Cette évolution favorable est due au fait que l'administré
trouve dans le recours à l'Institution les quatre avantages
voulus par le législateur :
- les litiges sont réglés de manière amiable
en évitant les procédures juridictionnelles ;
- les délais sont incomparablement plus courts que ceux
des instances juridictionnelles ;
- la solution intervient sans que le réclamant ait eu à
se soucier du débat ;
- enfin, le citoyen ne s'expose à aucune dépense
et le Médiateur de la République lui rend compte
dans un langage courant par l'intermédiaire d'un parlementaire.
Ce rappel ne signifie pas que la mission de l'Institution se substitue
à celle des juridictions et en serait un concurrent. Bien
au contraire, le Médiateur de la République apporte
une coopération au fonctionnement de la justice en allégeant
ses rôles et en complétant ses moyens par l'intervention
en équité.
A. LE DEVELOPPEMENT DE
L'INSTITUTION
L'apparition et la diversification de la notion de médiation
est antérieure à la création d'un Médiateur.
Depuis, sous la pression du besoin social, son usage s'est beaucoup
multiplié.
Aussi bien les juges judiciaires que les juges administratifs
aspiraient depuis longtemps à être déchargés
des affaires qui peuvent être réglées à
l'amiable entre les parties.
Pour ce qui concerne le contentieux administratif, le Médiateur
de la République est arrivé à point nommé.
La résolution amiable des conflits améliore l'image
de marque des services publics. Elle s'inscrit en définitive
à leur crédit.
Dans les thèmes exposés dans les pages précédentes
de ce rapport, le sens et la portée de l'action du Médiateur
de la République ont été précisés.
Cependant le rappel des deux axes de son action est utile, car
ils sont très souvent confondus en raison de l'insuffisance
du vocabulaire juridique; et cela bien qu'ils soient fort différents
tant par leur origine que par leur effet.
1) L'action contre le
dysfonctionnement de l'administration
C'est la loi originelle du 3 janvier 1973 qui a donné compétence
au Médiateur d'alors, devenu Médiateur de la République
en 1989, pour proposer aux autorités administratives des
améliorations à leurs décisions qui mécontentaient
les usagers des services publics.
Lorsque le Médiateur de la République intervient
dans ce domaine, il porte une appréciation sur le comportement
de l'administration qui est tenue d'exercer au mieux la mission
qui lui a été confiée par la loi ou le règlement.
Ce faisant, le Médiateur de la République s'aventure
dans le domaine de l'exécutif, mais non dans celui du législatif
car il ne porte aucune appréciation sur la finalité
de la loi ou du règlement que l'administrateur ou le juge
appliquent.
Bien différente est l'intervention en équité.
2) L'action en équité
du Médiateur de la République
C'est la loi du 24 décembre 1976 qui a donné au
Médiateur de la République la mission, surprenante,
mais qui s'est révélée praticable et importante,
de porter une appréciation sur les conséquences
de la loi, du règlement ou d'un jugement et de proposer
une compensation à ces conséquences lorsqu'elles
sont inéquitables.
C'est donc la qualité des textes elle-même
qui est mise en cause par le Médiateur de la République
au nom de l'idée qu'il se fait de leur adaptation aux besoins
de notre société.
Lorsqu'il intervient en équité, le Médiateur
de la République reconnaît que la loi ou le règlement
ont été légalement, c'est-à-dire bien,
appliqués par l'administrateur ou le juge ; il ne conteste
pas leur décision. C'est la règle juridique dont
ils ont fait une application légale qui est critiquée.
Ce faisant, le Médiateur de la République s'avance
sur le domaine de compétence des auteurs des textes (Parlement,
Gouvernement et juridictions).
Il faut reconnaître que, dans le contexte de légalité
qui encadre la fonction de l'administrateur, l'introduction du
concept de l'équité dans la prise de décision
est antagoniste de la conception que l'administrateur a de son
devoir.
Cependant, en 1991, le Médiateur de la République
aura proposé plus de 500 solutions en équité,
dont plus de la moitié auront été acceptées.
Cette proportion n'était que d'un cinquième il y
a trois ans. Il y a donc progrès dans l'acceptation de
l'idée.
L'importance de l'intervention en équité du Médiateur
de la République ne peut que se développer à
l'avenir par l'acceptation des autorités administratives
et sous l'influence de la législation européenne.
La recherche de nouveaux règlements des litiges administratifs
préconisée le 20 juillet 1991 par le Premier ministre
devant le Conseil d'Etat va dans ce sens et rejoint la philosophie
de l'action de l'Institution, aussi bien pour remédier
aux dysfonctionnements que pour aboutir à des règlements
de litiges sur la base de l'équité.
L'importance du rôle du Médiateur de la République
s'accroîtra aussi sous la pression des impératifs
de justice et de solidarité qui sont à la base de
son action et qui s'imposent insensiblement dans notre société.
Ces nouveaux besoins conduiront à un élargissement
de sa compétence aux personnes morales, telles que les
associations caritatives de protection des droits des individus.
Les liens se resserreront notamment avec des organismes concernés
par la défense des intérêts des usagers du
service public, comme l'I.N.C.
Finalement, il faut s'attendre à ce que le nombre des réclamants
dépasse IOO 000 dans trois ou quatre ans.
L'action curative du Médiateur de la République
est, comme il a été rappelé, doublée
par la prévention que constituent les propositions de réforme
dont près de zoo ont été déposées
depuis 1986.
Cet accroissement inéluctable de l'action de l'Institution
a une contrepartie. Il ne pourra aller sans développement
de ses moyens d'action.
B. L'AJUSTEMENT DES MOYENS
Un effort doit être consenti pour renforcer l'Institution,
tant au niveau des délégués départementaux
qu'à celui de la Médiature.
