L'ACTIVITE COURANTE DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE




Le temps est à la médiation.

Le recours à ce mode de règlement des conflits a toujours existé. Il a été pratiqué de tout temps, plus ou moins consciemment, plus ou moins solennellement. La nouveauté consiste seulement dans le fait que les interventions en ce domaine sont davantage connues, mises en valeur et parfois institutionnalisées.

Il n'y a d'ailleurs pas de solution de continuité entre les compétences variables des diverses personnes intervenant en matière de médiation; entre le particulier, qui se met à la disposition des personnes en conflit dans le secteur civil sans beaucoup de connaissances juridiques, jusqu'à l'avocat spécialiste du droit; entre le bureau de renseignement d'une petite mairie jusqu'à la désignation d'une personnalité ayant la confiance du maire et chargée d'aplanir les conflits entre les services municipaux et les habitants de la cité, comme à Lille et à Paris.

Dans le secteur des affaires publiques, les médiateurs ont été instaurés pour créer un lien entre le responsable d'une collectivité et les administrés ou usagers.

Le dernier en date de ces médiateurs semble être celui que la R.A.T.P. a créé à la fin de l'année 1990.

Malgré l'existence des tribunaux de première instance, les juges de paix de jadis sont unanimement regrettés. On cherche à les ressusciter sous diverses formes. Des initiatives viennent tant des juridictions elles-mêmes que de personnes privées. La médiation suscite des vocations. Elle devient une occupation pour certains. D'aucuns voudraient en faire leur métier, concurrençant ainsi les avocats dont ce fut toujours un attribut.

D'où vient cet engouement dans un pays comme le nôtre, où les juridictions n'ont rien perdu de leur capacité technique et de leur autorité morale pour dire le droit ?

Peut-être du fait que le recours au juge n'est pas un acte de convivialité. Il demande toujours un gros effort, pas seulement moral." Attaquer en justice ", selon l'expression courante, est une initiative ressentie davantage comme un acte d'hostilité que comme la simple demande de solution d'un problème de droit. De plus," aller en justice" coûtera du temps et de l'argent. La décision se fera longtemps attendre. Elle demande des délais qui ne sont plus adaptés aux besoins de notre société pressée. Enfin, l'aléa d'un jugement est bien connu: la plus ferme conviction des parties n'est jamais certitude. Comme il est impossible de préjuger une décision de justice, l'inquiétude durera jusqu'au prononcé du jugement, et souvent jusqu'à son entière exécution qui peut se faire attendre de longues années Tout cela explique" qu'un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès".

L'arrangement, la conciliation, l'accord amiable, la transaction, voilà ce que le recours à un médiateur permet d'espérer et parfois d'obtenir.

Si le médiateur y parvient, aucune des parties ne sera probablement entièrement satisfaite, mais aucune ne sera désespérée, ou franchement mécontente, comme devant la sentence du juge, où le perdant se donne toujours des prétextes, tirés souvent du formalisme de la procédure, pour se persuader que sa cause a été mal entendue.

La médiation sous ses multiples formes, commode pour le justiciable, rend évidemment un grand service aux juridictions dont elle allège la tache.

Le Médiateur de la République a été créé pour répondre à ce besoin dans un domaine particulier. Celui des conflits entre les administrations et les organismes investis d'une mission de service public d'une part, et leurs usagers d'autre part. Le législateur a imaginé une institution qui apparaîtrait, aux yeux du citoyen, comme une autorité indépendante de l'administration et dans laquelle il aurait confiance. Il a voulu que cette institution fût assez qualifiée pour proposer des solutions raisonnables, acceptables pour l'administration. Le législateur espérait que le médiateur contribuerait ainsi à prévenir le contentieux et à améliorer les rapports entre l'administration et ses usagers.

Ces espoirs expliquent le bon accueil du projet proposé par le Gouvernement: la loi du 3 janvier 1973 créant un médiateur fut en effet adoptée par le Parlement sans opposition.

La mission générale assignée à une institution de l'Etat pour réduire les différends par la conciliation est, sans nul doute, hétérodoxe à notre système juridique d'Etat de droit, mais elle était devenue nécessaire.

Dès lors que les décisions administratives se multipliaient au terme de procédures souvent déroutantes, que les juridictions étaient encombrées, il fallait bien trouver un moyen d'alléger ce contentieux d'une manière acceptable. Le besoin était d'ailleurs ressenti par les administrations elles-mêmes qui créaient des procédures d'arrangement amiable.

Mais leurs efforts achoppaient sur le fait que, dans ces procédures amiables, l'administration apparaissait plus ou moins comme étant juge et partie aux yeux des usagers.

La première exigence du citoyen était celle d'une autorité conciliatrice qui fût indépendante de l'autorité administrative. Aussi, un système d'intercession gracieuse, reconnu des citoyens comme impartial, aisément accessible au plaignant," pouvant agir entre le citoyen et l'administration de façon pragmatique et informelle" (disait le Ministre de la Justice présentant le projet), correspondait à un besoin de notre société à partir des années 1970.

La mission du Médiateur de la République, contenue dans la loi du 3 janvier 1973, était double:

- rechercher la juste réparation des conséquences provoquées par un mauvais fonctionnement du service public;

- prévenir la répétition des cas de dysfonctionnement par des propositions d'amélioration des règles et comportements des services publics.

Il a été dit que la loi du 24 décembre 1976 y ajouta par la suite une vocation à proposer des solutions fondées sur la notion d'équité.

Comme les années précédentes, Le Médiateur de la République s'est efforcé, en 1990, de répondre à cette double attente.

