On peut rappeler quelques-unes de ces propositions :
- cesser de lier l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques
à la recherche préalable d'un responsable, au risque
de laisser plusieurs années, sans le moindre secours, ces
victimes ;
- reporter sur l'administration la charge de prouver le bien-fondé
de la facturation des prestations (P.T.T. en l'espèce),
alors qu'à présent, c'est à l'usager de le
faire ;
- réglementer la durée des expertises à l'occasion
des procès pour éviter qu'elle ne soit excessive
;
- développer les consultations bénévoles
d'avocats, d'huissiers, de notaires, pour prévenir le plus
possible les contentieux ;
- assurer une meilleure couverture sociale des jeunes appelés
pendant leur service national ;
- assurer une meilleure égalité des étudiants
justifiant de diplômes français et de diplômes
étrangers de même niveau pour leur inscription aux
concours de la fonction publique ;
- indemniser rapidement et convenablement les victimes d'attentats
terroristes ;
- assouplir les exigences de la vérification de nationalité
française pour les agents des services publics demandant
la liquidation de leur retraite.
En conclusion, il est permis de dire que si, au départ,
les initiateurs du projet de loi créant en France un Médiateur
ont écarté toutes les propositions parlementaires
tendant à en faire formellement le défenseur ou
le promoteur des droits de l'homme, ils étaient d'accord
pour que la nouvelle institution contribuât à la
défense et à l'élargissement
des droits de l'usager dans la société française.
Aussi l'action du Médiateur de la République tend-elle
toujours à favoriser une conception élargie des
droits des citoyens et à contribuer à leur respect.
Qu'il invoque les exigences de l'équité ou qu'il
propose de réformer quelque disposition législative
ou réglementaire source d'injustice, il est bien, en pratique,
ce "défenseur des droits et libertés"
qu'avait souhaité le rapporteur de la loi de 1973.
B.L'EUROPE
Depuis les décisions du Conseil d'Etat de 1990, il est
clair que la législation et la réglementation européennes
prévalent sur les textes français.
Cependant la construction communautaire, au stade de l'élaboration
des phases décisives, pose un certain nombre de problèmes
relatifs notamment à la définition des compétences
des organismes gestionnaires de droits sociaux ainsi qu'à
leurs obligations, ou encore aux questions de "libre circulation
des travailleurs".
Le nombre croissant de réclamations concernant les droits
économiques et sociaux a amené le Médiateur
de la République à intervenir dans le champ d'action
de la réglementation communautaire. Cette réglementation
pose des problèmes d'assimilation à l'administration
française qui est obligée de faire une place aux
concepts de la réglementation communautaire qui s'inspire
parfois de principes étrangers au droit français.
Dans sa démarche, le Médiateur de la République
s'est rapproché de ses collègues européens
et procède à des échanges réguliers
avec plusieurs d'entre eux. C'est ainsi qu'il reçoit et
traite les demandes d'intervention que ceux-ci lui adressent et
qu'il saisit lui-même certains d'entre eux quand leurs administrations
nationales sont en cause (cf. cas n° 89-2475, p. 200 et n° 90-3944,
p. 202).
Des mécanismes de liaison ont également été
créés avec la commission des pétitions du
Parlement européen, celle-ci renvoyant sur le Médiateur
de la République les réclamations dont elle est
saisie lorsqu'elles paraissent relever plutôt de la compétence
de ce dernier que de celle du Parlement.
Bien que ces "arrangements" aient permis de répondre
aux besoins les plus immédiats, ils ne sauraient suffire,
à eux seuls, à satisfaire 1 l'attente des citoyens
de la Communauté aux prises avec des problèmes de
plus en plus complexes. C'est dans ce contexte qu'a été
avancée de divers côtés l'idée de créer
un Médiateur ou Ombudsman européen. Nous y reviendrons
dans la dernière partie de cette étude.
D'ores et déjà le constat d'une interférence
croissante des législations ou réglementations nationales
et communautaires appelle à une harmonisation des règles
de fonctionnement de la Médiature et peut-être à
l'institution d'un Médiateur européen.
1) L'extension de la procédure
de saisine
Le développement du contentieux communautaire incitera
probablement un nombre croissant de citoyens à saisir de
leurs problèmes leurs élus au Parlement européen.
Or l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur,
dispose que les réclamations qui lui sont destinées
doivent lui être transmises par "un député
ou un sénateur". De ce fait, le Médiateur de
la République n'est pas habilité à examiner
les réclamations qui lui sont transmises par des parlementaires
européens. Une modification de cet article, étendant
à ceux-ci, sans distinction de nationalité, la faculté
de saisine, répondrait mieux que l'actuelle rédaction
aux problèmes nouveaux, problèmes que ne pouvait
pas prévoir le législateur de 1973.
L'extension aux parlementaires européens de la faculté
de saisine se justifie aussi par l'intérêt que pourrait
présenter, dans l'appréciation des données
du litige évoqué, la participation du parlementaire
intervenant qui est mieux à même de connaître
les causes et les circonstances de la mesure incriminée
et d'aider, au niveau de sa fonction, à sa solution.
2) Les domaines des litiges
La construction européenne passe aussi par l'application
de règles communes, notamment en matière de Droits
de l'Homme ou de libre circulation des personnes. Dans ce domaine,
les adaptations s'opèrent par décisions juridictionnelles
rendues par la Cour européenne des Droits de l'Homme, lorsque
la question évoquée s'y rapporte, ou par la Cour
de justice des Communautés européennes dans les
autres cas.
Dans la défense des Droits de l'Homme, l'institution compétente
se garde bien de se comporter en juge supérieur des juridictions
nationales. Elle s'en tient aux seuls principes au respect desquels
sont assurés ces droits. Une circonstance qui, dans les
faits, peut suppléer l'action du Médiateur de la
République lorsqu'il se trouve confronté à
l'obstacle posé par des décisions juridictionnelles
définitives, contre lesquelles la loi l'empêche naturellement
d'intervenir (cf. cas n° 90-0476, p.203).
Dans le domaine de la libre circulation, le principe reconnaît
à tout ressortissant d'un Etat membre le droit d'exercer
sur le territoire d'un autre Etat membre une profession salariée.
L'article 48 qui pose ce principe prévoit, en son alinéa
4, la faculté d'y déroger pour les emplois dans
l'administration publique. Leur définition sera précisée
par la Cour de justice des Communautés européennes.
Un arrêt rendu par cette instance le 26 mai 1982, sur recours
de la Commission des Communautés européennes
(affaire n° 149/79) a précisé que l'exclusion prévue
à l'article 48 du traité ne vise que "les activités
participant à l'exercice de la puissance publique ou les
fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts
généraux de l'Etat ou des autres collectivités
publiques".
Ultérieurement, sur recours de ressortissants d'Etats membres
qui se sont vu refuser l'accès à un emploi d'infirmier
d'hôpital public ou à un emploi d'enseignant dans
un établissement scolaire, deux arrêts en date du
3 juin 1986 et du 3 juillet 1986 condamneront la République
Française "pour manquement aux obligations posées
par l'article 48 du Traité".
Ces décisions ont le mérite d'avoir clarifié
le sens, en matière d'accès à la fonction
publique, de la notion d'"emplois dans l'administration publique"
citée à l'alinéa 4 de l'article 48 du Traité
comme espace d'exclusion à l'exercice du droit de libre
circulation des travailleurs. Cependant, ces décisions
n'avaient pas résolu au fond le problème de l'accès
au corps de fonctionnaires en dispense des règles statutaires
fixées, par exemple le concours de recrutement et l'exigence
de la condition de nationalité française.
Une réflexion collective a été engagée
sur cette question. Il en est résulté la loi n°
91-715 du 26 juillet 1991 qui a résolu le problème
de la nationalité dans le recrutement des fonctionnaires.
