matière administrative, si le projet en est, enfin adopté :
- L'action de la Commission du rapport et des études du Conseil d'Etat.
A ce sujet, il apparaît que le Conseil d'Etat peut fournir au Premier Ministre des " propositions d'instructions " invitant l'ensemble des services de l'Etat à régler, suivant tel ou tel principe juridique, les problèmes que pose l'exécution de certaines décisions contentieuses.
- Le pouvoir d'injonction donné au Médiateur à l'alinéa 2 de l'art. 11 de la loi du 3 janvier 1973, complétée par celle du 24 décembre 1976.
Le Médiateur n'a toujours fait usage qu'une fois de ce pouvoir, à propos de l'affaire n° 76.2256 (voir rapport de 1978, page 54).
Cette première injonction, émise en juillet 1977, a enfin commencé d'être exécutée par l'administration.
On rappellera qu'à l'origine de l'affaire, il y a l'expropriation d'un terrain, déclarée d'utilité publique pour l'édification d'H.L.M.
Ce terrain n'ayant pas reçu, sous l'effet de certaines pressions, la destination prévue, les propriétaires expropriés sont entrés, depuis 1952, dans une très longue procédure judiciaire, d'abord en rétrocession, puis en indemnisation, qui ne s'était close que sur deux arrêts de la Cour d'Appel, l'un de mars 1976, accordant aux requérants une provision sur l'indemnité due, l'autre de juin 1977, statuant au fond, et fixant le montant global de l'indemnisation.
L'injonction du Médiateur portait sur le premier de ces arrêts.
Elle s'est heurtée à une mauvaise volonté évidente de l'administration, qui n'a pas hésité à employer tous les moyens de procédure imaginables pour faire réformer les sentences qui l'avaient condamnée, puis, une fois sa défaite consommée sur ce plan, a eu recours à cette défense qui lui est si familière : la force d'inertie.
A la suite de longues et difficiles négociations, au cours desquelles le Premier Ministre a dû faire usage de son autorité, un accord est enfin intervenu entre les parties, sur les bases du plan élaboré par le Médiateur pour le règlement des sommes dues aux requérants.
Ainsi ces derniers ont-ils pu encaisser, en décembre 1979, la provision allouée par le premier arrêt, augmentée des intérêts.
Il est prévu que le reliquat de la dette fera l'objet de deux versements, un en mars 1980, l'autre un an après.
On doit signaler que pour éviter à l'administration de voir croître cette dette dans de trop fortes proportions - les intérêts courus depuis les deux décisions de justice portant eux-mêmes intérêt - le Médiateur a obtenu que son montant global soit arrêté au 31 mars 1979, et ne produise plus d'intérêts après cette date.
Cela représente quand même une somme d'un peu plus de 15 millions de francs, alors que si l'administration avait exécuté sans délai les décisions de justice qui la condamnaient, elle n'aurait eu à débourser qu'un peu plus de dix millions : voilà le prix qu'ont coûté à la collectivité publique ses dernières manoeuvres dilatoires.
4 - L'application abusive du principe de non-rétroactivité de la règle de droit
Dans sa généralité, ce problème n'a pas évolué depuis l'année dernière.
Le Médiateur ne peut donc que renvoyer le lecteur à la conclusion qu'il exprimait dans son rapport de 1978 (pages 65 - 66) en insistant auprès du Premier Ministre pour que ses propositions soient étudiées.
Section 2
Problèmes nouveaux et suite donnée à une
proposition antérieure du Médiateur
1 - L'indemnisation des victimes d'attentats
La recrudescence des attentats politiques dans certaines régions - principalement en Corse - a placé le Médiateur devant un problème nouveau. Plusieurs réclamants l'ont en effet saisi de l'impossibilité où ils se trouvent d'obtenir réparation des dommages matériels consécutifs à de tels attentats.
L'état du droit en la matière est actuellement le suivant :
- Si l'attentat a provoqué des dommages corporels, l'indemnisation des préjudices liés à ces dommages entre dans le champ d'application de la loi n° 77.5 du 3 janvier 1977 " garantissant l'indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d'une infraction ". Les dispositions de cette loi sont d'ailleurs passablement restrictives : l'indemnité mise à la charge de l'Etat n'est due que si la victime ne peut obtenir autrement une indemnisation " effective et suffisante ", et se trouve dans une " situation matérielle grave " ; de plus, elle ne couvre que les préjudices directement liés au dommage corporel (perte de revenus, inaptitude professionnelle...) et non, par exemple, les dommages causés aux biens réels de la personne lésée ; enfin elle peut ne pas atteindre le montant des dommages-intérêts alloués au civil, et par hypothèse irrécupérables.
- Les victimes d'attentats n'ayant entraîné pour elles que des dommages matériels peuvent demander le bénéfice de l'article L 133-4 du code des communes, qui prévoit une indemnisation par la commune, que l'Etat peut prendre à sa charge, partiellement ou totalement. Mais il faut qu'il s'agisse d'un acte criminel ou délictuel commis, sur le territoire de la commune, " à force ouverte ou par violence ", et par un " attroupement ou rassemblement ".
Il en résulte que la victime d'un attentat politique individuel ne peut à l'heure actuelle prétendre à aucune réparation, ni de l'Etat, ni de la commune, à raison des dommages non corporels qu'elle a subis. Il y a donc là un vide juridique, générateur de dénis de justice inacceptables.
Pour remédier à cette situation, trois solutions pouvaient être envisagées ; la dernière seule a été retenue.
