AFFAIRE SAINT-AUBIN
Un règlement équitable—Communiqué de presse
Réclamation n° 90-0672, transmise par M. Roland Carraz, député de la Côte-d'Or.
Sur la recommandation de M. Paul Legatte, Médiateur de la République, le Garde des sceaux, M. Pierre Arpaillange, avec l'accord du Ministre du budget, M. Michel Charasse, a accepté que M. et Mme Saint-Aubin soient indemnisés des conséquences inéquitables provoquées par un mauvais fonctionnement des services de la Justice.
Cette décision met fin à une série de procès qui duraient depuis vingt-six ans.
I. La mort mystérieuse de Jean-Claude Saint-Aubin
Le 5 juillet 1964, une voiture de marque Volvo, conduite par M. Jean-Claude Saint-Aubin, s'écrasait contre un arbre, sur le côté gauche de la route nationale n° 7, au lieu-dit " Les Esclapes ", entre Puget-sur-Argens et Fréjus, dans le sens de la marche du véhicule vers Fréjus. Le conducteur et sa passagère, Mlle Kaydasch, furent tués.
L'enquête diligentée par la gendarmerie n'ayant pas fait apparaître l'intervention d'un tiers, le parquet classa l'affaire.
Sur plainte avec constitution de partie civile de M. et Mme Jean Saint-Aubin, parents de la victime, le juge d'instruction rendit, le 12 mai 1965, une ordonnance de non-lieu, confirmée en appel et sur pourvoi en cassation.
L'affaire souleva une émotion très intense et durable dans l'opinion publique car M. et Mme Saint-Aubin, sans parvenir à faire rouvrir l'instruction, affirmèrent qu'il y avait eu collision avec un camion militaire et invoquèrent des faits troublants, dont certains sont demeurés mystérieux.
C'est ainsi que le Service des douanes prétendit que la Volvo accidentée avait été détruite et brûlée. En fait, ce véhicule fut retrouvé dans un garage dans l'état même où il était après le choc contre l'arbre. Il fut de même impossible de reconstituer les mouvements effectifs d'un camion militaire ayant circulé au cours de cette tragique soirée.
Par ailleurs, les époux Saint-Aubin firent état, sans être démentis, du témoignage d'un ouvrier d'usine qui avait déclaré s'être trouvé sur les lieux lors de l'accident et avoir constaté la collision avec une camionnette militaire.
II. Les démêlés de M. et Mme Saint-Aubin avec la justice
Après de trop longs et douloureux épisodes judiciaires, au cours desquels les époux Saint-Aubin furent même poursuivis pour outrages à magistrats, M. Robert Badinter, Garde des sceaux, ministre de la justice, ordonna une enquête par l'Inspection générale des services judiciaires.
L'enquêteur déposa en 1985 un volumineux rapport examinant toutes les hypothèses et concluant très sévèrement quant au fonctionnement de la justice. Constatant que la prescription était acquise et qu'aucune réouverture de l'instruction n'était possible, il suggérait diverses voies de recours en indemnité contre l'État.
Parmi les hypothèses examinées sur l'origine de l'accident, il estimait que la seule plausible était la participation d'un véhicule militaire. Sa conviction se fondait sur les déclarations d'un unique témoin, confirmées par des personnes qui l'avaient approché. Il n'existait aucune preuve matérielle décisive, mais le dossier fait apparaître un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes qui rendent plausible cette thèse.
