LES REFORMES
CHAPITRE Ier
CE QUI A MARQUÉ L'ANNÉE 1983 EN CE DOMAINE
Le rapport pour 1982 (pp. 123-124) plaçait les obstacles au suivi des propositions de réforme parmi les plus importantes difficultés que rencontrait encore l'activité réformatrice du Médiateur.
Or c'est précisément en matière de suivi que l'année 1983 a apporté les événements les plus marquants et les plus heureux pour cette activité : ce sont les manifestations sans équivoque de l'intérêt que porte le Premier ministre à une instruction rapide des propositions de réforme du Médiateur ; c'est l'appui que celui-ci reçoit des services du secrétariat général du Gouvernement et de ceux du secrétaire d'Etat, chargé de la fonction publique et des réformes administratives, lorsqu'il s'agit de déterminer le sort final de ses propositions, voire d'accélérer leur discussion.
I. - L'INSTRUCTION DU PREMIER MINISTRE
N° 1796 DU 28 JUIN 1983.
Voici le texte de cette instruction :
" En application de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur, ce dernier est amené à vous adresser des propositions de réforme issues de l'étude de situations qui lui sont signalées.
" Dans son dixième rapport au Président de la République et au Parlement, le Médiateur regrette de " ne connaître le sort final de ses propositions de réforme que par la lecture du Journal Officiel.
" En conséquence, je vous demande de veiller à ce que les services du Médiateur soient, en application du troisième paragraphe de l'article 9 de la loi précitée, régulièrement informés, non seulement de la suite donnée à ses interventions, mais également de l'évolution de l'instruction de ses propositions.
" Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction Publique et des réformes administratives, étant chargé de veiller aux suites données aux propositions de réformes suggérées par le Médiateur et qui auront été retenues par les différents départements ministériels, je vous demande de lui faire parvenir copie de toutes les correspondances que vous serez appelés à adresser au Médiateur dans le cadre de la présente instruction. "
Ce que dit M. Mauroy appelle deux remarques :
1. - Il y a deux phases dans la " vie " - et donc dans le suivi - d'une proposition de réforme du Médiateur : la phase de discussion, qui va de l'émission de la proposition jusqu'à l'accord, sur elle, de tous les départements ministériels ou services concernés ; la phase de mise en oeuvre qui suit immédiatement, et se termine par la publication au Journal Officiel de la disposition législative ou réglementaire consacrant l'entrée dans le droit positif de ce que proposait le Médiateur - ou de ce qui en a, finalement, été retenu.
L'instruction vise bien (al. 2 et 3) ces deux phases, puisque, après la citation du rapport de, 1982 faite à l'alinéa 2 ( Le Médiateur regrette de " ne connaître le sort final de ses propositions de réforme que par la lecture du Journal officiel "), le Premier ministre demande à ses correspondants de veiller à ce que les services du Médiateur soient régulièrement informés, non seulement de la " suite donnée à ses interventions ", mais aussi de l'" évolution de l'instruction de ses propositions " - formule dont la généralité apparaît couvrir les deux phases en question.
D'ailleurs la référence, au début de l'alinéa 3, au troisième paragraphe de l'art. 9 de la loi instituant le Médiateur, rappelait d'emblée aux ministres et secrétaires d'Etat qu'une proposition de réforme est une " intervention " du Médiateur, et qu'il y a donc lieu de la traiter avec autant de diligence et de soin qu'une intervention " classique " sur dossier individuel.
2. - Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des réformes administratives reçoit mission (alinéa 4) de " veiller aux suites données aux propositions de réforme suggérées par le Médiateur, et qui auront été retenues par les différents départements ministériels " (L'expérience ultérieure a montré que le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et des réformes administratives avait accepté d'accélérer la discussion de propositions de réforme non encore " retenues " par tous les services concernés, et que des propositions dans le même état d'avancement, avaient été mises à l'ordre du jour de réunions " d'arbitrage " au secrétaire général du Gouvernement (cf. ci-après)). En corollaire, ceux-ci sont tenus de lui transmettre copies de toutes les correspondances adressées au Médiateur " dans le cadre de la présente instruction " - c'est-à-dire dans le cadre de la discussion et de la mise en oeuvre de toute proposition de réforme.
On ne saurait suggérer plus clairement quelle doit être l'exacte nature des rapports entre un membre du Gouvernement, chargé de la réforme administrative au sens le plus large, et une institution " sui generis ", qui puise ses sujets de réforme dans l'" effet ", sur les administrés, de l'action législative, réglementaire, ou simplement administrative : rapports de collaboration étroite, mais sans prééminence d'un " agent de réforme " sur l'autre.
Plus concrètement, le rôle conféré par l'instruction au secrétaire d'Etat chargé de la fonction Publique et des réformes administratives dans le traitement des propositions de réforme émanant du Médiateur, impliquait évidemment que celui-ci adresse désormais à celui-là copie de toutes ses propositions - alors que, jusque-là, seules les propositions intéressant plusieurs départements ministériels, et entrant de ce fait dans la compétence de coordination de ce secrétaire d'Etat, lui étaient transmises. - C'est ce qui a été fait, et continue de l'être.
En conclusion, l'instruction analysée montre à l'égard de l'action réformatrice du Médiateur une attention bienveillante, et extrêmement positive, dont celui-ci ne peut que se réjouir, et qui lui a d'ailleurs été rappelée dans le discours prononcé par M. Mauroy lors de la célébration du dixième anniversaire de l'Institution.
II - LES RÉUNIONS D'ARBITRAGE AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DU GOUVERNEMENT
A. - Hier et aujourd'hui.
Sous le septennat précédent, l'intérêt que le Premier ministre portait aux réformes proposées par le Médiateur l'avait conduit à instaurer, par voie d'instructions, une procédure permettant à un membre de ses services, au cours de réunions spéciales tenues au secrétariat général du Gouvernement, de prononcer une décision d'arbitrage en cas de divergences de vues, entre le Médiateur et les départements ministériels concernés, sur l'opportunité d'une proposition de réforme (On trouvera des détails sur cette procédure dans les rapports de 1977 (p. 56 et sv.) et de 1978 (p. 72 et sv.)).
C'est en juin 1983 que le Médiateur a été de nouveau convié à une réunion au secrétariat général du Gouvernement, où devait être examinée partie d'un train de " mesures de simplification administrative " proposées par différents départements ministériels, à laquelle avaient été " accrochées " un certain nombre de ses Propositions de réforme, pour la plupart anciennes.
La simplification, et plus généralement la réforme, étant l'affaire du secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et des réformes administratives, cette réunion, ainsi que les suivantes, ont été précédées de réunions préparatoires, tenues dans les services de M. Le Pors, et qui, en obligeant représentants des ministères et représentants du Médiateur à une confrontation au fond de leurs thèses, se sont révélées extrêmement fructueuses.
C'est donc suivant cette formule d'" arbitrages préparés " que se sont tenues, de juin à octobre 1983, quatre réunions auxquelles le Médiateur était représenté.
B. - Résultats et enseignements de cette reprise des arbitrages.
1. Les résultats concrets de ces arbitrages ont été très fructueux : plus de 40 propositions de réforme y ont été examinées, et leur sort final décidé (cf. plus loin, ch. 11, " Résultats ").
Cela a permis d'apurer, dans une large mesure, le stock des propositions encore en cours, et notamment des plus anciennes (certaines remontaient à 1975 ... ).
2. Mais, ce qui n'est pas moins important, il a été admis lors d'une de ces réunions, et cela s'est réalisé par la suite, qu'elles pourraient porter, non seulement sur des propositions qui se sont heurtées au refus des administrations concernées, mais aussi sur des propositions encore en cours de discussion, et même sur des propositions qui, acceptées de tous, ne seraient pas encore inscrites dans le droit positif (cf. ci-avant, I).
De ce fait, l'aide apportée par le Premier ministre et le secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et des réformes administratives au suivi des propositions de réforme du Médiateur apparaît encore plus importante que par le passé, puisqu'elle s'étend à la phase de discussion de ces propositions, aussi bien qu'aux derniers stades de leur mise en oeuvre.
3. Enfin, il a été également admis que des réunions d'arbitrage pourraient être consacrées à des propositions de réforme du Médiateur, que celles-ci aient pour objet des mesures de simplification administrative, ou des modifications plus profondes du droit. Ainsi, à la dernière réunion de 1983 (24 octobre), ont été examinées des propositions du premier type, tandis que l'ordre du jour de la première réunion prévue pour 1984 comporte une large majorité de propositions du second.
L'évolution qui s'est dessinée au cours de ces réunions successives a donc permis au Médiateur de recouvrer son " autonomie de recours " à l'arbitrage du Premier ministre - et à un arbitrage, comme nous l'avons vu, plus précoce et plus étendu que par le passé. En même temps, elle l'a engagé dans une voie qu'il ne négligeait pas jusqu'alors, mais qu'il n'explorait pas de façon systématique : celle de la recherche de propositions " simplificatrices ", c'est-à-dire tendant à alléger telle procédure, à rendre tel document plus intelligible... bref à faciliter les rapports les plus immédiats entre l'administré et l'Administration.