1°) On pouvait songer à étendre par voie législative le champ d'application de l'article L 133-4 du Code des Communes, en assimilant la multiplication des attentats individuels dans un certain climat politique ou de violence à l'attentat commis par un groupe ou un attroupement.
Mais cette solution comportait des risques, et pouvait aboutir à l'indemnisation systématique de victimes de " règlements de comptes " ou même d'"auto-attentats".
2°) On a pensé régler le problème par l'assurance, les sociétés d'assurances ayant récemment offert, sous certaines conditions, de couvrir les conséquences matérielles de certains attentats.
Mais, comme le faisait remarquer le Ministre de l'Economie dans sa réponse à une question écrite (n° 8258, JO. AN du 24 mars 1979), dans les régions particulièrement menacées, telles que la Corse, le nombre et l'importance des dégâts ont pris une telle ampleur que la couverture de ce genre de dommages ne relève plus de la technique normale de l'assurance.
3°) " C'est pourquoi ", concluait-il, " le Gouvernement a décidé de mettre à l'étude des formules adaptées pour l'indemnisation des victimes de dommages matériels dus à des attentats ou d'autres actes de violence, lorsque ceux-ci ne peuvent donner droit à réparation à un titre quelconque ".
Dès 1977, le Médiateur avait eu connaissance qu'un projet de loi était en préparation pour la couverture de ces risques. Il n'a cessé depuis de s'intéresser à l'élaboration de ce projet, dont il souligne à nouveau le caractère d'urgence.
L'exemple suivant vient à l'appui de cette proposition :
Une commune avait assuré l'un de ses agents non titulaire contre les risques d'accident du travail en cotisant à la sécurité sociale. Titularisé par la suite avec effet rétroactif au 1er janvier de l'année considérée, il fût victime postérieurement d'un accident du travail. De ce fait, il n'était plus couvert par la sécurité sociale et c'était à la commune qu'il appartenait de l'indemniser. Or, celle-ci n'avait pas pris la précaution de se réassurer. Compte tenu de la modicité de ses ressources, elle s'est trouvée dans l'impossibilité de faire face à cette charge, d'où la nécessité de prévoir l'obligation pour les petites communes d'assurer leur personnel, quel que soit leur statut.
2 - L'indemnisation des ayants-droit de fonctionnaires ou de militaires décédés en service dans des circonstances particulières.
L'attention du Médiateur a été attirée sur ce problème par la réclamation (n° 78.2570) que lui a adressée la veuve d'un receveur des Postes d'Algérie, assassiné en service en 1949, après avoir empêché son agresseur de commettre le vol qu'il projetait.
Bien qu'il se fût agi d'un acte d'héroïsme, par lequel la victime avait donné sa vie pour la défense d'un bien public, la requérante n'avait pu obtenir davantage que ce que le Code des pensions en vigueur à l'époque octroyait à la veuve en cas de " décès résultant de l'exercice des fonctions " : une pension de réversion augmentée d'une " rente d'invalidité ", le tout atteignant 50 % du traitement perçu par le fonctionnaire au jour de son décès.
C'était peu pour la veuve d'un receveur de petite ville, qui devait élever quatre enfants.
Saisi de l'affaire, le Médiateur avait à son tour demandé au ministre des P et T d'accepter, à titre exceptionnel, le principe d'une indemnisation complémentaire : sa démarche a été vaine.
Depuis 1949, un certain nombre de mesures sont venues améliorer quelque peu la situation des ayants droit, de fonctionnaires ou de militaires décédés dans des conditions analogues :
D'une part, la loi 77.5 du 3 janvier 1977, prévoyant l'indemnisation, des préjudices liés aux dommages corporels résultants d'une infraction, et dont il a été question au paragraphe précédent : elle s'applique évidemment aux fonctionnaires et militaires ou à leurs ayants droit, mais seulement pour les infractions commises à compter du 1er janvier 1976, date de son entrée en vigueur.
D'autre part, la notion de " décès comme conséquence du courage ou du dévouement de la victime " semble s'être dégagée de celle de " décès résultant de l'exercice des fonctions ". Ainsi la loi n° 77.1466 du 30 décembre 1977 a ajouté au Code des pensions civiles et militaires de retraite un article L.37 bis rédigé comme suit :
" Lorsque le fonctionnaire ou le militaire est décédé à la suite d'un attentat ou d'une lutte dans l'exercice de ses fonctions ou d'un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, la pension de réversion concédée à la veuve, augmentée soit de la moitié de la rente viagère d'invalidité dont aurait pu bénéficier le fonctionnaire, soit de la pension prévue par le code des pensions militaires d'invalidité, ne peut être inférieure à la moitié du traitement brut afférent à l'indice brut 515 ".
Le Médiateur constate que ces mesures sont tardives, et les juge très insuffisantes.
Il faut bien voir en effet que la seule différence faite par le législateur entre les morts " acceptées " et les morts simplement " subies " consiste en l'institution de ce plancher d'indemnisation déterminée par référence à l'indice 515 - ultérieurement, la loi de finances rectificative pour 1979 a fixé à 10 % du traitement afférent à ce même indice le montant minimum des rentes temporaires d'orphelin : la libéralité n'est pas grande.
Par ailleurs, si les familles des victimes ont droit à l'indemnité prévue par la loi du 3 janvier 1977, qui peut affirmer que la commission chargée de fixer cette indemnité ne considérera pas l'indemnisation qu'elles perçoivent en application du Code des pensions comme " suffisante " ?
" L'Etat est son propre assureur " est une tradition bien établie. Mais ce qui précède démontre qu'en matière d'assurance-vie, la modicité des garanties qu'il consent à ses agents - même quand ils ont accepté de mourir à son service - en fait un très mauvais assureur.