Ceci, dans le sens de l'appréciation émise par la
Cour de justice des Communautés européennes. Par
ailleurs, des résultats concluants sur les équivalences
de diplômes commencent à prendre forme. Le but étant
d'instituer la reconnaissance des diplômes d'enseignement
supérieur sanctionnant des formations professionnelles
d'une durée de trois ans. Cependant, beaucoup reste à
faire dans bien des domaines.
Dans le domaine social, par exemple, les divergences entre les
systèmes de protection sociale des assurés, dans
les divers Etats membres, posent de sérieux problèmes
de compatibilité, en regard de l'objectif communautaire
d'harmonisation (cf. cas n° 90-3649, p. 205).
En matière de pensions, un manque de coordination des régimes
propres aux Etats membres rend difficile le transfert des droits
d'un régime à un autre. C'est le cas par exemple
entre le régime des fonctionnaires communautaires et le
régime des fonctionnaires français.
Bien que, en réponse à la proposition de réforme
EUR 89-03, le problème de la protection sociale des fonctionnaires
français détachés pour exercer leur activité
sur le territoire d'un Etat membre ait reçu une solution,
des pans entiers, en matière de sécurité
sociale, restent à régler.
C'est le cas, parmi d'autres, de la prise en charge par la sécurité
sociale des soins dispensés dans un autre Etat membre (cf.
cas n° 89-1796, p. 153)
C'est également le cas en matière d'indemnisation
du chômage des personnes appelées à quitter
un Etat membre de la Communauté pour s'installer en France
et y chercher un emploi. Un dispositif complexe assure bien une
coordination des régimes d'assurances sociales des pays
membres mais il reste encore très éloigné
des intentions spécifiquement communautaires.
Certes, ce dispositif comporte des aspects positifs, comme par
exemple :
- la règle appliquée de la totalisation des périodes
d'assurance sans distinction des pays membres où elles
ont été accomplies ;
- ou la règle de la prise en charge des prestations par
le pays dans lequel le prestataire a été assuré,
quel que soit son pays de résidence.
Il reste que, dans d'autres domaines, il institue des règles
contraignantes :
- en matière d'assurance-chômage, le ressortissant
de la C.E.E. doit justifier, en dernier lieu, d'une période
d'activité salariée en France ;
- de même, en matière de pensions, un ressortissant
de la C.E.E. installé en France et victime d'une maladie
professionnelle contractée dans un autre pays membre, percevra
les prestations prévues par la législation du pays
où il était assuré quand il a contracté
sa maladie.
Ainsi, pour percevoir leurs prestations, les personnes quittant
un Etat membre pour un autre Etat membre doivent, avant leur départ,
effectuer une multitude de formalités.
Enfin, une personne désireuse de se faire soigner dans
un autre pays de la Communauté ne sera prise en charge
que si elle obtient l'accord préalable des autorités
compétentes du pays dans lequel elle est assurée.
Ce dispositif nourrit des habitudes interétatiques diamétralement
opposées aux objectifs que suppose, selon l'attente de
la vocation communautaire, la notion de libre circulation. Une
notion qui permet au citoyen d'un Etat d'être le ressortissant
de tout Etat membre sur le territoire duquel il se trouve. C'est-à-dire
de n'avoir pour interlocuteur que le service dans le ressort duquel
il est installé.
Il crée aux bénéficiaires des droits des
quantités de difficultés administratives dans le
déroulement des procédures.
Il arrive que par suite d'un oubli d'information, imputable à
une caisse, l'assuré court le risque de perdre ses droits.
La conclusion à tirer de ces exemples est qu'un effort
institutionnel est nécessaire pour mieux assurer la protection
des citoyens, et que les administrations communautaires et nationales
devraient être invitées à mieux informer les
usagers et à simplifier leurs procédures.
Il n'est pas douteux que la confirmation par un texte communautaire
des responsabilités des médiateurs nationaux en
ces matières renforcerait grandement le dispositif général
de protection du "citoyen européen".
Le déficit ainsi enregistré dans le développement
de l'esprit communautaire est le fait des institutions de tous
les Etats membres. Il n'est que de lire les arrêts de la
Cour de justice des Communautés européennes
pour en mesurer le poids.
Le souci est certes manifeste d'aplanir les difficultés
posées. La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux
adoptée il y a deux ans par les chefs d'Etat ou de gouvernement
des Etats membres en est une preuve. Au plan intérieur,
des actions sont en cours pour doter l'administration française
d'une meilleure connaissance du droit communautaire. Pour favoriser
cette prise de conscience, le Médiateur de la République
a obtenu que soit désormais publié au Journal
officiel de la République française
le sommaire des règlements pris par la Commission des
Communautés européennes (proposition de réforme
EUR 89-02) et que soit accélérée la mise
en application dans le droit français des règlements
européens (EUR. 88-01).
Il ne faut pas se cacher que l'entreprise n'est pas aisée.
Il ne dépend pas que de la France d'harmoniser les règles
d'accès aux avantages sociaux ou aux emplois de la fonction
publique. Les autres Etats membres ont aussi un devoir d'harmonisation
à accomplir. La difficulté tient aussi aux déficits
dans la politique sociale entre les Etats et aux charges économiques
que pourrait générer pour certains d'entre eux une
complète harmonisation. Ces faits étaient, dès
le départ, prévisibles et ils font souhaiter l'institution
d'un Médiateur européen.
3) Le Médiateur
européen
L'idée de créer un Médiateur ou Ombudsman
européen a été avancée de divers côtés.
Soucieux d'éviter qu'une création plus ou moins
improvisée ne tienne pas suffisamment compte de l'expérience
précieuse acquise dans ces domaines par les ombudsmans
ou médiateurs nationaux, le Médiateur français,
en accord avec ses homologues espagnol et britannique, a émis
le vúu que dans chaque pays de la Communauté, leurs
collègues soient associés par leurs autorités
nationales aux études qui seraient entreprises sur le projet
d'un Médiateur européen. En France, le ministre
délégué aux affaires européennes a
bien voulu faire droit à cette requête.
Concernant le projet lui-même, le Médiateur de la
République, à 1 instar de plusieurs de ses collègues,
est favorable, sous certaines réserves, a une telle initiative.
Il lui semble en effet qu'un Ombudsman européen ne devrait
pas faire double emploi avec les institutions nationales. Un médiateur
national, connaissant l'administration de son pays, est mieux
placé pour venir en aide aux particuliers auprès
des administrations nationales, et il est inutile de créer
des conflits de compétence entre une instance européenne
et une instance nationale.
En revanche, l'Ombudsman européen pourrait plus facilement
intervenir auprès des institutions européennes chaque
fois que l'une d'elles est directement mise en cause, comme c'est
le cas en matière de droits sociaux des fonctionnaires
européens. Il pourrait également remplir un rôle
d'information auprès de ses collègues nationaux
soucieux de mieux comprendre et appliquer une réglementation
complexe. Enfin, il est certain que la transposition dans les
droits nationaux des directives européennes n'ira pas sans
divergences, sources de difficultés et de procès,
qu'il conviendra de traiter à 'amiable dans toute la mesure
du possible.
Aussi, le rôle de l'Ombudsman européen serait particulièrement
utile en matière de propositions de réformes d'harmonisation
s'il avait la capacité d'intervenir auprès des autorités
européennes pour suggérer éclairer et modifier
les réglementations lorsqu'elles ont des incidences inéquitables
comme pour combler certaines insuffisances ou proposer des adaptations
des législations nationales.
Au terme d'une première phase de concertations au niveau
de la communauté, une proposition intéressante,
répondant assez largement aux problèmes évoqués
plus haut, a été formulée.
