L'ÉVOLUTION DE LA
MISSION DU DÉLÉGUÉ DÉPARTEMENTAL
La fonction de délégué départemental
du Médiateur a été créée par
le décret no 86-237 du 18 février 1986. Les délégués
départementaux succèdent aux correspondants départementaux
qui avaient été mis en place dans les années
1978/1980, et dont la mission était d'informer, d'assister
les citoyens, et de fournir au Médiateur des éléments
utiles au traitement des affaires qui lui étaient soumises.
Ce texte du 18 février 1986 a officialisé l'Institution
vis-à-vis des administrations locales.
Les délégués départementaux tiennent
leurs pouvoirs de la délégation que leur accorde
le Médiateur de la République dont ils sont statutairement
les collaborateurs directs et personnels.
La mission du délégué, limitée à
l'origine à l'information, au conseil et " à
l'examen des réclamations qui lui sont confiées
par le Médiateur " (article 3 du décret du
18 février 1986) s'est rapidement développée
et élargie.
Sans disposer d'une délégation formelle de pouvoirs,
il peut néanmoins régler les affaires simples qui
lui sont soumises, sans en référer au Médiateur
de la République, dès lors que sa connaissance des
services administratifs locaux le met en mesure d'obtenir l'information
requise ou la modification d'une décision litigieuse.
Jusqu'à la fin des années 1980, la médiature
était une institution peu connue, et les services que le
Médiateur et ses délégués étaient
susceptibles de rendre aux citoyens en litige avec les administrations
et les organismes chargés d'une mission de service public
restaient ignorés du grand public.
L'une des tâches premières des délégués
départementaux a donc été, par une action
insistante et
incessante auprès des médias locaux, de faireconnaître
leur existence, leur rôle et les modalités de leur
action. Le succès a été rapide et le nombre
de requérants qui s'adressent à eux n'a cessé
de croître.
Parallèlement à ce développement, le contenu
même de leur mission s'est élargi. À l'activité
classique de règlement des différends opposant les
administrés à l'Administration - qui s'exerçait
dans le cadre strict fixé par les textes fondateurs de
l'Institution - s'est ajoutée une mission plus large d'information,
d'écoute et de conseil, en tous domaines.
Cette tendance peut s'expliquer par l'évolution de la société,
la conjoncture, mais elle tient aussi à la personnalité
des délégués, à leur formation, à
leur souci d'aider, au maximum, les personnes en difficulté.
De fait, de plus en plus nombreux sont ceux qui ont pris l'habitude
de s'adresser au délégué départemental
du Médiateur, même si le problème auquel ils
ont à faire face n'entre pas dans le cadre de sa compétence,
telle qu'elle est définie par les textes. On le consulte
à tout propos - la consultation est gratuite - et très
souvent pour des affaires d'ordre privé : difficultés
familiales, divorces, successions, surendettement, recherche d'un
emploi, litiges entre voisins, problèmes d'environnement,
etc.
Soucieux de ne pas éconduire d'office ces interlocuteurs,
les délégués se font un devoir de les écouter
patiemment, de les conseiller, de les guider vers les personnes
ou les organismes susceptibles de leur venir en aide.
Ainsi est née peu à peu une activité de "
conseil " ou de " guide " qu'ils exercent dans
des domaines de plus en plus variés.
La fonction s'est donc élargie pour devenir, selon l'expression
de l'un de ces délégués, " de plus en
plus pluridimensionnelle, le champ des domaines abordés
étant de plus en plus vaste ".
Parmi les 33 425 requêtes dont les délégués
ont été saisis en 1993, 14 705 représentaient
des demandes de renseignements ou de conseils. En 1994, ce sont
17 081 demandes de ce type qui ont été comptabilisées
sur un total de 38 876 requêtes. Enfin, en 1995 les délégués
départementaux ont reçu pratiquement autant de requêtes
de leur compétence (19 812) que de demandes de renseignements
(19 412).
Le contexte économique et social actuel favorise bien sûr
une telle évolution de la fonction et explique, dans une
certaine mesure, le besoin d'être informé de tous
ceux, de plus en plus nombreux, que l'exclusion menace. Le Médiateur
et ses délégués sont souvent perçus
comme l'ultime recours pour des réclamants submergés
par des problèmes et des difficultés de toutes sortes.