A.LA RESOLUTION DES CONFLITS OUVERTS


L'exercice d'une mission de service public est parfois délicate. Il contrarie toujours quelques intérêts. Il peut même les exacerber (cf. cas n° 89-2950, page 61); certaines circonstances peuvent aussi altérer le sens de la mission de service public (cf. cas n° 89-3577, page 62). La bonne décision sera celle qui servira l'intérêt général et sera acceptée. Le décideur doit agir dans le sens de la loi et respecter la lettre du texte. Il lui faut aussi atteindre l'objectivité.

Le Médiateur de la République dispose de plus de liberté que l administrateur et le juge pour proposer des solutions aux différends. Il est vrai qu'il ne décide pas.

En se bornant à la recherche d'une solution acceptable pour les parties en conflit, Le Médiateur de la République veille avec beaucoup de soin à ne pas se lier pour l'avenir. Il évite que ses positions se cristallisent par une sorte de jurisprudence. Il n'y a pas de jurisprudence du Médiateur de la République. Toute solution qui aboutira a un arrangement au fond de l'affaire est bonne et n'est valable que pour le cas d'espèce.

1 ) Tout n'est que cas d'espèce

Tout comportement d'un organisme de statut public qui s'écarte de la loi encourt une sanction. Des mécanismes ont été imaginés pour que l'erreur commise puisse être redressée rapidement. lndépendamment des voies juridictionnelles, la sanction peut être directe et sa détente rapide, grâce au recours à l'autorité hiérarchique, par exemple.

Mais tout n'a pas été prévu:

L'exemple le plus courant est celui d'une décision municipale erronée, engageant la responsabilité de la commune par méconnaissance des limites de l'autonomie de la collectivité locale. C'est ainsi que, pendant deux ans, des démarches répétées n'ont pas infléchi l'attitude d'un maire qui préférait courir le risque quasi certain d'un désaveu judiciaire, plutôt que de reconnaître son erreur (cf. cas n° 88-2331, page 63)

Les organismes de statut privé chargés de l'exercice d'une mission de service public ont, eux aussi, tendance à se méprendre sur leurs responsabilités. L'autonomie de gestion dont ils jouissent crée des réflexes incompatibles avec les devoirs de la mission de service public qu'ils doivent assumer (cf. cas n° 88-0460, page 65). Il faut faire beaucoup d'efforts pour faire prévaloir le bon sens (cf. cas n° 89-2698, page 66).

2) Le contexte

Quel que soit le statut juridique de l'organisme chargé d'une mission de service public, il existe parfois une grande difficulté à appliquer correctement le principe de l'égalité des usagers devant le service public (cf. cas n° 8-2980, page 67). Il n'y a d'ailleurs jamais égalité dans les effets de l'application d'une règle commune.

C'est une des difficultés de la tâche du Médiateur de la République que d'intervenir dans ces circonstances. Car, outre que le décideur est persuadé du bien-fondé de sa décision, il ne lui est jamais agréable de s entendre dire qu'il aurait dû faire autrement. Aussi, très naturellement, le premier réflexe du décideur contesté est une réaction de défense Faire accepter un changement impose donc un minimum d'adresse dans le dialogue qui s'instaure toujours dans une atmosphère de rapport de forces.

3) La méthode

Le Médiateur de la République n'aurait aucune chance de faire accepter ses propositions d'arrangement amiable s'il ne les appuyait pas sur une capacité reconnue à lire correctement la règle de droit existante et sur une aptitude à proposer des solutions de compromis compatibles avec l'état de sensibilité actuel de notre société et les moyens d'exécution des collectivités en cause.

Car, dans un Etat de droit, l'administrateur s'estime très souvent tenu d'appliquer la loi dans le sens de la lecture la plus protectrice des intérêts de l'organisme dont il dépend. C'est le cas, en particulier, des activités soumises à déclaration préalable. Or, si chacun" sait" qu'à chaque activité, qu'à chaque situation ouvrant droit à un avantage social, correspond un régime de réglementation spécifique, beaucoup oublient souvent que les droits ne s'ouvrent qu'au terme d'une procédure. En matière fiscale, par exemple (cf. cas n° 89-2962, page 68, et n° 90-1524, page 70), en matière de retraites et de pensions de réversion également (cf. cas n° 89-3014, page 71, et n° 90-0640, page 73)

Ces situations relèvent, pour la plupart, d'un manque d'information chez l'administré. Celui-ci est, dit-on, censé ne pas ignorer la loi. Mais ce vieil adage a fait son temps. L'époque où les besoins de l'administré étaient régis par des lois simples et peu nombreuses est bien révolue. Les règles sont si nombreuses que beaucoup de citoyens pensent qu'ils sont incapables de comprendre la raison d'être de la loi particulière qui détermine leurs droits et obligations.

Aussi, malgré les efforts faits pour informer le public, le citoyen a besoin, plus que jamais, d'être aidé dans ses démarches. Le gestionnaire du service public se trouve de plus en plus dans l'obligation morale de mettre les administrés en possession des renseignements utiles à leurs démarches auprès de ses services (cf. cas n° 90-0170, page 74). Des efforts, parfois suscités par les propositions de réforme du médiateur, sont accomplis par les services publics, souvent d'une manière très remarquable, comme ceux que déploie la Direction de l'information du ministère des finances. Mais l'expérience montre qu'il reste toujours beaucoup à faire dans ce domaine pour que l'administré admette les raisons qui légitiment la formalité, pour obtenir l'accélération des procédures, et surtout pour réduire le nombre des malentendus. Le citoyen a tendance à s'en remettre à l'administration, non par un réflexe de paresse, mais parce qu'il a le sentiment que l'administration est trop compliquée. Il s'attend à être prise en charge par le service public qui, il est vrai, a été créé pour lui. La difficulté réside en ce que l'administration n'est pas toujours en mesure, faute de temps, de se placer dans la situation particulière de chaque administré.