Le problème est donc grave. Il est également vaste, puisqu'il peut se poser dans la plupart de nos services publics, et non pas seulement, comme le Médiateur a eu l'occasion d'en connaître, aux P et T (affaire citée ci-dessus) et, naturellement, dans les services de sécurité (les familles d'un gardien de la paix et d'un CRS tués en service se sont adressées à lui).
Ces considérations amènent le Médiateur à la proposition suivante : les collectivités publiques ne pourraient-elles assurer sur la vie certaines catégories d'agents, soit auprès d'une société ou d'une mutuelle d'assurances, soit en demeurant leur propre assureur, mais, en toute hypothèse, de façon que soit garantie à leurs ayants-droit une indemnisation beaucoup plus substantielle que celle à laquelle ils peuvent prétendre actuellement ?
L'exemple suivant vient à l'appui de cette proposition :
Le personnel non titulaire d'une commune avait été assuré par les soins de la municipalité. Ultérieurement, ce personnel fait l'objet d'une titularisation dans les conditions prévues par le statut des personnels communaux et l'un de ses membres vient à être victime d'un accident.
Le maire n'a pu obtenir que la réparation de cet accident soit prise en charge ni en exécution de ce statut, ni par aucune des sociétés d'assurances avec laquelle il a pris contact.
Il apparaît donc au moins nécessaire qu'un texte vienne prescrire l'obligation d'assurer les personnels communaux quel que soit leur statut.
3 - Suite donnée à la " proposition pour l'avenir " contenue dans le rapport de 1977
Dans son rapport de 1977 (pages 25 à 40) le Médiateur avait préconisé l'institution d'un système permettant une réparation plus rapide et plus complète des préjudices causés aux administrés par une faute de l'Administration.
Le Premier Ministre a décidé de donner suite à cette proposition, notamment en prévoyant la création dans chaque département d'un " comité consultatif de règlement amiable des dommages non contractuels " et la réorganisation des comités analogues qui existent déjà en matière de marchés publics.
Ces dispositions, qui nécessitent la prise de deux décrets, font l'objet d'une circulaire en cours d'élaboration.
Section 3
Les principaux résultats de la politique
de réformes du Médiateur en 1979
Le bilan chiffré global de l'activité réformatrice du Médiateur a été dressé dans la première partie de ce rapport.
Par ailleurs, une analyse des propositions les plus récemment élaborées sera donnée ci-après, sous la rubrique du département ministériel qu'elles concernent plus particulièrement.
On se bornera donc ici à regrouper les résultats les plus importants qui ont marqué l'année 1979 en ce domaine, dans le cadre des procédures décrites au rapport de 1978, p. 72 à 74.
A - Propositions de réforme ayant fait l'objet d'un arbitrage du Premier Ministre
Elles sont au nombre de 18 (dont 2 " synergies ").
Parmi celles qui ont donné lieu à un arbitrage favorable, 9 avaient pu être concrétisées, au 31 décembre 1979, par un projet de texte législatif ou réglementaire. Elles sont brièvement analysées ci-après.
1 - Propositions devant recevoir une suite législative
(rapport de 1978, p. 73-74)
a) Propositions intégrées dans le projet de loi global " portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ".
STR 78.37 (cf. rapport de 1978, p. 216)
Il est apparu équitable de supprimer le caractère automatique de la transformation, à l'âge de 60 ans, de la pension d'invalidité du régime général de la sécurité sociale en " pension de vieillesse pour inaptitude ".
En effet, cet automatisme pénalise les invalides qui continuent à travailler passé cet âge, sans pouvoir bénéficier, pour le calcul de leur pension de vieillesse, des cotisations qu'ils continuent à verser.
FIN 78.36 (rapport de 1978, p. 169)
Il s'agit d'élargir le champ d'application de l'article L 18 du Code des Pensions civiles et militaires de retraite, disposition qui permet au pensionné ayant élevé chacun pendant 9 ans au moins trois enfants de bénéficier d'une majoration de pension.
Désormais, ouvriraient également droit à cette majoration :
- les enfants placés sous la tutelle du pensionné (ou de son conjoint), et cela, même dans le cas où l'un de leurs parents serait encore en vie ;
- les enfants simplement " recueillis " - même sans décision judiciaire ou administrative - s'ils ont été effectivement à charge pendant le délai réglementaire.
FIN 78.44 (rapport de 1978, p. 169)
Les anciens agents de l'Etat qui ont quitté le service, sans avoir acquis de droit à pension, avant l'entrée en vigueur du décret " de coordination " n° 50.137 du 20 janvier 1950, pouvaient, dans un délai de cinq ans, demander, soit le remboursement des retenues opérées sur leur traitement, soit la jouissance des droits qu'ils auraient acquis s'ils avaient été assujettis au régime général de la sécurité sociale.
Beaucoup n'ayant fait ni l'un ni l'autre, faute d'une information suffisante, il est prévu de lever à leur profit la prescription frappant les cotisations versées pendant leur temps de service.
Cela répondrait à un voeu maintes fois exprimé par le Médiateur, qui juge inconcevable l'existence de " cotisations perdues ".
FIN 78.43 (rapport de 1978, p. 135)
Il s'agit d'aligner les procédures applicables en cas de perte ou de vol de titres au porteur sur celles fixées par le décret n° 56.27 du 11 janvier 1956.
La réglementation en vigueur fait un sort moins favorable aux porteurs en cas de dépossession de titres d'emprunts émis ou gérés par l'Etat : cette disparité ne se justifie pas.