L'opiniâtreté des époux Saint-Aubin force alors le respect. Les faits qu'ils parviennent peu à peu à établir sont pour le moins troublants, comme l'a ressenti le futur Président de la République François Mitterrand qui notait, dix ans après les faits, dans " L'Abeille et l'Architecte ":
" J'ai devant moi les parents de ce garçon tué avec sa fiancée, dans un accident d'automobile le 5 juillet 1964, à sept heures du matin. Ils ont le regard usé de ceux qui ont trop attendu. Depuis dix ans, ils cherchent une vérité qu'on leur refuse. Je ne sais pas encore s'ils ont tort, s'ils ont raison; car j'ai lu à la hâte le dossier qu'ils m'ont remis. Je les vois cependant tels qu'ils sont, acharnés à saisir le moindre fil, désespérés de n'y rien comprendre, ou de trop bien comprendre, éperdus de chagrin (...)... Quoi qu'il en soit, les parents Saint-Aubin, déboutés, errent de tribunal en tribunal. La justice n'est pas curieuse. La vérité a-t-elle besoin de tant mentir pour être vraie ? "
III. L'intervention du Médiateur de la République
A la demande des époux Saint-Aubin, M. Roland Carraz, Député de la Côte-d'Or, a saisi le Médiateur de la République pour qu'il tente de régler l'affaire sur le plan de l'équité et non pas sur celui du droit strict. Il faisait valoir que les recours engagés par les plaignants pour être indemnisés par l'Etat avaient été rejetés par la Cour d'appel de Paris sur le terrain très restrictif de la preuve de l'existence de fautes lourdes dans le fonctionnement de la Justice, alors que les faits démontraient des défaillances sérieuses.
Après un examen très minutieux des pièces du dossier, le Médiateur intervenait en juin dernier auprès des Ministres de la justice, de la défense, ainsi que du budget, en faveur de M. et Mme Saint-Aubin.
Il n'était certes pas question, pour le Médiateur de la République, de soutenir que, sur le plan du droit, l'État puisse être tenu pour responsable. En effet, en dehors d'un seul témoignage, il n'existe aucune preuve matérielle décisive de la collision avec un véhicule militaire, ni d'une faute du conducteur de celui-ci au regard du code de la route.
Il ne lui appartenait pas davantage de revenir, pour les commenter, sur les multiples décisions rendues, dans cette affaire, depuis 1964, par différentes juridictions de l'ordre judiciaire.
Cependant, sur le terrain du fonctionnement du service public de la Justice, il ne pouvait que constater que l'institution judiciaire avait mal fonctionné et que, de ce fait, les époux Saint-Aubin pouvaient avoir été victimes d'une très grave iniquité.
Sans prendre parti, sur le plan du droit, sur la question de la responsabilité de l'Etat, en se fondant uniquement sur les conséquences probables d'une défaillance des services judiciaires, le Médiateur de la République a recommandé aux Ministres de la défense, de la justice et du budget, de prendre une décision d'indemnisation équitable qui aurait, pour M. et Mme Saint-Aubin, une immense portée et leur apporterait le soutien moral qui leur a tant fait défaut au cours de leur lutte engagée depuis vingt-six ans.
Monsieur le Garde des sceaux, ministre de la justice, s'est rendu aux arguments développés par le Médiateur de la République en acceptant une indemnisation des époux Saint-Aubin. Un arrêté en date du 7 septembre 1990 visant expressément la recommandation du Médiateur de la République leur alloue une indemnité de 500.000 F et règle la prise en charge des frais de justice restant dus.
L'issue de cette affaire eût été sans doute compromise sans la très bienveillante et active compréhension des ministres de la justice, de la défense, ainsi que du budget. Le Médiateur de la République tient à remercier Messieurs Arpaillange, Charasse et Chevènement pour la part personnelle essentielle qu'ils ont prise dans le dénouement de cette douloureuse affaire.
Il espère que la réparation du préjudice moral de Mme et M. Saint-Aubin adoucira leur désespoir et réduira la certitude qu'ils avaient acquise d'avoir été abandonnés par la Justice, après de trop nombreuses années de procédure, aussi coûteuses que vaines.
L'ADMINISTRATION FISCALE S'OUVRE A L'EQUITE
Trop-perçu sur pension et impôt sur le revenu
Réclamation n° 89-3816, transmise par M. Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire.
Mme G... bénéficiaire d'une pension de réversion, perçoit également, depuis le mois de mai 1988, une pension d'invalidité.
