Quelques exemples :
- celui d'un rapatrié qui ne parvient pas à faire
reconnaître sa qualité (cf. cas n° 90- 2991, p. 384).
- celui du rapatrié dont le bien n'a pas donné droit
à indemnisation du fait qu'il n'a pas pu produire les documents
officiels requis, alors que l'administration savait pertinemment
que ni les autorités françaises ni, moins encore,
les autorités étrangères ne pouvaient ou
ne voulaient fournir ces documents (cf. cas n° 90- 3631, p. 385)
;
- celui d'un engagé dans les forces supplétives
en Algérie qui, lors de l'évacuation des troupes,
a reçu l'ordre d'encadrer un groupe de harkis pour surveiller
un dépôt de matériel militaire. Arrêté
par les forces algériennes, il a été incarcéré
et torturé ; relâché treize ans plus tard,
il parvint à rejoindre la France en 1976. S'adressant à
l'A.N.I.F.O.M. pour bénéficier des indemnisations
prévues, il lui fut répondu que sa demande n'est
plus recevable depuis le II janvier 1973 (cf. cas n° 91- 3311,
p. 386) ;
- celui du rapatrié qui, pour des raisons impérieuses,
s'en était remis à des tiers pour faire valoir ses
droits et qui apprend que le nécessaire n'a pas été
fait et se voit opposer la forclusion (cf. cas n° 90- 0766, p.
388) ;
- ceux de rapatriés envers lesquels des autorités
civiles ou militaires françaises s'étaient engagées
à accomplir les démarches au profit de leurs ayants
droit mais ont omis de le faire, créant ainsi pour les
intéressés un motif de forclusion (cf. cas n° 89-
2294, p. 389). Encore que dans ce cas, l'issue a été
favorable au demandeur, grâce à un plus grand effort
de compréhension.
Toutes ces interventions, qui se fondaient sur les dispositions
de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 modifiée instituant
un Médiateur de la République ont été
rejetées sur le fondement d'une stricte application de
la règle de droit.
Ces rejets sont douloureusement ressentis. Ils ne correspondent
pas à l'acte de solidarité nationale en faveur
des rapatriés, acte qui doit revêtir un aspect
social (exposé des motifs de la loi du 15 juillet 1970).
Ils devraient être évités dès lors
que la demande est soutenue par le Médiateur de la République
dans les conditions rigoureuses où celui- ci propose des
solutions en équité.
Une négociation est en cours avec le ministre du budget,
tuteur de l'A.N.I.F.O.M. Il appartiendra à mon successeur
de la mener à bien pour donner une meilleure image de l'application
des lois par l'administration.
Sur d'autres plans que celui de l'indemnisation des biens spoliés,
le principe de solidarité nationale trouve auprès
de l'Etat un écho favorable. La difficulté d'établir
les circonstances du dommage ne conduit pas toujours à
un refus total de la réparation (cf. cas n° 88- 0993 p.
391).
E. LES BOURSES D'ENSEIGNEMENT
L'intervention du Médiateur de la République est
souvent sollicitée dans des litiges provoqués par
le refus de l'administration d'accorder une bourse d'enseignement
demandée au bénéfice d'un enfant qui poursuit
des études scolaires ou universitaires.
La décision de refus s'appuie invariablement sur la non-concordance
de la situation pécuniaire de la famille avec les conditions
fixées de revenus et de charges donnant vocation à
une bourse nationale d'enseignement.
Concernant l'enseignement secondaire, une réglementation
a défini les modalités d'examen des demandes et
fixé la procédure du traitement de celles- ci. Cette
procédure oblige à consulter, préalablement
à la décision que doit prendre le recteur de l'académie,
une commission départementale composée, à
côté d'élus locaux et de parents d'élèves,
mais à titre consultatif, du représentant des services
fiscaux du département et du directeur départemental
de la population (ancienne appellation de l'actuel directeur des
affaires sociales). En cas de contestation de la décision
prise, le recteur est tenu, avant de se prononcer, de quérir
l'avis d'une commission régionale.
Malgré sa lourdeur, cette procédure apporte à
l'appréciation de la situation du demandeur d'une bourse
un maximum de garanties assurant l'objectivité dans la
décision à prendre. Mais elle a été
conçue il y a plus de trente ans, à une époque
où le nombre de demandes de bourse d'enseignement était
sans commune mesure avec les chiffres actuels.