Elle concerne le rôle des Médiateurs ou Ombudsmans
nationaux dont les instances de la Communauté souhaitent
que soit confirmée la compétence nationale pour
tous les litiges nés de l'application ou de la non-application
interne de textes communautaires ainsi que leur capacité
de proposer à leurs gouvernements d'amendement de ceux
de ces textes dont l'expérience montrerait qu'ils peuvent
entraîner des conséquences inéquitables pour
les administrés Je leur pays.
L'action complémentaire des Médiateurs nationaux
et du Médiateur européen devrait permettre d'assurer
la meilleure défense des citoyens des différents
Etats de la Communauté ou des personnes qui y résident,
aussi bien vis-à-vis des administrations de chacun de ces
Etats qu'envers les institutions proprement communautaires.
La conclusion à tirer est qu'un effort institutionnel est
nécessaire pour mieux assurer la protection des citoyens,
et que les administrations communautaires et nationales devraient
être invitées à mieux informer les usagers
et à simplifier leurs procédures.
Il n'est pas douteux que la confirmation par un texte communautaire
des compétences des médiateurs nationaux en ces
matières, ainsi que la création d'un Médiateur
ou Ombudsman européen, telle qu'envisagée plus haut,
renforceraient grandement le dispositif général
de protection du "citoyen européen".
C.LES LITIGES NES DES
PROBLEMES DE NATIONALITE
Au cours de son mandat, l'attention du Médiateur de la
République a été attirée à
plusieurs reprises sur les problèmes de nationalité,
qu'il s'agisse de Français ayant des difficultés
à obtenir de l'administration des documents attestant leur
nationalité ou d'étrangers perdus dans le labyrinthe
que constitue le dispositif d'examen des demandes de naturalisation.
Il a ainsi été amené à présenter
cinq propositions de réforme.
1) Les propositions du
Médiateur de la République
La proposition STR 89-02 présentée le 27 avril 1989
contenait quatre suggestions :
- La première suggestion partait de la constatation que
le caractère essentiellement écrit de la procédure
ne favorisait pas la compréhension entre le candidat et
l'administration.
Le Médiateur de la République proposait que des
agents d'un rang suffisant soient habilités à recevoir
les candidats, à leur présenter le point de vue
de l'administration, à recueillir leurs observations et
à donner une suite concrète à cet entretien.
- La deuxième suggestion visait à un raccourcissement
des délais par la déconcentration des procédures
ou une simplification de l'examen au niveau ministériel
des dossiers transmis avec avis favorable.
- La troisième suggestion avait pour but l'instauration
d'un parrainage.
- La quatrième suggestion avait pour objectif de remédier
au manque de transparence des décisions. Leur absence de
motivation interdit au candidat de savoir s'il a intérêt
à représenter une demande ou à prendre d'autres
dispositions. Elle est source de contentieux.
Aucune de ces propositions, pourtant modestes et de nature à
faciliter les rapports entre les candidats à la nationalité
française et l'administration, n'a pu être concrétisée,
principalement pour des raisons pratiques ou d'opportunité.
2) Le doute de l'administration
Il arrive aussi qu'à l'occasion de la constitution d'un
dossier, par exemple pour obtenir sa pension de retraite, un Français
ait la surprise d'avoir à faire la preuve de sa nationalité
et d'y parvenir difficilement
Le Médiateur de la République a présenté
le 17 novembre 1986 la proposition de réforme FIN 86-02
et a obtenu que cette vérification n'intervienne que si
les agents chargés de la liquidation avaient une raison
de penser que le fonctionnaire avait pu perdre sa nationalité.
Le 22 février 1988, le Médiateur de la République
a attiré l'attention du ministère de l'intérieur
par le biais de la proposition de réforme INT 88-01 sur
le fait que les documents présentés lors d'une demande
de carte nationale d'identité devaient être immédiatement
restitués. Le ministre lui a confirmé que tel était
bien le contenu de la réglementation applicable.
En revanche, le Médiateur de la République a pu
personnellement constater qu'aux yeux de l'administration, la
possession d'une carte nationale d'identité ne valait pas
preuve de sa nationalité, et qu'en cas de perte de ce document,
l'obtention d'un nouveau titre n'allait pas sans difficultés.
Par ailleurs, l'administration française demande facilement,
par exemple lors de l'entrée dans la fonction publique,
la production d'un certificat de nationalité et, pour celui
dont les quatre grands-parents et les deux parents ne sont pas
nés français, en France, l'obtention d'un tel document
peut présenter de grandes difficultés.
Le Médiateur de la République a pu constater que
des Françaises qui s'étaient vu délivrer
avant leur mariage avec un étranger un certificat de nationalité
pouvaient être amenées, à l'occasion du renouvellement
de leur carte d'identité par exemple, à recommencer
l'ensemble des formalités nécessaires pour la délivrance
d'un tel certificat et devaient, à cette occasion, prouver
qu'elles n'avaient pas renoncé à leur nationalité.
Il serait plus simple que l'administration, au vu du premier certificat,
s'assure auprès du tribunal d'instance de son domicile
que cette personne n'a pas engagé une procédure
de renonciation à sa nationalité française.
Il est compréhensible, dans un tel contexte, que le Médiateur
de la République ait dû retirer les propositions
de réforme MAE 87-01 et PRM 87-04 relatives à la
délivrance du certificat de nationalité française
et à la simplification des formalités de preuve
de la nationalité française pour accéder
aux emplois de la fonction publique.
Ces deux propositions avaient pour objectif le raccourcissement
des délais nécessaires à l'obtention d'un
certificat de nationalité française. La proposition
MAE 87-01 demandait que soit recherchée une amélioration
des conditions de fonctionnement des services de l'état-civil
des Français nés à l'étranger, situés
à Nantes et placés sous l'autorité du ministère
des affaires étrangères. La proposition PRM 87-04
mettait l'accent sur la situation faite aux candidats aux emplois
de la fonction publique. Certains d'entre eux étaient dans
l'impossibilité de compléter leur dossier de candidature
ou de le régulariser dans les délais fixés.
Le Médiateur de la République souhaitait l'établissement
d'une liste unique de documents faciles à obtenir, exigibles
des candidats aux divers emplois publics, pour leur permettre
de faire la preuve de leur nationalité.
Le Médiateur de la République a fait observer que
les délais mis pour l'obtention d'un certificat de nationalité
étaient incompatibles avec l'accomplissement des formalités
pour lesquelles il est demandé.
Le 1er octobre 1991, il réunit les divers responsables
des services ministériels intervenant dans les procédures
de délivrance des documents administratifs prouvant l'appartenance
à la nationalité française. Ces documents
sont exigés en matière de droit à pension,
d'inscription aux concours de recrutement de la fonction publique,
de renouvellement d'une carte d'identité, etc. C'est-à-dire
dans des circonstances qui ne se prêtent pas à des
délais dépassant la mesure.
Les services dont il s'agit sont :
- la direction des Français à l'étranger
et des étrangers en France (ministère des affaires
étrangères) ;
- la direction des libertés publiques (ministère
de l'intérieur) ;
- la direction de la population et la direction des naturalisations
(ministère des affaires sociales) ;
- la direction des affaires civiles et du sceau (ministère
de la justice).
L'explication donnée aux observations du Médiateur
de la République attribue à la complexité
des procédures d'application les difficultés dont
se plaignent les réclamants. En raison des conséquences
importantes que pourrait engendrer une décision, positive
ou négative, en la matière, l'administration s'estime
obligée de s'entourer de toute information éclairante
sur l'état du demandeur.
Un bilan est tracé des améliorations intervenues
depuis les propositions de réforme présentées
:
- un arrêté en date du 24 avril 1991 (J.O. du 15
mai 1991) rétablit le livret de famille dans la liste des
documents probants, au même titre que l'acte de naissance
(intéressant principalement les Français nés
à l'étranger) ;
- une circulaire en date du 27 mai 1991 invite les préfets
à une certaine souplesse en ce qui concerne les justifications
de la nationalité française.