En septembre I 9 8 8, la Caisse régionale d'assurance maladie (C.R.A.M.) modifie, en application des règles du cumul, le montant de la pension de réversion, avec effet rétroactif à la date d'attribution de la pension d'invalidité. Il en est résulté un trop-perçu de 16 431 F à reverser à la C.R.A.M.
Redevable de l'impôt sur le revenu au titre de ce trop-perçu, Mme G... a demandé la révision de sa déclaration de l'année correspondante afin d'obtenir le remboursement de l'excédent de l'impôt payé.
L'administration des impôts, s'appuyant sur le Code des impôts, refuse de modifier l'imposition de Mme G... au motif que le reversement dû à la C.R.A.M. doit s'imputer sur les revenus de l'année au cours de laquelle il est effectué et non sur ceux de l'année pendant laquelle l'intéressée a eu la disposition des sommes à rembourser.
Une telle position, si elle est conforme à la réglementation, n'en comporte pas moins des conséquences particulièrement inéquitables. En effet, la réduction du montant de sa pension de réversion classe déjà Mme G... parmi les contribuables non imposables. La prise en compte du reversement dans la déclaration de ses revenus ne lui permet donc pas de récupérer l'excédent de l'impôt payé.
Mon intervention auprès de l'administration fiscale m'a permis d'obtenir, au nom de l'équité, le dégrèvement total de l'impôt sur le revenu pour l'année considérée.
En outre, l'application du texte en cause dans cette affaire a donné lieu à une proposition de réforme.
LE REGLEMENT NE PEUT PAS TOUJOURS AVOIR RAISON
Sécurité sociale—Remboursement de produits de soins médicaux
Réclamation n° 90-0721, transmise par Mme Martine David, député du Rhône.
M. P... après un traitement de chimiothérapie locale, doit recevoir des soins de longue durée par l'emploi de produits médicaux spécifiques, prescrits par le praticien, exerçant dans un établissement hospitalier public, qui a effectué le traitement.
Les produits concernés ne figurant pas parmi ceux que la Sécurité sociale peut prendre en charge, un refus a été opposé par la Caisse d'assurance maladie à leur remboursement.
Saisi de cette affaire, le Médiateur de la République, tout en ayant reconnu qu'au plan juridique, la position de la Caisse était fondée, et même imposée par les dispositions du Code de la sécurité sociale, relève qu'au plan des faits, l'application rigoureuse de ces dispositions heurte l'équité. Le produit en question était en effet considéré par le praticien comme le seul compatible avec l'état de santé du patient et, par conséquent, médicalement justifié.
La Commission d'action sanitaire et sociale, saisie par la Caisse, sur rapport de son médecin conseil, a émis un avis favorable.
AFFAIRE SAMUEL DOUET
Risque thérapeutique—Communiqué de presse
Réclamation n° 89-3713, transmise par Mme Marie-Madeleine Dieulangard, député de la Loire-Atlantique.
Souffrant d'une toxicose grave, l'enfant Samuel Douet, âgé de trois mois, fut hospitalisé en 1976 au Centre hospitalier régional de Nantes et placé sous perfusion. Celle-ci dut être pratiquée dans l'artère humérale et maintenue dix heures. Cette intervention entraîna l'arrêt de la circulation sanguine dans le bras gauche, qui provoqua la gangrène. L'amputation du membre entre le coude et l'épaule fut nécessaire. Par jugement du 12 septembre 1985, le Tribunal administratif de Nantes, imputant au C.H.R. un défaut de surveillance, condamna cet établissement à payer à l'enfant Douet une indemnité en capital d'un million de francs, l'invalidité étant évaluée entre 60 et 80 %. Le père et la mère obtinrent chacun 10 000 F pour troubles dans les conditions d'existence. La Compagnie " Préservatrice Foncière ", en qualité d'assureur du C.H.R., régla ces indemnités en novembre 1985. Mais sur appel du C.H.R., le Conseil d'État, par arrêt du 14 juin 1989, annula le jugement de première instance et rejeta les demandes des consorts Douet, estimant que la surveillance de l'enfant avait été " satisfaisante " et l'acte médical conforme " aux règles de l'art "... Les époux Douet sont alors légalement tenus de reverser les sommes de 1 000 000 et 20 000 F à la compagnie d'assurance et de supporter les frais du procès.
