L'examen des réclamations permettra de souligner certaines
incohérences internes au dispositif.
1. Le manque de lisibilité du dispositif
a. La pluralité des aides personnelles au logement
Le système des aides personnelles s'est développé
en plusieurs étapes.
L'allocation de logement familiale (ALF) a été créée
en 1948, elle est versée aux ménages avec enfants
et aux jeunes ménages dont le logement n'ouvre pas droit
à l'aide personnalisée au logement (APL).
L'allocation de logement sociale (ALS), créée en
1971, visait à l'origine certaines catégories de
la population (personnes âgées, jeunes travailleurs,
personnes handicapées...). Puis, dans les années
1980, le droit à l'ALS a été ouvert aux chômeurs,
aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion
(RMI), avant d'être étendu à tous les ménages
ne bénéficiant pas de l'APL ou de l'ALF.
L'aide personnalisée au logement (APL), créée
en 1977, est quant à elle versée aux locataires
de logements conventionnés (dans le parc social essentiellement)
ainsi qu'aux accédants à la propriété
dont le logement a bénéficié de certains
financements. L'APL se subdivise elle-même en APL 1, APL
2, APL logement-foyer...
Depuis le 1er janvier 1993, avec le " bouclage ", c'est-à-dire
la généralisation de l'ALS, dont les étudiants
ont été les principaux bénéficiaires,
tout ménage a droit à une aide personnelle au logement
s'il remplit les conditions de ressources.
Le système à vocation universelle sous seule condition
de revenu, que nous connaissons actuellement, est donc un produit
de l'histoire, composé de dispositifs différents
qui n'ont pas été remis en cause.
Ainsi, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport
de 1994, du fait de la pluralité des formes d'aides personnelles
au logement, une même personne peut être soumise à
des régimes successifs. Elle recevra l'ALS tant qu'elle
est célibataire, elle pourra percevoir l'ALF si elle se
marie, l'APL si elle bénéficie, par la suite, d'un
logement HLM conventionné, puis l'ALS à nouveau,
à 65 ans, si elle le quitte pour un autre logement.
L'allocataire, qui devra à chaque fois constituer un nouveau
dossier et remplir des formulaires spécifiques à
chaque aide, se verra appliquer des barèmes différents
pour le calcul de la prestation, ainsi que des règles de
versement et de recours distinctes.
b. L'enchevêtrement des compétences administratives
Cette pluralité des aides personnelles au logement s'accompagne
d'un enchevêtrement des compétences administratives
lié principalement aux modes de financement des prestations
versées (répartition de la charge entre régimes
sociaux et budget de l'État). Il en résulte un système
peu compréhensible pour les allocataires qui peuvent être
appelés à avoir des interlocuteurs multiples dans
ce domaine.
- Il existe tout d'abord une diversité des sources réglementaires.
L'APL étant régie par le code de la construction
et de l'habitation, le ministère chargé du Logement
est donc compétent sur le plan réglementaire. Les
allocations de logement (ALF et ALS) qui relèvent, pour
leur part, du code de la sécurité sociale sont donc
de la compétence du ministère chargé des
Affaires sociales.
- La gestion des aides au logement était à l'origine
assurée (sauf pour l'APL) par les différents organismes
ou administrations chargés du versement des prestations
familiales. En janvier 1995, dans un souci de simplification,
a été opéré, vers les caisses d'allocations
familiales (CAF), le transfert des bénéficiaires
fonctionnaires. Il incombe toutefois aux caisses de mutualité
sociale agricole (MSA) et encore à certains régimes
particuliers, de liquider ces aides au profit de leurs ressortissants.
- Au niveau du versement des prestations, un effort d'harmonisation
a également été effectué.
La règle en matière d'APL (locative ou d'accession
à la propriété) est le versement direct au
profit du bailleur ou prêteur. Cette procédure de
règlement en tiers payant est également possible,
depuis 1990, pour les allocations de logement, sous réserve
toutefois de l'accord exprès de l'allocataire.
- Le dispositif s'avère particulièrement complexe
pour les allocataires, pour connaître les instances compétentes
en matière de contestations amiables, puis de recours contentieux.