Ce fait ne doit pas cependant occulter les défauts que
comporte la pratique progressivement substituée, par voie
de circulaires, au système juridique fixé, lui,
par voie réglementaire. On sait que lorsqu'on use de tels
procédés, la ligne franchie rend les dérapages
faciles.
Il est décidé, selon ces circulaires, que l'instruction
de la demande de bourse passe par l'application d'un barême
qui traduit en termes numériques les charges de la famille
et dont le taux détermine à la fois s'il y a vocation
à bourse et, dans l'affirmative, le niveau de valeur de
celle- ci.
Cette nouvelle organisation serait bien appropriée, au
regard notamment de l'accroissement de la population concernée
par ces aides, n'était le choix des facteurs auxquels il
est recouru. Il apparaît en effet que, moins par souci de
juste attribution des aides que par commodité de fonctionnement,
ces conditions justificatives sont posées.
1)La justification du
besoin de bourse
C'est d'abord la valeur des revenus de la famille. L'outil de
base justificatif reste l'avis fiscal connu. Du fait du décalage
dans le temps entre la date fixée pour le dépôt
de la demande de bourse et celle à laquelle l'avis fiscal
est émis, c'est en fait à une date antérieure
d'une année, et même souvent de deux années,
que la situation des revenus de la famille du candidat est appréciée.
Or bien des modifications pourraient se produire en cet espace
de temps et fausser, dans un sens ou dans l'autre, l'appréciation
du décideur. Dans une affaire remontant à l'année
1988- 1989, une demande de bourse avait été rejetée
du fait qu'en 1986 "selon l'avis fiscal délivré...",
les revenus dont avait disposé la famille du candidat s'étaient
élevés à la somme de 128 500 F, en dépassement
du plafond en vigueur en 1988 d'une somme de 1400 F, soit un peu
plus de 1%. Dans son intervention, le Médiateur de la République
rappelait notamment à l'administration que, dans le dossier
de demande de bourse, il était démontré qu'en
1987, les revenus de la famille avaient baissé de plus
de 1O%. L'administration de l'éducation nationale, s'obstinant
dans son refus, déclare que l'abaissement du montant des
revenus du foyer en 1987 ne saurait être considéré
comme une dégradation de la situation familiale, étant
donné qu'il était dû à la perte d'un
travail complémentaire dans la profession du chef de foyer.
Voilà une réflexion originale portée sur
la notion de revenus par l'administration. On pourrait ajouter
: en dépit du bon sens. Pour expliquer cette originalité,
l'administration souligne, dans ses circulaires, que la spécificité
des bourses d'enseignement commande de ne pas aligner l'appréciation
du décideur sur la législation et la réglementation
fiscales, dont elle considère les finalités comme
différentes. Cela va de soi, bien entendu. Mais alors pourquoi
exiger des familles la production des avis d'imposition ou de
non- imposition ? Pourquoi aussi, pour un père de famille
qui exerce le métier d'agent d'assurance, décider
de substituer le forfait de 1O% aux frais réels justifiés
qui, dans le cas d'espèce, comprennent des frais de secrétariat
et de fonctionnement très coûteux ?
D'autres cas témoignent de l'aberration qui caractérise
la façon de gérer un sujet dont l'importance exige
un tout autre comportement. C'est le cas par exemple en matière
d'évaluation des charges. Le barême de points de
charge est sans aucun doute un instrument de bonne méthode.
Il ne devrait pas cependant être d'un usage aussi déterminant
qu'il paraît être, tant il est évident que
l'on ne pourra jamais faire entrer la diversité des cas
dans une formule mathématique.
Témoin la situation de deux ménages où, dans
l'un, le couple travaille et, à ce titre, bénéficie
d'un point de charge supplémentaire, - tandis que dans
l'autre, le couple comptant un chômeur, aucun supplément
ne lui est attribué.
2)Les propositions de
réforme
Les bourses d'enseignement ont pour objectif d'aider les familles
défavorisées à l'entretien de leurs enfants
qui poursuivent des études, scolaires ou supérieures.
L'acte d'attribution revêt ainsi un caractère social
et, au fil du temps, son bénéfice a été
soumis à des procédures Je vérifications
tendant à s'assurer que la condition de principe soit bien
respectée.