Depuis plusieurs années, le travail des délégués
a ainsi augmenté de manière impressionnante, ce
qui fortifie la raison d'être de l'Institution. Dans chaque
département où ils exercent leurs fonctions, les
délégués ont acquis une notoriété
certaine à la suite des réussites obtenues en matière
de médiation. Le succès de leurs entreprises, ajouté
aux besoins d'aide et d'information des citoyens, rend leur tâche
de plus en plus lourde et leur confère une dimension qui
déborde largement son cadre réglementaire.
Certes, leur mission première reste celle fixée
par les textes qui la règlementent. Mais peu à peu,
on peut dire qu'ils tendent à devenir des " assistantes
sociales " au sens large du terme car leur rôle de
" confident ", de conseiller ou de guide ne cesse de
prendre de l'importance.
Comme l'écrivait si bien un ancien officier général
de gendarmerie qui avait pris ses fonctions de délégué
départemental peu de mois auparavant, dans un département
de la région parisienne :
" Peu de gens, me semble-t-il, connaissent le rôle
exact des délégués du Médiateur qui
sont assimilés par une partie importante de la population
à une sorte de " gourou gratuit " dont l'oreille
est complaisante ".
Il ajoutait : " En d'autres termes, j'ai davantage l'impression
de jouer un rôle de psychothérapeute administrativo-social,
si je peux me permettre ce néologisme, que d'expert en
contentieux administratif ".
QUELQUES EXEMPLES D'AFFAIRES TRAITÉES
1er cas - M. D..., propriétaire d'un jardin en bordure
d'une voie communale, a constaté des dégâts
sur le mur de soutènement qui longe cette voie, à
la suite de travaux à caractère public.
Ce mur contribue à la fois à la stabilité
du chemin, et à la bonne utilisation de la parcelle riveraine.
Compte tenu de la situation constatée, avant et après
les travaux, il est apparu qu'une remise en état à
frais partagés serait une solution équitable.
C'est ainsi que, sur proposition du délégué
du Médiateur qui avait été saisi de l'affaire,
la municipalité et M. D... se sont mis d'accord pour que
la commune fournisse les matériaux nécessaires (sable,
graviers, ciment...) tandis que M. D... fera réaliser les
travaux par une entreprise agréée.
2e cas - Depuis 1992, M. M... n'obtient plus automatiquement
le renouvellement de sa carte d'assuré social, alors qu'il
travaille, depuis 1970, dans la même entreprise et que tous
les salariés la reçoivent chaque année.
L'intéressé se renseigne auprès de son centre
de paiement de sécurité sociale qui lui précise
ne recevoir aucune information émanant de la Caisse nationale
d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)
permettant l'édition automatique de la carte d'assuré
social.
Il demande alors un relevé de carrière auprès
de la CNAVTS, qui le lui délivre le 29 décembre
1994. Mais il ne couvre que les années 1970 à 1990
et fait apparaître qu'aucun trimestre n'a été
validé de 1991 à 1994.
Or, M. M... figurait bien sur les déclarations annuelles
des données sociales (DADS), permettant la délivrance
automatique de la " carte d'assuré social", adressées
par l'employeur, en 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994, aux différents
organismes sociaux.
Les demandes effectuées par M. M... pour régulariser
son dossier, tant auprès de la CNAVTS que de la caisse
primaire d'assurance maladie (CPAM), demeurant vaines jusqu'au
mois de mai 1995, l'intéressé décide alors
de saisir le délégué départemental
du Médiateur.
Celui-ci intervient par courrier du 2 juin 1995 auprès
de la CNAVTS.
Par lettre du 12 septembre 1995, cette dernière informe
le délégué du Médiateur de la régularisation
de la situation de M. M... pour les années 1991 à
1994 et lui adresse un relevé de compte d'assurance vieillesse
portant validation des 4 années litigieuses (soit 16 trimestres).
Par ailleurs, la CPAM lui fait savoir qu'elle a fait parvenir
à l'intéressé une carte d'assuré social
portant mention de ses droits à prestations en nature pour
la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996.
Médiation réussie : la CNAVTS a finalement accepté
la validation des 16 trimestres litigieux et la CPAM a délivré
la carte d'assuré social demandée.
3e cas - Une notification de décision de l'ASSEDIC,
en date du 30 novembre 1992, attribue à M. X... une allocation
conventionnelle du Fonds national de l'emploi à compter
du 15 novembre 1982, date de son départ de l'entreprise
qui l'employait, et jusqu'au 4 juin 1986, date de son 60e anniversaire,
puis une garantie de ressources de licenciement jusqu'au 5 septembre
1991.