En sont bénéficiaires :
- les personnes âgées de plus de soixante ans, nées
à l'étranger et titulaires d'un passeport ;
- les personnes nées à l'étranger, pouvant
justifier de la nationalité française par un parent
;
- les mineurs nés à l'étranger, ayant un
parent immatriculé auprès d'un poste consulaire
;
- les personnes ayant acquis la nationalité française.
Pour le ministère de la justice, des améliorations
plus poussées pourraient être obtenues par une réforme
du système propre à l'institution judiciaire, notamment
par le partage des compétences entre le juge et le greffier
et une formation adéquate sur la question afin d'éviter
que la concentration sur le seul juge de la procédure de
déclaration n'aboutisse à une situation desservant
le demandeur.
L'intention est manifeste chez les participants de poursuivre
leurs recherches vers de nouvelles améliorations simplifiant
les modalités de délivrance des documents sur la
possession de la nationalité française.
D. LES PROBLEMES DE L'IMMIGRATION
Les réclamations concernant l'application des règles
du droit à l'immigration représentent 5% des affaires
reçues par le secteur compétent. Elles sont en constante
augmentation : 40% par rapport aux deux dernières années.
L'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, a posé
un certain nombre de conditions à l'entrée des étrangers
en France, que ce soit à titre ordinaire de séjour
ou à titre de demandeur d'asile. En ce domaine, les pouvoirs
publics disposent naturellement d'un large pouvoir d'appréciation.
La loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 (article 16) précise
que les décisions de refus de visa d'entrée en France
n'ont pas à être motivées et que l'administration
dispose, en la matière, d'un pouvoir discrétionnaire.
Aussi, les décisions de refus apparaissent-elles pour les
intéressés, comme trop rigoureuses.
La France accueille 36% de la masse des immigrés dans la
Communauté européenne. C'est plus que les contingents
d'immigrés dans les autres Etats, même si la Grande-Bretagne,
de son côté, en accueille 16%.
La position du Médiateur de la République n'est,
en la matière, ni aisée, ni confortable.
La méconnaissance de la loi apparaît rarement en
cas de contestation portant sur les titres de séjour, les
autorisations de travail ou les mesures d'expulsion. Par ailleurs,
les demandes de traitement en équité des litiges
ne peuvent qu'être très exceptionnelles et lorsque
des faits précis plaident en faveur de la personne concernée
(cf. cas n° 90-2285, p. 155).
Or, la plupart du temps, la situation du réclamant n'est
pas défendable. En particulier lorsqu'elle résulte
de l'application de conventions conclues avec le pays d'origine
du réclamant. Ce fut le cas d'une jeune Algérienne
qui, après avoir résidé en France jusqu'à
l'âge de vingt-trois ans, était retournée
vivre en Algérie et, à son retour, s'était
vu opposer la qualité de primo-immigrante (cf. cas n° 91-0199,
p. 157).
Certaines demandes d'entrée sur le territoire français
révèlent, par leur ambiguïté, des manúuvres
occultant les véritables intentions de leurs auteurs. C'est
le cas d'un étranger qui sollicite, pour un membre de sa
famille, un visa de court séjour d'une durée de
trois mois, mais qui compte en fait faire durer ce séjour
pendant plusieurs années (cf. cas n° 91-0575, p. 158).)
Plus discutable, par contre, la requête d'un étranger
sollicitant un visa de séjour pour un membre de sa famille
qu'il voudrait faire bénéficier du régime
français de protection.
Parfois aussi, le dossier du candidat à l'immigration reflète
des situations où s'entrecroisent des intentions pures
et des faits qui font penser à la manipulation (cf. cas
n° 90-4332, p. 159).
En fait, le Médiateur de la République n'intervient
que dans les cas où la sévérité des
mesures prises apparaît hors de proportion au regard des
nécessités de l'ordre public ou des intérêts
économiques du pays. Dans ses interventions, il n'a pas
à contester les choix politiques adoptés par le
législateur ou le Gouvernement. Lorsqu'il estime opportun
de saisir l'administration, il constate d'ailleurs, en général,
que la légalité a été respectée.
Mais il se heurte souvent, sur le plan de l'équité,
à une position de principe de ses interlocuteurs.
Il doit donc justifier avec soin ses interventions s'il souhaite
être entendu. D'autant qu'il ne peut ignorer que certains
postulants n'ont garde de mentionner dans leurs réclamations
les aspects négatifs de leurs dossiers.
E. LES PROBLEMES D'URBANISME
Dans le domaine de l'urbanisme, l'intervention du Médiateur
de la République est sollicitée pour des litiges
concernant le droit de construire, l'usage de l'expropriation,
les emprises, et même l'exécution de décisions
de justice. La majeure partie des cas mettent en cause des collectivités
territoriales, plus particulièrement des communes.
Par rapport aux litiges, moins nombreux, dans lesquels sont incriminées
des décisions d'autorités départementales,
les relations avec les communes sont parfois conflictuelles (cf.
chapitre "les relations avec les collectivités territoriales",
pp. 291 et suivantes).
Il faut dire, un peu à la décharge des communes,
que l'urbanisme est l'une des matières où peuvent
s'opposer de manière aiguë les droits individuels
et l'intérêt général.
Le Médiateur de la République est sollicité
d'intervenir notamment en cas de retards apportés à
la réponse à une demande de permis de construire
(cf. cas n° 91-0368, p. 160).).
D'ailleurs, il arrive que le retard ou les atermoiements cachent
une volonté déterminée de discrimination,
d'exclusion (cf. cas n° 90-1069, p. 161). Devant de telles pratiques,
le recours aux dispositions de l'article 9 de la loi du 3 janvier
1973 devient alors nécessaire. Ces dispositions ouvrent
au Médiateur de la République la faculté
de faire
"... toutes les recommandations qui lui paraissent de nature
à régler les difficultés dont il est saisi"
et, "à défaut de réponse satisfaisante
dans le délai qu'il a fixé", de "rendre
publiques ses recommandations".
L'importance des problèmes que les questions d'urbanisme
soulèvent incite le Médiateur de la République,
à la lumière de l'expérience acquise, à
suggérer soit des modifications (article 9, 2ème
alinéa de la loi modifiée du 3 janvier 1973), soit
simplement des pistes de réflexion, comme il en a été
récemment à la demande du Conseil d'Etat.
1) Les conditions d'intervention
du Médiateur de la République
Dans ce domaine, la règle de droit impose de fortes contraintes,
au nom de l'intérêt général et surtout
du droit des tiers. Aussi, les solutions "en équité"
prévues à l'article 9, 2ème alinéa,
ne peuvent guère être proposées.
L'intervention du Médiateur de la République repose
généralement sur un rappel de l'objectif poursuivi
par la loi lorsque le maire a confondu pouvoir d'appréciation
et pouvoir arbitraire.
Il suffit alors de rappeler les limites et les impératifs
de la loi :
- un organisme habilité voulant user de son droit de préemption
sur la vente d'un immeuble, à un prix sensiblement inférieur
à celui offert par un acquéreur, se désiste
à la demande du Médiateur de la République
(cf. cas n° 89-3764, p. 163).
Des litiges peuvent survenir à l'occasion d'une décision
relevant du domaine de la compétence lice, circonstance
dans laquelle l'administration n'a aucune marge d'appréciation
dans la prise de décision. La réparation ne peut
être demandée qu'au plan d'une faute commise, imputable
à l'administration car, dans ce cas, l'équité
peut jouer pour compenser des conséquences imputables à
la puissance publique.