Il manque à cet acte de caractère social de devenir
un acte de valeur sociale. L'interprétation de la notion
de revenus dont il est fait emploi pour déterminer la vocation
d'un étudiant à une bourse d'enseignement ne paraît
pas préparer à une telle évolution. Prétendre
que cette notion exprime un revenu en son état brut, et
non ce dont a disposé réellement la famille pour
vivre, crée pour le moins une inégalité entre
cette famille et celle qui tire son revenu d'une origine qui n'astreint
pas à des frais d'entretien.
Quelque besoin que l'on puisse avoir de disposer d'une méthode
d'appréciation dans les opérations d'instruction
des demandes de bourse, l'outil choisi doit rester strictement
indicatif. En faisant du barême un outil de décision,
délibérément on a écarté du
champ d'appréciation du décideur tout facteur d'ordre
social.
Une étudiante, candidate à une bourse, et dont la
mère veuve était atteinte d'une grave maladie, n'a
pas pu faire prendre en considération ce fait.
Il serait bon, dans les deux cas, enseignement secondaire et enseignement
supérieur, qu'un texte de nature législative pose
les principes régissant les procédures et les conditions
d'attribution des bourses d'enseignement.
De même, en ce qui concerne le calendrier des opérations,
qui groupe sur une courte période l'examen de dizaines
de milliers de demandes, une simplification des procédures
paraît indispensable pour assurer un meilleur examen de
ces demandes. Pourquoi, en effet, ne pas se contenter, à
l'appui de la première demande de bourse, de la photocopie
de la déclaration de revenus accompagnant une description
de la situation pécuniaire de la famille ? La famille étant
tenue de produire, à l'appui de la demande de renouvellement,
la confirmation des revenus déclarés lors de sa
première demande.
La simplification pourrait aller plus loin en confiant à
une même autorité la gestion de toutes les prestations
sociales (bourses, logement, notamment) pour lesquelles les mêmes
renseignements et documents sont exigés. Une mesure de
déconcentration qui soulagerait une partie des personnels
et réduirait, pour les familles, les démarches qu'elles
sont tenues d'effectuer chaque année
Le Médiateur de la République note déjà,
avec satisfaction, que ses interventions auprès de l'administration
de l'éducation nationale commencent à être
suivies d'effet.
C'est ainsi qu'au mois de juillet 1991, le bulletin officiel de
l'éducation nationale publiait diverses mesures de modifications
apportées au dispositif d'attribution des bourses d'enseignement
supérieur :
- la prise en compte, pour le calcul des droits, de la diminution
des revenus des familles survenant à une date ultérieure
à l'année de référence fixée
pour l'évaluation des ressources ;
- une revalorisation des critères servant à déterminer
la situation de l'étudiant et de la famille, exprimée
en points de charge, en matière d'éloignement du
domicile, de la nature du handicap physique déclaré,
de la situation matrimoniale, etc.
Certes, sur d'autres points, des mesures restent à prendre,
mais ce pas est déjà une preuve d'ouverture de la
part de cette administration. Tout récemment, grâce
à l'intervention du ministre de l'éducation nationale,
un nombre important d'affaires dans diverses matières ont
reçu une suite favorable (cf. p. 393).
F. LA PREVENTION DES
LITIGES
L'article 9 modifié de la loi du 3 janvier 1973 autorise
le Médiateur de la République à soumettre
au Gouvernement des propositions de réforme. En effet,
aux termes des deux premiers alinéas de cet article :
"Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée,
le Médiateur de la République fait toutes les recommandations
qui lui paraissent de nature à régler les difficultés
dont il est saisi et, le cas échéant, toutes propositions
tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme
concerné".
"Lorsqu'il apparaît au Médiateur de la République,
à l'occasion d une réclamation dont il a été
saisi, que l'application de dispositions législatives ou
réglementaires aboutit à une iniquité, il
peut recommander a 1 organisme mis en cause toute solution permettant
de régler en équité la situation du requérant,
proposer à l'autorité compétente toutes mesures
qu'il estime de nature à y remédier et suggérer
les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à
des textes législatifs ou réglementaires".
Au cours de son mandat, et jusqu'au 31 décembre 1991, le
Médiateur de la République a présenté
aux ministres et aux organismes concernes 195 propositions de
réformes. 161 ont été closes pendant la même
période.