S'agissant des allocations de logement, les contestations sont
du ressort de la commission de recours amiable de l'organisme
débiteur de la prestation, avec un recours possible devant
le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Les différends relatifs à l'APL relèvent
de la section départementale des aides publiques au logement
(SDAPL), qui est présidée par le préfet ou
son représentant. Cette instance est toutefois autorisée,
depuis la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat,
à déléguer par voie de convention certaines
de ses compétences à la commission de recours amiable
de l'organisme liquidateur. Ainsi peuvent être délégués
l'examen des contestations des décisions des caisses et
les demandes de remise de dette. En revanche, les situations d'impayés
demeurent du ressort exclusif de la section des aides publiques
au logement.
Quelle que soit la commission qui se prononce au stade de la contestation
amiable, le contentieux de l'APL relève du tribunal administratif.
La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) préconise
en la matière une unicité du contentieux fondée
sur un critère organique. Cette unification constituerait
une mesure de simplification pour les allocataires et présenterait,
en outre, l'avantage d'assurer une cohérence de jurisprudence
entre les différentes aides au logement, mais également
entre les aides au logement et les autres prestations familiales.
La situation de Mme A..., portée à la connaissance
du Médiateur, illustre les difficultés auxquelles
peuvent être confrontés les allocataires dans ce
domaine (Réclamation no 95-3407).
L'intéressée a en effet été considérée
pour la même période, comme occupant son logement,
par le tribunal administratif statuant au regard de l'APL, et,
comme vivant maritalement chez M. X... par les juridictions de
l'ordre judiciaire se prononçant sur les ressources à
prendre en considération pour calculer ses droits à
l'allocation aux adultes handicapés.
Même si les décisions rendues n'étaient pas
contradictoires puisque le juge administratif ne s'était
prononcé que sur l'occupation effective du logement et
non sur la vie maritale, elles n'ont pas manqué de susciter
des interrogations bien légitimes de la part de la requérante.
2. Les réclamations
Les réclamations relatives aux aides personnelles au logement
représentent le tiers de celles adressées au Médiateur
concernant la branche famille.
L'examen des requêtes montre les difficultés nombreuses
auxquelles se heurtent les allocataires pour appréhender
le dispositif actuel et le sentiment qu'ils ont d'une certaine
iniquité dans l'attribution des aides.
Les motifs de contestation sont très divers en la matière.
Ils sont liés aux conditions auxquelles le logement doit
satisfaire, aux barèmes applicables, aux modalités
d'appréciation des ressources, à la procédure
des impayés de loyer et, enfin, à la récupération
des aides indûment versées.
a. Les réclamations liées au logement
Pour être éligible aux aides personnelles, le logement
occupé doit répondre à certains critères.
Bien qu'un effort d'harmonisation ait été entrepris
par les pouvoirs publics ces dernières années en
vue d'aligner les conditions liées au logement, des nuances
subsistent encore.
Tout d'abord, le logement doit constituer la résidence
principale. Sur ce point, mais seulement depuis 1995, une définition
unique est applicable aux trois prestations. Désormais,
la condition est satisfaite, quelle que soit l'aide, lorsque le
logement est occupé au moins huit mois par an, soit par
l'allocataire, soit par son conjoint ou concubin, soit par une
des personnes à charge.
Le logement constituant la résidence principale ne doit
toutefois pas être mis à disposition, à titre
onéreux, par un ascendant ou un descendant.
Le Médiateur, qui a reçu plusieurs réclamations
faisant grief aux caisses d'allocations familiales (CAF) de refuser
le bénéfice de l'aide dans cette hypothèse,
s'est vu confirmer le bien-fondé de la position des organismes
tant par la Caisse nationale des allocations familiales que par
les ministères intéressés.
Les dispositions réglementaires, souvent critiquées
en la matière, trouvent leur justification essentielle
dans le principe selon lequel la solidarité entre ascendants
et descendants, qui a son origine notamment dans le principe d'obligation
alimentaire, institué par le code civil, doit primer sur
la solidarité nationale.
Le logement doit en outre répondre à certaines conditions
de salubrité et de superficie.
