Dans ce domaine des aides fiscales aux entreprises, les réclamations
auprès du Médiateur de la République donnent
lieu à de nombreuses saisines de l'administration qui malheureusement
se révèlent rarement fructueuses (voir infra III-A-1-b).
II. UN RECOURS POSSIBLE :
LE MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE PEUT INTERVENIR DANS
UN DOMAINE OÙ LE JUGE EST TRADITIONNELLEMENT COMPÉTENT
A. DES CRITIQUES DE LA RÈGLE DE
DROIT ACCESSIBLES À LA COMPÉTENCE DU MÉDIATEUR
1. Des questions de droit lorsque l'administration n'est pas
en situation de compétence liée
Le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt
commande que l'application voulue par le législateur de
la règle fiscale soit la même pour tous les contribuables.
L'administration est donc tenue d'appliquer la lettre des textes
sauf si la loi lui attribue un pouvoir d'appréciation.
Cette situation, que le droit administratif qualifie de "
compétence liée ", concerne évidemment
les changements de la réglementation fiscale.
Cependant, il est des affaires aux circonstances particulières
qui permettent au Médiateur de considérer que l'administration
fiscale dispose d'une certaine marge d'appréciation, bien
que la contestation porte sur le bien-fondé de l'application
d'un régime ou d'une règle fiscale nouvelle.
Tel est le cas notamment lorsque l'esprit du texte a été
expressément respecté et que la transgression formelle
de la règle de droit (présentation d'un document,
délai) est totalement indépendante de la volonté
du contribuable.
Nouveau régime de report d'imposition des plus-values réalisées
lors de la cession de SICAV monétaires (réclamation
no 94-4108, transmise par M. Marcel CHARMANT, sénateur
de la Nièvre).
M. L... a contesté auprès du Médiateur le
bien-fondé des rappels d'impôt qui lui ont été
notifiés à la suite de la vente de ses SICAV monétaires.
Les conditions requises pour l'exonération de la plus-value
n'étaient pas remplies puisque les titres cédés
n'avaient pas été préalablement transférés
sur un plan d'épargne en actions (PEA) (article 93 B. quater
3 du code général des impôts).
Le Médiateur est intervenu parce qu'il a estimé
que les opérations réalisées correspondaient
bien, au cas particulier, à l'esprit des dispositions qui
autorisent l'exonération fiscale de la plus-value réalisée.
Toutefois, au cas particulier, le service des impôts n'a
pas estimé possible de répondre favorablement (voir
infra III-A-1-b).
Régime fiscal de l'investissement locatif - cas où
le locataire est un service de l'État (réclamation
no 95-0068, transmise par M. Bernard BARBIER, sénateur
de la Côte-d'Or).
M. C... avait acquis un logement destiné à la location.
Contacté par le service immobilier de la Gendarmerie nationale
qui recherchait des logements pour la résidence principale
de ses personnels, il avait signé un contrat de bail avec
le service des Domaines.
Or l'administration fiscale a contesté à M. C...
le droit de bénéficier de la réduction d'impôt
sur le revenu prévue en faveur de l'investissement locatif.
Elle considérait que cette location ne remplissait pas
toutes les conditions fixées par la loi dite " Méhaignerie
", dès lors qu'elle était consentie à
un organisme public ou privé.
Le Médiateur est intervenu dans cette affaire, estimant
que l'administration, nonobstant la lettre de la loi, disposait
d'une marge d'appréciation. Accorder une réduction
dans ce cas précis paraissait conforme à l'esprit
du texte.
Le service des impôts a admis la position du Médiateur,
accordant la réduction d'impôt sollicitée
(voir infra III-A-1-b).
2. Des pratiques fiscales parfois ressenties comme de mauvais
fonctionnements de l'administration
Le Médiateur, considéré par le contribuable
comme l'ultime recours, ne peut rester insensible à ces
situations même s'il sait que dans le meilleur des cas,
et très exceptionnellement, la médiation tentée
n'aboutira qu'à une remise gracieuse de l'impôt,
atténuant les effets de la mesure contestée sans
répondre à la critique de rétroactivité
de la mesure.
a. Les lois de validation et les lois interprétatives
Bien qu'elles soient soumises au contrôle de constitutionnalité,
ces dispositions législatives dont la caractéristique
commune est leur rétroactivité, ne sont pas acceptées
par les contribuables qui y voient, avec raison, une atteinte
à la stabilité juridique.
Leur mise en úuvre, destinée à contrecarrer
une jurisprudence contraire à la doctrine administrative,
leur apparaît donc comme un mauvais fonctionnement d'une
administration assurée de son impunité, créant
ainsi un sentiment profond d'injustice, voire de déni de
justice.
