LES PERSPECTIVE D'EVOLUTION D'ACTIVITE


La compétence du Médiateur de la République est fixée par la loi, ce qui n'empêche pas l'institution d'évoluer dans un cadre volontairement souple pour qu'elle s'adapte aux changements de l'environnement, aussi bien français qu'international, et que son action se développe en fonction des ses propres capacités.

A. DANS LE DOMAINE DES AFFAIRES INTERIEURES


Depuis sa création, il y a dix-sept ans, le nombre des affaires traitées a doublé à peu près régulièrement tous les cinq ans, passant de 2 000 en 1974 à 23 000 en 1990.



Ce chiffre de 23 000 est important pour une institution de l'État encore jeune. En réalité, il est loin de constituer un sommet.

1) Le déficit d'activité


L'existence d'un déficit d'activité est ressentie tous les jours à la Médiature, lorsque la presse révèle l'existence de contentieux entre les administrations et les usagers dont le Médiateur de la République n'a pas eu connaissance et qu'il eût été cependant en mesure d'aplanir.



Le décalage entre les réclamations reçues et le nombre de problèmes susceptibles d'être portés à la connaissance du Médiateur de la République est démontré par le chiffre des pourvois enregistrés par les divers tribunaux qui ont le même champ de compétence. Ce chiffre est de l'ordre de 100 000 en 1990 soit plus de quatre fois le nombre des problèmes soumis au Médiateur de la République. Or, le citoyen a tout avantage à demander l'intervention du Médiateur, que ce soit avant, pendant ou après la procédure judiciaire. Le jour où le citoyen en aura conscience, il est probable qu'il ne refusera pas cet avantage.



Mais le sentiment de frustration et de gâchis est encore bien plus accentué lorsque le Médiateur évalue l'aide qu'il aurait pu apporter à la fois aux juridictions surchargées et aux citoyens abusés. A cet égard, il faut savoir que les réclamations ont pour base des difficultés soit virtuelles, soit réelles. La faiblesse de l'enjeu financier et les désagréments d'un procès empêchent souvent que l'affaire soit portée devant les tribunaux, mais lorsque le citoyen accepte, dans ces conditions, la décision qu'il conteste, le ressentiment persiste contre l'administration qui n'est généralement pas fautive, mais qui n'a pas pu convaincre.



Pour les autres affaires, il n'est pas illusoire de penser que le tiers au moins n'eût pas déclenché de contentieux devant les tribunaux, dès lors que l'on sait que les quatre cinquièmes des pourvois sont rejetés et que l'intervention d'une autorité reconnue comme compétente, impartiale et désireuse d'aider le citoyen pourrait démontrer la vanité de l'action en justice.

2) L'évolution


Maintenant que l'existence et l'action du Médiateur de la République intéressent les médias, le nombre des demandes d'intervention devrait augmenter très rapidement au point d'être multiplié par trois ou quatre dans les deux ans à venir.

B. LE DOMAINE DES RELATIONS INTERNATIONALES


Les relations internationales se sont intensifiées en 1990 tant au sein de la Communauté Européenne qu'à l'extérieur.

1) Les problèmes de la Communauté Européenne


Lorsqu'il a donné mission, en 1973 au Médiateur, de recevoir les réclamations concernant le fonctionnement des administrations, le législateur français n'avait sans doute pas prévu le développement croissant que prendrait le droit communautaire, ni ses répercussions sur la vie des citoyens. Institution voulue évolutive et pragmatique par ses créateurs, le Médiateur s'est tout naturellement adapté à ce nouvel état de choses et j'ai rappelé, dans mon rapport sur l'année 1989 les initiatives que j'ai été amené à prendre pour répondre aux requêtes d'administrés ayant à se plaindre de la méconnaissance, par les services publics français, de règlements ou de directives de la Communauté Européenne. La cellule d'étude et de documentation dont j'annonçais la création joue un rôle effectif pour la coordination du travail des divers secteurs de la Médiature confrontés à des problèmes de cette sorte. Elle prépare également mes interventions en matière de réformes lorsqu'est en cause l'application du droit européen dans notre pays ou l'adaptation des procédures françaises au droit communautaire.