Ainsi, lorsqu'une prestation sollicitée est refusée, le service public n'explique généralement pas suffisamment les raisons de son refus. Ces raisons sont certes pertinentes, et même évidentes pour le service. Mais un refus, pour être compris et accepté, requiert un effort de persuasion plus grand que pour une décision positive ! Il arrive aussi que le citoyen se méprenne sur le sens de la décision qu'il conteste et qui peut être moins défavorable qu'il ne le pense. Ainsi peut-il confondre une mesure suspensive avec un rejet définitif. (cf. cas n° 90-2165, page 7 5 ).

Le médiateur se fait fréquemment l'avocat de l'administration pour remédier aux conséquences de ces dysfonctionnements reprochés aux services publics dont les conséquences peuvent être lourdes pour l'usager. Il en va de même pour les lenteurs excessives apportées inutilement par les administrations à répondre aux usagers. Il existe une difficulté certaine pour nombre d'administrateurs à se placer dans la situation de l'usager et à comprendre son impatience. Le médiateur est bien placé pour le constater, puisqu'il se trouve lui aussi en position de demandeur vis-à-vis de l'administration, lorsqu'il intervient en faveur des citoyens.

Il existe certes des délais incompressibles (cf. cas n° 90-0922, page 77). Cependant, en prenant notamment en compte la difficulté propre au cas exposé, la durée moyenne acceptable du traitement d'un dossier par la voie amiable doit se situer normalement entre trois mois et un an.

Tout dépassement de ce délai est incompatible avec la mission du médiateur. Aussi, la pression nécessaire est exercée en raison du désarroi éprouvé par le réclamant et dans l'intérêt même de l'administration.

4) Le rôle des délégués départementaux

Pour faire face à l'ampleur de sa tâche, le médiateur a déconcentré son institution. Il dispose de collaborateurs à Paris qui constituent la Médiature et d'un représentant dans chacun des départements de la République, qui a pour nom Délégué départemental du Médiateur de la République.

Le rôle des délégués départementaux du médiateur est double: ils apportent à la Médiature des informations utiles sur les griefs exposés dans des réclamations traitées à la Médiature à Paris. Ils effectuent d'autre part, au nom du médiateur, les interventions nécessaires à la solution des affaires purement locales. Celles-ci représentent environ les quatre cinquièmes des réclamations présentées à l'institution (cf. les statistiques, en pages 169 et suivantes).

Ce rapprochement géographique de l'institution du médiateur était nécessaire pour la solution commode et rapide des problèmes.

Mais son principal avantage, inestimable pour beaucoup d'administrés, est de rapprocher physiquement l'institution du citoyen avec une grande disponibilité d'écoute du plaignant.

Désignés directement par décision du Médiateur de la République, les délégués départementaux sont choisis aussi bien parmi les fonctionnaires encore en activité que parmi les retraités. Il leur est demandé une bonne culture juridique, la connaissance des administrations locales, une grande disponibilité et la volonté d'aider leurs concitoyens. Des résultats remarquables sont obtenus par ces personnes très désintéressées, animées d'un sens civique très aigu (cf. cas n° 90-0512, page 78).

Le délégué départemental n'a pas toujours affaire à des plaignants sérieux. Un exemple typique est celui du joueur au Loto sportif qui prétendait avoir gagné un lot de 1 90 000 F. De recherche en recherche' le délégué départemental du médiateur a fini par découvrir que les reçus de jeu produits par le réclamant étaient perdants et qu'au surplus' le lot le plus élevé du jeu indiqué ne dépassait pas la somme de 23 000 F !

L'activité déployée par les délégués départementaux du médiateur et la crédibilité de leur action ont élargi leur audience. Le nombre des réclamations et des consultations dont ils ont été saisis a augmenté de 29 % en 1990.

La charge de la mission des délégués départementaux est, en gros, proportionnelle au nombre d'habitants du département et elle commence à être pesante dans les départements les plus peuplés Aussi, pour certains d'entre eux, le problème de l'intérêt et même de la possibilité de continuer à assumer une tâche devenue trop lourde se pose. La question est aiguë pour les fonctionnaires encore en activité dans de gros départements. L'interrogation est d'autant plus légitime que la tâche de délégué départemental n'est pas, à proprement parler, rémunérée. Ils ne perçoivent qu'une indemnité qui reste faible, malgré les relèvements consentis par 1e le Ministre du budget depuis trois ans.

La situation actuelle est encore valable pour les délégués qui traitent moins de zoo affaires par an. Mais elle ne convient plus au-delà de ce chiffre. Or, certains délégués reçoivent plus de 400 réclamations et tiennent des permanences dans deux villes du département lorsque le chef-lieu est excentré. Certains doivent d'ores et déjà se faire assister par un collaborateur dans une localité importante.

Le problème de l'évolution de la fonction de délégué départemental devra être réglé dans un très proche avenir car l'institution du médiateur est devenue très dépendante des délégués départementaux. Elle n'est plus concevable sans ces collaborateurs implantés localement et qui doivent avoir des qualités sortant de l'ordinaire, soit pour obtenir le réajustement de comportements ou de décisions administratives, soit pour faire comprendre au citoyen que l'administration n'est pas dans son tort lorsqu'elle lui demande d'accepter quelques sacrifices pour les réalisations d'intérêt général.