C. - Des conséquences moins heureuses.
La reprise - plutôt soudaine, bien qu'elle fût depuis longtemps souhaitée par le Médiateur - des réunions d'arbitrage au secrétariat général du Gouvernement, a contraint le Service des Réformes à mobiliser tous ses moyens (qui ne sont pas pléthoriques) pour préparer, suivre, exploiter ces réunions, et cela pendant une grande partie de l'année 1983.
Il a donc dû, durant cette période, négliger le " nouveau " - c'est-à-dire l'élaboration de propositions de réforme nouvelles, et se résoudre à n'assurer qu'imparfaitement la " continuité " : l'accélération de l'étude ou de la mise en oeuvre de certaines propositions importantes, comme les " synergies ", n'a pas été poursuivie ; des tâches internes, signalées comme urgentes dans le rapport pour 1982, n'ont guère progressé, etc...
Cela explique, notamment, quoiqu'en partie seulement, que la presque totalité des propositions nouvelles de 1983 (cf. ch. II ci-après) aient pris la forme de " lettres de réforme " (cf. rapport de 1982, p. 77) et non de propositions classiques, lettres d'ailleurs établies et émises dans leur majorité au cours des deux derniers mois de l'année.
Mais en définitive, l'appui donné par le Premier Ministre et par le Secrétaire d'Etat à la Fonction Publique et aux Réformes Administratives à tous les stades de la " vie " d'une proposition de réforme du Médiateur, la collaboration étroite qui s'est établie en ce domaine entre ses collaborateurs et ceux de ce Secrétaire d'Etat, représentent un acquis considérable de l'année 1983 - et pas seulement le plus considérable.
Il est à souhaiter que cela dur. Et d'ailleurs, si le Médiateur a grand intérêt à ne pas se trouver isolé dans son action réformatrice, le concours qu'il peut apporter à l'action propre du Gouvernement en ce domaine n'apparaît pas, non plus, négligeable.
CHAPITRE II
RÉSULTATS
SECTION 1
PROPOSITIONS ÉMISES ET PROPOSITIONS RELANCÉES
A. - Propositions émises
En 1983, le Médiateur a proposé 29 modifications de la loi, du règlement, du comportement ou du fonctionnement des services, dont 25 par " lettres de réforme ", et 4 seulement par l'envoi de " propositions classiques ".
Pour la définition de ce qu'est une lettre de réforme par rapport à une proposition classique, on rappellera ce qu'en disait le précédent rapport de 1982 (p. 77) : " il arrive..., qu'un sujet de réforme exclue par sa nature la lourdeur de (la) forme et (la) procédure (qui caractérisent la proposition classique), ou ne soit pas techniquement assez mûr pour permettre l'émission d'une proposition classique - c'est-à-dire comportant critique détaillée de l'état de droit ou de fait actuel, et suggestion de modifier -sans attendre tel secteur déterminé du droit, ou tel aspect précis du comportement des services ".
Il est vrai qu'à l'expérience, la lettre de réforme s'est aujourd'hui sensiblement rapprochée de la proposition classique : telle lettre de réforme, dont l'arrière-plan juridique est limité, s'appuiera sur une argumentation aussi précise et aussi complète qu'une proposition classique de même objet ; telle autre, émise en termes généraux, se complétera et précisera au fur et à mesure de sa " discussion " ultérieure.
En somme, ce qui fait aujourd'hui la spécificité de la lettre de réforme pourrait s'exprimer comme suit : " répondre à l'urgence, même par la généralité ".
On s'explique mieux ainsi, compte tenu de ce que nous disions de l'urgence à la fin du précédent chapitre, la part exceptionnelle qu'ont prise, en 1983, les lettres de réforme dans l'ensemble des propositions émises par le Médiateur.
Ajoutons que 29 propositions en un an, quelle que soit leur forme, représente, en quantité, presque un record historique, ce nombre n'ayant été dépassé qu'en 1980, et d'une unité seulement (30 propositions émises).
Et précisons, avant l'exposé succinct de ces propositions 1983 :
- que lettres de réforme et propositions classiques seront, dans la suite de ce rapport, mentionnées ensemble sous la rubrique du département ministériel que les unes et les autres concernent ;
- que l'" indicatif " d'une lettre de réforme est celui d'une proposition classique, précédé du sigle " P.R.L. " (proposition de réforme par lettre). De plus sa numérotation est différente.
Secteur social (5 propositions)
STR 82-60 : Exclusion, de l'estimation des ressources à prendre en compte pour l'attribution de la pension de réversion du régime général, de la pension de victime de la guerre. (Emise le 4 mai 1983).
En l'état actuel des textes, la pension de victime civile de guerre ne figure pas parmi les éléments de ressources dont il ne doit pas être tenu compte pour l'appréciation du droit à pension de réversion du régime général.
L'application rigoureuse de telles dispositions a pour conséquence d'exclure les victimes les plus gravement atteintes - le montant des pensions de guerre étant lié à l'importance du dommage corporel subi - d'un droit dérivé qui est par ailleurs reconnu à tout autre veuve jouissant de sa pleine intégrité physique.
Le Médiateur suggère, en conséquence, que soit autorisée - par voie de circulaires ou instructions ministérielles - une interprétation plus souple des dispositions réglementaires en vigueur afin de permettre, aussi bien aux Commissions de recours gracieux qu'aux juridictions saisies, de tenir compte, avec une plus grande équité, des cas humains les plus difficiles.
PRL STR 83-03 : Conséquences de la suppression de la " prime de mobilité " des jeunes. (Emise le 21 juin 1983).
De nombreux appels au Médiateur ont mis en cause les conséquences de la suppression, par la loi de finances pour 1983 (no 82.1126 du 29 décembre 1982), de la prime de mobilité allouée aux jeunes occupant un premier emploi salarié. Cette brusque suppression et l'absence de toute mesure de transition ont en effet lésé nombre de personnes, qui se trouvaient encore dans le délai fixé par la législation en vigueur pour présenter une demande.
En outre, aucune publicité n'a été organisée autour de cette décision. Ainsi, des réclamants ont fait état de renseignements donnés jusqu'en décembre 1982 par les A.N.P.E., et qui ne faisaient aucune allusion à la prochaine suppression de cette prime.
Compte tenu de la totale bonne foi des intéressés, ainsi que du sentiment profond d'iniquité qu'ils ne pouvaient manquer d'éprouver, le Médiateur a demandé que leur soient remboursées toutes les dépenses éventuellement exposées par eux, et notamment les frais de déplacement, voire d'installation, qu'ils auraient engagés.
PRL STR 83-04 Suppression de la vignette pharmaceutique. (Emise le 19 décembre 1983).
Nul ne semble s'être demandé, depuis l'invention de la vignette, si elle avait réellement apporté une économie à la Sécurité sociale : l'opinion du Médiateur est que la pratique de la vignette a, au contraire, été la source de dépenses accrues.
N'évoquant que pour mémoire le temps précieux que cette pratique coûte aux pharmaciens et aux employés de la Sécurité sociale, le Médiateur souligne le changement d'attitude qu'elle a entraîné chez les utilisateurs de médicaments, qui, avant l'instauration de ce système, achetaient les médicaments d'usage courant sans consultation médicale préalable, et sans songer davantage à se faire rembourser des produits aussi courants et anodins.
La création de la vignette a donc profondément modifié les états d'esprit peu à peu, les malades ont acquis la conviction que tout médicament devait faire l'objet d'un remboursement - puisque la vignette apportait la preuve tangible de son achat.
De leur côté, les fabricants ont rayé de leur fabrication la plupart des spécialités non remboursables, ajoutant parfois quelque vitamine ou quelque drogue plus actives à leur composition pour leur donner la valeur thérapeutique assurant le remboursement.
Enfin, les pharmaciens voient encore des ordonnances comportant un nombre impressionnant de spécialités, très diversifiées, dont certaines, parfois, portées après la signature du médecin, le client ayant tardivement demandé la " régularisation "...
La Sécurité sociale ne peut donc que pâtir d'une telle situation, et les quelques tricheries qui pourraient subsister après la suppression de la vignette représenteraient bien peu de chose auprès des avantages retrouvés.
PRL STR 83-05 : Remboursement des frais de déplacement des enfants handicapés scolarisés. (Emise le 22 décembre 1983).
Selon les dispositions réglementaires en vigueur, les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés fréquentant un établissement d'enseignement public ou privé et qui, du fait de la gravité de leur handicap, médicalement établi, ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun pour se rendre au dit établissement et en revenir, sont remboursés par l'Etat dans la limite d'un aller et retour par jour de scolarité.
L'étude de réclamations dont le Médiateur a été saisi a fait apparaître que la limite d'un seul trajet aller et retour par jour pouvait être insuffisante - dans le cas par exemple où, dans l'école fréquentée, ne fonctionne aucun système de restauration ; ou bien encore dans l'hypothèse où la journée entière passée dans la collectivité se révèle trop fatigante pour l'enfant.