Après rejet d'une demande de remise gracieuse formulée auprès du Tresorier principal de Nantes, M. et Mme Douet ont, en octobre 1989, par l'intermédiaire de Mme Dieulangard, député, saisi le Médiateur de la République d'une réclamation.
Le Médiateur de la République ne peut ni contester le bien-fondé de l'arrêt du Conseil d'État, ni empêcher la compagnie d'assurance de récupérer la somme versée, si elle le désire.
Mais le Médiateur de la République peut demander au C.H.R. (en fait à sa compagnie d'assurance) de compenser les conséquences inéquitables d'une décision de justice. Or, en l'espèce, il lui apparaît inéquitable de ne pas dédommager un enfant amputé d'un bras à la suite d'un accident thérapeutique. Il demande donc au Centre hospi
talier de renoncer au droit de récupérer la somme versée. Il sait bien que cette demande s'adresse indirectement à la compagnie d assurance.
Finalement, le Centre hospitalier et la compagnie d'assurance sont d'accord pour estimer, eux aussi, que la décision du Conseil d Etat rendue en leur faveur a des conséquences inéquitables. Ils acceptent, par solidarité envers la victime, une compensation du dommage subi par le jeune Samuel Douet, en accordant à la famille une remise de dette de 500 000 F.
Le Médiateur de la République est satisfait de la compréhension du Centre hospitalier et de la compagnie d'assurance.
Mais il reste à la famille 700 000 F à rembourser ou à payer, compte tenu des frais du procès. Aussi, le Médiateur de la République va-t-il demander à l'État de marquer sa solidarité au niveau national en complétant la compensation accordée par solidarité au niveau de la région de Nantes.
Par ailleurs, le Médiateur de la République a suggéré au Gouvernement de prendre des mesures législatives pour améliorer les conditions de l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques en changeant la base légale de la responsabilité en la matière.
AFFAIRE PATRICIA DUPONT
Accident thérapeutique—Communiqué de presse
Réclamation n° 90-0058, transmise par MM. Étienne Pinte, député des Yvelines et Jean-Jacques Jegou, député du Val-de-Marne.
En 1983, la jeune Patricia Dupont, âgée de neuf ans, fut soignée au Centre hospitalier intercommunal de Créteil, pour un recollement des oreilles.
La surveillance postopératoire de la jeune fille fut négligée.
Une nécrose cartilagineuse atteignit la partie supérieure de l'oreille gauche qui dut être partiellement amputée. Un préjudice esthétique s'ensuivit, qui ne put être réparé malgré de nombreuses interventions chirurgicales.
La famille de la jeune Patricia demanda au Tribunal administratif de Paris de condamner le Centre hospitalier à 500 000 F de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 7 mai I 985, le Tribunal administratif condamna le Centre hospitalier, en fait son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (S.H.A.M.), à verser une indemnité de 60 000 F à la jeune Patricia et à supporter les frais du procès (2 264 F), au motif qu'une faute dans la distribution des soins du service hospitalier était à l'origine du dommage.
Le 9 juillet 1985, le Centre hospitalier fit appel au Conseil d'État pour être déchargé de la condamnation prononcée par le Tribunal administratif de Paris.
Par un arrêt en date du 15 juin 1988, le Conseil d'État considéra que la cause du dommage subi par la jeune Patricia ne relevait pas de la catégorie des fautes de service, mais de celles concernant l'acte médical lui-même; donc que seule une faute lourde pouvait justifier une indemnisation. Estimant qu'en l'espèce, la faute commise n'avait pas le caractère d'une faute lourde, c'est-à-dire inexcusable, le Conseil d'État annula le jugement du Tribunal administratif de Paris.