Là encore, ce n'est que depuis 1995 qu'ont été
unifiées les conditions de superficie requises pour que
le logement soit éligible à l'ALF ou l'ALS.
Toutefois, à la différence des allocations de logement,
l'attribution de l'APL n'est pas subordonnée au respect
de normes précises de superficie et de peuplement. Ces
normes sont en effet supposées remplies dans la mesure
où l'APL s'applique le plus souvent à des logements
neufs ou réhabilités qui ont été conventionnés
par l'État.
Par ailleurs, après la publication de la loi de janvier
1990 étendant le bénéfice de l'ALS aux personnes
âgées hébergées dans les unités
et centres de long séjour, le Médiateur a été
saisi de nombreuses réclamations.
Celles-ci dénonçaient le caractère discriminatoire
des conditions de superficie et de peuplement exigées pour
le versement de la prestation, et notamment le fait que le droit
à l'allocation ne soit pas ouvert si la chambre est occupée
par plus de deux personnes.
Ainsi, au sein d'un même établissement et à
ressources égales, en fonction de la chambre qui leur était
attribuée, certains pensionnaires bénéficiaient
de l'ALS tandis que d'autres, plus mal logés, en étaient
exclus.
En octobre 1990, le Médiateur a appelé l'attention
du ministre chargé de la Sécurité sociale
sur la disparité choquante de cette situation, et a proposé
une réforme tendant à assouplir les règles
critiquées.
Cette proposition a reçu un écho favorable.
Ainsi, depuis le 1er janvier 1992, un dispositif a été
mis en place, permettant d'ouvrir le droit à l'ALS à
toutes les personnes résidant en centres ou unités
de long séjour, dès lors que l'établissement
s'est engagé dans un programme d'investissement destiné
à assurer, dans un délai de trois ans, la conformité
totale aux normes fixées.
Ce programme doit toutefois avoir donné lieu à l'inscription
au budget de l'établissement, approuvé par l'autorité
administrative, de la première tranche de travaux.
Malgré ce dispositif dérogatoire qui permet d'élargir
le droit à l'ALS, il est regrettable que certaines personnes
âgées demeurent encore exclues du bénéfice
de la prestation de logement, alors qu'elles ne sont pas responsables
de leur accueil dans l'établissement.
Ce fut le cas de Mme K... qui s'est vu supprimer, en juillet 1993,
le droit à l'APL à la suite de son transfert, pour
raisons médicales, dans une chambre à trois lits.
L'état d'avancement des travaux de l'établissement,
dans lequel elle séjournait à cette date, ne lui
permettait pas de prétendre à la dérogation
aux règles générales de peuplement (Réclamation
no 94-4970).
Malgré ses interventions le Médiateur de la République
n'a pu obtenir le rétablissement de la prestation.
Le Médiateur appelle à nouveau l'attention des pouvoirs
publics sur la nécessité d'un effort financier accru
pour accélérer la modernisation des établissements
d'accueil.
b. La parution tardive des barèmes
Les aides au logement sont calculées selon des barèmes
qui prennent principalement en considération les revenus
du bénéficiaire, la composition de son foyer et
les dépenses qu'il consacre à son logement.
Une déclaration de ressources est effectuée chaque
année auprès des organismes liquidateurs. Le revenu
ainsi déterminé au titre d'une année civile
est pris en compte dans la liquidation des aides personnelles
au logement à compter du 1er juillet suivant.
En principe, à la même date, les barèmes de
calcul des prestations de logement sont revalorisés, conformément
à la loi, en fonction de l'inflation.
En pratique, et exception faite de ces deux dernières années
pour lesquelles il n'y a pas eu de revalorisation des barèmes,
cette actualisation intervient avec plusieurs mois de retard.
En 1992, le Médiateur a appelé l'attention du ministre
chargé des Affaires sociales sur les graves inconvénients
résultant de cette situation qui alourdit la gestion des
organismes, et ne fait qu'aggraver le manque de lisibilité
de l'aide pour les bénéficiaires.