C'est pourquoi il a suggéré que soit prévue, pour certaines situations exceptionnelles, la possibilité pour l'Etat de prendre en charge ces trajets pour deux allers et retours.
PRL STR 83-06 : Problèmes posés par la prévention de la " mort subite inexpliquée du nourrisson ". (Emise le 28 juillet 1983).
Les morts subites - et jusqu'ici inexpliquées - de nourrissons soulèvent, non seulement un grave problème médical, mais aussi un problème de couverture sociale préoccupant. En effet, les frères et soeurs des enfants ainsi décédés sont particulièrement exposés au même risque, et il s'agit de savoir dans quelle mesure la Sécurité sociale pourrait prendre en charge les frais de " monitorage " exigés par la surveillance de ces " fratries ".
L'appel au Médiateur qui est à l'origine de cette proposition suggère d'ailleurs une collaboration des parents et des services hospitaliers pour la gestion des appareils cardio-respiratoires prêtés aux familles, ainsi qu'une plus large information du public et du monde médical sur le phénomène de la mort subite du nourrisson.
Observation : Cette lettre de réforme a fait l'objet, dès le 31 août 1983, d'une réponse du secrétaire d'Etat, chargé de la Santé, dans laquelle il se déclare prêt à tenir le Médiateur au courant du résultat des travaux du groupe de travail qu'il a constitué pour étudier le problème.
Secteur économie, finances et budget (2 propositions).
a) Fiscalité
PRL FIN 83-01 : Mutations de cote foncière et mutations cadastrales. (Emise le 13 septembre 1983).
Tous les ans, au moment de la mise en recouvrement de la taxe foncière, des litiges naissent du fait que le redevable réel n'est pas toujours correctement identifié : dans de nombreux cas, c'est l'ancien propriétaire du bien - bien dont il a pu se dessaisir plusieurs années auparavant - qui se trouve recherché et poursuivi en paiement.
Parmi les causes possibles de cette situation, il y a certainement :
- le retard apporté à la mise à jour des fichiers tenus par les services fonciers ;
- des erreurs dans la transcription des données cadastrales mentionnées dans les actes translatifs de propriété.
Il s'ensuit un important contentieux que les services fonciers et les comptables du Trésor doivent résoudre tous les ans à la même époque. Par ailleurs il va de soi que les administrés ressentent fort mal d'avoir à payer une taxe pour un bien qui ne leur appartient plus.
Certes, l'art. 54 de la loi n° 78.753 du 17 juillet 1978 (Pris à la suite de la proposition n° FIN 76-20 du Médiateur) (codifié sous l'art. R* 211-1 du Livre des procédures fiscales) a permis de prononcer en leur faveur le dégrèvement d'office des impositions mises à leur charge, dans des conditions plus équitables que par le passé.
Mais le contentieux peut se renouveler les années suivantes, tant qu'une mutation cadastrale n'est pas intervenue ; en effet, l'art. 1403 du Code général des impôts dispose toujours :
" Tant que la mutation cadastrale n'a pas été faite, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle, et lui ou ses héritiers naturels peuvent être contraints au paiement de la taxe foncière, sauf leur recours contre le nouveau propriétaire ".
Il apparaît donc que ce texte, actuellement gênant et inadapté aux situations existantes, deviendrait sans objet du jour où les progrès de l'informatisation des fichiers fonciers permettraient une adaptation presque immédiate des documents cadastraux aux mouvements des propriétés.
Dans ces conditions, le Médiateur a demandé au ministre de l'économie, des finances et du budget d'examiner le problème, et de lui faire connaître les mesures qu'il envisage de prendre pour mettre un terme au développement de litiges inutiles.
- Observation : Cette importante proposition a été examinée lors d'une réunion d'arbitrage tenue au secrétariat général du Gouvernement le 24 octobre 1983. A cette occasion, le représentant du ministre de l'économie, des finances et du budget a produit un projet d'article de loi destiné à être inséré dans une loi de finances rectificative, et qui ne donne que très partiellement satisfaction à la demande du Médiateur puisqu'il subordonne toujours la mutation de toute cote foncière à la mutation cadastrale - sans que, par ailleurs, aucune assurance n'ait été donnée au Médiateur quant à l'indispensable accélération de la procédure des mutations cadastrales.
L'affaire sera évidemment reprise.
b) Pensions
FIN 83-86 : Suppression de l'interdiction de cumul de la pension temporaire d'orphelin avec les prestations familiales servies du chef d'un même enfant. (Emise le 6 mai 1983).
L'interprétation actuelle des textes (articles L-89 du Code des pensions civiles et militaires de retraites et L. 555 du Code de la Sécurité sociale) conduit, par assimilation de la pension temporaire d'orphelin avec les prestations familiales, à en interdire le cumul lorsqu'elles sont servies du chef d'un même enfant.
La proposition analysée tend à faire admettre que la pension temporaire d'orphelin doit être considérée, non plus comme un " accessoire " ni une " majoration " de la pension perçue par la veuve, mais comme un droit propre à l'enfant - ce qui impliquerait la dissociation, et donc la possibilité de cumul, de ces deux prestations.
Une telle conception ferait disparaître une injustice dénoncée depuis de nombreuses années.
- Observation : Cette proposition s'est déjà heurtée au refus du Secrétaire d'Etat chargé du Budget.
AUTRES SECTEURS DU SERVICE PUBLIC
Agriculture (2 propositions)
PRL AGR 83-02: Baux précaires consentis par les " SAFER " aux preneurs de biens acquis par elles en attendant la rétrocession de ces biens. (Emise le 21 décembre 1983).
La loi n° 60.808 du 5 août 1960 a autorisé les " SAFER " à prendre toutes mesures conservatoires pour le maintien des biens acquis en état d'utilisation et de production, pendant la période transitoire nécessaire à leur rétrocession. L'article 17 de cette loi prévoit que les " SAFER " peuvent consentir à cet effet les baux nécessaires " qui ne sont pas soumis aux règles résultant du statut des baux ruraux, en ce qui concerne la durée, le renouvellement et le droit de préemption ".
Or il semble que les " SAFER " aient pris l'usage d'étendre abusivement les restrictions législatives. Elles proposent en effet des baux dénommés " conventions d'occupation précaire ", qui enlèvent au preneur tous les droits résultants du statut des baux ruraux et notamment le droit à indemnité auquel ils pourraient prétendre pour les améliorations effectuées. Ces clauses sont incontestablement illégales.
Il semble à ce propos évident que conserver par-devers soi le montant de la plus-value apportée à un terrain préempté constitue une opération difficilement conciliable avec le but non-lucratif d'un organisme comme une " SAFER ".
C'est pourquoi le Médiateur a suggéré qu'une circulaire du ministère impose en la matière une convention-type, stipulant notamment qu'à défaut de rétrocession au preneur à titre précaire, celui-ci puisse recevoir une indemnité correspondant à la plus-value éventuellement apportée au terrain préempté.
PRL AGR 83-03 : Comportement des " SAFER ". Leurs rapports avec le Médiateur. (Emise le 31 décembre 1983).
Dans nombre de cas portés à la connaissance du Médiateur, les buts assignés par la loi aux " SAFER " pour procéder à la rétrocession de terrains préemptés : amélioration des structures agraires, mise en culture des terres, installation de jeunes agriculteurs, ne semblent pas être respectés.
Les conditions de la rétrocession sont ainsi souvent ignorées, tant en ce qui concerne les attributaires (ils ne sont pas toujours agriculteurs à titre principal et ne résident pas toujours sur le territoire de la commune), que l'usage fait des terres acquises par rétrocession (la mise en valeur agricole des terrains n'est pas toujours réalisée conformément aux critères retenus).
Les réclamants se composent essentiellement de jeunes agriculteurs désireux d'étendre leur exploitation, et d'agriculteurs plus âgés qui souhaitent procurer à plusieurs de leurs enfants des exploitations d'une surface convenable.
Le Médiateur éprouve d'ailleurs les plus grandes difficultés à obtenir des informations complémentaires quand il s'adresse à ces " SAFER ", qui agissent parfois comme si elles n'étaient soumises à aucun contrôle. Il lui est difficile, dans ces conditions, de pousser à fond l'instruction des réclamations qui les mettent en cause.
En conséquence la proposition analysée suggère au ministre d'examiner :
- sur un plan général, l'opportunité de soumettre les " SAFER " à un contrôle plus effectif, de manière, notamment, à mettre fin aux comportements dénoncés ;
- sur le plan particulier de leurs relations avec le Médiateur, si ces organismes ne pourraient être incités à pratiquer une meilleure collaboration, compte tenu de leur caractère de fait de " Service public ".
Défense (1 proposition)
PRL DEF 83-01 : Report exceptionnel d'incorporation pour certains jeunes gens bénéficiant d'une bourse d'études attribuée par un Etat étranger. (Emise le 1er décembre 1983).
Le Code du service national offre aux jeunes gens désireux de poursuivre ou terminer leurs études un report de leur incorporation jusqu'à un âge d'autant plus élevé que le niveau de ces études est lui-même élevé : 22 ans sans exigence spéciale ; puis 23, 25, voire 27, exceptionnellement 29 ans, pour les étudiants engagés dans une carrière médicale, ou préparant une carrière proche de la profession médicale.