- Par exemple dans le cas où, après annulation du
permis de construire, la démolition d'une construction
a été prononcée par un tribunal civil, le
Médiateur de la République ne peut que conseiller
le respect de la chose jugée ; toutefois, lorsqu'il est
établi que le propriétaire a agi de bonne foi, convaincu
de la justesse des avis ou indications qui lui ont été
communiqués, un appel à l'équité peut
être engagé auprès de l'administration de
l'équipement pour obtenir la réparation des conséquences
dommageables (cf. cas n° 89-0961, p. 164).
Dans d'autres circonstances, l'application de la règle
de droit génère des situations individuelles d'une
évidente gravité, pouvant conduire à la ruine
d'un citoyen. C'est le cas, par exemple, d'une personne qui acquiert,
au prix fort, un terrain constructible, puis ne commence pas la
réalisation de son projet de construction avant qu'un nouveau
plan d'occupation des sols classe son terrain en zone non constructible
(cf. cas n° 90-3094, p. 166 et n° 91-0968, p. 168). L'acquéreur
se heurte alors aux dispositions de l'article L. 160-5 du Code
de l'urbanisme qui interdit toute indemnisation des propriétaires
de terrains constructibles dont le bien est reclassé en
zone non constructible.
En fait, devant les conséquences de la dévalorisation
trop lourde du bien acquis et la réévaluation considérable
des terres voisines, le respect du principe de l'égalité
devant les charges induites par l'intérêt général
est difficile à réaliser. L'appel à l'équité
sera cependant vain. Sauf à pouvoir opérer un échange
de terrains. C'est ainsi que le Médiateur de la République
a pu obtenir de la commune l'échange du terrain dévalorisé
contre une parcelle dans une zone non interdite de construction
(cf. cas n° 90-3608, p. 169). Compensation tout à l'honneur
du maire.
Tout en reconnaissant les vertus de la décentralisation
et en respectant la liberté de choix des collectivités
locales en matière d'urbanisme, le Médiateur
de la République reste attentif aux effets discriminatoires
des mesures prises. La discrimination, quand elle apparaît,
peut résulter d'un mauvais usage des pouvoirs de la collectivité
dans une opération de classement de terrains (cf. cas n°
90-1069, p. 161).
Elle peut aussi résulter d'un usage différencié
de la faculté d'appréciation de l'autorité
qui agit. C'est l'exemple de l'interdiction faite, par l'article
L. 3-1-2 du Code de l'urbanisme, au préfet d'autoriser
des constructions nouvelles, en dehors des parties déjà
urbanisées dans les communes dépourvues de plan
d'occupation des sols. Les décisions de refus qui en découlent
sont mal supportées par les demandeurs, surtout lorsque
des permis de construire ont déjà été
accordés sur des terrains voisins et que, dans cette zone,
l'urbanisation est déjà bien avancée. Dans
ces circonstances, l'appréciation du maire sur la politique
de construction est déterminante.
L'urbanisme s'avère ainsi le domaine où l'exercice
d'un droit individuel doit respecter les impératifs de
l'intérêt général. Devant la confrontation
de ces deux intérêts, le Médiateur de la
République subordonne son intervention à l'existence
de faits la méritant, tels que les difficultés particulières
de la situation du réclamant, sa bonne foi, les conséquences
du choix (cf. cas n° 90-4245, p. 170).
2) La part des collectivités
territoriales dans les problèmes
L'étude des réclamations donne parfois l'impression
que les décisions en matière d'urbanisme sont prises
à la légère et que les litiges sont portés
automatiquement devant le juge (cf. cas n° 90-1752, p. 172)
Parfois, l'attitude des collectivités territoriales confine
à la voie de faits (cf. cas n° 91-0161, p. 174, et n° 90-0311,
p. 175).
En matière d'expropriation, le particulier est placé
dans la situation du pot de terre contre le pot de fer ; l'intervention
du Médiateur de la République n'est sollicitée,
la plupart du temps, qu'une fois l'opération terminée
; Même la décision juridictionnelle établissant
une illégalité intervient trop tard.
Trop tard parce qu'un ouvrage public, même mal planté,
ne se détruit pas. Trop tard parce que, en matière
d'ouvrage non public, l'expropriant peut être distinct du
promoteur qui peut faire valoir sa bonne foi et dégager
sa responsabilité. De sorte qu'il ne reste plus à
l'exproprier qu'à racheter l'ouvrage construit ou à
se contenter d'une indemnisation généralement peu
en rapport avec le préjudice (cf. cas n° 90-2214, p- 176)
L'opposition du propriétaire du bien exproprié peut
ne porter que sur le prix proposé. Le propriétaire
peut en effet être consentant à la cession de son
bien mais refuser l'offre de prix qui lui est faite et qu'il estime,
par rapport au marché de l'immobilier, nettement insuffisante.
Il est vrai que la référence au marché de
l'immobilier, devant le poids de l'intérêt général
qui motive l'opération d'expropriation, manquera d'effet.
Sauf à contester sur un fondement juridique sérieux
la procédure d'expropriation, le détenteur du bien
concerné sera contraint de se soumettre à la volonté
de la collectivité publique (cf. cas n° 90-1089, p. 178).
Voisines de l'expropriation, de la même façon les
servitudes ne ménagent pas mieux les droits du propriétaire
du fonds servant. Avec leurs procédures simplifiées
par rapport à celles de l'expropriation, et leurs effets,
en apparence moins envahissants, les servitudes n'en contiennent
pas moins un risque de dépossession (cf. cas n° 90-1095,
p. 179)
Les effets de l'expropriation peuvent ne porter que sur les valeurs
du bien exproprié. Le possesseur consentant à la
cession du bien, mais pas au prix proposé. Le poids de
ces effets n'en lèse pas moins les droits et intérêts
de l'exproprié. Sous la pression exercée, l'attitude
de la collectivité s'apparente à la spoliation (cf.
cas n° 90-1089, p. 178).
L'Etat aussi se trouve parfois impliqué dans des litiges
liés à la constitution de servitudes (cf. cas n°
90-1095, p. 179). Mais dans les litiges, il se montre accessible
(cf. cas n° 90-2960, p. 181).
3) Les propositions du
Médiateur de la République
En fonction des circonstances dans lesquelles les problèmes
se produisent, le Médiateur de la République
estime que si l'expropriation reste une procédure indispensable,
elle ne doit plus être considérée comme un
instrument commode pour surmonter les objections légitimes
du propriétaire du bien concerné. La nécessité
de l'expropriation doit découler de l'équilibre
entre un besoin d'intérêt général vérifié,
compatible avec les principes assurant le respect des droits de
l'homme et du citoyen.
Aussi, le législateur devrait-il reconsidérer, dans
le sens de la limitation, les motifs pour lesquels les personnes
publiques sont en droit d'exproprier. Entourer les modalités
de l'usage de ce droit de moyens de contrôle permettant
de vérifier la réalité du besoin au titre
duquel l'expropriation est mise en úuvre. L'administration
de cette preuve devrait naturellement incomber à la collectivité
publique intéressée.
Le contrôle du juge devrait être beaucoup plus sévère
et plus rapide, ne serait-ce que pour éviter le fait accompli.
Les règles de fixation des indemnités devraient
être corrigées pour permettre une indemnisation équitable
des propriétaires et des occupants.
Parallèlement, une action d'information du public à
tous les stades de la procédure, devrait être rendue
obligatoire à la charge de la collectivité expropriante.
L'information devrait se faire dans des Sormes adaptées
aux destinataires. Il est en effet constaté que la formule
selon laquelle l'ordonnance d'expropriation entraîne le
transfert de propriété n'est pas toujours comprise
par tous. Les droits et devoirs des propriétaires et des
occupants, ainsi que leurs possibilités le contester, n'apparaissent
pas clairement aux yeux des intéressés.
Une meilleure garantie des droits des particuliers suppose une
refonte de la procédure administrative, et au minimum :
- l'unification des procédures d'enquête publique,
- la modification de l'article R. II-3 du Code de l'expropriation
relatif à la composition du dossier soumis à enquête,
- un nouveau statut du commissaire-enquêteur.