Par voie de conséquence, la demande d'indemnisation présentée au Tribunal administratif était rejetée.
Un jugement du Tribunal de grande instance de Créteil, en date du 30 janvier 1990, condamna les époux Dupont à rembourser à la S.H.A.M. la somme de 62 264 F, augmentée des intérêts depuis 1988.
Par l'intermédiaire de M. Étienne Pinte, député des Yvelines, les parents de la jeune Patricia ont demandé au Médiateur de la République d'intervenir pour éviter le reversement de la somme.
Le Médiateur de la République ne peut critiquer en droit une décision du Conseil d'État.
Mais il peut estimer qu'une décision de justice a des conséquences inéquitables. En l'espèce, il lui a semblé que, eu égard à l'aggravation de l'état de la patiente et aux souffrances endurées, imputables à une défaillance des soins quelle qu'en soit la cause dans le service hospitalier, la décision du Conseil d'État avait des conséquences inéquitables qu'il convenait de compenser.
Le Centre hospitalier et sa compagnie d'assurances ont partagé le point de vue du Médiateur de la République. Ils viennent d'accepter de faire un effort en proposant à la famille Dupont de lui faire remise de 32 264 F et des intérêts dus.
Le Médiateur de la République reconnaît l'attitude méritoire de l'hôpital et de la S.H.A.M. qui n'étaient nullement tenus, en droit, de renoncer au bénéfice de la décision de justice rendue en leur faveur. Mais, du fait que la somme de 62 264 F octroyée par le Tribunal administratif n'était pas exagérée le Médiateur de la République estime que c'est la dispense totale du reversement qui constituerait la compensation équitable du dommage subi.
L'hôpital et la S.H.A.M. feront toutefois un geste supplémentaire en offrant de prendre en charge, à hauteur de 10 000 F, le ticket modérateur consécutif à l'intervention de chirurgie esthétique qui devra être envisagée passé l'âge de 18 ans.
Cette affaire apporte une nouvelle justification de l'opportunité de changer les bases légales de l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques conformément à la proposition du Médiateur de la République.
J'ai remercié la S.H.A.M. de ce geste supplémentaire qu'elle n'avait nullement l'obligation de consentir.
ASSEMBLÉE NATIONALE
Jean-Jacques JEGOU
Député du Val de Marne
Icmbre de la Commmission des Finances,
de l'Economie Générale et du Plan
Tél.: 42.97.82.21
Ph. B /MClMed
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ EGALITE - FRATERNITE
Paris, le 31 01 91
Monsieur Paul LEGATTE
Médiateur de la République
53, avenue d'Iena
75016 PARIS
Monsieur le Médiateur,
Permettez-moi de vous remercier bien sincèrement pour l'intervention de qualité que vous avez faite et réussie concernant le dossier de la famille DUPONT.
J'apprécie tout particulièrement la persévérance mais aussi la diplomatie dont vous avez fait preuve dans cette douloureuse affaire.
Les propositions que vous faites concernant une réforme législative me paraissent fondées et j'espère que le Ministère y accordera de l'attention.
Enfin, je voudrais vous témoigner toute la reconnaissance
Parlementaire qui peut bénéficier d'une collaboration aussi fructueuse avec le Médiateur de la République.
Je vous prie de croire, Monsieur le Médiateur, à l'assurance de ma parfaite considération.
Jean-Jacques JEGOU
Maire du Plessis-Trévise
AFFAIRE G...
Risque thérapeutique—Communiqué de presse
Réclamation n° 89-3458, transmise par M. Bruno Durieux, député du Nord, actuel Ministre délégué à la Santé.
Mme G... personne de condition modeste demeurant dans une petite ville du Nord, souffrait d'une sciatique. A la suite d'une intervention chirurgicale justifiée par cette affection, elle est atteinte de graves infirmités (douleurs, troubles nerveux, état dépressif...).