Les caisses sont, en effet, contraintes d'effectuer, à
compter du 1er juillet, un premier calcul provisoire des droits,
tenant compte des nouvelles ressources et du nouveau loyer (ou
mensualité), mais de l'ancien barème. Puis elles
doivent opérer un second calcul, définitif, de l'aide
lors de la parution des nouveaux barèmes, avec régularisation
de la situation des bénéficiaires par le versement
de rappels ou la remise d'indus correspondant à la période
provisoire.
Pour leur part, les allocataires qui reçoivent des notifications
successives comprennent mal les évolutions subies par l'aide
qui leur est allouée. En outre, pour certains d'entre eux,
la prise en compte des nouvelles ressources sur la base de l'ancien
barème se traduit par une situation de désolvabilisation
pendant plusieurs mois, qui suscite un mécontentement légitime.
C'est pourquoi, à l'instar de la CNAF, le Médiateur
a proposé aux pouvoirs publics une amélioration
de la procédure de révision des barèmes (proposition
de réforme STR 92-01).
Par ailleurs, l'application d'un barème unique a été
préconisée, à plusieurs reprises (CNAF, rapport
Choussat de 1994, Cour des comptes...).
Ces propositions demeurent à l'étude au sein des
services ministériels concernés.
c. L'appréciation des ressources
Comme il a été indiqué, les aides personnelles
au logement ont pour objet de compenser partiellement la dépense
de logement que supporte le bénéficiaire en fonction
du montant de celle-ci, des ressources de la famille et de sa
composition.
L'appréciation des ressources est le domaine qui génère
le plus de critiques de la part des allocataires. Outre l'incompréhension
que suscite un dispositif sous-tendu par une volonté d'adaptation
constante aux changements de situations des allocataires, les
requérants dénoncent vivement les inégalités
de traitement résultant de la réglementation actuelle.
Sans faire une étude exhaustive des règles nombreuses
applicables en la matière, quelques situations, soumises
au Médiateur, permettent d'illustrer et de souligner certains
des effets inéquitables induits par le dispositif.
Pour l'attribution des aides au logement, comme pour les prestations
familiales soumises à condition de ressources, les organismes
prennent en compte les ressources perçues par l'allocataire
au cours de l'année civile précédant la période
de paiement annuelle qui débute le 1er juillet. Ces ressources
(revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement
de l'impôt sur le revenu) sont toutefois affectées
de règles spécifiques : certains revenus sont par
exemple neutralisés, d'autres font l'objet d'un abattement...
- La neutralisation des ressources liée à certains
évènements familiaux ou professionnels.
À titre d'exemple, il n'est pas tenu compte des ressources
professionnelles, des indemnités journalières de
l'assurance maladie ou des indemnités de chômage
perçues pendant la période de référence
dans les trois cas suivants : lorsque l'allocataire en chômage
total depuis au moins deux mois consécutifs ne bénéficie
pas d'une indemnisation, lorsqu'il est indemnisé au niveau
plancher de l'allocation unique dégressive, ou enfin, lorsque
le bénéficiaire de l'aide perçoit le RMI.
M. A... estimant sa situation particulièrement inéquitable
a appelé l'attention du Médiateur sur ce dernier
point.
Bénéficiaire du RMI, il a perçu une pension
d'invalidité pendant la période de référence
servant de base au calcul de l'APL. Cet avantage d'invalidité
lui a été par la suite supprimé pour des
motifs d'ordre médical.
À l'appui de sa réclamation, le requérant
fait valoir, à juste titre, que s'il avait perçu,
pendant la période de référence, au lieu
d'une pension d'invalidité, des revenus professionnels,
soit des allocations de chômage, ou encore des indemnités
journalières en maladie, ses ressources auraient été
neutralisées lors de l'appréciation de ses droits
à l'APL, du fait de sa qualité de " Rmiste
".
Le Médiateur a interrogé les services ministériels
sur la justification d'une telle différence de traitement,
appliquée à une catégorie très modeste
de la population, en fonction de l'origine des ressources perçues
durant l'année civile de référence.
Ce dossier est en cours d'instruction (Réclamation no 96-2960).
- L'abattement opéré sur les ressources.