Une adaptation du Code de l'urbanisme et des procédures
juridictionnelles paraît nécessaire pour améliorer
le système ; pour que, par exemple, le juge administratif
puisse arrêter les procédures douteuses. 'par ailleurs,
du fait que, dans la plupart des cas, les deux ordres de juridictions
interviennent dans les litiges, une coordination devrait être
assurée entre le juge administratif et le juge judiciaire
pour que les décisions prises soient exécutables.
En cas d'impossibilité d'exécution d'une décision,
les personnes évincées devraient percevoir des indemnités
dont le montant élevé constituerait la meilleure
des dissuasions.
F. LES PROBLEMES DE LA
CLIENTELE DES H.L.M.
Les offices publics d'H.L.M. ont le statut juridique d'établissements
publics de caractère administratif (article L. 41 l-2 du
Code de la construction et de l'habitation), contrairement aux
sociétés et autres organismes de droit privé
pratiquant le logement à prix modéré.
Au regard du champ de compétence du Médiateur de
la République, ces offices possèdent une double
identité. Dans l'exercice de leur mission de service public,
ils sont considérés comme des administrations, alors
que pour certaines de leurs activités de gestion, ils se
situent dans le domaine du droit commun propre aux entreprises
et autres organismes de droit privé.
Les services centraux de la Médiature reçoivent
annuellement en moyenne quelque trente réclamations émanant
de clients des offices publics d'H.L.M. Ces réclamations
portent principalement sur l'évaluation des frais de remise
en état du logement quitté, la réévaluation
de la surface corrigée effectuée à la suite
de la rénovation du logement ou le transfert sur le nouveau
locataire des conséquences d'une fuite d'eau antérieure
à son installation dans le logement.
Les circonstances de l'origine de ces organismes et le concours
financier de l'Etat donnent de leur fonction une finalité
sociale.
Cette vocation sociale avait inspiré la loi du 30 novembre
1894, connue sous le nom de son auteur, Jules Siegfried. Cette
finalité a été maintenue au cours des lois
successives qui, depuis, ont posé les principes du droit
au logement des populations défavorisées et du droit
des locataires à participer à la gestion des H.L.M.
Malgré cette vocation sociale, les offices publics d'H.L.M.
adoptent l'égard de leurs clients une attitude fort éloignée
de la mission qui leur est dévolue. Certains de leurs usagers,
ignorant la nature et 1 étendue de leurs droits, se résignent
à exécuter les volontés de 1 l'organisme.
D'autres s'en remettent à l'aide des élus. Peu nombreux
Par rapport à la masse des mécontents sont ceux
qui sollicitent l'aide Lu Médiateur de la République
(cf. cas n° 91-0064, p. 183).
En dépit du bien-fondé des propositions qui leur
sont faites, les offices s'opposent- très souvent, pour
ne pas dire toujours, aux interventions du Médiateur de
la République en faveur des locataires.
Cependant, l'intervention du Médiateur de la République
est prudente ; il sait que l'équilibre financier des H.L.M.
est difficile à assurer, que le risque du "précédent"
est grand. Mais la réaction des H.L.M. est trop systématique.
Elle abuse des procédures de recouvrement, des interventions
d'huissiers de justice pour recouvrer une créance au montant
à peine supérieur au coût de ces interventions.
Ce fut le cas, récent, d'un litige concernant une créance
de faible montant. Le réclamant, à la solvabilité
établie, saisit le juge qui lui donne raison et annule
les titres de perception délivrés par le trésor
public. L'intéressé en est venu à rechercher
la condamnation pénale des officiers qui avaient été
chargés s de recouvrer cette créance (cf. cas n°
90-4480, p. 184).
Cette attitude fondée sur le rapport de force devient choquante
lorsque la personne poursuivie est trop démunie pour organiser
sa défense.
Cependant, un premier pas vient d'être accompli pour un
meilleur accueil des interventions du Médiateur de la République
grâce à la relation établie avec l'Union
nationale des fédérations d'organismes d'H.L.M..
G. LES DROITS DES MALADES
Le progrès des techniques thérapeutiques et une
plus grande conscience des individus concernant leurs droits entraînent
une remise n cause des garanties du pouvoir médical.
Les personnes hospitalisées et leurs proches n'admettent
plus sans réagir les erreurs du corps médical qui
aggravent notablement l'état de santé des malades,
notamment en portant atteinte à leur intégrité
corporelle. Les conséquences de ces accidents, sont de
plus en plus vécues comme des violations des droits des
patients et de leurs roches.
Bien que le Médiateur de la République n'ait vocation
à venir en aide qu'aux particuliers victimes d'un mauvais
fonctionnement des services administratifs ou assimilés,
donc, en l'espèce, des hôpitaux publics, il a reçu
beaucoup de réclamations concernant le droit à l'intégrité
corporelle, le droit à l'information des patients et l'indemnisation
du risque thérapeutique, c'est-à-dire la prise en
charge des conséquences d'un accident survenu lors de l'accomplissement
d'un acte médical, et plus particulièrement d'une
intervention chirurgicale.
1) Le dommage thérapeutique
devant le juge
Le Médiateur de la République a constaté
que, dans la plupart des cas, l'auteur de la réclamation
avait incontestablement subi une lourde aggravation de son état
de santé, consécutive à l'accomplissement
d'un acte médical dans l'établissement hospitalier
public qui, en première instance, devant le tribunal administratif,
avait été condamné à indemniser le
dommage.
Ce jugement avait été exécuté normalement
et le plaignant avait bien perçu de l'assureur de l'hôpital
l'indemnité fixée par le tribunal. Mais l'hôpital,
poussé par son assureur, avait fait appel et obtenu gain
de cause devant la juridiction compétente, en l'occurrence
la cours administrative d'appel, et pouvait même, en cas
de confirmation du premier jugement par la cour d'appel, saisir
dans un second stade le Conseil d'Etat. Chez l'une et l'autre
de ces deux juridictions, la perception des circonstances du litige
est généralement différente de l'appréciation
du premier juge. Le caractère fautif attribué à
l'acte générateur du dommage est en effet diversement
interprété par ces juridictions. Cette diversité
se traduit soit par une diminution du montant de l'indemnité
(cf. cas n° 91-0742, p. 186), soit par une décision d'annulation
du premier jugement obligeant le malade à rembourser les
indemnités qu'il avait perçues plusieurs années
auparavant, augmentées des intérêts des sommes
allouées (cf. cas n° 89-3713, p. 188 C'est alors qu'il
saisissait le Médiateur de la République pour éviter
le remboursement d'une indemnité qu'il avait généralement
soit dépensée, soit investie dans une construction.
2) La position du Médiateur
de la République
Bien que le jugement constituait un titre exécutoire permettant
à l'assureur de récupérer les sommes versées,
qui étaient bel et bien dues, le Médiateur de la
République a pu, auprès des établissements
publics concernés et de leurs compagnies d'assurances,
user de ses pouvoirs de suggérer des arrangements en équité
pour qu'ils renoncent, pour des raisons essentiellement humanitaires,
au recouvrement des créances (cf. cas n° 87-3698 p. 190).
Dans la quasi-totalité des cas, l'intervention du Médiateur
de la République est couronnée de succès.
Certes, des délais trop longs au regard des exigences que
lui impose sa mission s'écoulent avant que la solution
recherchée ne soit obtenue. Mais l'effort que les centres
hospitalier et leurs assurances consentent au profit des victimes
compense bien cette attente.
Ces solutions individuelles, pour satisfaisantes qu'elles soient,
ne règlent pas le problème de fond qui reposait
sur le principe d'une faute lourde pour la reconnaissance du droit
à indemnisation du malade. Principe posé par la
jurisprudence du Conseil d'Etat.