Les dispositions de l'article 20 de la loi de finances rectificative
pour 1986, déjà évoquées, validant
des impositions foncières établies antérieurement,
illustrent parfaitement cette situation dans laquelle se sont
trouvés placés les accédants à la
propriété, titulaires de prêts spéciaux
immédiats délivrés par le Crédit foncier
de France.
b. L'abrogation anticipée d'un avantage ou d'une exonération
fiscale
La fiscalité est un instrument d'action conjoncturelle
destiné à agir sur les comportements économiques
et sociaux. L'effet incitatif ou dissuasif en est d'autant plus
fort que l'exonération ou l'avantage fiscal consenti est
de longue durée. Or, ces dispositions prévues pour
le long terme se concilient mal avec les impératifs fiscaux
immédiats que rencontrent les pouvoirs publics. À
l'occasion de lois de finances annuelles ou rectificatives, le
législateur est donc amené à remettre en
cause, pour le futur, des mesures favorables auxquelles les contribuables
se sont habitués.
Cette pratique fiscale fréquente est mal comprise par les
contribuables qui, oubliant " qu'une loi peut défaire
ce qu'une autre loi avait fait ", considèrent les
mesures fiscales favorables comme des droits acquis.
L'abrogation anticipée d'une exonération fiscale
est donc vivement critiquée auprès du Médiateur,
notamment lorsqu'elle affecte la fiscalité de l'immobilier,
domaine où le contribuable doit s'engager sur une longue
période.
Ainsi, les dispositions de l'article 14 I. de la loi de finances
pour 1984 du 29 décembre 1983, ramenant de vingt-cinq à
quinze ans la durée de l'exonération de taxe foncière
sur les propriétés bâties applicable aux constructions
nouvelles, reconstructions et additions de constructions à
usage d'habitation achevées avant le 1er janvier 1973,
ont-elles motivé de nombreuses réclamations jusqu'à
ce jour.
Toutefois, dans ces affaires, les conséquences de l'application
de la nouvelle règle fiscale ne sauraient être invoquées
qu'au plan gracieux, ce que le Médiateur ne manque pas
de faire chaque fois qu'il le peut, c'est-à-dire lorsque
la situation personnelle ou financière difficile du réclamant
le lui permet.
B. DES RÉCLAMATIONS
CONTENTIEUSES QUI EXPRIMENT DES PRÉOCCUPATIONS PROCHES
DE CELLES DU MÉDIATEUR
1. Le réclamant conteste l'application d'une règle
nouvelle qu'il estime injuste ou inéquitable
Cette situation se rencontre lorsque la mise en úuvre de
mesures fiscales nouvelles aboutit à un alourdissement
de l'impôt dû, alors que l'ensemble des éléments
justifiant cette imposition restent inchangés.
Des arguments de procédure ou de qualification juridique
des faits sont certes invoqués pour obtenir l'application
du régime fiscal antérieur plus favorable, que seul
le juge peut apprécier. Mais c'est en fait un sentiment
d'injustice qui motive véritablement ces réclamations
dont le Médiateur n'est d'ailleurs souvent saisi qu'au
moment de la mise en recouvrement des impositions, alors que le
litige est né bien avant.
Il appartient donc au Médiateur d'examiner, au plan de
l'équité, si ces demandes peuvent donner lieu à
intervention auprès de l'administration eu égard
aux circonstances particulières de chaque affaire.
Les deux exemples qui suivent en sont l'illustration :
Le régime transitoire d'imposition des appareils "
CB " (réclamation no 97-0366, transmise par M. François
CORNUT-GENTILLE, député de la Haute-Marne).
Jusqu'à la loi du 31 décembre 1992, les acheteurs
d'émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux
banalisés (matériels dits " CB ") devaient
acquitter une taxe forfaitaire de 190 F, tous les cinq ans, au
moyen d'un timbre fiscal.
Or, l'article 83 de la loi de finances rectificative pour 1992
a prévu que la taxe serait due par les importateurs lors
de la revente de ces matériels, le tarif passant à
250 F par appareil.
Ce texte étant trop vague pour pouvoir être appliqué,
une instruction administrative en date du 3 février 1993
a précisé les règles d'assiette et d'exigibilité
de la nouvelle taxe.
En fait, d'énormes difficultés d'application subsistant,
l'administration fiscale a finalement édicté un
régime transitoire d'imposition qui autorisait, pendant
quelques mois, le maintien du régime antérieur,
à charge pour les entreprises concernées de présenter
des justificatifs de vente des appareils.