En juin 1986, M. X... qui totalise 150 trimestres, tous régimes
confondus (régime général et caisse de la
coiffure), se voit attribuer, avec effet du 1er juillet 1986,
une pension de vieillesse au taux maximum de 50 % du salaire annuel
moyen, l'indemnisation versée par les services de l'ASSEDIC
devant cesser à la date d'effet de la pension.
Or, M. X... a cumulé, du 1er juillet 1986 au 5 septembre
1991, une retraite et l'allocation versée par l'ASSEDIC.
C'est le 25 février 1994 que l'ASSEDIC informe M. X...
qu'il a indûment perçu la somme de 242 255,23 F.
Le 11 avril 1994, le directeur départemental du Travail,
de l'Emploi et de la Formation professionnelle invite M. X...
à reverser au Trésor public la somme de 242 255,23
F correspondant à l'indu de l'État pour la période
considérée.
Assuré de sa bonne foi et considérant l'ASSEDIC
comme responsable, M. X... demande au trésorier-payeur
général une remise gracieuse de cette somme.
Le 2 janvier 1996, le trésorier-payeur général
signale à M. X... que la demande de remise gracieuse a
été transmise le 21 juillet 1995 au ministre du
Budget.
Sans nouvelle de cette démarche, M. X... saisit le 11 janvier
1996 le délégué départemental du Médiateur
de la République qui interroge le trésorier-payeur
général sur la suite réservée à
cette affaire.
Le 20 février 1996, le trésorier-payeur général
informe le délégué départemental du
Médiateur que le ministre délégué
au Budget accorde à M. X... une remise gracieuse partielle
de 186 092,93 F, sous réserve du versement préalable
de la somme de 56 962,07 F.
Bien que saisi tardivement, le délégué départemental
du Médiateur a pu, par son intervention, faire accélérer
cette prise de décision, favorable au requérant.
4e cas - M. C... reçoit des contraventions émises
à son encontre, pour des faits qu'il aurait commis, avec
son véhicule, entre les 18 mai et 15 juin 1995. Le montant
des amendes s'élève à 3 646 F.
Or, ce véhicule a été vendu le 20 mars 1995,
soit antérieurement à la date des infractions.
Malgré diverses lettres de contestation, un commandement
à payer, par voie d'huissier, est ordonné en date
du 23 janvier 1996 par le trésorier des amendes, pour le
recouvrement de la somme précitée que le requérant
a cependant réglée par chèque, dans l'attente
d'une réponse à sa demande de réexamen du
dossier.
Ayant saisi le délégué départemental
du Médiateur le 29 janvier 1996, ce dernier intervient
le 15 février 1996 auprès de la trésorerie
concernée, s'appuyant sur deux documents établissant
pour l'un, que le véhicule avait été acquis
le 20 mars 1995 par M. C... pour l'autre, que la mutation au profit
d'un tiers avait été réalisée le 6
juillet 1995, permettant ainsi d'écarter la responsabilité
du requérant.
Par lettre du 8 mars 1996, le trésorier principal annonce
l'annulation de toutes les amendes - qui s'élevaient finalement
à 4 640 F - et le reversement à M. C... de la somme
de 2 106 F qu'il avait versée à tort.
5e cas - Mme D... a formulé une demande de logement en
mars 1995 à la préfecture de son département
de résidence.
Ayant déménagé, elle a sollicité la
transmission de son dossier à la préfecture de son
nouveau département.
Par ailleurs, elle a déposé, le 1er août 1995,
une demande de logement à la mairie de C...
Titulaire d'une pension d'invalidité, avec deux enfants
à charge, âgés respectivement de 23 et 13
ans, et n'ayant pas de logement, elle est obligée, en attendant,
de vivre à l'hôtel avec son plus jeune fils.
Devant les difficultés rencontrées dans ses démarches
pour résoudre le problème, elle saisit alors le
délégué départemental du Médiateur
le 16 janvier 1996.
Ce dernier intervient le 6 février 1996 auprès de
la municipalité de C...
En réponse, le 8 mars suivant, le maire de C... précise
au délégué du Médiateur qu'à
la suite de différents entretiens que la requérante
a eus avec ses services en 1995, un logement de type F3 lui a
été proposé. Elle l'a refusé, au motif
qu'elle souhaitait un F4 pour loger ses 2 enfants.
Compte tenu de l'intervention du délégué
du Médiateur, tant auprès de la requérante
qu'auprès du maire, une nouvelle entrevue a pu avoir lieu
avec les responsables du service du logement.
Un accord exceptionnel a été finalement donné
pour qu'un logement de type F4 soit attribué à Mme
D...