Cette jurisprudence aboutissait à ce qu'un patient, amputé
d'un membre à la suite d'une intervention chirurgicale
bénigne, soit privé d'indemnisation parce que le
Conseil d'Etat considérait que le service public n'avait
pas "commis une faute de nature à engager sa responsabilité".
La répétition de ces faits et la somme d'efforts
que chaque cas nécessite dans son traitement ont conduit
le Médiateur de la République à user
de son pouvoir de proposer des réformes. Il a suggéré
de changer la jurisprudence du Conseil d'Etat et de venir en aide
aux victimes durant les procédures à fin d'indemnisation.
3) Assurer la réparation
du dommage
L'étude qui a porté sur ce sujet a permis de conclure
que les difficultés des victimes d'un accident thérapeutique
relevaient de deux causes principales :
- d'une part, les règles applicables en matière
de responsabilité e médicale, d'origine purement
jurisprudentielle, sont trop sévères pour les malades
ou leurs ayants droit par l'exigence qui leur est imposée
d'apporter la preuve d'une faute du praticien ou de l'établissement
de soins, preuve si difficile à administrer que les cas
de reconnaissance d'une responsabilité médicale
sont d'une extrême rareté, outre le fait que les
notions de faute sont diverses et mal définies ;
- d'autre part, la lenteur et la lourdeur des procédures
sont longues, coûteuses et surtout aléatoires du
fait de l'incertitude qui entoure la qualification du fait fautif.
a) Les propositions du Médiateur de
la République
Le 30 mars 1988, le Médiateur de la République a
donc présenté au Gouvernement un avant-projet de
loi (cf. pp. 263 à 265). Il s'inspire des principes suivants
:
- tout dommage résultant de l'aggravation de la santé
antérieure du malade, imputable au service hospitalier
ou a un membre d'une profession médicale, est susceptible
d'ouvrir un droit à réparation ;
- la responsabilité est une "responsabilité
sans faute" dont les personnes mises en cause ne peuvent
s'exonérer qu'en prouvant qu'elles ont eu un comportement
normal ; c est un système analogue à celui qui existe
pour la réparation des dommages causés par l'exécution
des travaux publics ou par l' existence des ouvrages publics ;
- un fonds d'indemnisation serait créé pour permettre
à la victime de subsister durant la procédure, l'assister
devant les juridictions compétentes et, le cas échéant,
la représenter.
Ce projet n'a soulevé l'enthousiasme ni des professions
médicales, ni de leurs assureurs, ni des administrations
concernées. Mais personne ne représente vraiment
les "usagers" des hôpitaux.
Le corps médical objecte que dans les traitements médicaux
profonds, il y a un risque et que ce risque thérapeutique
constitue un risque social qui doit donc être pris en charge
par la collectivité. Il s'élève par ailleurs
contre ces propositions qui, selon lui, impliquent pour le médecin
une obligation de résultat, dont il ne peut se dégager
qu'en prouvant qu'il n'a pas commis de faute.
b) Les autres propositions
Le Médiateur de la République a cependant eu la
satisfaction d'enregistrer, en 1990, plusieurs signes encourageants
qui le confortent dans sa volonté de faire aboutir les
réformes qu'il a proposées
Le premier signe est venu des médias qui se son vivement
intéressés aux personnes victimes d'accidents thérapeutiques
et à leurs difficultés, créant dans l'opinion
publique une sensibilisation à ces questions.
Le second signe est venu de l'intérêt marqué
sur ce sujet par plusieurs parlementaires qui ont posé
et continuent de poser régulièrement des questions
écrites au Gouvernement pour connaître ses intentions,
et notamment la suite qu'il envisageait de donner à la
proposition de réforme du Médiateur de la République.
De leur côté, plusieurs sénateurs ont déposé,
le 24 avril 1990, une proposition de loi bien plus audacieuse,
suggérant un système d'indemnisation fondé
sur la notion de risque et non de faute professionnelle.
Enfin, le projet de directive présentée le 20 décembre
1990 par la Commission des Communautés européennes
au Conseil des ministres, relative à la responsabilité
du prestataire du service lorsqu'un "consommateur" a
subi un préjudice du fait du prestataire. Ce dernier en
est présumé responsable. Il doit le réparer,
sauf s'il démontre qu'il n a pas commis de faute. Or, du
point de vue de la législation française comme de
la réglementation européenne, le médecin
a le statut d'un prestataire de service. C'est sur la base
de 1'article 1147 du Code civil que la jurisprudence judiciaire
a fixé les conditions de la responsabilité des médecins.
C'est pourquoi le juge judiciaire, compétent en matière
de recours mettant en cause la responsabilité d'un praticien
du secteur privé, prend pour base l'article 1147 du Code
civil, alors que la responsabilité des médecins
dans les hôpitaux publics repose entièrement sur
la jurisprudence du Conseil d Etat.
Il faut signaler que par rapport à la proposition du Médiateur
de la République qui, pour dégager la responsabilité
du praticien, se suffit de la démonstration d'un comportement
professionnel normal, le projet de la Commission des Communautés
européennes qui exige d'apporter la preuve de l'absence
de faute, est plus contraignant pour les services hospitaliers
et les membres des professions médicales.
4) La position des pouvoirs
publics
Ces marques multiples et convergentes de l'intérêt
pour une révision des droits et de la jurisprudence en
matière thérapeutique ont provoqué une réflexion
approfondie au niveau gouvernemental. La nécessité
d'une réforme a été admise.
Un groupe de travail interministériel réunissant
les ministères de la santé, de la justice et celui
des finances, créé il y a près de trois ans
pour réfléchir sur les propositions de réforme
présentées par le Médiateur de la République
vient de faire connaître sa position sur le principe de
l'indemnisation du risque thérapeutique. Le 23 octobre
1991, le Président de la République annonçait
qu'un projet de loi portant réforme du régime
d'indemnisation des accidents thérapeutiques sera soumis
au Parlement à la prochaine session.
Ainsi, le fait est acquis d'une solution prochaine au problème
douloureux des victimes d'accidents thérapeutiques.
Ce point acquis, il reste à voir de quels ingrédients
sera pourvu le dispositif réformant les modalités
actuelles de prise en compte des droits des victimes d'accidents
thérapeutiques.
Le projet, dans son état actuel, est plus proche d'une
déclaration d'intentions que d'un catalogue de mesures
arrêtées. Certes, l'intention d'organiser une politique
d'information sur les droits du patient et la mise en place dans
chaque département d'un médiateur est, dans son
principe, un point de départ constructif. Mais s'agissant
d'une personnalité choisie sur une liste de praticiens
établie par le Conseil de l'ordre des médecins,
cette initiative pourrait ne pas assurer les conditions propices
à une vision assez neutre des droits du malade.
Le rôle du médiateur consiste à déterminer
les circonstances de fait qui ont conduit à l'accident,
en recourant éventuellement à une expertise amiable,
pour proposer une indemnisation.
A ce stade, si la médiation amiable n'aboutit pas, il est
offert à la victime deux voies d'action :
- si le désaccord porte sur le principe ou le montant de
l'indemnisation, l'affaire peut être portée devant
une juridiction ;
- si le désaccord porte sur l'étendue du préjudice,
la victime peut saisir une juridiction, soit après consultation
d'un comité d'experts, constitué à l'échelon
national, soit directement.
Cette proposition, en maintenant la nécessité du
recours à une juridiction sans réformer le régime
contentieux à l'origine de ce débat, ne diffère
aucunement du mécanisme actuel.
Enfin, au plan du financement, le projet suggère la possibilité
d'un système d'indemnisation qui repose sur une contribution
privée réalisée par l'augmentation des primes
des contrats d'assurances multirisques-habitation et qui subordonne
la réparation à l'existence d'un dommage anormalement
grave, condition qui risque de n'être souvent remplie que
par le décès du patient.
