- une approche personnalisée des problèmes et des difficultés rencontrées par les assurés;
- un règlement préventif et amiable des litiges;
- une meilleure pédagogie, de la part des organismes chargés d'appliquer une réglementation complexe et évolutive, et une plus grande attention à l'égard des difficultés de tous ordres (compréhension, information, accès au droit) rencontrées par les assurés.
C'est pourquoi j'ai pu développer avec certaines caisses une politique active de médiation, par le biais de correspondants qui sont les interlocuteurs privilégiés du Médiateur au sein de l'organisme. Ces correspondants existent déjà dans les caisses nationales (cf. Rapport 1991).
Cette politique s'est poursuivie avec quelques caisses importantes au regard du nombre de dossiers traités, notamment la caisse d'assurance maladie de Paris. La direction de cette caisse, qui coordonne un grand nombre de centres de paiement, a exprimé elle-même le souhait de centraliser les courriers du Médiateur de la République et de ses délégués concernant les litiges opposant les assurés à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Un correspondant a été nommé au secrétariat technique de la direction adjointe.
Je ne peux que me féliciter de cette initiative qui témoigne du souci d'attention aux réclamations des usagers et à l'intervention du Médiateur.
D'autres initiatives ont été prises dans ce sens, avec notamment la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne où le Médiateur a également un correspondant. Cette personnalisation des relations a notamment permis de traiter très rapidement un problème de prise en charge de frais de transport en ambulance à la suite d'une hospitalisation due à un accident du travail. A la sortie de l'hôpital, le blessé ne pouvait voir sa prise en charge acceptée faute d'accord de la caisse Cet accord n'avait pas été donné car le dossier était incomplet. A la suite d'une coordination rapide entre les services de la caisse, de l'hôpital et du Médiateur (délégué départemental et secteur d'instruction), une prise en charge a pu être envisagée par le biais des prestations supplémentaires et l'intéressé transporté rapidement sur son lieu de convalescence.
Je souhaite vivement que cette politique active et personnalisée de relations, qui rend plus efficace la médiation, soit prolongée et étendue, notamment avec les caisses importantes des grandes régions ou de départements concernés par un nombre important de dossiers (régions Rhône-Alpes et Provence-Côte-d'Azur, département des Bouches du Rhône, par exemple).
Enfin, je suis heureux de constater que la médiation fait école dans le domaine social. C'est ainsi que la Caisse nationale d'allocations familiales a elle-même ouvert en son sein un bureau de la médiation charge, en liaison avec les caisses locales, d'éclaircir les litiges et les réclamations des allocataires, par contact direct avec l'échelon local gestionnaire.
Ce bureau entretient par ailleurs des relations suivies avec la Médiature, comme la direction générale de la Caisse nationale. Des échanges périodiques ont été instaurés avec cette caisse pour améliorer le traitement des réclamations et des propositions et idées de réforme concer nant la gestion des allocations familiales. Des contacts ont même été pris entre services de documentation.
Ce traitement interactif des difficultés rencontrées par les usagers, grâce au développement constant des méthodes et techniques de médiation, ne peut que profiter à la transparence de l'action des caisses et à une meilleure prise en compte des situations.
2. Un exemple: l'évolution de l'attitude de l'URSSAF
Les 150 URSSAF ont des fonctions diverses (immatriculation, affiliation, assurance volontaire, recouvrement) dont la principale est celle du recouvrement des cotisations de Sécurité sociale.
En effet, la plus grande partie des ressources mises à la disposition des organismes de sécurité sociale (900 milliards de francs par an pour le régime général, soit l'équivalent de 75 % du montant du budget de l'Etat) provient de l'encaissement des cotisations sociales. La fonction de recouvrement de ces cotisations apparaît ainsi d'une nécessité indiscutable pour que l'institution " Sécurité sociale " puisse fournir aux assurés les prestations qui leur sont dues.
a. Les cotisations
Les cotisants avec lesquels les URSSAF sont en relation sont nombreux et divers: en décembre 1991, on dénombrait ainsi 4 500 000 comptes répartis en employeurs secteur privé, secteur public, employeurs de gens de maison, d'assistantes maternelles, employeurs et travailleurs indépendants (ETI), praticiens conventionnés, assurés personnels ou volontaires et autres...
Les opérations de paiement sont, elles aussi, très importantes puisque l'URSSAF de Paris, par exemple, traite en une journée près de 115 OOO chèques.