Comme la Communauté est elle-même une réalité vivante, nous devons être attentifs aux intentions formulées par ses membres d'en étendre progressivement les responsabilités.



C'est ainsi que la Charte des droits sociaux fondamentaux adoptée en décembre 1989 par la Communauté ouvre des perspectives nouvelles de grande ampleur à la réglementation communautaire et se traduira, dans un proche avenir, par un ensemble de textes et de dispositions dont le Médiateur aura à connaître chaque fois qu'un administré estimera qu'ils ont été méconnus ou mal interprétés par une administration française.



La troisième étape de cette évolution sera le passage à l'union politique de la Communauté. Sans préjuger de sa date ni de ses modalités, nous devons réfléchir aux répercussions qu'elle ne manquera pas d avoir sur la mission du Médiateur. L'union politique signifie en effet un nouveau droit de citoyenneté, commun à tous les habitants de la Communauté, avec son cortège de droits politiques proprement dits, de droits sociaux, de droits culturels, etc.



Pour faire face à ce vaste champ de responsabilités, certaines autorités de la Communauté se sont dès à présent interrogées sur l'opportunité d'envisager la création d'un Médiateur ou Ombudsman européen. Ce sera évidemment aux gouvernements qu'il reviendra de prendre une décision en ce domaine, mais je pense qu'ils auraient intérêt à entendre au préalable ceux qui ont exercé cette fonction pendant de nombreuses années dans le cadre de chacun des pays concernés.



Ce ne peut être en effet que par une collaboration étroite avec les Ombudsmans nationaux et selon une définition judicieuse de leurs responsabilités respectives que l'Ombudsman européen pourra apporter une contribution positive à l'élaboration et au contrôle des règles nouvelles qui régiront l'espace social, politique, économique et culturel des citoyens de la future Europe. Je suis disposé, pour ma part, à apporter ma pleine contribution aux efforts des uns et des autres pour répondre au mieux à ce passionnant défi de l'Histoire.

2) La coopération internationale


Elle s'est poursuivie en 1990, aussi bien sur le plan largement international que dans le cadre européen.



A Vancouver (Canada) s'est tenue, du 8 au IO juillet, à l'initiative de M. Stephen Owen, Ombudsman de l'État de la Colombie britannique et Président de l'Institut international de l'Ombudsman, la réunion du Comité directeur de cet organisme. Le Médiateur français en est membre et s'était fait représenter par son Délégué général. Les décisions prises ont porté d'une part, sur la préparation de la Conférence internationale quadri-annuelle des Ombudsmans, qui se tiendra à Vienne en octobre 1992 et d'autre part, sur un nouveau mode d'élection des membres de l'organisme de direction de l'Institut qui permette d'assurer une meilleure représentation des grandes régions du monde: Afrique, Asie, Australasie-Pacifique, Europe, Amérique du Nord, Amérique Centrale et du Sud. Dans un souci de décentralisation, il a été convenu que désormais, ce serait aux offices régionaux de désigner leurs représentants au Comité directeur.



C'est dans le cadre européen que s'est réunie, à Bolzano (Italie), la deuxième conférence européenne de l'Ombudsman, du 25 au 27 octobre dernier. L'initiative en revenait à la fois au Difensore Civico (Ombudsman) de la province autonome du Sud-Tyrol et à l'Institut européen de l'Ombudsman. Il est apparu à une majorité de participants, dont le représentant du Médiateur, que devant les bouleversements survenus dans l'Europe de l'Est et la demande de démocratisation des institutions, très forte dans ces pays, les Ombudsmans de l'Europe occidentale devaient donner à leur conférence et à l'Institut européen une plus grande capacité de répondre aux aspirations des anciens pays socialistes. Des propositions seront faites en ce sens par le groupe de travail désigné à Bolzano.