5) Les difficultés de la médiation

Savoir se mettre à la place de l'administré pour résoudre son problème ou satisfaire ses droits éviterait bien des difficultés. Souvent, la bonne solution sera trouvée en proposant une approche différente du problème (cf. cas n° 89-3076, page 79, n° 89-3381, page 80, n° 89-3432, page 81, et n° 89-3699, page 82).

Il arrive aussi que, dans l'appréciation d'une situation qui requiert des connaissances spécifiques, l'administrateur pressé ait négligé de s entourer d'avis autorisés qui eussent été indispensables (cf. cas n° 90-0468, page 84).

Dans d'autres circonstances, des contestations naissent d'une mauvaise appréciation de la mission du service public (cf. cas n° 90-1686, page 85)

Il arrive parfois que l'acharnement mis par des administrateurs à soustraire les collectivités qu'ils représentent à leurs obligations soit poussé très loin. Ainsi, deux organismes sociaux se sont rejetés, durant quinze mois, la prise en charge de la prestation sociale due à un assuré, privant celui-ci du bénéfice d'un droit reconnu (cf. cas n° 88-2907, page 86). Justice doit toutefois être rendue à la Caisse primaire d'assurance maladie qui, à la différence de la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale, a manifesté le souci de respecter les intérêts de l'assuré.

La conviction de l'administrateur peut parfois se transformer en parti pris. La bonne motivation de la décision administrative en souffre (cf. cas n° 88-0460, page 65). On a même vu une collectivité invoquer à tort, à défaut d'autres arguments, un prétendu principe d'autonomie totale qui découlerait de son statut d'institution décentralisée (cf. cas n° 89-3643, page 88).

Bien entendu, ces erreurs desservent l'image des collectivités et organismes concernés. Quand un maire affirme que la loi de décentralisation lui permet d'agir discrétionnairement en tout, on peut craindre le pire !

Le dialogue qui s'instaure entre le médiateur et les administrateurs permet le plus souvent de parvenir à des arrangements. Mais quand il y a des prises de positions irréductibles, des blocages, la loi ne laisse qu'une issue au médiateur: celle de clore le dossier et de publier les raisons de l'échec. Le parlementaire qui a transmis la réclamation en est évidemment le premier informé. Heureusement, ces situations sont relativement rares.

Contrairement à ce que peuvent penser les parties, les erreurs fortuites ou volontaires ne peuvent échapper à l'étude de la réclamation à laquelle le médiateur procède toujours avec soin (cf. cas n 89-3417, page 91, n° 89-3669, page 92, n° 89-3707, page 93 et n 90-0293, page 94)

D'ailleurs, hormis le cas d'erreur grossière évidente qui conduit le médiateur à rejeter la réclamation sans interroger l'administration mise en cause, l'appréciation du médiateur est toujours subordonnée à la vérification des faits allégués auprès du service concerné. Il a évidemment une position plus libre que le juge. Aussi, dans l'intérêt du réclamant, ne s'en tient-il pas strictement aux faits exposés et aux moyens invoqués qui lient le juge, car il arrive qu'une erreur de droit ou d expression cache la véritable situation justifiant une démarche en équité(cf. cas n° 89-3136, page 95).

6) Les satisfactions de la médiation

Tout récemment, les médias se sont fait l'écho de l'issue donnée à une douloureuse affaire, connue sous le nom des" époux Saint-Aubin". La presse s'était en effet émue jadis du combat des parents un jeune homme tué sur la route dans des conditions mal élucidées Un livre avait même été écrit sur cette affaire dont il était débattu depuis plus de vingt ans. A tort ou à raison, l'image d'un grand service public, d 'ordinaire exemplaire, s'en trouvait ternie. Il y avait eu plusieurs procès. Des doutes subsistaient cependant quant à la valeur de la clôture de l'affaire au regard de l'idée de la justice que se font les non professionnels du droit.

Mais le droit avait été dit d'une manière définitive sans que les esprits en fussent apaisés.

L'affaire était bloquée. Une issue acceptable a cependant pu être suggérée et acceptée parce que la loi a donné au Médiateur de la République le pouvoir de proposer une solution en équité en en assumant la responsabilité morale.

Ce pouvoir de proposer des solutions en équité est si hétérodoxe dans un Etat de droit qu'il paraît utile d'y revenir pour compléter ce qui a été dit dans la première partie de ce rapport.

L'équité dont il s'agit est celle dont il est usé dans les cas où la lettre de la règle appliquée par l'administrateur ou le juge dicte impérativement la solution à retenir. Ce sont les cas où ceux qui" disent le droit ou l'appliquent se trouvent en situation de" compétence liée " ou la lettre de la loi est précise et leur interdit toute autre solution.

C'est aussi l'occasion, pour le Médiateur de la République, de remercier les organismes publics qui acceptent une solution en équité qui leur fait renoncer à leurs droits. Car il s'agit bien de renoncer à des droits que leur donne la lettre de la loi ou la décision de justice. Il est très encourageant de constater que les responsables administratifs s ouvrent peu a peu à cette préoccupation de faire une juste place à 1 l'équité car, demain, une atténuation des rigueurs de notre logique juridique sera imposée par la législation européenne. Cela a déjà commencé. Une petite révolution culturelle en ce domaine est inévitable.