Lorsque l'allocataire bénéficie d'une indemnisation
au titre du chômage, d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité,
de l'allocation aux adultes handicapés, un abattement de
30 % est effectué sur les revenus d'activité professionnelle
relatifs à la période de référence.
Ces mesures, qui obéissent au souci constant de répondre
en priorité aux situations les plus délicates, ajoutent
largement à la complexité du dispositif et ne répondent
pas toujours, pour autant, à l'objectif recherché.
Le cas de M. X... en est une bonne illustration.
L'intéressé, demandeur d'emploi, avait repris une
activité salariée à temps partiel dans le
cadre d'un contrat emploi solidarité (CES).
La prise en compte de cette activité salariale s'est traduite
par une minoration du montant de l'APL qui lui était allouée,
puisque M. X... ne pouvait plus bénéficier des mesures
spécifiques applicables aux chômeurs, et ce alors
même que les revenus perçus au titre du CES étaient
inférieurs à son indemnisation par l'assurance chômage.
En l'espèce, le Médiateur n'a pu que constater l'exactitude
de la révision des droits et le bien-fondé du trop-perçu
réclamé, au regard de la réglementation en
vigueur à l'époque.
Il s'est également assuré que la section départementale
des aides publiques au logement avait accueilli avec bienveillance
la demande de remise de dette formulée par l'intéressé
(Réclamation no 94-2924).
Il faut préciser que l'incohérence révélée
par l'affaire de M. X... a été corrigée par
le décret 94-817 du 19 septembre 1994.
Désormais, une personne placée dans une telle situation
peut contracter un CES sans perdre pendant six mois le bénéfice
total de la neutralisation de ses ressources pour le calcul de
son aide.
Cette amélioration apportée au dispositif laisse
cependant subsister une autre incohérence.
En effet, à l'issue du CES, l'intéressé perçoit
une allocation de chômage plus faible puisque le CES correspond
à un travail à temps partiel. Or, bien que ses revenus
mensuels soient inférieurs, son APL sera diminuée,
puisque ses ressources ne seront plus neutralisées mais
seulement affectées d'un abattement de 30 %.
Il est évident que cette grande réactivité
du système aux changements de situation pose des problèmes
de gestion aux organismes qui sont amenés à revoir
le montant de l'aide en cours d'exercice. Les allocataires, quant
à eux, se trouvent déstabilisés par ces variations
du montant de la prestation.
Par ailleurs, la prise en compte de certains paramètres
ajoute encore à la complexité.
Ainsi, un revenu minimal est appliqué, tant en accession
à la propriété (mais selon des modalités
différentes pour l'APL et les allocations de logement)
qu'en secteur locatif. En outre, un montant minimum de la dépense
de logement (taux d'effort) doit rester à la charge du
bénéficiaire.
Le Médiateur a été amené à
appeler l'attention du ministre chargé du Logement sur
la situation de M. et Mme C..., à l'égard desquels
les effets conjugués des règles relatives aux modalités
de calcul de l'APL se sont révélés particulièrement
inéquitables.
En 1989, les intéressés, alors parents de trois
enfants, ont réalisé une opération d'accession
à la propriété pour laquelle ils ont bénéficié
d'une ouverture de droits à l'APL.
En 1993, la famille a enregistré la naissance d'un quatrième
enfant. Dans le même temps, les ressources du foyer n'ont
pas augmenté et ont même subi une petite diminution
à la suite d'un accident du travail dont a été
victime M. C...
Or, du fait des modalités de calcul inhérentes au
dispositif (application conjuguée d'un revenu plancher
de ressources et d'un taux d'effort minimum), la prise en compte
de l'arrivée de ce nouvel enfant s'est traduite par une
minoration du montant de l'APL versé à ce foyer.
Le Médiateur est intervenu en faveur de cette famille,
dont les charges ont de fait augmenté, afin qu'elle puisse
bénéficier d'un montant d'APL au moins égal
a celui qui avait été déterminé lors
de la souscription de son prêt.
Ce dossier est actuellement en cours d'instruction (Réclamation
no 95-2068).