1)Le champ d'application
des propositions de réforme
Toute réclamation étant susceptible de susciter
une proposition de réforme, il n'est pas étonnant
que la majorité des réformes provienne des secteurs
les plus actifs de la Médiature.
62,5% des propositions de réforme présentées
depuis le 1er janvier 1986 intéressent trois secteurs.
Le plus important est le secteur social au sujet duquel 55
propositions ont été présentées, soit
28,2% du total. Sur ces 55 propositions,
32 sont relatives aux droits sociaux des assurés ou à
leur situation pécuniaire.
Le deuxième secteur concerné est le secteur agents
publics, avec 34 propositions, soit 17,4% du total,
dont 15 relatives aux pensions, à la situation pécuniaire
ou aux droits sociaux des agents.
Le troisième secteur est le secteur finances, puisque le
total des propositions présentées est de 33,
soit 16,9% du total. 18 de ces propositions avaient
pour objectif une modification des règles fiscales.
Au total, 65 propositions de réforme, soit 33,3%,
visaient à procurer aux usagers du service public un avantage
financier. Sur les 53 d'entre elles qui ont été
closes, 26 ont été acceptées, soit
49%. Un tel pourcentage peut paraître faible, mais
compte tenu du fait que ces propositions induisent un coût,
il doit être tenu pour satisfaisant.
Une telle situation s'explique par le fait que, d'une part, le
but de ces propositions était de répondre à
des difficultés éprouvées par les usagers
et, d'autre part, de mettre fin à des situations inéquitables.
Un exemple est donné par la proposition de réforme
PRM 87- 02 L'article L. 65 du Code des pensions civiles et militaires
de retraite prévoit que les fonctionnaires civils et militaires
qui sont radiés des cadres avant de réunir quinze
années de services sont systématiquement affiliés
rétroactivement au régime général
de la sécurité sociale afin de bénéficier
d'une pension de retraite. Mais ces dispositions ne concernent
que les services accomplis sur le territoire de la France. Les
fonctionnaires qui ont servi à l'étranger ou dans
un territoire d'outre mer n'en bénéficient pas en
raison du principe de territorialité de la sécurité
sociale. La proposition de réforme PRM 87- 02 avait donc
pour objet d'étendre à ces derniers l'avantage prévu
au bénéfice de leurs collègues ayant exercé
dans les départements français de métropole
et d'outre- mer.
Mais surtout, 109 des propositions présentées,
soit 55,8% du total, peuvent être considérées
comme ayant pour objectif l'amélioration des relations
entre l'administration et l'usager.
Sur ces 109 propositions, 90 sont closes et il est
à noter que 66 d'entre elles l'ont été
après acceptation, ce qui représente un taux de
succès de 73,33%.
25 propositions de réforme ont eu pour but d'améliorer
la qualité du service rendu à l'usager ou de l'accueil
qu'il reçoit.
Il en est ainsi des propositions FIN 89- 06 et FIN 90-05 relatives
à l'amélioration des conditions de fonctionnement
des commissions départementales de transferts touristiques
de débits de boissons.
Tel est également le cas d'un ensemble de propositions
de réformes destinées à améliorer
les relations des usagers avec les services publics tels E.D.F.-
G.D.F. (IND 88- OI), la Poste (PTT 89- 01 ou le service de la
redevance de l'audiovisuel (FIN 90-03).
23 propositions de réformes avaient pour objet d'améliorer
l'accueil fait aux usagers, soit dans les différentes juridictions,
soit dans les services chargés d'examiner leurs réclamations.
Le Médiateur de la République a ainsi présenté
une proposition de réforme JUS 86- 02 dont le but était
l'amélioration de l'accueil lors des audiences de conciliation.
Les 6 propositions présentées concernant
le fonctionnement des services de la poste et des télécommunications
reflètent assez bien les difficultés rencontrées
par les usagers pour se faire entendre.
De ces propositions, seules les deux premières, PTT 86-
02 et JUS 87- 02 ont pu aboutir. Encore convient- il de préciser
que la proposition JUS 87- 02 était relative à la
prise en charge des frais d'assistance et de représentation
dans le contentieux administratif. Si le traitement du contentieux
des factures téléphoniques était bien à
l'origine de la proposition, son objet dépassait donc ce
seul contentieux et son aboutissement ne dépendait pas
des P.T.T. L'entrée en vigueur de l'article 1er du décret
n° 88- 907 du 2 septembre 1988 en permettant au juge administratif
de faire supporter à la partie qui succombe tout ou partie
des frais d'avocat de la partie adverse a permis de clore cette
proposition.
