EVALUATION DE L'ACTIVITE DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE EN 1990


La mode est à l'évaluation de l'utilité des institutions. Il est bon de se prêter à cet exercice, même en connaissant la difficulté de l'entreprise lice aux paramètres nombreux, incertains, variables et subjectifs.

En ce qui concerne le Médiateur de la République:

— L'Institution doit d'abord être jugée en fonction de son utilité politique, par rapport au sentiment de garantie supplémentaire qu'elle apporte au citoyen. En ce domaine, l'appréciation appartient aux politiques.

A supposer que le citoyen estime l'Institution utile, reste à savoir si le service rendu n'est pas hors de prix.

— Le coût total du fonctionnement de l'institution dépasse la dotation budgétaire en raison des mises à la disposition d'une trentaine d'agents. Il peut être évalué à environ 35 M2 F, coût des retraites inclus.

En contrepartie, l'Institution fournit un service social qui retentit au politique par sa contribution à la réduction des tensions entre les services publics et les usagers. Cette prestation est la plus importante, mais elle est difficile à chiffrer; c'est une question d'appréciation des responsables du climat social en France.

Un service accessoire peut être financièrement évalué. C'est celui que l'Institution rend en prévenant le contentieux. On peut légitimement penser que le tiers des réclamations dont le Médiateur de la République est saisi donneraient lieu à un procès sans son intervention. Sur 23 000 réclamations reçues actuellement, cela fait environ 7 000 affaires qui n'iront pas encombrer les rôles des tribunaux administratifs.

Compte tenu du cursus à trois degrés pour certaines affaires, une instance contentieuse devant la juridiction administrative revient, en moyenne, au budget de l'État entre 1 5 000 et 20 000 F. Le Médiateur de la République évite ainsi un surcroît de dépenses de l'ordre de 100 M2 F.

Entre les 35 M2 F que peut coûter au maximum l'Institution du Médiateur de la République et les 100 M2 F qu'elle permet d'économiser, la marge est déjà grande. Elle devrait augmenter au fur et à mesure que les citoyens connaîtront mieux l'existence du Médiateur de la République. En effet, ce n'est pas 2 3 000 affaires que le Médiateur aurait dû enregistrer, mais plus de l 00 000, puisque l'étendue de sa compétence est plus large que celle des juridictions administratives, lesquelles ont été saisies de plus de 80 000 affaires en 1990.

Or, il faut savoir que devant les tribunaux administratifs, le cinquième seulement des demandeurs aboutissent à faire annuler ou réformer la décision contestée. Le pourcentage est le même en appel, devant les cours administratives d'appel et le Conseil d'État. Cela veut dire que 60 000 plaideurs auraient mieux fait de s'abstenir de saisir la justice.

Il n'est pas exagéré de penser que si ces 60 000 plaideurs avaient été bien informés de leurs droits par une personne leur inspirant confiance, la moitié d'entre eux se seraient abstenus d'entamer un procès inutile: cela eût fait 30 000 procès en moins à juger !

Ces effets financiers du traitement curatif des litiges s'ajoutent aux conséquences psychologiques de meilleures relations entre administrations et usagers.

Ce n'est pas tout, puisque l'examen d'une réclamation individuelle peut être l'occasion de constater l'utilité de modifier la réglementation pour éviter le renouvellement des litiges. Les conséquences financières de l'activité de réforme du Médiateur de la République sont difficilement quantifiables, mais elles méritent certainement d'être prises en considération.

Enfin, le législateur, en donnant au Médiateur de la République le pouvoir d'intervenir en équité, a pris une mesure très heureuse dont les conséquences se font sentir d'abord,—dès maintenant—, sur le plan national en permettant de mettre fin à des conflits insolubles et crispants aussi bien pour les citoyens que pour les administrations, —ensuite, et c'est probablement bien plus important—, en habituant les services publics français à fonctionner dans le cadre européen dont les conflits seront réglés sur la base de l'équité.

En résumé: l'Institution du Médiateur de la République apparaît comme une invention utile et profitable dont les mérites seront proportionnels à son développement d'activité qui paraît inscrit dans les faits et réalisable avec l'appui des pouvoirs publics.

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