En ouvrant la possibilité d'une indemnisation, certes en
l'absence de faute, il fait en quelque sorte porter à la
victime la charge de son indemnisation. Il exclut par conséquent
la contribution du corps médical exerçant dans le
secteur public qui s'en trouve, de ce fait, totalement déresponsabilisé.
Aux yeux du Médiateur de la République, ce projet
est loin de répondre aux besoins des victimes d'accidents
thérapeutiques. Si actuellement la victime, engageant une
procédure juridictionnelle procède directement,
dans les propositions avancées, elle se trouve astreinte
à une procédure de saisine compliquée, comme
le passage par un médiateur, puis en seconde phase devant
un comité d'experts avant de pouvoir saisir le juge. C'est-à-dire
qu'aux délais déjà estimés fort longs
avant d'obtenir une décision , s'ajoutent d'autres délais
aggravants.
Or, son état l'expose à des dépenses devant
lesquelles, dans la plupart des cas, elle est financièrement
démunie.
Dans le projet de proposition de loi relatif à la responsabilité
médicale et à l'assistance aux victimes d'un accident
thérapeutique (cf. pp.263 à 265), le Médiateur
de la République a mis en évidence ce que, à
partir des litiges dont il a été saisi, attend la
victime d'un accident thérapeutique.
5) Le malade et le prix
de son entretien
Sur un chapitre moins dramatique existent des cas de malades accueillis
dans un hôpital public soit à la suite d'un accident,
soit pour es troubles nécessitant de soins spécialisés,
et dont l'établissement ne parvient pas à récupérer
les frais de séjour. C'est le cas lorsque la couverture
sociale du malade est inexistante ou simplement ignorée
des services hospitaliers.
D'autres circonstances peuvent aussi être à l'origine
du non-paiement
- la prescription biennale (article L. 332-1 du Code de la sécurité
sociale) est opposée à la demande de prise en charge
;
- la demande d'aide médicale est rejetée ;
- l'hospitalisé n'adhère pas à une mutuelle
permettant la prise en charge du forfait hospitalier ;
- l'application de la carte sanitaire laisse à la charge
de l'assuré la différence entre les frais exposés
et le montant du remboursement basé sur les tarifs de l'établissement
le plus proche du domicile.
Dans ces dernières hypothèses, l'établissement
public hospitalier ou l'hospice utilise, pour recouvrer sa créance,
la procédure prévue à l'article L. 708 du
Code de la santé publique qui autorise ces établissements
à exercer une action directe pour recouvrer leurs
créances. Cette notion permet de procéder au recouvrement
sans passer par une juridiction
L'établissement émet un titre exécutoire
au nom de la personne qu'il avait accueillie. Dans le cas où
sa démarche n'aboutit pas (domicile du débiteur
inconnu ou insolvabilité de celui-ci), il peut se tourner
vers les parents du patient, à savoir : les ascendants,
les descendants et le conjoint, désignés par les
articles 205 à 207 et 212 du Code civil comme les obligés
alimentaires du débiteur ou ses héritiers
en cas de décès.
Souvent, ces parents sont pris au dépourvu, soit qu'ils
aient ignoré l'hospitalisation, soit que leurs attaches
avec le patient aient été rompues (cf. cas n° 91-0958
8, p. 193). Ces faits, cependant, ne les dispensent pas de leurs
obligations même si, le patient étant décédé,
ils ont renoncé à la succession qui leur était
ouverte.
Certes, la voie leur est ouverte, en cas de contestation du principe
de l'obligation, de son quantum ou de sa répartition, d'en
appeler au juge. La référence à la notion
d'obligation alimentaire, contenue dans le Code civil,
conduit en effet à apprécier la faculté de
contribution du parent en fonction de ses ressources et non du
montant de la dette du patient. Or, s'agissant de moyens empruntés
au Code civil, seul le juge judiciaire est compétent.
Il faut cependant noter la complexité du système.
La première chambre civile de la Cour de cassation n'a
d'ailleurs pas manqué de relever, dans le rapport de la
Cour pour l'année 1989, cette complexité et les
résultats quelquefois incohérents auxquels elle
conduisait. Ces problèmes juridiques mériteraient
d'être rapidement clarifiés, compte tenu de l'augmentation
récente de ce type de contentieux.
Les hôpitaux sont en effet confrontés à un
nombre très élevé de factures impayées,
liées souvent à la situation précaire du
patient, et dont le total se chiffre par plusieurs centaines de
millions de francs. Ces situations sont souvent créées
par l'absence de contrôle sur les ressources de couverture
dont peut disposer le malade accueilli. Le recours à l'usage
de la règle de l'obligation alimentaire servant
alors de garantie ou d'assurance.
Cette défaillance peut aussi être à l'origine
d'une procédure de recouvrement mal justifiée (cf.
cas n° 90-3713, p. 195, et 89-1538, p. 197).
Devant ces cas particuliers, le Médiateur de la République
ne peut que se référer à l'équité
pour suggérer aux établissements de consentir des
remises gracieuses.
A défaut de réponse positive, suggérer l'échelonnement
des remboursements dans le temps ou, en cas d'insolvabilité
momentanée du débiteur, le recours à la procédure
comptable d'admission de la créance en non-valeur qui offre
la possibilité de différer le recouvrement à
un moment plus favorable (cf. cas n° 91-0595, p. 199).
Lorsque la difficulté provient de la non-prise en charge
par un régime de couverture sociale, fondée sur
un motif de forclusion, suite à des raisons de formalisme,
il oriente sa démarche vers la levée de cette forclusion
(cf. cas n° 90-3713, p. 195).).
Mais les succès éventuels qu'il peut obtenir au
cas par cas laissent le problème entier et ne protégera
pas d'autres parents contre ce genre de risque. C'est pourquoi
certaines réformes apparaissent souhaitables.
Il a envisagé plusieurs propositions de réforme
relatives au recouvrement des créances hospitalières
:
- dans le cas de l'aide médicale (palliant l'absence de
couverture sociale), lorsque le débiteur est sans domicile
connu et que, l'enquête n'ayant pas abouti, aucune décision
sur le fond n'a donc été prononcée (cf. cas
n° 91-0958, p. 193), il suggère d'approfondir les enquêtes
préalables afin d'éviter que ne continuent d'être
prises à la légère les décisions de
rejet des demandes d'exonération ;
- il a souhaité le rattachement au juge civil des procédures
jusqu'ici du ressort des commissions d'aide sociale ;
- il a demandé la réduction de la durée de
la prescription (trentenaire) concernant le principe de l'obligation
alimentaire et la modification de son contenu, notamment par l'instauration
de barèmes de références ou de planchers
de recouvrement, comme il en existe en ce qui concerne les saisies-arrêts
sur salaires.
L'adoption de ces propositions présenterait un triple avantage
:
- rendre plus juste la répartition de la charge de la dette
entre les obligés alimentaires, souvent désemparés
par l'importance de dettes mises à leur charge et dont
ils ignoraient l'existence.
- réduire le nombre des procédures juridictionnelles
;
- donner à l'hôpital plus de chance de recouvrer
sa créance, même fractionnée, dans les meilleurs
délais.
C'est donc un nouveau champ d'action qui s'ouvre au Médiateur
de la République avec l'augmentation des problèmes
de recouvrement des frais d'hospitalisation et les situations
inéquitables qui peuvent en résulter.
Il tente de résoudre au mieux les cas particuliers qui
lui sont soumis, et ce grâce à la compréhension
et à la bonne volonté des gestionnaires hospitaliers.
Mais au-delà, il peut aussi proposer, par voie de réforme,
des solutions globales permettant de limiter en amont les problèmes
de recouvrement de frais hospitaliers en recherchant un compromis
raisonnable entre les intérêts légitimes
des collectivités hospitalières et ceux des particuliers.
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