Actuellement, les recherches de solutions en équité présentent toutes, dans un Etat de droit, les signes de la gageure, soit parce que la décision incriminée ne pouvait, en droit, être autre (cf. cas n° 88-3304 page 97, n° 89-1171, page 98, n° 89-2671, page 1OO, n° 89-3074, page 101, n° 89-3764, page 103, n° 90-0646, page 104, et n 90-0807, page 105), soit parce que la collectivité, dépourvue du pouvoir de rapporter la décision, est amenée à accepter une solution de compensation très proche du souhait du réclamant (cf. cas n° 89-0652, page 106, n° 89-1411, page 107, n° 89-0752, page 108 et n° 90-2076, page 109), OU encore parce qu'à défaut d'apporter au problème du réclamant une solution complète, elle propose un arrangement partiel ou de simple principe (cf. cas n° 90-2076, page 109). L'administration accepte encore d'entrer dans le jeu de l'équité lorsque, faute de mieux, elle marque son intérêt pour l'intéressé en lui prodiguant des conseils utiles, gage de sa bienveillance (cf. cas n° 90-0772, page 11O), car il ne lui est pas toujours possible de réparer son erreur, notamment pour ménager les droits des tiers (cf. cas n° 89-1777, page 111, n° 89-2313, page 112, n° 89-2429, page 113 et n° 90-0508, page 115), en raison souvent des aléas inévitables d'une procédure juridictionnelle (cf. cas n° 90-0922, page 77). En tout état de cause, même un succès partiel, sur la base de l'équité, est toujours très positif.

Le Médiateur de la République souhaiterait beaucoup que tous les citoyens en difficulté soient convaincus qu'ils ont toujours intérêt à s'adresser à lui. Ils bénéficieront toujours au moins d'une information ou d'un conseil utile, même lorsque l'affaire ne ressortit pas à son domaine de compétence.

Lorsque la réclamation est justifiée, elle est en général totalement ou partiellement satisfaite. En 1990, le nombre total des réclamations reçues s'est accru de plus de 23 %, pour dépasser 22 000. Quant aux solutions favorables obtenues, leur nombre dépasse en pourcentage celles de l'an dernier. Les graphiques donnent une représentation comparative de la répartition des affaires selon la nature du litige, son origine et son issue (cf. page 5 5).

Même en cas d'incompétence du médiateur, aucune réclamation n'est écartée sans un examen du fond de l'affaire, ne serait-ce que parce que le médiateur est généralement en mesure de donner un avis utile au réclamant. Les affaires que le médiateur ne peut faire aboutir nécessitent généralement un plus gros effort d'instruction, d'intervention et de conseil que celles conclues avec succès.

A ces réclamations écrites, il faut ajouter les consultations données par téléphone, dont le nombre a, par rapport à l'année précédente augmenté de 120 %. Au fur et à mesure que leur existence et leur efficacité sont mieux connues, les délégués départementaux sont souvent délibérément consultés pour des questions qui excèdent leur champ de compétence. Mais puisque le citoyen est à la recherche d'un conseil, le médiateur estime que les délégués départementaux doivent prêter assistance au citoyen.

Enfin, la description de l'activité du médiateur en faveur de 1 usager des services publics serait incomplète si ses propositions de reforme concernant le contenu ou l'application de la règle de droit n étaient pas mentionnées.

B. LA PREVENTION DES CONFLITS

L'esprit" service public" anime toujours les administrations. La volonté de toujours mieux faire persiste. Mais il faut bien reconnaître que si 1 'administration sait perfectionner son travail, elle a des difficultés à évoluer pour changer ses habitudes et modifier ses comportements.

Le médiateur constate, par l'accueil réservé à ses propositions, que les réformes importantes doivent être imposées par le pouvoir politique.

1) L'instruction des propositions de réformes

Les propositions de réformes du médiateur sont présentées directement aux ministres concernés en fonction des dispositions de l'article 9 modifié de la loi du 3 janvier 1973 ayant institué le Médiateur de la République:

" Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le médiateur de la Republique fait toutes les recommandations qui lui paraoessent de nature à régler les difficultés dont il est saoesi et, le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné.

" Lorsqu'il apparaît au Médiateur de la République, à l'occasion d'une réclamation dont il a été saisi, que l'application de dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l'autorité ompétente toutes mesures qu'il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires "

L'objectif de conduire l'instruction à son terme dans le délai d'un an est annoncé pour chaque proposition, et une première réponse sur le fond est demandée sous trois mois.

Le parlementaire qui a transmis la réclamation qui est à l'origine de la proposition de réforme en est toujours informé.

Depuis 1988, le médiateur adresse également copie de ses propositions de réforme au président de l'Assemblée Nationale et au président du Sénat lorsque ces propositions ressortissent au domaine législatif.

Enfin, copie des propositions de réforme est systématiquement adressée au Ministre de la fonction publique et des réformes administratives et au Secrétaire général du Gouvernement, qui ont conjointement la charge de suivre leur instruction.

A cet égard, on peut dire que, autant les réunions interministérielles sont justifiées lorsqu'il s'agit de confronter pour les concilier les positions des administrations de plusieurs départements ministériels, autant cette procédure est superflue lorsqu'un seul ministère est saisi. Il serait préférable que ce ministère indique directement son sentiment au médiateur. Cela suffirait pour s'assurer de la faisabilité de la réforme et pour arrêter les modalités de la procédure conduisant à sa concrétisation. C'est une première observation.

Ensuite, force est de constater que dans la plupart des cas, les services attendent généralement d'être convoqués à la réunion interministérielle pour esquisser une réponse sur le projet.

Troisième observation: les réponses recueillies en réunions interministérielles ne reflètent souvent, au mieux, que le sentiment du bureau concerné, ou même seulement celui de la personne présente. L'aveu de totale méconnaissance de la question posée, assorti d'une demande de sursis, n'est pas rare.