Cette variété des modes d'appréciation des
ressources a pour effet de rendre l'aide au logement, qui est,
par définition, une aide affectée, très sensible
à la nature même des revenus. À ressources
égales, des personnes occupant le même type de logement,
se voient actuellement allouer une aide d'un montant plus ou moins
important, en fonction de l'origine de leurs revenus.
Cette inégalité de traitement entre bénéficiaires
ne repose sur aucune justification globale, et détourne
l'aide spécifique au logement de son objectif.
d. La liquidation des aides au logement et la procédure
des impayés de loyers ou des mensualités d'accession
à la propriété
Il convient de préciser que les aides au logement ne sont
pas versées lorsque le montant mensuel de la prestation
est inférieur à 100 F.
Saisi de réclamations (nos 91-0466 et 94-1414) contestant
ce seuil de non-versement institué en 1988, le Médiateur
a proposé au ministre chargé de la Sécurité
sociale, une réforme de la réglementation tendant
à permettre un règlement différé,
semestriel ou annuel, de la prestation.
Cette proposition de réforme (STR 94-03), qui conciliait
les intérêts de gestion des organismes payeurs comme
ceux des allocataires, a toutefois été refusée
pour des raisons budgétaires. Le ministre a invoqué
que la forte augmentation du nombre de bénéficiaires
imposait une rationalisation et une maîtrise de ces prestations
destinées aux plus démunis. Il a ajouté que
l'institution de ce seuil de non-versement répondait à
cet objectif puisqu'il concerne la frange des bénéficiaires
les plus solvables.
Il est à regretter qu'actuellement certains allocataires,
bien qu'ayant un droit ouvert à la prestation, se voient
toujours refuser le bénéfice d'une aide annuelle
au logement pouvant avoisiner 1 200 F.
En ce qui concerne les cas d'impayés de loyers ou de mensualités
d'accession à la propriété, un nouveau dispositif
a été mis en place en 1990 pour rendre la procédure
applicable à la fois plus efficace et plus sociale. Ces
mesures tendent également à harmoniser les règles
applicables en matière d'allocation de logement et d'APL.
Antérieurement à la loi du 31 mai 1990 relative
à la mise en uvre du droit au logement, dès
qu'un impayé était constaté, le principe
consistait à suspendre le versement de l'allocation de
logement. Cette suspension avait pour effet d'aggraver la situation
de l'allocataire, sans pour autant se montrer incitative à
l'élaboration d'un plan d'apurement de la dette par le
bailleur ou le prêteur et accepté par l'allocataire.
Désormais, en cas d'impayés et si la procédure
de tiers payant n'est pas déjà utilisée,
le bailleur ou le prêteur peut obtenir le versement de l'allocation
de logement au lieu et place de l'allocataire à condition
de produire, dans les six mois, un plan contractuel d'apurement
de la dette.
Sous réserve de la reprise du paiement des loyers (ou des
mensualités d'accession) et de la bonne exécution
du plan d'apurement, le service de l'allocation de logement est
poursuivi en faveur du bailleur.
En cas de mauvaise exécution du plan d'apurement, ou lorsque
la situation sociale et financière du requérant
le justifie, la caisse peut saisir le fonds local d'aide au logement,
chargé d'apporter aux intéressés des aides
financières ainsi que des mesures d'accompagnement social.
L'objectif de ces mesures, mises en place en 1990, est de prévenir
la constitution d'impayés de loyer, qui sont le plus souvent
à l'origine des procédures d'expulsion.
Pour être pleinement efficace, le système exige un
signalement rapide des situations d'impayés (après
constatation, en général, de trois mensualités
non honorées). Or, l'examen des réclamations révèle
des retards de saisine de la section départementale des
aides publiques au logement (SDAPL), imputables notamment aux
organismes d'HLM bailleurs. Les conséquences de ces saisines
tardives sont regrettables, car plus la dette de loyers est importante,
plus le redressement de la situation du débiteur sera longue
et aléatoire.
e. Les trop-perçus
Les contestations et les interrogations des requérants,
nombreuses en la matière, portent tant sur les motifs à
l'origine des trop-perçus que sur les modalités
de récupération.