- La multiplication des Médiateurs


Passant au continent africain, il est intéressant de signaler que le Gouvernement du Sénégal a sollicité le concours du Médiateur de la République pour élaborer les statuts d'une institution analogue dans son pays. En juillet 1990, mon Délégué a participé à une mission de coopération sur la modernisation de l'administration sénégalaise. L'un des organes essentiels de ces réformes est précisément le Médiateur de la République du Sénégal. J'ai été moi-même associé aux travaux du séminaire, organisé le 30 octobre 1990, à Dakar, par le Président Abdou Diouf, et auquel participaient tous les membres du Gouvernement du Sénégal. Une loi a été déposée, qui devrait incessamment concrétiser ce projet. Jusqu'ici, seuls certains états africains anglophones avaient adopté l'institution de l'Ombudsman (Ghana, Tanzanie...). Le Sénégal sera le premier pays africain francophone à entrer dans la grande famille des Ombudsmans. Cette initiative est très heureuse également pour l'équilibre des inspirations culturelles en Afrique. Il n'est pas douteux que le sentiment très positif que le Président Abdou Diouf a bien voulu porter personnellement à notre coopération sera connu dans ce continent. (Cf. page 163,)

- Les visiteurs étrangers


Comme les années précédentes, un certain nombre de personnalités étrangères ont rendu visite au Médiateur de la République ou ont rencontré ses collaborateurs. Confirmant l'intérêt des autorités argentines pour la création d'un Ombudsman dans ce pays, Mme Gomez-Acuna a renouvelé, le 2 5 janvier, sa visite de l'an dernier pour recueillir un certain nombre d'informations sur le fonctionnement de l'institution française. Le I 5 mai, le Protecteur du Citoyen du Québec, M. Daniel Jacoby, accompagné de son Directeur général des enquêtes et du Directeur des communications, a eu plusieurs entretiens avec le Médiateur et ses collaborateurs. Un échange régulier d'informations a été convenu et organisé. Le Canada anglophone n'a pas été absent de ces échanges puisque, le 1 9 septembre, j'avais le plaisir d'accueillir M. Charles Ferris, du New-Brunswick. Enfin, le Canada fédéral était également présent à Paris, en la personne de M. d'Iberville-Fortier, Ombudsman fédéral aux langues officielles, avec qui j'ai eu d'intéressants entretiens le 23 mai. Le président de la Commission des Droits de l'Homme du Togo, M. Yao Agboyibor, nous a également rendu visite le 17 mai, confirmant son souci de donner à sa fonction une réelle capacité de défense plus générale des administrés face à l'administration. La Commission des Droits de l'Homme du Mexique dont nous avons reçu, le 5 novembre, la secrétaire exécutive, Mme Rosario-Green, poursuit un but similaire qui se situe tout à fait dans la perspective de la médiation. C'est dans le même esprit que M. Kerimov, député au Soviet Suprême et président du nouveau Comité soviétique pour la Coopération humanitaire et les Droits de l'Homme, m'a fait part, le 12 novembre, de son intérêt pour l'Institution du Médiateur et de son souhait d'une coopération positive entre nos organismes. Des hauts fonctionnaires de Hong-Kong et un juriste japonais, qui participe à la création de l'Ombudsman dans une grande ville de son pays, ont également marqué, par leurs visites, l'intérêt qu'ils portent à l'Institution française.



Enfin, il m'a été particulièrement agréable de retrouver mes collègues de Grande-Bretagne et d'Espagne, MM. William Reid et Alvaro Gil Robles, à l'occasion d'un symposium organisé, le 20 juin, par Droit et Démocratie, et au cours duquel ils ont l'un et l'autre exposé leurs vues sur le thème de la rencontre: " Ombudsmans ou Médiateurs et équité ".

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