C'est pourquoi une politique de simplification a été mise en oeuvre. Le recours à des voies de paiement plus pratiques (prélèvement automatique, titre interbancaire de paiement, télédéclaration et télépaiement) a été rapidement proposé.
J'ai noté que des efforts ont été faits pour faciliter la communication avec les cotisants: accueil direct, relation téléphonique, télex, télécopieur, minitel.
D'autres étapes ont suivi dans cette voie d'un meilleur service rendu aux usagers.
A la suite notamment de recommandations du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics et de propositions formulées par mon prédécesseur, suscitées par la complexité des calculs des cotisations, les URSSAF se sont engagées dans un processus de simplification des formalités administratives. Voir par exemple les adaptations apportées aux modalités de recouvrement de la contribution sociale généralisée (CSG), au paiement des cotisations des employeurs de gens de maison.
Ces simplifications étaient devenues indispensables au regard du nombre de réclamations, en particulier de celles qui sont présentées par lest petits employeurs.
En matière de cotisations, les URSSAF jouent par ailleurs un rôle important dans les dispositifs divers de lutte contre le chômage élaborés ces dernières années, à l'aide notamment d'allègement et d'exonération de cotisations (contrats de retour à l'emploi, contrats emploi-solidarité, contrats de qualification, embauche d'un premier salarié, emploi d'un aide à domicile, etc.).
Cette réglementation nouvelle, très diverse, destinée à favoriser l'emploi grâce à des mesures généreuses d'exonération est, pour ces raisons, strictement appliquée et ne souffre pas de dérogations. Du fait de la complexité des procédures, elle est cependant source d'incompréhension de la part d'employeurs qui, mal informés, ont du mal à faire des démarches nécessaires en temps voulu.
Je suis saisi de plusieurs réclamations concernant ces nouveaux dispositifs d'exonération-aide à l'emploi, et force est de constater que, pour l'usager, une plus grande souplesse devrait parfois guider l'appréciation, par les URSSAF, des difficultés des employeurs. En effet, une attitude trop rigoriste et peu soucieuse de l'aspect pratique des mises en oeuvre (formalités à accomplir, délais à respecter), pèse parfois lourdement sur la viabilité des petites entreprises et une attention plus grande aux cas d'espèce et à l'équité permettrait de résoudre au mieux les difficultés rencontrées par les usagers.
Ainsi, un retard des services postaux avait empêché un employeur de faire parvenir sa déclaration d'embauche en temps voulu; la commission de recours amiable de l'URSSAF a bien voulu tenir compte des éléments d'appréciation apportés par le Médiateur et a accordé le bénéfice de l'exonération sollicitée.
De même, une personne, licenciée d'un salon de coiffure en 1990, a souhaité créer sa propre entreprise et, ne possédant pas les qualifications requises, a embauché un gérant technique. La demande d'exonération, à quelques jours près, est parvenue trop tard par rapport au bref délai requis (15 jours). Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, saisi de l'affaire, a rendu une décision favorable à l'intéressé, décision dont l'URSSAF a fait appel. J'ai obtenu cependant que l'URSSAF respecte cette décision équitable et renonce à faire appel. L'intéressé a remercié le Médiateur de l'aide apportée qui lui a permis de sauver son salon de coiffure.
b. L'immatriculation, I'affiliation, I'assurance volontaire
Dans les domaines de l'immatriculation et de l'affiliation à la Sécurité sociale, les réclamations qui me sont transmises sont nombreuses et difficiles: appréciation de la notion de salariat; problèmes soulevés par le statut de gérance, activités accessoires (cours, vacations, honoraires etc.) ou activités bénévoles.
On s'aperçoit alors que, dans certains cas, les services fiscaux et les services de l'URSSAF n'ont pas la même appréciation, en fonction de
leurs règles propres relatives à la prise en considération de l'activité et des ressources qu'elle procure. Mon prédécesseur a déjà signalé aux pouvoirs publics les effets dommageables pour l'assuré de ces divergences d'appréciation et l'incompréhension, voire le contentieux, qui en découlent; mais jusqu'ici peu d'améliorations ont été possibles en ce domaine.
Par souci de cohérence des politiques publiques et de simplification pour l'usager, je dois encore le déplorer.