L'attribution des aides au logement reposant (comme les prestations
familiales) sur un système déclaratif, les organismes
payeurs sont chargés de vérifier les déclarations
des allocataires, en ce qui concerne notamment leur situation
de famille, leurs ressources, le montant de leur loyer et leursconditions
de logement.
Pour ce faire, les caisses peuvent demander toutes les informations
nécessaires aux administrations publiques, et diligenter
des enquêtes menées par des agents assermentés.
Leur mission consiste, par exemple, à vérifier sur
place, compte tenu des ressources déclarées par
l'allocataire, la réalité d'une situation d'isolement.
La réglementation prévoit en effet qu'en cas de
vie maritale, il est tenu compte du total des ressources perçues
par chacun des concubins durant l'année de référence,
pour apprécier les droits aux aides personnelles au logement.
À cet égard, le Médiateur constate que le
déroulement des enquêtes et les éléments
retenus pour conclure à l'existence d'une vie maritale
font l'objet de vives critiques de la part des requérants,
et donnent lieu à de nombreux litiges.
La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), interrogée
sur ce point, a précisé qu'elle était tout
à fait consciente des problèmes posés par
l'appréhension de cette notion, et que s'agissant de l'appréciation
d'une situation de fait, elle était souvent amenée
à apporter des informations ponctuelles aux CAF, à
l'occasion des différends les opposant aux allocataires.
La notion de vie maritale n'étant, en effet, définie
par aucun texte, c'est la jurisprudence qui apparaît comme
source officielle de droit en la matière. La Cour de cassation
la définit comme le fait pour un homme et une femme de
vivre comme s'ils étaient mariés, ce qui suppose
une communauté de vie, c'est-à-dire une adresse
commune et des intérêts communs.
En pratique, les organismes payeurs considèrent que l'existence
d'un domicile commun à deux personnes de sexe différent
constitue une présomption forte de vie maritale. En cas
de contestation, il incombe alors à l'allocataire d'apporter
la difficile preuve de l'absence de vie maritale.
En outre, il convient de souligner que l'existence de deux résidences
distinctes n'est pas pour autant considérée comme
une preuve irréfutable de l'absence de vie maritale, puisque
des conjoints peuvent disposer de deux résidences différentes.
Pour aplanir ces difficultés qui conduisent à des
distorsions de traitement, et prévenir les nombreux recours
qui en résultent, il apparaît indispensable que les
études actuellement menées par les pouvoirs publics
débouchent sur une définition plus claire des critères
d'appréciation de la vie maritale.
Il n'est pas rare que le contrôle des déclarations
des allocataires révèle l'existence de prestations
indûment versées. La complexité du dispositif
et la parution tardive des barèmes engendrent un taux d'indus
plus important en matière d'aides personnelles au logement
que pour les autres prestations familiales.
Les réclamations parvenant au Médiateur révèlent
que l'origine des indus est imputable tantôt aux allocataires
(déclarations erronées, signalisations tardives
de changement de situation professionnelle et familiale...), tantôt
aux caisses (traitements tardifs, erreurs de liquidation...).
Du fait des variations nombreuses dans le montant de l'aide et
de la forme souvent sommaire que revêtent les notifications
de trop-perçus, le Médiateur a un rôle important
d'information et d'explication à jouer auprès des
requérants. De nombreux recours pourraient être évités
si les motifs à l'origine du trop-perçu étaient
plus clairement explicités aux intéressés.
Il appartient aux organismes de poursuivre leurs efforts dans
ce domaine.
En cas de précarité de la situation du débiteur,
des remises de dette peuvent être accordées par les
commissions de recours amiable et la section départementale
des aides publiques au logement (SDAPL) en fonction de barèmes
prenant en considération les ressources et les charges
de l'intéressé.
Pour procéder à la récupération des
trop-perçus, les caisses peuvent effectuer des retenues
sur les prestations à venir, dans la limite de 20 % maximum
du montant de ces prestations.
Les retenues ainsi opérées sont souvent contestées
par les requérants qui les jugent trop importantes par
rapport à leurs capacités contributives.