L'insuffisance des réponses apportées verbalement conduisent souvent à exiger une confirmation écrite de la position des services. Précaution élémentaire, mais sans doute jugée exorbitante puisque, trop souvent, quatrième observation, cette réponse nécessite de nombreux rappels ... voire la réinscription systématique à l'ordre du jour des réunions interministérielles ultérieures.

Bien entendu, il existe des comportements tout à fait satisfaisants.

Il a été convenu, avec le ministère des réformes administratives, que ces réunions devaient être trimestrielles.

Ces réunions gagneraient à être améliorées sur plusieurs points.

D'abord, au point de vue de l'autorité des participants qui devraient engager leurs départements ministériels.

Cela suppose au minimum une coordination interne dans chaque administration pour éviter, par exemple, qu'une position négative, prise par principe ou par prudence lors de la réunion interministérielle, ne soit contredite presque simultanément par une acceptation écrite formulée par l'autorité hiérarchique.

Cela dit, la compétence technique des services étant indispensable, une discussion informelle est engagée avec les bureaux avant toute proposition de réforme. La réaction des services est souvent communiquée préalablement au médiateur par l'intermédiaire de ses correspondants ministériels (agriculture, intérieur, équipement notamment).

Ensuite, la rapidité de l'envoi des comptes rendus des réunions aux participants est aussi très importante, car c'est le compte rendu qui fait réagir les services intéressés.

Enfin, il arrive que, même lorsqu'il s'agit d'améliorer de simples comportements ou méthodes de travail, les propositions se heurtent à une résistance passive difficilement surmontable. Par exemple, malgré toutes les circulaires des autorités hiérarchiques, l'anonymat persiste largement dans les correspondances administratives.

Le médiateur enregistre encore trop souvent des plaintes concernant l'imprécision des formulaires, où les cases à cocher sont trop nombreuses et la signification des sigles non indiquée. Le recours à l'informatique est indispensable pour améliorer les performances dans le traitement des dossiers. Mais souvent les citoyens se plaignent que les services ne soient pas mieux organisés pour répondre aux cas particuliers. Il en va de même lorsque la base légale d'une décision n'est éclairée que par la simple référence à une loi, sans précision sur le numéro de l'article ou mieux, sur le texte lui-même.

La conjonction des réclamations et la relation par la presse des difficultés ressenties par les citoyens peuvent amener le médiateur à essayer d'intéresser le législateur à un réexamen de l'adaptation de la jurisprudence des tribunaux civils ou administratifs.

C'est dans ce contexte que se situe la proposition du médiateur concernant l'indemnisation du risque thérapeutique.

2) La proposition concernant l'indemnisation du risque thérapeutique

Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, ce n'est pas la loi qui a défini les conditions de l'indemnisation du risque thérapeutique.

Ce n'est même pas l'article 1382 du Code civil, lequel prévoit que" tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ", qui est appliqué en la matière.

C'est sur la base de l'article 1 147 du Code civil relatif aux contrats que se règlent les litiges relatifs aux actes médicaux dans le secteur civil. Cet article 1147 concerne" les dommages et intérêts résultant de l'obligation". Il est rédigé comme suit:

" Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part."

Ainsi, l'intervention du médecin n'est ni plus ni moins qu'un contrat de prestation de service dont la jurisprudence judiciaire a fixé les règles et le contenu pour la médecine libérale.

En ce qui concerne le secteur hospitalier public, il n'existe pas le moindre texte de loi auquel se rattacherait la responsabilité de l'acte médical. Tout repose sur la jurisprudence élaborée par le Conseil d'Etat en matière de responsabilité du service public.

Donc, en matière de responsabilité médicale, le droit français distingue selon que l'acte mis en cause a été pratiqué dans un établissement du secteur public ou du secteur privé. De cette distinction résulte la désignation du juge compétent: la juridiction administrative pour le secteur public, les tribunaux judiciaires pour le secteur privé.

Dans les deux ordres de juridiction, la reconnaissance du préjudice est subordonnée à l'existence d'une faute et au lien de causalité de celle-ci avec le dommage subi. Mais il n'y a plus unanimité lorsqu'il s'agit de qualifier la faute qui déclenchera la responsabilité de l'auteur de l'acte fautif.

Alors que le juge judiciaire demande une faute " caractérisée", le juge administratif ne s'en contente que lorsque le préjudice subi a sa source dans un acte d'organisation ou de fonctionnement du service.

Lorsqu'il s'agit, au contraire, de l'acte purement médical, par exemple un diagnostic ou une intervention chirurgicale, l'existence d'une faute" lourde" est exigée; de plus, la preuve de cette faute" lourde " doit être rapportée par le patient ou sa famille.

Dans ce contexte jurisprudentiel, il est difficile pour le patient ou ses ayants droit de se faire entendre. Comment, en effet, le profane peut-il juger de la valeur de l'acte médical, de l'emploi de moyens adaptés au cas particulier, de l'existence d'une faute" lourde" ? Une action en justice est généralement vouée à l'échec, comme l'ont démontré quelques affaires dont la presse a rendu compte tout récemment. C'est en effet sur la base des conclusions de rapports d'expertise que le juge tranche.

Il a semblé au Médiateur de la République que, dans le contexte actuel, la victime d'un accident thérapeutique était trop défavorisée pour obtenir la juste indemnisation d'une aggravation de son état de santé due à une erreur médicale, et qu'il n'était guère raisonnable de faire assurer tous les Français contre le risque thérapeutique qui, heureusement, est statistiquement rare.