PTT 78.5 (rapport de 1978, p. 202)
L'article L 126 du Code des Postes et Télécommunications dispose que les demandes en restitution de sommes indûment perçues par le budget des P et T sont prescrites, au profit de l'Etat, si elles sont présentées passé un délai de six mois.
En revanche, ce n'est qu'au bout de deux ans que la prescription des sommes qui ne leur avaient pas été réclamées en temps utile par l'administration est acquise aux redevables.
La fixation d'un délai unique d'un an dans les deux cas serait un nouvel exemple de la nécessaire mise en harmonie des droits et obligations respectifs de l'administration et de l'administré en matière de prescriptions et de forclusions.
b) Proposition intégrée dans une législation spécifique
JUS 78.7 (rapport de 1978, p. 194)
Le Médiateur y soulevait le problème particulier des cautionnements illimités donnés à des établissements bancaires en garantie de crédits accordés à une entreprise. Il suggérait, afin de prévenir les cas où la caution oublierait l'engagement ainsi contracté et se trouverait responsable pécuniairement de dettes sans commune mesure avec son patrimoine privé, d'instituer par voie législative l'obligation pour le bénéficiaire du cautionnement de rappeler une fois par an à la caution les engagements qu'elle a pris.
L'accord s'est fait sur cette suggestion, mais non sur la sanction applicable au bénéficiaire du cautionnement qui n'aurait pas rempli la formalité prévue.
Le texte demeure donc en discussion sur ce point. En tout état de cause, il sera intégré dans le projet de loi n° 974, " tendant à instituer des mesures de prévention des difficultés des entreprises ", qui doit être examiné à la prochaine session parlementaire de printemps.
2 - Propositions devant recevoir une suite réglementaire
(rapport de 1978, p. 74)
FIN 78.41 (rapport de 1978, p. 134)
Dans cette proposition, le Médiateur suggérait que soit abrogé le décret des 16-19 juillet 1793, selon lequel les caisses publiques ne sont tenues à aucun paiement en exécution d'un jugement attaqué par la voie de la cassation si la partie provisoirement gagnante n'a fourni " bonne et suffisante caution ".
Ce texte, qui apporte dans notre droit la seule exception au principe de l'effet non suspensif du pourvoi de cassation, pénalise injustement ceux des créanciers des collectivités publiques qui ont le moins de ressources.
Le projet du décret destiné à le remplacer a été transmis pour avis au Conseil d'Etat.
Sans supprimer le principe de la caution, il laisse au premier président de la Cour d'appel le soin de décider si une garantie est nécessaire, et, le cas échéant, d'en fixer la nature, l'étendue et les modalités.
PTT 77.2 et 77.3 (rapport de 1978, p. 200 à 202)
Ces deux propositions sont liées. La première tend à substituer au système de " l'utilisateur déclaré " d'un poste téléphonique (le propriétaire restant titulaire de l'abonnement, et devant cautionner le locataire utilisateur en cas de non-paiement des factures par celui-ci), un système où tout nouvel utilisateur - locataire ou propriétaire - deviendrait titulaire de l'abonnement, moyennant une " taxe de réattribution - d'un montant modéré.
La seconde tend à remplacer la " taxe de raccordement " au réseau par une taxe de montant plus faible, lorsque l'utilisateur entre dans un local où le téléphone est déjà installé.
Si l'on projette l'ensemble de ces suggestions dans un avenir proche où la situation de pénurie qui affecte encore çà et là notre réseau aura complètement disparu - on débouche sur un système de taxe simplifié, qui comporterait, au niveau supérieur, la taxe de raccordement au réseau, et au niveau inférieur, les nouvelles taxes proposées (taxe de réattribution et taxe de raccordement " diminuée "), lesquelles seraient fusionnées avec la taxe de transfert.
Le projet du décret destiné à fixer les étapes et les modalités de cette réorganisation demeure toutefois en cours de discussion, sur certains points.
B - Propositions satisfaites en 1979 sans recours à l'arbitrage
Pendant l'année 1979, les propositions de réforme qui suivent on recueilli l'accord des départements ministériels concernés, sans qu'il ait été besoin de recourir à l'arbitrage du Premier Ministre.
FIN 76.22 (rapport de 1976, p. 185 et 186),
En cas de fusion, fusion absorption ou fusion scission de sociétés, la liste des documents et renseignements que les sociétés sont tenues de fournir à leurs actionnaires sera, comme le Médiateur le demandait complétée par un certain nombre de documents donnant à ces derniers une information plus complète, et dont la commission de contrôle des opérations de bourse pourra vérifier la sincérité.
FIN 78.47 (rapport de 1978, p. 135)
Lorsqu'un contribuable a opté pour le prélèvement mensuel de son imposition sur le revenu, il reçoit en fin d'année un " avis de situation " où le montant de l'échéance de décembre n'est pas indiqué comme ayant été déjà prélevé. Il s'ensuit une ambiguïté, entraînant des démarches inutiles, voire des paiements indus.
Le Médiateur a obtenu que cette ambiguïté soit levée dès l'année 197 dans tous les imprimés mis en service.
FIN 79.49
Le " formulaire 2116 ", largement utilisé par les services fiscaux, est un document destiné à demander d'autres documents.
Mais la rédaction en est sèche, et même comminatoire : au verso, figure une liste des sanctions encourues par le malheureux qui n'a pas " accompli ses obligations " - sanctions d'ailleurs peu intelligibles pour qui n'est pas familier du Code général des impôts. En outre, le destinataire est très généralement obligé de venir chercher dans les services fiscaux la pièce même que ceux-ci lui réclament...