Mais il est muet sur la situation des étudiants qui ont obtenu d'un Etat étranger une bourse leur permettant de poursuivre des études ou des recherches sur le territoire de cet Etat - le plus souvent pour une durée de trois à cinq ans, et alors qu'ils avaient, au moins, 22 ans lors de l'attribution de cette bourse, vu le niveau déjà très élevé du diplôme français qu'ils devaient posséder.
L'obligation - quel que soit l'âge d'incorporation retenu - qui leur est faite d'interrompre leurs activités pour revenir en France effectuer leur service national, tombe donc sur leurs espérances d'avenir comme un véritable couperet. Elle peut affecter gravement l'équilibre psychique de certains de ces jeunes ; d'autres prennent tout simplement la nationalité du pays d'accueil : il faut y voir la manifestation la plus précoce, sinon la plus pernicieuse, du phénomène de la " fuite des cerveaux ".
Le Médiateur suggère en conséquence de faire cesser au plus vite, par une nouvelle adjonction au Code du service national, ce qui apparaît à la fois comme une injustice et comme une faute grave envers l'avenir de la science française.
Education nationale (4 propositions).
PRL ED 83-01 : Pour une instruction civique élargie.
La crise des valeurs civiques et morales que connaît notre société (avec le développement de l'agressivité, de la violence, de la lâcheté devant la violence - bref de l'égoïsme ; le règne sans partage du tout ou rien : laxisme ou intolérance, et un manichéisme dont l'exemple vient souvent de haut) l'éloigne aussi bien de l'idéal moderne de la " convivialité ", que des valeurs traditionnelles, fort voisines, de civisme, de tolérance, c'est-à-dire de " fraternité ".
Combattre cette crise auprès des générations en place est une tâche nécessaire, mais dont le succès n'est pas assuré. C'est donc vers les générations nouvelles qu'il convient de se tourner, c'est à l'école que doivent être remises à l'honneur les vertus oubliées ou insufflé l'état d'esprit nouveau, c'est à notre système éducatif qu'il incombe de prendre en charge une " instruction civique " conçue au sens le plus large - c'est-à-dire une véritable initiation à la vie sociale, économique et institutionnelle.
Selon le Médiateur, cet enseignement devrait d'abord reprendre les matières de l'instruction civique traditionnelle, mais en faisant une place aussi large que possible au droit (civil, administratif, constitutionnel) ainsi qu'au mécanisme concret des institutions démocratiques (élections, conséquence de la décentralisation, etc ).
A cet apprentissage du " citoyen " devrait s'ajouter un apprentissage du " citoyen dans l'économie ". D'où la nécessité d'étendre l'instruction civique à des domaines tels que la gestion économique et financière, la comptabilité, le crédit, l'export-import, etc... sans oublier la planification nationale, les systèmes de protection sociale et, surtout, l'informatique, indispensable " vademecum " de l'homme moderne.
Ces enseignements feraient naturellement une large place à l'utilisation des moyens audiovisuels. Ils devraient aussi - et cela paraît essentiel - comporter des " travaux pratiques de la vie de tous les jours ", qui mettraient les élèves au contact de tel ou tel aspect de la vie politique, administrative, économique et sociale, leur permettant ainsi de prendre conscience des problèmes qu'ils auront à affronter dans leur vie d'adulte, voire de leur imaginer des solutions.
L'instruction civique ainsi conçue ferait d'abord appel, naturellement, aux membres du corps enseignant. - Mais la question se pose de savoir si sa spécificité nouvelle n'exigerait pas la création d'un corps spécialisé, composé par exemple des nombreux professeurs de lettres, de psychologie etc... qui, pour des raisons diverses, se trouveraient disponibles.
En outre, sa nécessaire ouverture sur l'extérieur exigerait la participation du plus grand nombre possible de citoyens adultes, engagés dans la vie active - et en particulier des parents.
Dans cet esprit, une structure légère pourrait être instituée au niveau des différents établissements d'enseignement, afin de permettre aux jeunes de rencontrer ces personnes d'expérience, et de " vivre ensemble " cette nouvelle forme d'enseignement.
A titre d'expérience, quelques établissements scolaires pourraient être retenus comme " pilotes ", un enseignant spécialisé jouant le rôle d'animateur coordonnateur, avec la participation de représentants de diverses professions et administrations.
Enfin l'organisation même de cet enseignement - sa durée, ses programmes, sa sanction - posent des problèmes que le Médiateur n'a pas la prétention de résoudre d'emblée.
Mais il semble qu'il devrait se développer jusqu'à la majorité légale de l'élève. Quant à sa sanction, elle sera évidemment différente suivant que l'on fera, ou non, de l'instruction civique une discipline autonome. Dans la négative, on pourrait penser, par exemple, à une bonification de points aux examens.
PRL ED 83-02 : Situation des topographes et des géomètres-experts. (Emise le 12 avril 1983).
La loi n° 46.492 du 7 mai 1946 a créé l'ordre des géomètres-experts. Le problème est de savoir si toutes les opérations tendant à l'établissement de documents topographiques sont de la compétence exclusive de l'ordre, ou seulement celles qui s'effectuent dans le cadre de la détermination du statut d'un bien foncier.
Ce conflit d'interprétation, en germe dans les travaux préparatoires de la loi de 1946, et dans certaines obscurités de ce texte, a pris un tour public depuis qu'un arrêt de cassation, intervenu en 1968, a décidé l'exactitude de la première thèse, ce qui a encouragé l'ordre des géomètres-experts à engager une série, ininterrompue à ce jour, d'actions en justice contre des cabinets privés de topographes pour atteinte au monopole de l'ordre - actions dont le résultat est généralement l'interdiction d'exercer, suivie de la disparition du cabinet attaqué.
C'est la fréquence accrue de ces disparitions qui a conduit l'Association nationale des topographes à saisir le Médiateur au début de l'année 1983.
Juridiquement, le Médiateur ne peut adopter dans cette affaire qu'une position de stricte neutralité : jusqu'ici, l'arrêt de cassation de 1968 est le seul intervenu en la matière, et il faudrait une modification législative (ou par décret, si la Constitution le permet) pour anéantir les effets de cette " jurisprudence ".
Mais d'un point de vue économique, et même simplement humain, il ne peut rester indifférent à l'hécatombe de ces entreprises, souvent importantes, et compétentes, que constituent les cabinets privés de topographes. C'est dans cet esprit qu'il a saisi du problème les ministres concernés (Education nationale ; Economie, Finances et Budget ; Urbanisme et Logement) par lettres du 12 avril 1983.
Le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget lui a répondu qu'il préparait un projet de modification de, la loi de 1946, dans le sens d'une restriction du monopole des géomètres-experts aux seules opérations concernant le statut des biens fonciers.
Mais, par ailleurs, le problème a été mis à l'ordre du jour des séances de la " Commission permanente de concertation des professions libérales ". D'après les informations recueillies, cet organisme s'orienterait vers une solution de conciliation.
C'est au Gouvernement qu'il appartient de choisir entre la solution législative et le compromis résultant d'une négociation. Le Médiateur, quant à lui, ne peut qu'attendre - avec une certaine impatience - que ce conflit très regrettable soit enfin résolu d'une façon juste pour toutes les parties, et qui tienne compte de l'intérêt que présente pour le pays l'activité de topographe, quel que soit le statut de ceux qui l'exercent.
PRL ED 83-03 : Situation des candidats en cours d'emploi à la préparation du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé. (Emise le 22 décembre 1982).
L'arrêté du 7 février 1973, relatif aux modalités de sélection et de formation des éducateurs spécialisés stipule, à l'article 1er, alinéa 2, que les candidats à la préparation du diplôme d'Etat consacrant cette spécialisation doivent, s'ils sont en cours d'emploi, " être âgés de 23 ans au moins au le, septembre de l'année d'entrée en formation ".
Cette clause d'âge doit être jugée discriminatoire à l'égard de cette catégorie de candidats, puisqu'il est possible d'entrer en formation d'éducateur spécialisé avant 23 ans, par d'autres moyens tels qu'une " formation à temps plein " (dite voie directe), pour laquelle aucune limite inférieure d'âge n'a été retenue autre que la majorité légale : c'est le cas des candidats visés à l'alinéa premier du même article.
Une telle différence de traitement pouvant aboutir à des situations aussi injustes que paradoxales, le Médiateur propose de modifier le texte en question, pour n'exiger désormais des candidats visés au 2e alinéa d'autre condition d'âge que d'avoir atteint la majorité légale de 18 ans.
PRL ED 83-04 : Opportunité d'autoriser des inscriptions supplémentaires au D.E.U.G., dans certains cas exceptionnels. (Emise le 22 décembre 1983).