Or, il s'est avéré que ces éléments
de preuve ne pouvaient être fournis dans les conditions
fixées par l'administration.
Ayant fait l'objet de rappels d'impôts considérables
à défaut de remplir les conditions requises pour
bénéficier de la prorogation du régime antérieur,
les entreprises de ce secteur d'activité, dont la survie
est menacée, se sont adressées au Médiateur,
lequel est intervenu auprès de l'administration.
L'instruction de ces dossiers n'est pas terminée, mais
il semble que l'administration, en réponse à la
demande du Médiateur, envisage une atténuation importante
des impositions, par voie de transaction.
Le système d'imposition dit " du quotient ".
Un changement profond du régime d'imposition des revenus
exceptionnels ou différés est intervenu à
partir de l'année 1992.
L'article 74 de la loi de finances rectificative pour 1992 du
31 décembre 1992 a supprimé l'étalement de
ces revenus sur les années antérieures, lui substituant
un système dit " du quotient " qui permet de
calculer l'impôt en une seule fois, tout en atténuant
les effets de la progressivité du barème.
Ce nouveau régime demeure très contesté parce
que, par rapport à celui de l'étalement, il entraîne
une imposition sur le revenu plus lourde, notamment pour les titulaires
de revenus modestes percevant au cours d'une année une
somme élevée. Ces contribuables s'estiment en effet
injustement taxés, d'autant qu'ils perdent parfois le bénéfice
de dispositions fiscales favorables qu'ils auraient conservées
avec le régime de l'étalement (parts de quotient
familial, imputation éventuelle de déficit...).
Ces réclamations donnent rarement lieu à une intervention
utile auprès de l'administration fiscale tenue d'appliquer
les nouvelles dispositions, étant précisé
que les situations particulières rencontrées par
les réclamants dans ce domaine et susceptibles de justifier
une mesure en équité demeurent très exceptionnelles
(voir infra III-A-1-b).
2. La contestation de la règle de droit met en évidence
une mauvaise information ou une méconnaissance de la réglementation
nouvelle mise en cause
a. Les nouvelles conditions de dégrèvements d'impôts
locaux fixées par la loi de finances pour 1991 demeurent
mal connues
La réglementation fiscale prévoit un certain nombre
de dégrèvements de taxe foncière sur les
propriétés bâties, et de taxe d'habitation
en faveur des contribuables ayant des revenus modestes. Jusqu'aux
impositions de 1990, ces avantages ont été accordés
aux personnes non imposables, sans tenir compte des éventuelles
taxations forfaitaires de revenus et des réductions d'impôts.
Selon les dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour
1991, applicables à partir des impositions de 1991, ces
dégrèvements d'impôts locaux ne sont plus
accordés automatiquement aux personnes non imposables,
mais sont réservées à celles qui n'ont effectivement
que de faibles revenus, c'est-à-dire qui restent non imposables
avant l'application des réductions d'impôt, et compte
tenu des impositions forfaitaires éventuellement payées.
Or, même si elles touchent de nombreux contribuables, ces
mesures nouvelles sont restées mal connues depuis leur
entrée en vigueur, générant de nombreuses
réclamations.
b. Les dispositions de la nouvelle convention fiscale franco-américaine
ignorées des résidents français aux États-Unis
(réclamation transmise par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,
sénateur des français établis hors de France)
Cette convention en date du 31 août 1994 remplace celle
du 28 juillet 1967 et les avenants qui avaient suivi.
Ce nouveau texte a entraîné une modification de la
situation fiscale des résidents français titulaires
de " cartes vertes " aux États-Unis, rétribués
par l'État français.
Or, les intéressés n'ont pas eu connaissance, avant
le 14 novembre 1996, de ces nouvelles mesures, applicables dès
le 1er janvier 1996.
Il en est résulté auprès des autorités
fiscales américaines des manquements déclaratifs
et de paiements, passibles de lourdes sanctions.
Les personnes concernées ont donc sollicité l'intervention
du Médiateur afin que le nouveau régime d'imposition
ne leur soit pas appliqué en 1996.
Compte tenu des circonstances très particulières
de cette affaire, le Médiateur de la République
a aussitôt pris les contacts nécessaires avec les
services compétents du ministère du Budget, afin
de trouver, sans délai, une solution satisfaisante pour
les résidents français aux États-Unis, titulaires
de " cartes vertes ".
L'administration centrale des impôts, à Paris, a
pleinement répondu à l'attente des réclamants
(voir infra III-A-1-b).
Après avoir rappelé l'importance des contestations
nées de l'évolution de la règle fiscale,
puis examiné les fondements de l'action du Médiateur
pour y répondre, il convient maintenant d'évoquer
avec plus de précisions les recommandations qu'il formule
et les résultats obtenus.