Aussi, Le Médiateur de la République a-t-il proposé au Gouvernement un projet de texte de loi faisant reposer le droit à indemnisation sur la responsabilité pour risque, mais en atténuant la portée du système par la possibilité laissée au praticien d'écarter cette présomption de responsabilité en apportant la preuve que son comportement a été conforme aux règles de l'art médical.

Le principe de la réforme tient en peu de mots:

" Tout dommage résultant de l'aggravation de l'état de santé antérieur d'un malade, lorsqu'il est imputable, en France, soit au fonctionnement défectueux du service où les soins ont été pratiqués, soit à l'exécution ou à la non-exécution d'un acte de caractère médical, ouvre au malade un droit à réparation si la personne mise en cause n'établit pas avoir agi avec une diligence et une compétence normales, eu égard aux circonstances, appréciées dans le cas particulier du malade."

Il faut y insister: si ce projet unifie les bases de la responsabilité entre la médecine du secteur privé et celle du secteur public, il n'aboutit aucunement à imposer une obligation de résultat. Il exige simplement que l'acte médical et le service médical n'aggravent pas l'état de santé du malade.

Sans doute, l'audace d'un tel projet n'eût-elle pas été nécessaire si, dans un contexte juridique où, en l'absence de dispositions précises des textes de droit positif, les jurisprudences, seules à dire le droit, n'avaient, au moins dans le secteur hospitalier public, imposé à la victime de faire la preuve de l'existence d'une faute lourde médicale, tandis que la faute simple suffisait à engager la responsabilité de l'établissement pour les dommages résultant du défaut ou du vice d'organisation du service.

La jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat prend en compte la difficulté de l'acte médical ou chirurgical et, comme en d'autres domaines de l'activité administrative (services de police pour les actes matériels, services financiers et fiscaux, certains services postaux), elle entend, en soustrayant le fonctionnaire ou l'agent administratif à la crainte d'une recherche systématique des responsabilités, éviter de freiner leur action et de décourager les initiatives. Considérations certes légitimes.

Mais les conceptions les plus dignes de respect doivent évoluer avec la société. Aujourd'hui, d'abord il n'y a plus guère de différence dans la pratique des soins, que ce soit dans les établissements du service public ou dans ceux du secteur privé, ensuite l'acte médical est devenu souvent très complexe faisant intervenir de multiples opérateurs et enfin, la sensibilité de la société ne tolère plus qu'une indemnisation soit refusée pour le dommage résultant de l'acte thérapeutique.

Or, il est peu probable qu'un infléchissement notable de la jurisprudence de la juridiction administrative intervienne, dans un avenir prochain, en ce qui concerne l'exigence de la faute lourde médicale.

C'est donc par la loi que doit être réalisée la réforme qui permettra à la victime d'être dédommagée sur le fondement de la responsabilité pour risque avec l'atténuation prévue en faveur du praticien dans l'article 1er du projet du Médiateur de la République. Bien que le Conseil d'Etat ait adopté depuis longtemps cette solution pour les victimes d'accidents causés par les ouvrages publics, il serait illusoire d'attendre un tel changement de jurisprudence à brève échéance. Une décision législative est donc nécessaire pour l'imposer.

En se saisissant du problème, Le Médiateur de la République assume sa mission qui est de contribuer à aider les autorités de l'Etat (Gouvernement et Parlement) à promouvoir la protection du citoyen, la justice sociale, ainsi que la modernisation du secteur public (cf. texte de la loi, page 19).

3) Les résultats

Au cours de cette année 1990, vingt-huit propositions de réforme ont été présentées.

C'est moins qu'en 1989 (trente-neuf), mais cela s'explique parce qu'il ne convient pas de lancer des projets au-delà de la capacité de traitement des administrations concernées.

Le diagramme ci-après donne la répartition par nature de l'objet des différentes propositions présentées cette année On constate encore un alignement quasi automatique sur la répartition des dossiers individuels par secteurs d'instruction.

Au-delà de ces vingt-huit propositions nouvelles millésimées en 1990, quarante-quatre propositions ont reçu une solution définitive en 1990. Certaines avaient été présentées au cours de cette année (dix) les autres étaient plus anciennes (trente-quatre): deux de 1987, sept de 1 988, vingt-cinq de 1989.

Le délai moyen d'instruction des propositions de réforme conduites à leur terme en 1990 est un peu inférieur à un an, conformément à l'objectif fixé. Il est un peu supérieur à celui de l'an passé (un peu inférieur à dix mois) en raison de la complexité croissante des dossiers et aussi d'une moindre diligence des interlocuteurs.

Ce délai d'un an est d'ailleurs acquis au prix de nombreuses réunions, de pressantes lettres de rappel.

Cependant, il faut dire que cette marche force imposée aux services n'a pas de conséquence sur le sens de leurs réponses: vingt-six propositions ont reçu des suites plutôt positives contre dix-huit qui se sont soldées par une réponse négative des administrations. La proportion de réponses favorables, soit 59 %, était pratiquement la même l'an passé (57 %), et même elle s'améliore. Par rapport à l'ensemble des propositions présentées depuis 1986, début de mon mandat, c'est légèrement en retrait (64 %). Mais depuis l'origine de l'institution enfin, c'est un incontestable accroissement du taux de succès (48 %).

L'effort entrepris est finalement récompensé et, en cours de route, il arrive que les services publics prennent à leur compte la proposition de réforme du Médiateur de la République et qu'ils la complètent.

Ainsi, le service de la redevance de l'audiovisuel s'est employé à mettre en place un réseau de relais pour améliorer le traitement des réclamations des usagers.