Aux termes de la réglementation en vigueur, les candidats au diplôme d'études universitaires générales (D.E.U.G.) ne peuvent prendre plus de trois inscriptions en tout (deux en première et une en seconde année, ou une en première année et deux en seconde année). Exceptionnellement, une inscription supplémentaire peut être autorisée par le Président de l'Université. En outre, un régime spécial pour les étudiants salariés peut être accordé par le Conseil de l'Université.
Mais il est arrivé que certains étudiants, en raison des problèmes particuliers auxquels ils se heurtaient (longue maladie, handicaps, etc ... ), se soient trouvés empêchés de suivre les enseignements du D.E.U.G. dans le temps imparti, et aient été exclus des études, bien qu'il ne leur ait manqué qu'une ou deux unités de valeur en deuxième année.
Dans ces conditions, il a semblé justifié de proposer, sinon un assouplissement de la réglementation en vigueur, du moins l'envoi aux Présidents d'Universités d'instructions les incitant plus fortement à permettre, dans ces cas exceptionnels, une ou plusieurs inscriptions supplémentaires.
Intérieur et décentralisation (5 propositions).
PRL INT 83-01 : Procédures administratives faisant suite au décès, et notamment au décès sur la voie publique. (Emise le 15 mars 1983).
Une personne s'était plainte au Médiateur des " tracasseries administratives " qu'elle avait dû subir à la suite du décès de son père, survenu sur la voie publique.
Au-delà des circonstances de l'affaire, elle proposait un certain nombre de mesures d'ordre général : institution d'une permanence à l'Institut médico-légal ; groupage des démarches nécessaires en pareil cas auprès d'un seul service ; simplification de ces démarches en cas de mort naturelle.
Ces suggestions ont été transmises par le Médiateur au ministre, de l'Intérieur, pour avoir son avis.
Observation : Dans sa réponse du 1er août 1983, le ministre a donné des précisions sur la procédure actuelle, qui lui paraît difficile à modifier sur certains points. En revanche, il reconnaît combien cette procédure peut " apparaître contraignante pour les familles ", et " confirme qu'il envisage un certain nombre d'assouplissements dans le domaine de la réglementation funéraire ".
Cette lettre de réforme a donc reçu une réponse encourageante.
PRL INT 83-02 : Aménagement des heures d'ouverture des établissements accueillant le public. (Emise le 1er décembre 1983).
En raison de la récente mise en place de la décentralisation, de nombreux dossiers qui étaient traités au niveau notamment des préfectures le sont désormais dans les sous-préfectures, les mairies ou les commissariats. Ce transfert est heureux pour le particulier, qui a un déplacement moindre à effectuer pour se renseigner ou pour obtenir l'intervention de l'administration. Parallèlement, des efforts certains ont été faits dans le domaine de l'accueil. Mais il reste, cependant, que dans un nombre important de cas, les heures d'ouverture au public recouvrent les heures de travail des administrés.
Une enquête rapide dans les sous-préfectures, par exemple, permet de constater que les horaires sont extrêmement rigides : 9 h - 12 h et 14 h - 16 h, et que les services sont fermés le samedi : c'est une gêne certaine pour le public.
Le problème se posant, non seulement dans les services de l'administration générale, mais dans l'ensemble des services publics, le Médiateur propose :
- dans un premier temps, d'instituer une permanence d'accueil entre midi et 14 h ;
- d'arrêter un jour de la semaine où les bureaux fermeraient vers 19 h 30, pour donner aux personnes qui travaillent loin de leur domicile la possibilité de ne pas le regagner trop tardivement ;
- de faire en sorte que les guichets soient accessibles une partie du samedi, les agents concernés pouvant récupérer les heures de présence sur un autre jour de la semaine.
Et comme un grand pas serait fait si les ministères les plus concernés par l'accueil du public (Intérieur, P.T.T., Economie et Finances) étaient les premiers à mettre en oeuvre une meilleure harmonisation des horaires, les mêmes suggestions ont été présentées aux responsables de ces trois ministères, ainsi, naturellement, qu'au secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et des réformes administratives.
Observation.: Par lettres du 8 décembre 1983 et du 10 janvier 1984, le ministre de l'Intérieur a marqué l'intérêt qu'il attachait à cette proposition.
PRL INT 83-03 : Problèmes posés par le port du " walkman ". (Emise le 1er décembre 1983).
Une marche dans les rues, un déplacement dans nos transports en commun permettent de constater le développement spectaculaire du port du " walkman " (lecteur portatif de cassettes). Cette mode s'étend rapidement, gagnant des personnes de tous âges et de toutes conditions sociales.
Une telle situation ne va pas sans poser des problèmes nouveaux au niveau de la sécurité, auxquels aucune disposition du Code de la Route ne répond pour l'instant.
Il apparaît en effet que l'écoute d'un walkman, en entraînant une absorption complète des facultés auditives, risque de monopoliser l'attention toute entière de son porteur, ce qui peut le mettre en situation difficile dans l'environnement où il se déplace. Tant que le porteur de walkman circule à pied, il ne peut mettre en danger que lui-même, ce qui est déjà grave. Mais lorsqu'il conduit un véhicule, il paraît évident que coupé de tous sons extérieurs, il risque du même coup d'être sourd à tous ceux qui devraient éveiller son attention : appels d'avertisseurs, coups de sifflet, bruits de son propre moteur, etc...
Il faut remarquer que le conducteur qui écoute sa radio en roulant n'est pas dans une situation comparable : ses facultés auditives ne se trouvent pas focalisées de façon aussi impérative, et il lui reste, même dans le domaine sonore, assez " d'attention diffuse " pour réagir aux bruits d'alerte.
Aussi le Médiateur a-t-il jugé souhaitable qu'une réglementation en la matière soit d'ores et déjà envisagée, afin d'éviter que le port du walkman ne devienne une source d'accidents importante.
Si des dispositions contraignantes ne paraissaient pas devoir s'imposer, tout au moins pourrait-il être envisagé de faire étudier l'incidence du port du walkman dans la genèse de certains accidents, et éventuellement d'en tirer des conclusions pratiques.
Observation : Cette proposition, malgré son extrême " prudence ", a reçu un accueil très largement défavorable du ministre destinataire, à la suite de la position prise par son collègue des transports en réponse à la question écrite d'un député. Tout au plus est-il envisagé " une campagne de sensibilisation sur les conséquences dangereuses du port du " walkman " par les automobilistes et les utilisateurs de " deux-roues ".
Le Médiateur regrette ce " refus de réglementation ".
Il maintiendra sa proposition.
PRL INT 83-04 : Présentation de papiers falsifiés pour des paiements aux guichets, notamment des P.T.T. Modification éventuelle des modalités d'établissement de la carte d'identité. (Emise le 19 décembre 1983).
Le Médiateur est de plus en plus souvent saisi de dossiers de réclamation concernant le paiement, notamment aux guichets des P.T.T., de prestations de toute nature, à des personnes autres que les bénéficiaires, sur présentation de papiers d'identité falsifiés.
Il a donc, d'une part, appelé l'attention du ministre chargé des P.T.T. sur ce phénomène en souhaitant que des consignes d'examen plus attentif des pièces d'identité soient données aux agents relevant des Postes et Télécommunications.
Mais le problème n'est pas propre à cette seule administration, et les services les plus divers, comme les caisses d'allocations familiales ou les ASSEDIC, sont touchés par la multiplication des fraudeurs.
Il apparaît, dans ces conditions, indispensable que malgré toutes les difficultés que peut rencontrer la recherche de nouvelles modalités d'établissement de la carte d'identité tendant à rendre ce document, sinon infalsifiable, du moins plus malaisé à falsifier, cette recherche soit poursuivie. Le problème est d'autant plus grave que, selon certaines informations, les délinquants en ce domaine ne se contenteraient pas de falsifier les cartes d'identité déjà existantes, mais parviendraient même à s'en faire établir de fausses.
Sa solution appelle la mise en oeuvre rapide de moyens techniques et financiers suffisants.
Telle est la teneur de la lettre de réforme qu'il a adressée, d'autre part, au ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation.
Par lettre du 26 décembre 1983, celui-ci a confirmé son intérêt pour le problème et son intention de prendre les mesures qui s'imposent.
PRL INT 83-05 : Aménagements de voierie pour les malvoyants (passages-piétons, sonorisation des feux de traversée). (Emise le 22 décembre 1983).
De gros efforts sont faits pour aider les handicapés à s'insérer dans le monde du travail et pour leur faciliter la pratique d'une profession. Parmi eux, nombreux sont les malvoyants qui tentent avec courage cette insertion.
Cela ne va pas sans difficultés lorsqu'il s'agit de se déplacer dans les rues, notamment pour ceux qui ont des distances assez longues à parcourir et plusieurs carrefours à traverser.
Pour atténuer ces difficultés, certaines collectivités locales, telle la communauté urbaine de Bordeaux, ont entrepris une série d'actions. Parmi celles-ci, l'aménagement de dépressions en bordure de trottoir dont le revêtement, sensible aux pieds des malvoyants, leur indique qu'ils sont au bord de la chaussée. Les handicapés en fauteuil roulant ne sont pas gênés par ce système qui ne présente qu'un faible relief. Cette expérience semble être probante.