27 propositions de réformes tendaient à améliorer
l'information donnée aux usagers des services publics,
dans les domaines les plus variés. Une seule a été
refusée.
Le but de 16 propositions était de simplifier et
faciliter l'accomplissement des formalités administratives
par les usagers et, pour 1O autres, de permettre une meilleure
coordination des services ou des réglementations. En effet,
rien n'irrite davantage l'usager que de se trouver pris entre
deux réglementations dont chacune est susceptible de lui
accorder un avantage mais qui ne relève exactement ni de
l'une ni de l'autre. Il en est de même quand l'attribution
d'une prestation dépend de l'avis conforme de deux instances
dont l'une donne son accord et l'autre le refuse.
Le Médiateur de la République a ainsi présenté
une proposition de réforme STR 87- 12 pour assurer une
meilleure coordination entre les avis des médecins de contrôle
des entreprises et ceux des médecins des caisses de sécurité
sociale.
Les 8 dernières des 109 propositions de réforme
ayant pour objet l'amélioration des relations entre l'administration
et l'usager avaient pour but, d'une part, de lutter contre l'anonymat
des correspondances administratives et, d'autre part, d'améliorer
le contenu de divers imprimés administratifs.
2)Les conditions d'examen
des propositions de réforme
Le Médiateur de la République a conscience d'être
une institution incommode et dérangeante : personne n'est
content qu'on lui dise qu'il pourrait travailler mieux et bien
peu acceptent de bon gré les leçons.
Le Médiateur de la République est donc résigné
au premier mouvement d'humeur qu'il déclenche et au rejet
par principe de ses propositions.
Mais dès lors que les propositions de réforme du
Médiateur de la République sont fondées sur
des réclamations de citoyens et qu'elles tendent à
une amélioration du service public, il est anormal que
les résistances au changement persistent au- delà
d'un certain degré.
En vérité, toute réforme dans l'intérêt
de l'usager doit être arrachée aux bureaux. Si la
proposition n'est pas soutenue par le pouvoir politique, c'est-
à- dire par le ministre intéressé, elle n'a
aucune chance de surmonter l'obstruction des services.
Il n'est donc pas étonnant que les autorités administratives
saisies n'instruisent pas les propositions de réforme avec
beaucoup de zèle et qui la lenteur et l'hostilité
caractérisent trop souvent leur attitude.
Les délais d'instruction sont souvent excessifs
En effet, le Médiateur de la République s'est fixé
pour objectif d'aboutir à une solution dans un délai
maximum d'un an. Le délai moyen d'instruction des propositions
de réforme est de 13,2 mois, mais il n'était que
de 11,5 mois en 1990.
Ces délais moyens cachent des disparités importantes.
Ainsi, l'instruction de la proposition de réforme STR 88-
02 relative à l'indemnisation du risque thérapeutique,
présentée le 30 mars 1988, se poursuit depuis lors,
tandis que la proposition AGP 91- OI, relative à l'égalité
d'accès à un emploi public dans les concours comportant
une option informatique, présentée le Ter février
1991 a été close après réception d'une
réponse favorable le IO juin 1991 soit un délai
d instruction de 4 mois et IO jours.
Le stock de propositions en cours d'instruction est passé
de 22 au 1er janvier 1991 à 35 au 31 octobre
1991.
Si les propositions de réforme qui tendent à améliorer
l'information de l'usager ou à faciliter ses démarches
aboutissent plus facilement, les délais peuvent être
longs.
Le 26 juin 990, le Médiateur de la République a
présenté la proposition URB 90- OI ayant pour objet
l'amélioration de l'information des demandeurs et des bénéficiaires
d'un permis de construire. En effet, les formulaires de demande
de permis et le permis lui- même portent la mention selon
laquelle le permis est accordé "sous réserve
du droit des tiers". Ceci signifie que le permis de construire
accordé ne fait que vérifier la conformité
du projet par rapport aux dispositions légales applicables,
mais ne met pas le constructeur à l'abri de l'action d'un
voisin qui s'estimerait lésé dans ses droits.