28 réformes présentées dont :
SOCIAL

36%
FISCAL

21%
ADMINISTRATION GENERALE

11%
URBANISME

7%
FONCTION PUBLIQUE

7%
EUROPE

7%
INTERIEUR

7%
JUSTICE

3%

44 propositions résolues définitivement
FISCAL

38%
SOCIAL

50%
SOCIAL

19%
FISCAL

11%
ADMINSTRATION GENERALE

12%
EUROPE

11%
EUROPE

12%
ADMINSTRATION GENERALE

6%
EDUCATION

8%
EDUCATION

6%
FONCTION PUBLIQUE

4%
FONCTION PUBLIQUE

6%
URBANISME

8%
INTERIEUR

6%
URBANISME

6%
ACCEPTEES : 26
REFUSEES : 18




De même, la C.P.A.M. des Landes, après avoir réglé en équité la réclamation d'un assuré, a suggéré d'engager une procédure de réforme des textes traitant du sujet.

La participation du médiateur au règlement des réclamations revêt donc toujours deux aspects:

- l'un curatif, qui consiste à persuader l'auteur d'une décision contestée qu'il existe une autre façon d'appliquer la règle de droit, tout en restant en parfaite concordance avec sa finalité et son esprit;

-l'autre préventif, en proposant aux administrations concernées des modifications de réglementation.

Cette action, sous ses deux aspects, réduit les mécontentements. 1 Elle bénéficie à l'usager comme à l'administration. Le succès de ces i démarches dépend au premier chef de l'administration.

En 1990, les propositions de réforme ont, comme les années. précédentes, porté sur divers domaines.

En matière sociale:

- Il a été demandé la fixation de la procédure de reconnaissancce de l'état de grand invalide civil et l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte correspondante (STR 90-t

page 117).

- De même pour les assurés sociaux qui, à l'issue d'un congé parental, ne recouvrent pas la plénitude de leurs droits aux prestations de l'assurance invalidité (STR 90-07, page 118).

- Il a été proposé d'assouplir les conditions d'octroi de l'allocation de logement aux personnes résidant dans une maison de retraite ou hébergées dans un établissement de long séjour. Notamment en ce qui concerne la surface du local qui correspondait rarement à la norme fixée (STR 90-08, page 1Z1).

- Une amélioration de la coordination a été obtenue entre les divers organismes intervenant pour délivrer un avantage de vieillesse ou d'invalidité aux adultes handicapés. Beaucoup d'entre eux, mal informés de l'interdiction du cumul des deux ressources, se trouvaient débiteurs de sommes trop importantes pour être en mesure de les rembourser (STR 90 90-09, page 124).

- Il a été suggéré que les ayants droit d'un fonctionnaire décédé dans les jours suivant sa mise à la retraite puissent prétendre au capital décès comme ceux des bénéficiaires du régime de la Sécurité sociale régis par les dispositions de l'article L. 712.2 du Code de la sécurité sociale. La valeur, très réduite, de cette prestation ne devant pas poser de problème financier insurmontable au budget de l'Etat (AGP 90-02, page 127).

- Il a été proposé de prévoir des seuils de revenus permettant aux conjoints divorcés, non remariés, de souscrire une assurance personnelle (STR 90-03, page 129).).

- Le remboursement des soins est subordonné à la présentation de la feuille de maladie. Il a été proposé que les caisses acceptent le duplicata de ce document lorsqu'elles sont dotées de moyens informatiques permettant de déceler les fraudes (STR 90-04, page 1 31).

Dans le domaine fiscal:

- Il a été proposé que les retards de paiement ouvrent droit intérêts moratoires, à l'instar des paiements des marchés, pour les sommes dues aux candidats à un concours d'architecture ou d'ingénierie qui ont droit à une indemnisation en compensation des dépenses engagées (FIN 90-06, page 132).

- Pour les contribuables qui bénéficient d'un dégrèvement, il a été proposé un système leur permettant de percevoir, dans les délais normaux, les intérêts moratoires qui leur sont dus (FIN 90-04, page 135).

- Les téléspectateurs seront désormais mieux traités par le service de la redevance (FIN 90-03, page 137).

- Le principe de l'annualité de l'impôt peut avoir des conséquences inéquitables qu'il a été suggéré d'éviter par une instruction ministérielle (FIN 90-02, page 138).

En matière de réglementation:

- Les inconvénients relevés dans la lisibilité d'un texte de réglementation ayant subi des modifications successives sont bien connus. Lorsqu'un texte a subi douze modifications en dix ans, ne serait-il pas utile d'en publier la dernière version ? (RAG 90-01 page 139).

- Comme l'instruction ministérielle destinée à éviter l'insertion de clauses abusives dans les contrats de distribution d'eau n'avait pas été suivie, il a été proposé de la transformer en règlement type obligatoire (INT 90.02, page 142).).

- Un permis de construire comporte la formule " sous réserve des droits des tiers" dont bien peu de personnes connaissent la portée. Il a été suggéré de la préciser (URB 90-01, page 143).).

- Certaines formalités administratives doivent être accomplies avant minuit," le cachet de la poste faisant foi". Mais si le dépôt d'une lettre peut se faire jusqu'à minuit, l'oblitération de l'envoi, elle, s'effectue en fonction de l'organisation du service. L'heure figurant sur le timbre peut alors ne pas correspondre à l'heure réelle du dépôt. Il est donc proposé de remplacer la formule actuelle par la délivrance d'un reçu du dépôt dans les locaux de l'administration aux heures d'ouverture (RAG 90.02, page 145)-

Ces quelques exemples montrent que l'amélioration du fonctionnement des services publics tient souvent à peu de chose.


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