Elle pourrait être menée de front avec l'installation, sur tous les feux tricolores de traversée, d'un signal sonore, modulé différemment selon que le passage est dangereux ou libre. Le système est déjà en place dans des pays comme la Suède, et même dans certaines de nos villes ; il est très apprécié des malvoyants, mais également des autres piétons pour lesquels il constitue une protection supplémentaire.
Ces opérations pourraient être menées dans la plupart des grandes villes, plus précisément dans les secteurs à forte concentration de handicapés : ainsi, pour Paris, toute la zone des ministères serait concernée.
Telles sont les suggestions - touchant à l'" organisation " plutôt qu'à la réforme stricto sensu - que le Médiateur a faites au ministre de l'Intérieur. Celui-ci lui a très vite adressé une réponse qui marque son intérêt pour les aménagements proposés.
Justice (3 propositions)
PRL JUS 83-01 : Droit de l'inculpé ou de la partie civile à la communication du dossier. (Emise le 1er décembre 1983).
En matière correctionnelle ou de police, le prévenu qui a refusé l'assistance d'un avocat - comme l'article 114 du Code de procédure pénale lui en donne, a contrario, le droit - ne peut dans notre pays avoir de plein droit accès à toutes les pièces de la procédure.
En effet, l'art R.155 du même Code distingue à ce sujet deux catégories de pièces : celles qui peuvent être délivrées aux " parties " sur leur simple demande (expéditions de la plainte ou de la dénonciation, des décisions juridictionnelles concernant le cas, et des titres de recouvrement des amendes forfaitaires) ; celles (toutes les autres) dont la délivrance est subordonnée à l'autorisation du Parquet.
Il existerait donc, à la discrétion des parquets, deux catégories de prévenus les uns jugés dignes de se défendre seuls avec tous les moyens nécessaires, les autres non. Une telle situation apparaît contraire à l'équité.
De plus, à une époque où le libre accès de tout administré aux documents administratifs qui le concernent a été formellement reconnu, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles le justiciable - dont la situation est encore plus dépendante de la communication de telles pièces - ne jouirait pas du même droit.
Le Médiateur a donc suggéré une modification en ce sens du Code de procédure civile.
PRL JUS 83-02 : Problème des prénoms. (Emise le 19 décembre 1983).
L'application de la législation concernant les prénoms - loi du 6 Fructidor an II, loi du 11 Germinal an IX, loi du 10 février 1942 - a fait l'objet de la circulaire de la chancellerie en date du 12 avril 1966, dont les dispositions sont marquées par un évident souci de souplesse.
Ce texte invite notamment les officiers d'état-civil à exercer leur pouvoir d'appréciation avec bon sens " pour suivre l'évolution des moeurs lorsque celle-ci a consacré certains usages ". Il rend aussi admissibles certains prénoms tirés de la mythologie, des prénoms propres aux idiomes locaux du territoire national, des prénoms étrangers...
Il n'en demeure pas moins que de nombreux problèmes continuent à se poser en ce domaine. Le Médiateur a été saisi de plusieurs litiges touchant au choix d'un prénom par les parents. La Presse se fait d'ailleurs souvent l'écho des refus opposés par un officier d'état-civil aux parents qui demandent l'inscription d'un prénom peu usité. Beaucoup est dit également sur les effets plus ou moins heureux du port d'un prénom qui, seul ou associé au nom de famille, sera pour l'enfant, puis l'adolescent, puis l'adulte, une source de gêne quotidienne. Il peut se trouver par ailleurs des situations où l'attribution d'un seul prénom entraîne des difficultés et des erreurs dans l'identification de la personne.
Pour pallier ces difficultés, le Médiateur propose d'imposer aux parents l'attribution d'au moins deux prénoms, l'un conforme à l'esprit de la circulaire précitée et accepté par l'officier d'état-civil, l'autre ou les autres étant laissés au choix absolument libre des parents.
En contrepartie, il serait nécessaire de donner aux enfants, à partir de 18 ans, la possibilité de " répudier " le prénom non souhaité, suivant une procédure allégée au maximum par rapport à celle qui conduit, actuellement, au changement de prénom.
PRL JUS 83-03 : Problèmes concernant les disparitions de personnes majeures - Création de services spécialisés - Coordination des recherches. (Emise le 22 décembre 1983).
De nombreuses disparitions de personnes majeures ont lieu chaque jour. Leur nombre va en augmentant, bien qu'aucune statistique en la matière ne soit tout à fait fiable.
Or, la tendance actuelle des administrations semble être de considérer, a priori, que la disparition d'une personne majeure est une disparition volontaire.
Il y a toujours, bien évidemment, des disparitions volontaires. Mais le phénomène qui tend à se développer de plus en plus est celui des disparitions involontaires : enlèvements, crimes, accidents - ou semi-volontaires : prostitution, entrée dans une secte, états psychopathologiques, etc. Ce phénomène tend même à prendre le pas sur celui des disparitions volontaires.
Il n'existe, actuellement, pour les familles dont une personne majeure a disparu, qu'une possibilité : s'adresser au service de recherches dans l'intérêt des familles.
Or, il se trouve que ce service ne procède à aucune recherche vraiment active, mais se borne à des échanges de correspondances et au classement de documents. Aucun fonctionnaire, d'ailleurs, n'y est responsable d'un dossier précis. Le but est, en fait, de déterminer si la personne disparue l'a fait de son plein gré : malheureusement la lenteur de la procédure fait que, dans le cas contraire, il est trop tard pour que la police puisse entreprendre une enquête efficace.
A cause de la lenteur de ces mêmes recherches administratives qui leur sont préalablement imposées, quand les familles saisissent le Parquet, il est la plupart du temps trop tard. Beaucoup d'entre elles ignorent même qu'elles ont cette possibilité. Et d'ailleurs, dans bien des cas, la plainte ne pourra être que refoulée par le procureur, faute d'éléments matériels. Or l'absence d'éléments matériels est précisément une des caractéristiques du phénomène de disparition...
On doit donc constater, en ce domaine, un fonctionnement défectueux des services publics, auquel il serait souhaitable de remédier d'urgence.
Par ailleurs, aucune organisation vraiment structurée n'existe en matière de recherches, sauf pour Paris. En Province, il n'y a aucune définition des tâches respectivement dévolues aux commissariats de police, aux préfectures, à la gendarmerie, et c'est au hasard que les familles viennent frapper à l'une ou l'autre de ces portes.
Ainsi, de nombreux problèmes se posent aux parents et familiers du disparu, déjà lourdement éprouvés par l'absence de la personne recherchée ; ils ne sont d'ailleurs pas toujours accueillis, dans les différents services où ils déclarent la disparition, avec toute la sollicitude nécessaire.
En fait, le principe - incontestable - de " la liberté pour chacun de vivre sa vie " sert trop souvent de paravent au fonctionnaire à qui est signalée la disparition d'une personne majeure, et c'est à un refus plus ou moins conscient de coopération des services publics que les demandeurs assimilent cette attitude.
Tant que l'on ne connaît pas de façon précise les causes d'une disparition, il semble que l'Administration devrait faire, d'abord, le maximum d'efforts pour les déterminer. La personne disparue a droit aux services et à la protection de l'Etat, même et surtout lorsqu'elle n'est pas en mesure de faire connaître sa volonté.
Il faut préciser d'ailleurs qu'il ne s'agit nullement de porter atteinte à la liberté de comportement de ceux dont la disparition était volontaire. Comme il a été dit, ces disparitions volontaires sont moins nombreuses qu'on ne le croit, et il appartient, dans ces cas, aux différentes instances concernées, de prendre les mesures qui s'imposent pour respecter la volonté de la personne qui a délibérément quitté son environnement habituel, et exprimé cette volonté en toute indépendance et liberté - tout en appréciant dans quelle mesure elles peuvent renseigner les personnes qui s'inquiètent de son sort.
En ce qui concerne la recherche des personnes disparues sans qu'il y ait a priori volonté délibérée de leur part, le Médiateur propose en conséquence les mesures suivantes :
- créer, au niveau de chaque région, un organe centralisant toutes les informations sur les disparitions et découvertes de corps non identifiés ;
- au niveau national, instituer un organisme regroupant l'ensemble de ces informations, et coordonnant les recherches entreprises à ce même niveau ;
- en matière judiciaire, créer une section spéciale du Parquet aux pouvoirs d'enquête étendus, avec possibilité de délivrer des commissions rogatoires pour les affaires les plus inquiétantes.
P.T.T. (1 proposition)
PRL P.T.T. 83-01 - Exonération de l'abonnement au téléphone pour les Personnes âgées disposant de faibles ressources. (Emise le 22 décembre 1983).
La diminution constante du coût, pour l'usager, d'une installation téléphonique devrait profiter davantage encore aux catégories socialement les plus dignes d'intérêt de ces usagers, et au premier chef aux personnes âgées qui ne disposent que de faibles ressources.