La proposition de réforme tendait à ce qu'une nouvelle
formulation plus explicite, soit employée.
Le Médiateur de la République a été
informé officiellement le 4 octobre 1990, par le ministère
de l'équipement, que celui- ci était d'accord sur
le principe de la proposition. Cet accord a été
confirmé le 20 décembre 1990. Le 4 avril 1991 lors
d'une réunion interministérielle, il a été
demandé au ministère de préciser dans quels
délais la proposition pourrait être mise en oeuvre
et, le 27 juin 1991 le ministère a informé le Médiateur
de la République que les nouveaux imprimés allaient
être transmis au centre d'enregistrement et de révision
des formulaires administratifs (C.E.R.F.A.).
Le Médiateur de la République a cependant eu la
satisfaction d'être officiellement informé que sa
proposition de réforme STR 88-02 relative à l'indemnisation
du risque thérapeutique allait enfin aboutir, puisqu'un
projet de loi serait soumis au Parlement en 1992. Quelles que
soient les réserves du Médiateur de la République
sur le contenu du projet, il ne peut que se féliciter de
l'amélioration de la situation des victimes d'accidents
thérapeutiques qui s'ensuivra.
L'instruction d'une proposition de réforme n'est pas conduite
avec vigueur
La proposition est adressée aux ministres intéressés,
au ministre chargé de la réforme administrative,
et au secrétariat général du Gouvernement.
Elle est également adressée au centre national d'informatique
juridique (C.N.I.J.) qui l'enregistre sur la base de données
appelées D.I.V.A.
Le Médiateur de la République demande aux administrations
ou organismes saisis de répondre dans un délai de
trois mois. Celui- ci est rarement respecté, et des lettres
de rappel sont régulièrement envoyées.
Des réunions interministérielles trimestrielles,
présidées par un membre du cabinet du ministre chargé
de la réforme administrative, permettent de savoir où
en est l'instruction de ses propositions de réforme.
L'expérience montre que, très souvent, rien ne se
passe entre deux réunions, ou que les administrations ne
se préoccupent d'apporter une réponse que lorsqu'elles
reçoivent la convocation pour la réunion suivante.
De sorte que les réponses ne reflètent, la plupart
du temps, que la position connue, réservée ou hostile,
des services dont les pratiques sont mises en cause, et non celle
du responsable du département ministériel. A ce
fait, s'ajoute le délai mis pour transmettre le procès-
verbal de la réunion interministérielle, soit environ
six semaines.
Ces comptes rendus sont assurés par les services du secrétariat
général du Gouvernement. Ce sont également
eux qui suivent les dossiers des propositions de réforme
soumis à l'arbitrage du Premier ministre. Les délais
d'examen de ces dossiers par le Premier ministre constituent un
facteur important d'allongement des délais d'instruction.
L'expérience a montré qu'un suivi au niveau politique
était indispensable pour que l'instruction des propositions
de réforme se déroule de façon satisfaisante.
Le suivi est actuellement assuré par le ministre d'Etat,
ministre de la fonction publique et de la réforme administrative.
Le Médiateur de la République a le sentiment que
celui- ci, pour des raisons faciles à comprendre, accorde
la priorité à la fonction publique.
Pendant la période où le secrétaire d'Etat
chargé de la réforme administrative n'avait à
charge que cette seule attribution, il a pu être constaté
que l'instruction des propositions de réforme se déroulait
dans de meilleures conditions et que les résultats obtenus
étaient souvent plus décisifs.
Le plus exaspérant est le manque de dialogue dans l'instruction
des propositions de réforme
Les administrations saisies instruisent les propositions de réforme
sans jamais prendre contact avec le Médiateur de la République,
s'intéresser à ses motifs ou s'inquiéter
de savoir si la réponse qui est préparée
le satisfera.
Ce comportement des administrations permet de mieux saisir le
caractère relatif du succès que rencontrent les
propositions ainsi que les difficultés signalées.
Plusieurs parlementaires avaient proposé que le Parlement
soit systématiquement informé de la suite donnée
par le Gouvernement aux propositions de réforme du Médiateur
de la République. Il est regrettable que cette suggestion
n'ait pas été retenue car elle eût été
de nature à susciter un effort des services.