1) Les délégués
départementaux
Déjà en 1991, le nombre des postes de délégués
départementaux a té augmenté de 15 pour les
doubler dans les départements les plus chargés s.
Il est déjà admis que cet effort doit être
poursuivi en 1992 à a hauteur de 20 postes supplémentaires.
Ce renforcement méritoire se révélera rapidement
insuffisant face à 'l'augmentation des affaires traitées
par les délégués départementaux.
L'existence des délégués départementaux
est de mieux en mieux connue grâce aux résultats
de leur action que le bouche à oreille fait apprécier.
Les médias, de leur côté, commencent à
s'intéresser à leur travail et, sous l'effet de
cette double publicité, le nombre des réclamations
reçues par les délégués départementaux
augmente régulièrement.
Il est d'ores et déjà certain que le nombre des
affaires soumises aux délégués départementaux,
qui a augmenté de près de 40 % en 1991, va au minimum
doubler dans les deux ou trois années qui viennent. Leur
tâche, déjà lourde, va donc devenir plus pesante.
Déjà le problème me de l'intérêt,
voire de la possibilité de continuer à assurer leur
mission dans les conditions actuelles, se pose. Le montant de
l'indemnité qu'ils perçoivent est d'ores et déjà
très insuffisante pour ceux qui traitent 400 affaires par
an.
La question de l'évolution de la fonction de délégué
départemental doit trouver, dès l'année 1992,
un début de règlement, car c'est le maintien en
place des délégués les plus chargés,
qui sont souvent les plus motivés et les plus performants,
qui est en cause.
Il va de l'avenir de l'Institution et de l'intérêt
de l'Etat puisqu'on peut estimer que, sans l'intervention du Médiateur
de la République et de ses délégués,
une réclamation sur trois conduirait à un procès.
Pour l'année 1991, cela fait plus de IO 000 procès
de moins à régler, au coût moyen de 15 000
à 20 000 F par unité.
2) Les moyens de la Médiature
Un problème identique se pose en ce qui concerne les personnes
mises à disposition. Leur présence à la Médiature
est, généralement, limitée à une période
de courte durée, en moyenne de deux à trois ans.
Leur retour à leur administration d'origine risque fort
de ne pas être compensé. A brève échéance,
des pans entiers de la structure fonctionnelle de l'Institution
pourront cesser d'être opérationnels. De sorte que
la charge de travail et les moyens d'intervention évolueront
à contre-courant.
Comme les collaborateurs du Médiateur de la République
sont des agents mis à sa disposition par les ministères,
leur recrutement, voire leur simple remplacement se heurtera à
de plus en plus de difficultés pour doter la Médiature
du personnel hautement qualifié dont elle a besoin. Il
serait donc opportun de suivre la recommandation de la Cour des
comptes qui a souhaité que ce problème des moyens
soit réglé selon les modalités budgétaires
permettant à l'Institution de recruter les collaborateurs
qui lui sont nécessaires en quantité et en qualité.
Un nouveau Médiateur de la République entrera en
fonction le 5 mars 1992.
Quel qu'il soit, il est fort probable qu'il lui faudra du temps
pour s'adapter à la charge de travail de son prédécesseur,
laquelle d'ailleurs était excessive.
Pour y faire face, le nouveau Médiateur de la République
serait bien inspiré de rechercher le concours d'un collaborateur
direct de grande expérience juridique et administrative,
disposant d'une autorité personnelle réelle due
au rang occupé dans la hiérarchie administrative.
Il ne sera pas facile à trouver, car la tâche qui
lui sera proposée sera technique, obscure et ingrate.
3) L'intérêt
de l'lnstitution
L'Institution est une entreprise de services urgents dont les
prestations doivent être de grande qualité, faute
de quoi elle perd sa raison d'être.
Le Pouvoir politique aura à trancher la question de savoir
si l'Institution justifie son coût.
Dans le rapport d'activité 1990, le Médiateur de
la République se posait déjà la question
en tentant une évaluation des services que rend l'Institution.
Il est certain que l'Institution apporte au citoyen un complément
de commodité et de garantie pour la solution de ses litiges
avec l'administration. Il s'agit là d'un avantage politique
certain, mais difficilement chiffrable en coût financier.
Par la correspondance entretenue avec les parlementaires pour
chaque affaire, le Médiateur de la République complète
la mission de contrôle du Parlement sur l'action gouvernementale.
Là encore, le service est difficilement évaluable
financièrement.
Par les réformes proposées et acceptées,
le Médiateur de la République rend des services
à l'administration. Mais le bénéfice ne se
traduit guère en réduction de dépenses.
Il n'en va heureusement pas de même pour l'effet indéniable
de prévention du contentieux de l'action du Médiateur
de la République : on peut estimer que, sur le tiers des
réclamations, l'action du Médiateur évite
une action devant la juridiction administrative.
Si on considère qu'un procès devant le tribunal
administratif coûte à l'Etat - si on veut bien prendre
tout en compte : traitement, pension, frais de fonctionnement
au moins 15 000 F, le Médiateur de la République
a évité à l'Etat, en 1991, une dépense
supérieure à 100 millions de francs alors que tout
compris également le coût total de l'Institution
peut être évalué à 3 5 millions de
francs.
CONCLUSION
L'Institution du Médiateur de la République
est dans une perspective de développement accéléré
dû, d'une part, à la qualité de ses résultats
que les médias font connaître, d'autre part à
la vogue dont bénéfice la procédure de médiation
en général.
Cette évolution, qui se traduira par une meilleure défense
des droits des citoyens, implique une adaptation continue des
moyens de fonctionnement de l'Institution.
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