Ce serait non seulement équitable, mais logique. En effet, pour la plupart de ces personnes, le coût du seul abonnement dépasse le montant des communications échangées pendant la période couverte par cet abonnement : c'est que, chez elles, la possession d'un appareil est davantage ressentie comme une sécurité que comme un moyen de communication.
Le Médiateur propose donc d'envisager une exonération - totale ou partielle - du coût de l'abonnement pour cette catégorie d'usagers. L'exonération pourrait être acquise, par exemple, lorsque l'intéressé ne bénéficie que des prestations du Fonds national de solidarité, ou de ressources au plus équivalentes.
Avec la généralisation de la " télé-alarme " pour les personnes isolées, une telle mesure concourrait sans nul doute à maintenir à leur domicile un plus grand nombre de personnes âgées. C'est dire que la diminution de ressources qui en résulterait pour le budget des P.T.T. serait largement balancée par une diminution des charges de la Sécurité sociale.
Transports (2 propositions)
PRL TRP 83-09 : Contrôle technique des véhicules automobiles. (Emise le 11 mai 1983).
Le problème du contrôle technique des véhicules circulant en France est triple : qui, ou quoi, le déclenchera ? qui en sera chargé ? quel niveau devra-t-il atteindre pour offrir des garanties suffisantes ?
1. Les cas de déclenchement du contrôle.
a) L'accident.
Le contrôle pourrait être déclenché, d'abord, par un accident suffisamment grave survenu au véhicule - ce qui entraînerait un retrait, définitif ou provisoire, de la carte grise. Définitif, lorsque le véhicule accidenté est bon pour la casse : alors, au vu d'un " certificat de destruction ", la carte grise serait supprimée, et, seulement alors, le propriétaire pourrait percevoir l'indemnité d'assurance. Si le véhicule peut être réparé, la carte grise serait rendue au propriétaire au vu d'un " certificat de réparation ". Si c'est le propriétaire lui-même qui effectue la réparation, on exigerait de lui une attestation certifiant que l'état du véhicule est maintenant conforme à une norme officielle.
Ce cas de déclenchement du contrôle s'impose : en particulier, il permettrait de tarir la source la plus importante du trafic des cartes grises. Toutefois, la définition de l'accident assez grave pour nécessiter le retrait de la carte grise risque de poser quelques problèmes.
b) La chasse aux " cercueils roulants ".
On rencontre sur nos routes bien des véhicules qu'un coup d'oeil suffit à classer dans la catégorie des " cercueils roulants ". Leur identification est même beaucoup plus aisée que l'appréciation de l'épaisseur de gomme restante sur un pneu...
Il semble donc que des instructions pourraient être données à la Gendarmerie et à la Police pour arrêter ces véhicules et dresser un procès-verbal de leur état ; le cas échéant, interdire au conducteur de poursuivre sa route, et appeler ou indiquer un dépanneur qui conduirait le véhicule dans un garage au choix du propriétaire. La suite des opérations serait la même que celle envisagée en cas d'accident grave : retrait immédiat de la carte grise, et, dans le plupart des cas cette fois, suppression de ce document sur production du certificat de destruction.
Une telle mesure ne nécessiterait aucune augmentation d'effectifs : simplement l'envoi de consignes faciles à exécuter. Elle aurait l'avantage de nettoyer en peu de temps nos routes de véhicules dangereux, et qui les déshonorent.
Une autre approche consisterait à prendre des " cercueils roulants " là où ils ont le plus de chances de se trouver, c'est-à-dire dans l'ensemble des voitures ayant dépassé un certain âge. Le service des cartes grises serait alors le seul " déclencheur " du contrôle.
Les avantages seraient les suivants : simplicité, certitude de ne laisser passer aucune voiture dangereuse à travers les mailles du filet, et, surtout, possibilité d'une action progressive - en commençant par les tranches d'âge les plus anciennes, pour s'attaquer ensuite, aux moments opportuns, à de plus récentes, on pourrait réaliser de façon continue l'adaptation du nombre de véhicules soumis au contrôle à l'état des moyens de ce contrôle.
L'inconvénient serait, il est vrai, d'importuner " le vieux conducteur amoureux de sa voiture "... Mais il n'est pas rare que les soins de l'amoureux n'aient porté que sur l'apparence, et il n'est pas pensable que toutes les vieilles voitures de première main soient ainsi entretenues.
c) L'acquisition d'un véhicule d'occasion (C'est le seul cas qui semble avoir été envisagé lors du Conseil des ministres du 4 janvier 1984.)
Toute transaction portant sur un véhicule ayant atteint un âge, ou parcouru un kilométrage, à fixer, ne serait réputée réalisée que par la production d'un certificat de contrôle de ce véhicule, après réparation éventuelle.
Mais le problème est de savoir à qui incomberont les frais de ce contrôle et de cette réparation.
En toute justice, ce devrait être au vendeur : c'est lui qui met un produit sur le marché, et c'est pour lui une question d'élémentaire probité que ce produit ne soit ni avarié, ni dangereux. Le vendeur d'un véhicule qui tue à sa première sortie commet un assassinat, et des plus lâches.
De plus, la solution serait bénéfique pour l'état de notre parc automobile, puisqu'elle inciterait le futur vendeur à apporter plus de soin à l'entretien de son véhicule.
Il est vrai que, selon les informations parvenues au Médiateur, on a envisagé un moment une solution apparemment plus séduisante, en raison de son caractère incitatif, et non plus " réglementaire " : diminuer la prime d'assurance de l'acheteur (la prime elle-même il ne s'agirait pas d'un " bonus "), s'il a fait procéder au contrôle du véhicule qu'il vient d'acquérir.
Outre son libéralisme injustifiable envers le seul responsable de la chose vendue - le propriétaire actuel - cette solution apparaît tout à fait incomplète : il est à craindre en effet que bien des acquéreurs, surtout si la voiture est en mauvais état, ne reculent devant des frais de contrôle et de réparation que la diminution de leur prime, très vraisemblablement, ne compenserait pas. On aboutirait ainsi, certes à orienter les acheteurs vers l'acquisition de " bonnes occasions ", mais aussi à pérenniser la possibilité de transactions portant sur des occasions délabrées.
Pour conclure sur ce premier point, on dira que le choix des modalités du déclenchement du contrôle a évidemment une grande importance, mais qu'il est impératif que tous les cas dans lesquels ce contrôle peut être effectué soient envisagés et traités : l'accident certes, et le changement de propriétaire, mais aussi l'existence même - constatée de visu ou présumée - de véhicules dangereux. - A la condition expresse, bien entendu, que les effets du déclenchement du contrôle soient à tout instant adaptés aux moyens de contrôle existants.
2. Les agents du contrôle.
La question de savoir qui assurera le contrôle n'est pas moins délicate, ne serait-ce que parce qu'elle touche à la nature même de la fonction de contrôle. En effet, si l'on entend ce contrôle dans son sens plein - à savoir contrôle préalable, et contrôle après réparation éventuelle - il s'ensuit que les " agents " du contrôle doivent être distincts, et indépendants, des " agents " de la réparation.
Il existe déjà un réseau, en voie de développement, d'établissements ou " centres " qui pratiquent ce genre de contrôle. Un groupe d'assurances " travaille " déjà avec de tels centres ; et les organisations de consommateurs ont conclu un accord avec plusieurs centres de contrôle " indépendants des réparateurs et des constructeurs ".
Tout cela semble indiquer un voeu général en faveur d'un système de contrôle autonome.
Par ailleurs, pour trouver le juste milieu entre les aspirations de ceux qui souhaiteraient l'" étatisation " du contrôle technique des véhicules, et les partisans d'un contrôle ouvert à tout ce qui s'occupe d'automobiles en France, pourquoi ne pas envisager que ces centres autonomes, exerçant la fonction de contrôle au sens plein, dépendent, pour leur ouverture et la poursuite de leur fonctionnement, d'un agrément de l'Etat ?
Mais ce serait une erreur grave que de donner cet agrément à des " ateliers " pratiquant également la réparation et/ou la vente.
3. Le niveau technique du contrôle.
Sur cette question, on ne peut semble-t-il que s'en remettre au bon sens. Or celui-ci commande que le contrôle porte, non seulement sur la sécurité du véhicule, mais sur ses possibilités en état de marche : il est vain de savoir que l'on pourra freiner, si l'on n'est pas sûr de rouler...
C'est ce que demandent les associations de consommateurs. C'est aussi ce type de contrôle complet que les centres existants souhaiteraient se voir confier . A tous, la norme " AFNOR " actuelle apparaît insuffisante (C'est ce qui aurait amené la création des centres de contrôle " A-TEST ").
Par ailleurs, il faut évidemment concilier deux exigences : une norme de contrôle suffisamment élevée, un coût qui ne soit pas dissuasif.
A l'heure présente, les centres de contrôle spécialisés demandent environ 170 F pour un contrôle AFNOR, 350 F pour un contrôle plus complet, portant notamment sur l'état du moteur. Mais il va de soi que ce dernier chiffre pourrait être sensiblement réduit si une demande suffisante permettait une " industrialisation " plus poussée de l'activité de ces centres.