Si l'on ajoute que le défaut de production dans un délai de 30 jours des documents demandés entraîne une amende fiscale de 25 francs, on ne peut dire qu'un tel document soit de nature à " décrisper " les relations des contribuables avec les services fiscaux.
Le Médiateur avait demandé :
- que l'administration adopte dans cet imprimé un ton plus aimable et une rédaction plus intelligible ;
- qu'elle fasse l'effort d'y adjoindre deux exemplaires des documents que le destinataire est invité à remplir ;
- que le délai de réponse soit porté à deux mois (un mois constituant, comme le Médiateur s'efforce de le faire admettre, " le minimum légal d'absence " pour un Français).
Il a obtenu satisfaction sur les deux premiers points. Il a bon espoir de fléchir la résistance de l'administration sur le troisième.
FIN 79.50
Lorsqu'un contribuable décède, la rigidité du système informatique utilisé pour l'établissement des rôles et la mise en recouvrement des acomptes provisionnels, peut faire que le conjoint survivant soit amené à continuer à verser des acomptes inscriptibles au rôle du décédé, et, même lorsqu'un nouveau rôle a été établi à son nom, qu'il n'y puisse voir automatiquement inscrits à son crédit ces versements indus.
Pour éliminer ce genre de situations, le Médiateur avait proposé :
- que les informations données au verso des avis d'acomptes indiquent que les acomptes ne sont pas exigibles pour les décès antérieurs au 1er janvier de l'année de leur émission ;
- que dès que le décès d'un contribuable est connu des services fiscaux, le rôle d'imposition au décès soit établi manuellement, afin d'éviter l'émission automatique d'avis d'acomptes provisionnels.
Il a reçu l'assurance que les instructions données aux services fiscaux permettraient l'application des mesures proposées dès le 1er janvier 1980.
FIN 79.57
Dans sa proposition FIN 78.45 (rapport de 1978, p. 135) le Médiateur avait suggéré certaines mesures de nature à éviter que par suite d'une mauvaise information, les propriétaires de constructions nouvelles perdent le bénéfice de l'exonération pendant deux ans de la taxe foncière.
L'examen de dossiers récents l'a amené à présenter de nouvelles suggestions, les unes tendant à améliorer la rédaction et l'utilisation de certains imprimés, les autres à faciliter la preuve du dépôt ou de l'envoi de la déclaration requise du candidat à l'exonération.
Le ministère compétent a donné son entier accord à ces suggestions.
MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES
I - Quelques affaires concernant la situation des Français de l'étranger.
Pour 1979, 22 affaires (soit 0,5 % du total) relevaient de la compétence du Ministère des Affaires Etrangères.
La grande majorité des réclamations posait la question, signalée de manière constante, de la situation des Français résidants, ou ayant acquis des droits, à l'étranger (cf. les rapports précédents du Médiateur et en particulier celui de 1977 pages 77 et suivantes).
Malgré certaines améliorations apportées notamment par la création il y a quelques mois de la Direction des Français à l'étranger, le problème de fond - le problème diplomatique - demeure en effet inévitablement, et avec lui toute une série de spoliations difficiles à réparer.
Deux facteurs essentiels peuvent contribuer au règlement de certaines situations :
- L'amélioration de la réglementation française elle-même, pour tout ce qui concerne notamment le domaine de la protection sociale (affaire n° 77.466 par exemple relative à la protection sociale des familles des coopérants).
- L'élaboration de conventions internationales (affaire n° 76.2761 relative à la recherche de débiteurs d'aliments et au recouvrement des pensions alimentaires à l'étranger).
A l'inverse les litiges résultant de crises politiques - tous les problèmes de rapatriés - posent des questions spécifiques qui ne peuvent être étudiées qu'au coup par coup.
Entre ces deux types de situations, toute une série de litiges interviennent moins systématiquement, mais révèlent un état latent d'incertitude et d'insécurité.
Le Médiateur a à connaître dans ce domaine de deux catégories essentielles de réclamations.
Ces requêtes proviennent :
- de la difficulté de faire reconnaître par un Etat étranger sa responsabilité ou la responsabilité d'un de ses ressortissants dans certaines affaires dont sont victimes des Français : dossier n° 76.0683 consécutif à un accident survenu en Syrie du fait d'un camion militaire et dossier n° 79.193 relatif à la responsabilité d'un ressortissant marocain dans un accident de la circulation survenu au Maroc.
Ces deux dossiers qui ont, à la demande du Médiateur, été soumis à la Direction des Français de l'étranger, font toujours l'objet de négociations avec les autorités des pays concernés.
- de la difficulté, lorsqu'une dette est certaine, d'en obtenir le règlement.
Les situations sont diverses et peuvent concerner :
. le versement de rentes d'accident du travail (affaires 77.2253 et 75.2956).
. des arrérages de pensions (n° 78.3271).
. des salaires ou traitements divers (affaires 75.2602 et 78.3523).
. le remboursement d'emprunts (n° 78.0331).
. ou, même, le versement d'indemnités décidées par un tribunal (n° 78.2003).
Quelques affaires ont pu, sur intervention du Médiateur et grâce aux démarches pressantes de certaines Ambassades, trouver une issue positive, soit directement auprès des autorités étrangères (affaires 78.723 et 79.763), soit en permettant l'obtention de documents nécessaires au règlement des dossiers traités en France (n° 77.2433).
Les échecs sont, malheureusement, encore fréquents.