Améliorer la procédure ne servira à rien
s'il n'y a pas une volonté politique forte d'assurer un
meilleur service public
Deux modifications pourraient donner plus d'efficacité
à la procédure d'instruction :
- La première pourrait consister, pour certains dossiers,
à organiser des réunions techniques avec les ministères
concernés. Ces réunions permettraient de confronter
les positions et, en cas de blocage, d'en appeler au ministre
compétent, en toute connaissance de cause. Mais cela n'est
intéressant que si nous sommes assurés, en cas de
besoin, de la participation de personnes ayant réglementairement
le pouvoir de décision et donc d'engager leur département
ministériel. C'est ce que nous allons tenter avec le problème
de la preuve de la nationalité française.
- La seconde serait de donner aux réunions interministérielles
un caractère décisionnel. L'administration convoquée
ne pourrait venir en confirmant, comme à la réunion
précédente, qu'une lettre est à la signature
du ministre, mais devrait arriver avec une position qui serait
actée au procès- verbal.
3)Les résultats
obtenus sont globalement satisfaisants
Malgré ce contexte peu favorable, des propositions de réforme
finissent par être adoptées. Il faut croire qu'elles
s'imposaient !
Sur les 161 propositions dont l'instruction était
close au 31 décembre 1991, 102, soit 63,75%,
ont obtenu un accueil favorable. 19 propositions, soit
11,87%, ont été refusées et 39
propositions, soit 24,37%, ont été retirées.
Refus et retraits qui, ensemble, représentent 36,25% des
propositions présentées, trouvent parfois des justifications
admissibles. Parfois aussi, les motifs avancés sont déconcertants.
Le principal motif de refus tient au coût de la mise en
oeuvre de la proposition de réforme. C'est particulièrement
vrai en matière de droits sociaux et de prestations sociales,
puisque 1O des 19 refus opposés sont intervenus dans ce
domaine.
Les autres refus tiennent à des difficultés de mise
en application. Il en est ainsi, par exemple, de la proposition
ED 88-01 relative à la procédure disciplinaire appliquée
aux candidats soupçonnés de fraude au baccalauréat.
Il en est de même de la proposition STR 89- 06, relative
à l'information préalable des assurés sociaux
sur les conditions de remboursement des frais de transport. Son
refus est pour le moins surprenant.
Deux motifs ont été avancés :
- le caractère jugé suffisant de l'information déjà
diffusée ;
- le coût élevé au regard de son utilité
d'une information supplémentaire.
Nul doute que l'auteur de cette réflexion n'est pas au
courant des efforts déployés par le Gouvernement
pour parvenir à réduire les causes des malentendus
qui surviennent dans les relations entre l'administration et les
administrés.
Comment peut- on considérer que l'information déjà
diffusée est réellement suffisante lorsqu'on
sait que, selon une enquête de la C.N.A.M.T.S., 25% des
contestations formées devant les caisses primaires ont
trait à des refus de remboursement de frais de transport.
Les raisons qui conduisent le Médiateur de la République
à retirer ses propositions de réforme tiennent à
deux faits. Soit lorsqu'il est convaincu par les arguments de
l'administration saisie, soit lorsqu'il constate qu'il est impossible
d'aboutir à une solution satisfaisante dans un délai
raisonnable.
Un cas typique concerne les règlements applicables aux
concours d'entrée dans la fonction publique qui mentionnent
des listes de diplômes limitatives pour la plupart de ces
concours. Ces listes ne pouvant tenir compte de la multiplicité
des diplômes existants, certains candidats se retrouvaient
dans la position de ce conscrit bachelier enregistré par
l'armée comme analphabète parce qu'il n'avait pas
le certificat d'études. Bien que les titulaires de diplômes
équivalents ou supérieurs à ceux exigés,
ils ne pouvaient se présenter au concours de leur choix.
Certes, il est difficile de parvenir à une définition
satisfaisante pour l'ensemble des examens et concours dans la
fonction publique. La diversité qui caractérise
les fonctions et leur spécialisation en sont une cause.
S'y ajoutent les projets d'harmonisation en cours de négociation,
entre les titres en usage dans les Etats membres de la Communauté
européenne.
La proposition PRM 86-03 relative à l'admission des certificats,
diplômes, qualifications professionnelles et titres d'études
pour accéder par concours aux emplois de la fonction publique
a dû être retirée.