Le Tribunal administratif lui a accordé une indemnité de 500 000 F au motif que l'opération ayant un caractère banal, les troubles résulteraient nécessairement d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Le Conseil d'État, saisi en appel par l'hôpital, a estimé que les complications opératoires, dans les circonstances de l'intervention, ne faisaient apparaître ni faute d'organisation, ni faute de fonctionnement du service hospitalier. Il annule le jugement du Tribunal administratif et la compagnie d'assurance de l'hôpital réclame la somme de 5 00 000 F augmentée des intérêts, soit 668 660 F.
emacs&A la demande du Médiateur de la République, la compagnie d'assurance a consenti une remise de 400 000 F (80 % du capital dû) et de la totalité des intérêts. Mme G... s'est engagée à acquitter le solde, soit 100 000 F, à raison de 500 F par mois.
L'EQUITE PRESERVE LE DROIT
Invalidité—Pensions—Cumul
Réclamation n° 90-1180 transmise par M. Alain Madelin, député d'Ille-et-Vilaine.
M. G... sapeur-pompier professionnel, a été victime d'un accident de la circulation dont l'auteur a été reconnu totalement responsable. A l'issue des procédures juridictionnelles engagées, il a été reconnu atteint d'une incapacité permanente partielle de 16 % l'empêchant de continuer à exercer sa profession.
Une dotation en capital, d'un montant de 470 539,85 F, a été versée à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.) pour assurer à l'intéressé le service de la pension d'invalidité correspondant à son état, soit 2 275 F par mois.
Ultérieurement, M. G... est recruté dans un emploi de l'administration communale et, à ce titre, réaffilié à la C.N.R.A.C.L. Cette Caisse, conformément à l'article L. 77 du code des pensions civiles et militaires de retraite, annule alors la pension d'invalidité. Ce code interdit en effet le cumul d'une pension civile et d'un emploi conduisant à pension du même régime. En contrepartie, il précise toutefois que lors de la cessation définitive d'activité, les services que rémunère la pension annulée seront pris en compte pour le calcul du montant de la pension définitive.
A la suite de cette mesure, l'intéressé demande à la C.N.R.A.C.L. le versement à son profit du solde de la dotation en capital, réglée par le tiers responsable, déduction faite de la fraction se rapportant au montant des mensualités qui lui ont été payées. Il fait valoir que sa demande est compatible avec la décision juridictionnelle lui accordant le droit à réparation du préjudice subi. Il souligne par ailleurs qu'une réponse contraire relèverait, à l'endroit de la Caisse, de l'enrichissement sans cause.
Devant l'intransigeance de la caisse, M. G... sollicite l'intervention du Médiateur de la République. Ayant considéré, au plan du droit, que la légalité de l'annulation de la pension ne peut pas être mise en doute et que l'hypothèse de l'enrichissement sans cause n'est pas fondée, le Médiateur axe sa démarche sur le principe de l'équité.
Il démontre que, en conservant le reliquat très élevé de la dotation en capital, la Caisse s'est en fait enrichie, tandis que la situation
pécuniaire de M. G... sombre dans la précarité. Cette appréciation repose sur le constat que, dans son nouvel emploi, M. G... perçoit un traitement mensuel de 4 400 F alors que, sans l'accident dont il a été victime, il aurait continué à exercer sa profession de sapeur-pompier avec une rémunération dont le montant atteindrait près du double de cette somme. De même que s'il avait pu conserver sa pension, cumulée avec son traitement mensuel de 4 400 F, son revenu aurait été encore en deçà de ce que pouvait lui procurer la profession exercée avant son accident.
De plus, au terme de sa nouvelle carrière, la rente qui était supposée compenser la perte de revenus due à l'accident, ne lui sera pas rétablie. Alors que les graves séquelles de cet accident continueront à produire leurs conséquences.
La recommandation faite en équité reconnaît donc la légalité de la règle de droit appliquée. Elle fait appel au sens de l'équité dans l'esprit voulu par la loi du 3 janvier 1973 dans son article 9 (alinéa 2).
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