C'est pourquoi à plusieurs reprises des réclamants ont exprimé le souhait que l'Etat français garantisse le paiement des sommes dont ils sont créanciers vis-à-vis d'Etats étrangers. La charge financière qui en résulterait pour les contribuables rend toutefois la chose difficile. Seule une loi, portant création d'un fonds spécial d'indemnisation, permettrait de régler ce problème.
II - CONCLUSION.
Malgré les lenteurs inhérentes à l'action diplomatique et les faibles résultats obtenus, le Médiateur tient à souligner qu'à plusieurs reprise la collaboration avec le Ministère des Affaires Etrangères s'est, au cours de l'année, révélée efficace.
Il est encore trop tôt pour mesurer les effets de la création de la Direction des Français à l'étranger, mais l'on peut d'ores et déjà espérer qu'elle sera susceptible d'améliorer le climat d'incertitude et de crainte qui entoure souvent les relations des ressortissants français avec certains Etats étrangers.
Le Médiateur est conscient toutefois de ce que l'action diplomatique et la politique étrangère ne se jouent pas au niveau des réclamations qui lui sont transmises et qu'en ce domaine, son intervention ne peut que rester limitée.
MINISTERE DE L'AGRICULTURE
I - BILAN
77 réclamations relevant de ce Ministère - et représentant un pourcentage de 1,78 par rapport au total - ont été adressées au Médiateur en 1979. La comparaison avec les années précédentes montre que le nombre des dossiers continue de croître de façon régulière.
Si les affaires les plus nombreuses concernent les problèmes de remembrement, l'attribution aux agriculteurs d'avantages tels que l'indemnité viagère de départ, les dotations d'installation ou les prêts restent assez fréquemment sources de litiges.
Les autres réclamations - hormis celles qui mettent en cause la Mutualité Sociale Agricole ou les Caisses de Retraites Agricoles, étudiées au titre des Affaires Sociales - ont trait le plus souvent aux conséquences de divers aménagements fonciers et de dégâts occasionnés par les travaux connexes. (Entre autres, dossier n° 79.837 : la propriété de l'intéressé avait été inondée à la suite de travaux effectués par l'Association Foncière). Le dénouement de ces affaires intervient habituellement dans des délais assez brefs.
Aussi, l'accent sera t-il porté cette année, d'une part, sur un problème particulièrement important lié au remembrement et, d'autre part, sur trois dossiers faisant apparaître, une fois de plus, avec quelle désinvolture l'administré peut, parfois, être traité.
II - 1) INCONVENIENTS DE L'INEXECUTION DES JUGEMENTS OU ARRETS RENDUS EN MATIERE DE REMEMBREMENT
A - Le problème posé
Plusieurs constatations se dégagent des affaires dont le Médiateur a été saisi, des enquêtes auxquelles il a ou a fait procéder, ainsi que d'une étude effectuée à Laon, au cours de l'un de ses déplacements, en présence des représentants du Ministère de l'Agriculture, du Préfet, et du Président de la Commission du Rapport et des Etudes du Conseil d'Etat.
La longueur des procédures contentieuses ne devrait théoriquement pas empêcher l'exécution des jugements ou arrêts rendus en matière de remembrement. Si la décision d'une Commission Départementale de remembrement est annulée, en tant qu'elle concerne les attributions d'un remembré, il lui faudra procéder à une nouvelle répartition et attribuer à l'intéressé une parcelle équivalente en valeur de productivité réelle à celle qu'il avait eu initialement. Les tribunaux n'ont, en effet, jamais le pouvoir d'imposer une solution, mais ne peuvent qu'annuler éventuellement tout ou partie des décisions de la Commission Départementale qui est alors appelée à statuer de nouveau.
Pratiquement, il apparaît difficile, après plusieurs années, de reprendre un terrain qui avait été attribué à un tiers, en vue de le réattribuer au bénéficiaire de la décision juridictionnelle : l'ensemble du plan de remembrement peut, en effet, se trouver alors remis en cause ; des travaux ont pu être exécutés etc...
En conséquence, et comme en témoignent les réclamations adressées au Médiateur, les Commissions Départementales dont une décision a été annulée s'efforcent de ne pas exécuter le jugement ou l'arrêt, c'est-à-dire de ne pas prendre une nouvelle décision qui soit conforme et régulière. Elles adoptent alors diverses attitudes :
1. Elles essaient de ne jamais prendre de nouvelle décision et tentent par leur inertie de maintenir les choses en leur état initial, comme l'illustre le dossier n° 78.2561 :
Après l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 Avril 1973, il n'avait pas été statué, en 1978, sur les apports et les attributions de l'intéressé.
2. Si elles prennent une nouvelle décision, elles veillent à donner le moins de portée possible à la décision juridictionnelle. Un exemple :
Dossier 76.506 : après le jugement du Tribunal Administratif annulant la décision selon laquelle " le compte des biens de l'intéressé présente un déficit important ", celui-ci se voit seulement attribuer un terrain où se trouve un canal et un puits d'évacuation des eaux de ruissellement.
Il en résulte de nouvelles procédures contentieuses tout aussi longues que les précédentes et aussi aléatoires quant à leurs résultats.
3. Ce refus de prendre une décision ou la nouvelle décision provoquent de nouvelles procédures :
Affaire 73.506 (précitée) : 3 procédures successives. L'intéressé a saisi le Médiateur, début 1976, pour une affaire qui durait depuis 1968. Deux jugements avaient déjà été rendus en sa faveur. Un troisième l'a été le 28 Juin 1978.