Une autre source de contentieux est représentée par les problèmes liés à l'assurance volontaire. Les CPAM procèdent à l'immatriculation à l'assurance volontaire et les URSSAF recouvrent les cotisations. Les conditions de radiation de l'assurance volontaire, qui sont très strictes, sont sources de complications pour les assurés, dans la mesure où leur situation individuelle n'est pas toujours bien prise en compte (étudiants, travailleurs frontaliers, travailleurs à l'étranger). J'ai pu noter cependant une attitude bienveillante des URSSAF dans des cas difficiles, en liaison avec les caisses primaires d'assurance maladie.
c. Le recouvrement des cotisations
Je relève que dans les modalités de recouvrement des cotisations, des difficultés perdurent avec les employeurs. La réglementation les désigne comme responsables du versement des cotisations. Le défaut ou retard de paiement expose l'employeur à des sanctions, notamment par des majorations et pénalités de retard. Ces sanctions peuvent atteindre des sommes importantes, en ce qui concerne les majorations, par exemple:
10 % des cotisations durant les 3 mois qui suivent leur date d'exigibilité;
+ 3,5 % par trimestre ou fraction de trimestre écoulés au-delà de ce délai.
Des pénalités sanctionnent les cas de retard ou de défaut de production du bordereau récapitulatif des cotisations (B.R.C.) ou de la déclaration nominative annuelle (dans la limite de 5 000 F de pénalité par bordereau ou déclaration).
Les cotisations sont d'ordre public. Aucune remise ne peut, par conséquent, être consentie sur la dette au principal. Le régime est donc strict. Toutefois, l'employeur peut formuler une demande gracieuse en réduction des majorations de retard, en cas de bonne foi dûment prouvée. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations qui ont donné lieu à application desdites majorations.
Dans certains cas exceptionnels, la commission de recours amiable ou le directeur de l'organisme peuvent décider de la remise intégrale des majorations avec approbations conjointes du trésorier-payeur général et du préfet de région, conformément au décret n• 90-1009 du 14 novembre 1990 qui ouvre cette faculté.
Il est à noter que fréquemment, en raison de l'accumulation de majorations de retard, le cotisant se retrouve dans l'obligation de payer des sommes importantes à l'URSSAF dont il dépend, ce qui altère la santé financière de son entreprise, ou même menace l'existence de celle-ci.
Je suis donc très fréquemment saisi de difficultés d'employeurs et d'entreprises de petite dimension qui ont du mal à s'acquitter du montant des sommes dues à 1'URSSAF, très vite alourdies par les pénalités et majorations de retard. Souvent, il s'agit d'employeurs ou de travailleurs indépendants qui ont en outre des dettes envers différentes caisses de sécurité sociale (caisses maladie ou caisses vieillesse), et des dettes fiscales. Les intéressés font donc aisément la comparaison, dans le traitement des difficultés qu'ils rencontrent, entre les services de 1'URSSAF et les services fiscaux qui, dans une optique similaire de recouvrement, ont une attitude plus conciliante.
Ces derniers ont une tradition culturelle inspirée de préoccupations finalement très proches de celles du Médiateur de la République, comme mon prédécesseur l'a souligné dans son rapport pour l'année 1991: le souci de parvenir à un arrangement amiable. Je regrette que de tels arrangements ne soient pas mis en place en matière sociale, et notamment dans les litiges entre les URSSAF et leurs administrés.
Certes, on peut trouver quelques exceptions et des attitudes plus conciliantes: ainsi l'URSSAF du Bas-Rhin a-t-elle accepté de venir en aide à un chef d'entreprise mis en difficulté à la suite d'indélicatesses de ses anciens associés (condamnés depuis pour faux et usage de faux). Grâce à mon intervention et à la bienveillance de l'URSSAF, l'intéressé a pu obtenir une minoration de sa dette de cotisations, ce qui est exceptionnel, et la mise en place d'un échéancier de paiement pour le règlement du solde. En outre, une remise des majorations de retard était favorablement envisagée par l'URSSAF après paiement du principal. Nul doute qu'une telle attitude puisse aider ce chef d'entreprise à éponger ses dettes, refaire surface, et sauver la petite entreprise dont il est encore responsable et ses quelques salariés.
Mais de tels exemples sont trop rares et les URSSAF ont une attitude encore trop rigide. Je persiste à penser, comme mon prédécesseur, qu'un système de " juridiction gracieuse " en matière de sécurité sociale et de recouvrement des cotisations, appliqué en l'espèce à des démarches amiables, serait dans certains cas plus adapté aux difficultés des usagers que les procédures systématiques de recouvrement contentieux qui sont, pour l'instant, les seules utilisées (poursuites, pénalités et majorations, mises en demeure).