La question se pose également de déterminer ce que vaut, exactement la garantie offerte par les constructeurs lorsqu'ils vendent eux-mêmes un véhicule d'occasion : elle est peut-être excellente, mais il " faudrait voir ", et la comparer à celle que l'on demanderait aux centres spécialisés.
En conclusion, tout paraît plaider en faveur d'une appréhension dynamique du problème : il faut, à partir des trois hypothèses où le contrôle technique du véhicule s'impose, mettre en marche un processus qui permette une interaction continue entre une demande croissante et des moyens, actuellement limités, mais qui croîtront à mesure.
On ajoutera que toutes les campagnes actuellement envisagées pour sensibiliser les conducteurs à la nécessité de prendre un meilleur soin de leur véhicule paraissent en principe excellentes - mais à condition que les contrôles soient sérieux, et que leur prix ne soit pas prohibitif : c'est presque tout le problème.
PRL TRP 83-10 : Vers la suppression des " tickets de quai ". (Emise le 1er décembre 1983).
Dans les gares, les allées et venues des voyageurs sont désormais libres, à charge, pour ces derniers, de ne pas oublier de composter leur ticket avant de monter dans le train.
Cette liberté paraît moins évidente pour les personnes accompagnatrices, car le billet de quai existe toujours et des panneaux rappellent la nécessité pour toute personne passant sur les quais " départ " ou " arrivée " de s'en munir.
Or il est manifeste que très peu de monde se soumet à cette obligation - à part peut-être quelques personnes âgées qui prennent un ticket par habitude, ou des personnes de passage connaissant mal les lieux. Mais elle demeure, et à tout moment un agent de la S.N.C.F. peut dresser procès-verbal à un " non-voyageur " dépourvu de ce ticket.
On se trouve donc en présence d'une situation juridique incohérente, où l'obligation, maintenue en droit, dépérit fortement en fait, ce qui rend toute sanction aléatoire et inéquitable.
Cela conduit à s'interroger sur l'opportunité de conserver ou supprimer le système des tickets de quai. Il est probable que la recette qui en provient est faible au regard des charges de contrôle imposées aux agents, des frais de matériel, et de la gêne subie par les usagers " honnêtes " : s'il en est bien ainsi, la suppression du ticket de quai s'impose, régularisant juridiquement la situation de fait actuelle.
Urbanisme et logement (4 propositions)
PRL URB 83-01 : Pour un nouveau permis de construire. (Emise le 3 mai 1983).
Le propriétaire qui a déposé sa demande de permis de construire, en y joignant les pièces nécessaires, et s'apprête à respecter scrupuleusement les obligations qui lui sont ou seront imposées, est en droit de croire que lorsque cette demande sera acceptée, et la construction édifiée, il pourra jouir de celle-ci sans redouter aucun trouble.
Mais déjà, s'il est attentif, la lecture de l'arrêté accordant le permis va troubler sa sérénité. Il pourra en effet y lire (en note, et en petits caractères ... ) que " le présent permis est délivré sous réserve du droit des tiers (obligations contractuelles, servitudes de droit privé, etc...) ".
Or l'expérience montre que ces tiers - le plus souvent les voisins - peuvent contester la construction édifiée pour les motifs les plus divers (non-respect des dispositions légales concernant les limites de propriété, la mitoyenneté, les droits de vue et de passage, les plantations, etc... ; mais aussi, par exemple, non-respect du " droit à l'ensoleillement ", ou de telle ou telle servitude de passage dont le constructeur n'avait pas connaissance, et qui lui est brusquement opposée).
On admettra facilement que si le propriétaire contrevient à des règles légales (ou à des engagements contractuels) une fois la construction édifiée, il soit tenu pour responsable des conséquences (encore vaudrait-il mieux qu'il ait été mis, dès le début, plus précisément au courant des risques qu'il courait). Mais que penser d'un système qui permet d'autoriser une construction contrevenant déjà, sur plans, à telle ou telle de ces règles ?
Si l'on rappelle que l'action inopinée d'un " tiers " peut, dans des cas extrêmes, aboutir à la démolition de la construction contestée, force est de conclure que l'attribution du permis de construire laisse la généralité de ses titulaires dans une situation d'insécurité difficilement admissible.
Pour l'administration, cela est regrettable, mais difficilement évitable. En effet, la délivrance du permis ne fait, comme elle le rappelle en toute occasion, qu'attester la conformité du projet aux règles de l'urbanisme ; tout le reste, et qui est du ressort du droit civil, est l'affaire de l'administré.
Mais celui-ci - et l'on peut difficilement lui donner tort - ne comprend rien à cette distinction. Il ne comprend pas que l'Administration - " toute puissante " - lui ait donné la permission de faire quelque chose de conforme à certaines règles (et encore...), mais qui pourra être jugée illégale au regard d'autres règles.
Le choix devant lequel l'autorité responsable se trouve placée apparaît donc parfaitement clair :
- Ou bien on fait du permis de construire actuel un document plus " honnête " et ayant plus de " poids " juridique. Mais ce double résultat ne saurait être obtenu sans un engagement total de la responsabilité de l'Administration, dès la phase d'examen du projet de construction. Cela implique :
- que la conformité de tout projet sera appréciée, non plus seulement par rapport aux règlements généraux et locaux d'urbanisme, mais aussi par rapport aux règles posées par le Code civil dans ses dispositions relatives aux " servitudes et services fonciers " ;
- que, par conséquent, la responsabilité de l'Administration sera substituée de plein droit à celle du titulaire, chaque fois qu'un litige naîtra à propos d'une contravention à l'une quelconque de ces règles, si cette contravention était en germe dans le projet qu'elle a approuvé, tout en l'y laissant subsister.
- Ou bien on se contente d'être " honnête ", sans rien changer à la nature profonde du document délivré. - Cela n'empêcherait d'ailleurs pas l'administration de tenter de porter remède à l'insécurité du titulaire, en poursuivant dans les deux voies qu'elle explore déjà : mieux informer les futurs constructeurs des risques qu'ils encourent du fait des servitudes privées, d'une part ; d'autre part, intégrer le plus souvent possible aux règles actuelles du droit de l'urbanisme, les exigences parfois plus fortes du droit civil ou de la jurisprudence.
Mais alors, il ne faut plus parler de " permis " de construire. Il faut remplacer ce titre par un autre : " Autorisation administrative de construire " : " Autorisation d'édifier une construction conforme aux règles de 1'urbanisme ", etc.
Il apparaît en tout cas que ce choix est nécessaire et urgent : ni pour les administrés, ni pour l'Administration elle-même, la situation actuelle ne paraît plus longuement supportable.
Observations : Cette " lettre de réforme " contenait aussi :
- une suggestion : mettre à l'étude une modification du droit tendant à ce que la démolition ne se présente plus, pour le juge, comme une solution sans alternative (cf. l'affaire Guyon à Cabourg) ;
- l'annonce d'autres propositions de réforme sur des sujets voisins : la portée juridique du certificat d'urbanisme (c'est la proposition URB 83-13 ci-après) ; les moyens de réduire le nombre des permis de construire qui contreviennent encore aux règles de l'urbanisme (à échéance plus lointaine).
URB 83-13 : Portée juridique du certificat d'urbanisme. (Emise le 7 juillet 1983).
Depuis la promulgation de la loi no 71.581 du 16 juillet 1971, d'où est issu l'article L 410-1 du Code de l'urbanisme, le certificat d'urbanisme est devenu un véritable acte administratif. Il a pour objet de donner à l'administré une information aussi complète que possible sur les possibilités d'utilisation d'un terrain pour la construction ou la réalisation d'une opération déterminée, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables dans le secteur où se situe ce terrain, ainsi que sur l'état des équipements publics existants ou prévus.
Jusqu'en 1980 l'administration, pour statuer sur une demande de certificat d'urbanisme pour un terrain non couvert par un plan d'occupation des sols opposable aux tiers, se fondait sur les articles R 111 - 1 à R 111- 15 du Code, qui fixent les règles générales de l'urbanisme.
Les articles alors le plus souvent invoqués à l'appui des décisions rendues articles R 111-13, R 111-14 - 1 et 2 et R 111-15) font référence au permis de construire et précisent les considérations pour lesquelles il peut être refusé, ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales, à savoir :
- surcroît important de dépenses pour la commune ;
- protection des espaces ruraux ;
- respect de l'environnement ;
- politique nationale d'aménagement du territoire.
Au vu des articles précités, le terrain était donc déclaré constructible ou inconstructible. Cette pratique avait le mérite d'une certaine clarté car le futur constructeur, qu'il s'agisse du propriétaire du terrain ou d'un acquéreur éventuel était assuré d'obtenir le permis de construire, dans le délai de validité de six mois d'un certificat d'urbanisme positif, puisque l'administration s'était engagée par sa réponse.
Mais de nombreuses décisions de refus de certificats d'urbanisme ayant été portées devant les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat, il s'est dégagé la jurisprudence désormais constante selon laquelle l'Administration ne peut déclarer un terrain inconstructible quand les motifs invoqués sont tirés des dispositions du Règlement national d'urbanisme.