Sur ce point, la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille
annonce que dans des conditions fixées par décret,
les retenues sont déterminées en fonction de la
composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement,
des prestations servies par les organismes.
L'objectif poursuivi est de supprimer ce taux de 20 % et d'instaurer
une modulation du recouvrement fondée sur la situation
globale et réelle du débiteur.
Le Médiateur ne peut que regretter les retards importants
pris dans la publication du décret annoncé en 1994.
Le dispositif des aides personnelles au logement est devenu au
fil du temps beaucoup trop complexe et a perdu de sa cohérence.
Il apparaît indispensable que les réformes engagées
par les pouvoirs publics permettent d'apporter au système
une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité
au regard des objectifs des politiques sociale et du logement.
B. LES PRIMES À L'AMÉLIORATION
DE L'HABITAT
Les travaux d'amélioration de l'habitat peuvent ouvrir
droit à des primes de l'État (articles R. 322-1
et suivants du code de la construction et de l'habitation) ou
à une aide accordée par l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat (ANAH) (articles R. 321-1 et
suivants du même code).
L'octroi de ce concours financier est subordonné à
diverses conditions qui varient notamment selon l'affectation
de l'immeuble.
Une condition au moins est commune aux divers systèmes
d'aides, qui tient à la date à laquelle les travaux
peuvent commencer.
L'échec de la procédure de versement de l'aide est
souvent imputable à une réalisation prématurée
des travaux, comme l'illustrent les deux affaires suivantes.
Les époux S... ont sollicité le bénéfice
d'une prime à l'amélioration de l'habitat auprès
du directeur départemental de l'équipement et ont
entrepris la réalisation des travaux dès que leur
a été retourné l'accusé de réception
de leur demande.
La décision accordant la prime a été notifiée
aux époux S... postérieurement à la date
figurant sur la facture établie par l'entreprise qui avait
exécuté les travaux.
Cette décision a donc été annulée
en application des dispositions de l'article R. 322-5 du code
de la construction et de l'habitation qui subordonnent le bénéfice
de la prime à la condition que les travaux ne soient pas
commencés avant la notification de la décision octroyant
la prime.
Des dérogations à cette condition peuvent toutefois
être accordées par l'autorité administrative
en fonction de l'urgence et de l'intérêt des travaux
à réaliser.
Or, les circonstances de cette affaire auraient pu justifier une
telle dérogation, si elle avait été expressément
demandée par les époux S...
Ceux-ci, âgés et ne disposant que de faibles revenus,
avaient choisi l'entreprise la moins disante, ce qui représentait
une différence d'environ un tiers par rapport à
l'entreprise qui avait proposé le devis le plus onéreux.
Toutefois, en raison du calendrier à venir de ses autres
chantiers, l'artisan retenu s'était trouvé dans
l'obligation d'intervenir à une période déterminée
qu'il avait lui-même imposée et qui s'est située
avant la notification de la décision accordant la prime.
Il s'agissait en outre de travaux indispensables portant sur la
réparation de la toiture de leur maison.
Le Médiateur de la République a fait valoir ces
divers arguments auprès du ministre chargé du Logement
en insistant sur le fait que les conditions permettant de bénéficier
de la dérogation instituée par l'article R. 322-5
du code de la construction et de l'habitation paraissaient satisfaites.
Cette analyse a conduit le ministre à réserver une
suite favorable à la demande du Médiateur de la
République, ce qui a permis aux époux S... de percevoir
la prime initialement accordée puis retirée (Réclamation
no 92-2807).
Les subventions accordées par l'agence nationale pour l'amélioration
de l'habitat (ANAH) sont réservées, en principe,
aux immeubles soumis à la taxe additionnelle au droit de
bail.
En vertu des dispositions de l'article R. 321-6 du code de la
construction et de l'habitation, l'ANAH fixe, par ses instructions,
les règles d'attribution de ces subventions. Parmi ces
règles figure celle selon laquelle, sauf urgence, le propriétaire
doit attendre, avant d'entreprendre les travaux, la notification
d'une décision valant, à la fois, attribution de
l'aide et autorisation de commencer les travaux.