Des recommandations des autorités de tutelle ont déjà été adressées aux URSSAF dans ce sens. Il leur a été notamment demandé de motiver de façon plus explicite les mises en demeure; d'utiliser, en cas de première infraction ou de créances de faible montant, la procédure de recouvrement par lettre amiable; de répondre dans des délais plus courts aux demandes de sursis à poursuite; d'être plus souples dans l'appréciation du respect des échéances de cotisations en cas de circonstances exceptionnelles de retard (problème d'acheminement du courrier par exemple), en prenant des mesures de tolérance pour ne pas pénaliser les entreprises.
Là se place le souci d'équité que recommande le Médiateur de la République, dans l'appréciation des situations exceptionnelles, dans la balance qui peut être faite entre les coûts et les avantages de mesures coercitives dont l'impact, mal mesuré, peut conduire à mettre en péril des petites entreprises fragilisées déjà par la conjoncture économique.
d. Des efforts à souligner
Pour le moment, l'appréciation individuelle des situations des intéressés sur le plan de l'équité n'est opérée que sous l'effet de mes interventions lorsque je suis saisi d'une réclamation.
Ainsi, le cas d'un entrepreneur mis en liquidation judiciaire et qui, n'étant plus en mesure d'honorer ses dettes à l'égard de l'URSSAF, m'a saisi de ses difficultés. Je suis intervenu afin qu'une remise des majorations puisse être envisagée, compte tenu de la situation critique de l'intéressé. Le directeur de l'URSSAF a confirmé qu'en application des textes en vigueur, une remise pourrait intervenir après règlement du solde des cotisations dues. C'est le même cas de figure pour une personne redevable de cotisations pour l'emploi d'une assistante maternelle. A la suite de mon intervention, l'URSSAF s'est montrée favorable à une remise des majorations, sous condition du règlement du principal des cotisations.
Ainsi, l'association du Comité des fêtes d'une ville de province, qui avait fait l'objet de redressements relatifs à des sommes d'argent données à des artistes et musiciens non professionnels ou occasionnels, m'a saisi de ses difficultés. Je suis intervenu en faveur de cette association qui avait intégralement réglé les cotisations dues et, à la suite de deux interventions de ma part, l'URSSAF, dans un souci d'équité bien compris, a accepté ,la remise de l'intégralité des majorations de retard (dont certaines avaient d'ailleurs été réglées, preuve de la bonne volonté de l'association).
J'ai pu également obtenir une réponse positive de l'URSSAF du Sud-Finistère dans une affaire difficile qui concernait un minotier ayant omis de verser les cotisations dues au titre des accidents du travail. Ce fait a été découvert à la suite d'un grave accident dont a été victime l'un des employés de l'entreprise. Ce drame a provoqué le suicide du minotier. Sa veuve a donc hérité de la lourde dette de l'arriéré de cotisations. L'URSSAF, chargée du recouvrement d'une des dettes, a confié à l'un de ses attachés de direction la tâche d'aider l'intéressée dans ses démarches et de déterminer avec elle un plan d'apurement de la dette.
Dans une autre affaire, tout aussi dramatique, il s'agissait de venir en aide à la veuve d'un médecin décédé prématurément à la suite d'une grave maladie, elle-même très malade et en difficultés financières puisque non imposable ,sur le revenu. La dette de cotisations s'élevait à 176.574 F, augmentée de 17.658 F de majorations de retard. L'URSSAF en cause a indiqué ne pas pouvoir annuler la créance ni donner mainlevée des garanties hypothécaires s'y rapportant. Le dialogue a été repris avec la requérante pour étudier un calendrier d'échelonnement de la dette. Je ne désespère pas, cependant, compte tenu de l'aspect humainement douloureux de ce cas particulier, d'obtenir davantage.
Bien que des efforts soient faits par ces organismes pour intégrer, dans leur appréciation des cas dignes d'intérêt, le principe d'équité, beaucoup de chemin reste à parcourir. Je pense que les URSSAF, malgré une attitude plus dure que celle d'autres organismes sociaux, ou même de l'administration fiscale, ont désormais davantage le souci de la compréhension de l'usager et j'espère de leur part un appui efficace dans la prise en compte de l'équité.
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