Par lettre du 4 Janvier 1979, le Préfet informait le Médiateur de ce que la Commission statuerait durant le premier trimestre 1979. En Avril, l'intéressé faisait part de ses doutes au Médiateur ... De fait, la Commission s'est prononcée sur ce cas le 19 juillet 1979, soit plus d'un an après le jugement et a pris une décision que, une fois encore, l'intéressé a considérée comme défavorable à son égard. L'issue de cette affaire semble donc encore lointaine.
Affaire n° 79.15 : 2 procédures successives. Après l'arrêt du 16 Février 1972 confirmant l'annulation de sa précédente décision, la Commission Départementale statue le 28 Juin 1972. Cette nouvelle décision est annulée par le Tribunal Administratif le 24 Novembre 1976 et le Conseil d'Etat a confirmé partiellement le jugement le 25 Octobre 1978.
Affaire 78.1156 : 2 procédures successives. Un jugement annule en 1976 une décision. La nouvelle décision est annulée le 28 Février 1979.
B - La position du Médiateur
Le problème de l'inexécution des jugements ou arrêts rendus en matière de remembrement, soulevé par ces différentes affaires - et de nombreuses autres non citées - retient actuellement l'attention du Médiateur et fait l'objet d'une étude qui devrait permettre de déterminer s'il est possible de proposer une réforme visant à y remédier.
La modification des conditions dans lesquelles sont exécutés les jugements ou arrêts pourrait constituer une solution susceptible d'éviter l'enlisement actuel du contentieux des opérations de remembrement. Divers systèmes de règlement ont été étudiés, mais aucune solution véritablement satisfaisante n'a pu encore être dégagée. Aussi, le Médiateur poursuit-il l'étude de ce problème.
La situation actuelle, particulièrement inéquitable, ne devrait pas être maintenue en l'état plus longtemps.
2) ETUDE DE QUELQUES DOSSIERS MONTRANT LE NON-RESPECT, PAR L'ADMINISTRATION, DES PROMESSES QU'ELLE A FAITES
Affaire 790892 : Le 18 Janvier 1977, Mme B. s'est vu refuser l'attribution de l'I.V.D. au motif que sa parcelle de subsistance était supérieure à 80 ares.
Le service des structures de la Direction de l'aménagement lui ayant fait savoir, par lettre du 9 Juin 1977, que l'avantage sollicité ne pourrait lui être accordé tant qu'elle n'aurait pas régularisé sa situation, elle s'est dessaisie des 2 ha. dont elle était usufruitière et affirme avoir immédiatement transmis une attestation notariale en date du 13 Juillet 1977.
Aucune réponse n'ayant été faite, les enfants de la requérante ont en 1978 relancé l'affaire.
La Direction Départementale de l'Agriculture les informait, le 4 Septembre 1978, qu'une suite favorable serait réservée à la demande si l'acte authentique d'usufruit était transmis, l'attestation précédemment reçue étant insuffisante.
Après réception de l'acte authentique, le Comité permanent des structures agricoles a cependant décidé le 29 Septembre 1978 " qu'il n'était pas possible de revenir sur la décision du 18 Janvier 1977, en raison du trop long délai séparant l'envoi des pièces justificatives par rapport à la demande initiale (Mai 1974) ".
Les termes des correspondances échangées avant le 17 Octobre 1978 apparaissant manifestement contraires à ceux de la décision du 29 Septembre 1978, le Médiateur a considéré que la seule solution équitable serait l'annulation de la décision du 18 Janvier 1977. Cette affaire a pu être réglée favorablement pour l'intéressée.
Affaire 790607 : Le P.D.G. d'une société d'étude et de construction de chaudières en acier se plaignait de ce que le Centre National d'Etudes et d'Expérimentations de Machines Agricoles (CNEEMA) lui aient causé un préjudice en ne respectant pas les promesses qu'il avait faites.
Le CNEEMA lui avait demandé l'étude d'une chaudière automatique susceptible de consommer des granulés de paille. Bien qu'il ait supporté 50 % du coût de la mise au point de ce matériel, aucune commercialisation n'a pu être envisagée et la fabrication des granulés de paille n'a pu être réalisée et a été pratiquement abandonnée. Le requérant sollicite une indemnisation correspondant aux frais qu'il avait engagés. L'affaire est en cours.
Affaire 750422 : Il s'agit d'une société civile agricole qui se plaint d'avoir été écartée par le Crédit Agricole du bénéfice du prêt spécial d'élevage après l'achat de cheptel. Le décret du 4 janvier 1973 fixant les conditions d'octroi de ce genre de prêt n'exclut pas en effet de leur bénéfice les personnes morales.
Le refus du Crédit Agricole était fondé sur l'interprétation restrictive donnée par le Ministre à ce décret qui, selon lui, entend réserver l'attribution de tels prêts aux seuls éleveurs personnes physiques.
L'arrêté d'application, en précisant que la qualité d'éleveur exigée est réputée acquise aux exploitants affiliés à l'assurance maladie, invalidité et maternité des agriculteurs non salariés, confirmerait ce point de vue.
Toutefois, il est apparu au Médiateur que cette interprétation dénature le sens du décret élaboré par l'administration de concert avec la profession, ce dont le Ministre de l'Agriculture a convenu, et que dès lors satisfaction doit être donnée aux sociétés civiles demanderesses.
Compte tenu de l'urgence que présente le règlement de cette affaire en instance depuis trois ans et de la divergence d'interprétation à laquelle donne lieu le décret incriminé, le Médiateur vient d'adresser une Recommandation au Ministre de l'Economie pour qu'il consulte le Conseil d'Etat sur la portée du texte en question.
III - PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS
a) Propositions de réforme
En 1979, le Médiateur a formulé une proposition de réforme (n° AGR. 79.7) relative aux cotisations à la Mutualité sociale agricole dues par les aides familiaux devant interrompre leur activité agricole pour effectuer leur service national.
Les cotisations étant calculées sur la base de la situation au 1er jour de l'année civile, cette appréciation conduit, pour les aides familiaux, à une iniquité.
Aussi, le Médiateur propose-t-il que le départ des aides familiaux au service national ait, en matière de cotisation à la MSA, un effet suspensif. Les cotisations ne seraient imputées à l'année en cours qu'au prorata du temps écoulé jusqu'au service national ; le solde couvrirait forfaitairement et sans nouveau décompte le temps restant à courir entre le retour du service et la fin de l'année civile correspondante.
La justification du temps passé au service serait fournie par l'autorité compétente (Armées ou service de la Coopération).
Satisfaction partielle a déjà été donnée à cette proposition et un projet de texte est à l'examen au Ministère du Budget.
Deux propositions avaient été mentionnées dans le Rapport de 1978 (page 97). La première a été satisfaite, la seconde abandonnée.
b) Recommandations - Injonctions
En 1979, le Médiateur n'a adressé ni recommandation ni injonction au Ministre de l'Agriculture.
Au tout début de l'année 1980, une recommandation a été adressée au Ministre de l'Economie pour que soit enfin réglée cette affaire citée plus haut, relative au bénéfice d'un prêt du Crédit Agricole.
IV - CONCLUSION
Le Médiateur entretient avec ce Ministère des rapports continus et confiants qui permettent d'obtenir des résultats non négligeables.
Il regrette cependant que dans certaines affaires de caractère interministériel le concernant directement, le Ministre n'insiste pas davantage pour faire admettre la position de son Département.
SECRETARIAT D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS
I - BILAN
Le Médiateur a reçu 98 réclamations concernant ce Secrétariat d'Etat, soit un pourcentage de 2,27 % par rapport au total.
Une très légère diminution peut être observée en comparaison de l'année précédente.
Les réclamations se sont réparties, comme les autres années, en deux catégories :
- celles qui se rapportent aux droits à pension ou à diverses prestations.
- celles qui sont relatives aux titres auxquels peuvent prétendre les combattants, les déportés ou les résistants.
1 - Pensions et prestations
Les demandes de validation de services, de même que les affaires concernant le versement ou les délais de versement des pensions dues aux anciens combattants, ont été peu nombreuses et n'ont pas soulevé de difficultés importantes.
Par contre, de nombreuses et délicates affaires ont eu pour objet la reconnaissance de l'imputation au service de diverses affections et, par là même, l'obtention de pensions militaires d'invalidité, l'augmentation du taux d'invalidité de certains pensionnés ou la révision de ces pensions.
De multiples affections ou infirmités ont, ainsi, fait l'objet de litiges :
- maladies ou blessures et leurs séquelles (tuberculose, surdité, troubles de la vision etc ... ).
- infirmités résultant de chutes, d'accidents.
Pour établir l'imputabilité au service de ces affections ou pour démontrer que les nouvelles affections sont en relation avec celles qui ont donné droit à pension, encore faut-il s'appuyer sur des attestations ou documents suffisamment probants : documents contemporains de l'époque à laquelle s'est déclarée la maladie, attestations de médecins...
C'est sur ce point que portent les différends, pour la grande majorité des cas :
Soit parce que les affections invoquées n'ont pas fait l'objet de constat, à l'époque considérée.
Soit parce que, faute d'avis favorables des médecins experts, certains accidents ne peuvent être rattachés directement aux faits de guerre incriminés.
Ce genre d'affaires donne donc lieu, avant d'être définitivement classées, à de multiples expertises médicales et, de la part des requérants, à des demandes réitérées devant les diverses Commissions : Commissions médicales et Commissions de réforme dont le fonctionnement prête fréquemment à critiques.
2 - Qualité de combattant, de déporté ou de résistant
Dans le rapport de l'année dernière, les difficultés rencontrées par les anciens combattants et par les réfractaires au service du travail obligatoire pour faire reconnaître leurs droits ont été analysées, à l'appui d'exemples précis.
Dans le règlement de tels différends la position du Médiateur est difficile. Il n'a pas les moyens techniques lui permettant de remettre en cause les expertises médicales sur lesquelles s'appuient les décisions prises et contestées.
Cette année encore, nombreuses ont été les réclamations ayant trait à l'obtention de la carte du combattant ou à la reconnaissance de la qualité de déporté ou de résistant.
Dans certains cas, le Médiateur a pu faire bénéficier les intéressés du titre sollicité, les attestations ou arguments présentés à l'appui des requêtes apportant, parfois, des éléments et des détails nouveaux ou que l'Administration avait omis de considérer auparavant.
Certaines réclamations ont soulevé des anomalies plus graves.
Ainsi l'affaire n° 78.2571 fait apparaître que les résistants sont différemment traités selon qu'ils sont fonctionnaires ou salariés. Notamment, pour la prise en compte de leurs services dans le calcul de leur pension. En effet, les fonctionnaires doivent fournir un certificat d'appartenance aux F.F.I., modèle national, les salariés du régime général, eux, doivent seulement produire une attestation.
Une telle discrimination conduit le Médiateur à proposer de modifier la réglementation dans le sens de l'uniformisation.
II - CONCLUSION
Le Médiateur apprécie à sa juste valeur les efforts que l'Administration consent pour accomplir une tâche ingrate et tenter de redresser les injustices que lui signale le Médiateur.