III. UNE ACTION DURABLE : LE
MÉDIATEUR EST À LA FOIS INTERCESSEUR AMIABLE ET
ACTEUR DE L'ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION FISCALE
A. LES PROPOSITIONS DU MÉDIATEUR,
COMPLÉMENTAIRES DES DÉCISIONS DU JUGE
Les deux actions se complètent. Le juge dit le droit et
prononce des décisions qui s'imposent. Le Médiateur,
doté d'un pouvoir de règlement amiable des conflits,
formule toute proposition au plan gracieux et en équité,
et suggère toute réforme des textes qui lui paraît
utile.
1. Les recommandations du Médiateur à l'administration
Les résultats obtenus par le Médiateur sont étroitement
liés à ses possibilités d'action et aux démarches
qu'il entreprend auprès de l'administration fiscale, que
ce soit au plan gracieux ou en équité.
C'est pourquoi, pour la clarté de la présentation,
il a paru utile de présenter les résultats obtenus
après avoir évoqué les actions menées
auprès de l'administration.
a. Les mesures gracieuses et l'équité
Concurremment au juge qui tranche le litige en droit, le Médiateur,
indirectement, peut lui aussi agir sur la décision administrative
contestée, même si elle porte sur l'application d'une
règle fiscale nouvelle, en proposant à l'administration
d'en atténuer ou même d'en supprimer les conséquences.
Or, ce que demande le réclamant au juge n'est bien souvent
pas autre chose que de réformer ou d'annuler la décision
administrative afin d'en supprimer les effets, ce à quoi
l'action du Médiateur peut aussi aboutir, spécialement
lorsque le juge, tenu par la règle de droit, ne peut rien
faire en faveur du réclamant.
Dans ce cas, seul le Médiateur pourra, au plan gracieux
ou en équité, demander et obtenir de l'administration
que le réclamant, eu égard aux circonstances particulières
de l'affaire, ne supporte pas ou ne supporte qu'une partie des
conséquences de la décision critiquée, c'est-à-dire,
en matière fiscale, bénéficie d'une remise
ou d'une modération de ses impositions.
Cela explique, notamment lorsque la contestation porte sur l'application
d'une règle fiscale nouvelle ressentie comme injuste ou
inéquitable, que le Médiateur apparaisse au contribuable
comme l'ultime recours possible.
b. Les résultats obtenus
Il peut paraître intéressant, pour chacun des cas
évoqués précédemment, pour lesquels
le Médiateur s'est estimé fondé à
intervenir auprès de l'administration, d'examiner les résultats
de son action amiable.
Refus de l'exonération temporaire de taxe foncière
sur les propriétés bâties pour les constructions
financées au moyen de prêts spéciaux immédiats
(PSI) du Crédit foncier de France.
Cette contestation, qui a donné lieu à de nombreuses
réclamations auprès du Médiateur, est exemplaire
parce que les nombreuses modifications du régime d'exonération
sollicité (loi du 16 juillet 1971 et article 1384 du code
général des impôts) ont entraîné
d'énormes difficultés d'application dans le temps,
et que l'évolution de cette réglementation s'est
avérée particulièrement inéquitable
pour les titulaires de PSI.
Aussi, le Médiateur a évoqué cette situation
avec insistance auprès de l'administration, dénonçant
notamment les dispositions rétroactives prises par la loi
de finances rectificative pour 1986, qui validaient des impositions
foncières fondées sur l'origine des financements
de la construction, alors que le Conseil d'État (CE Sect.
21 juin 1985, Deruelle) avait souverainement et définitivement
jugé que ce moyen ne constituait pas une des conditions
d'octroi de l'exonération de taxe foncière prévue
par les dispositions de l'article 1384 du code général
des impôts.
Le Médiateur a souligné que le changement de la
règle fiscale pour le passé introduisait une insécurité
juridique inacceptable qui pénalisait certains contribuables
pour un motif sans lien direct avec leurs ressources ou les caractéristiques
de leur logement, ôtant par là même à
l'exonération temporaire de taxe foncière son caractère
social voulu par le législateur.
Le Médiateur a particulièrement insisté sur
le caractère inéquitable de la solution retenue
par l'administration fiscale, qui exclut de l'exonération
de taxe foncière les contructions financées au moyen
de PSI et permet cette exonération en cas de financement
par un prêt d'accession à la propriété
(PAP).
Or, PAP et PSI obéissaient aux mêmes conditions d'octroi,
et résultaient de la même enveloppe budgétaire
attribuée au Crédit foncier de France. Au cours
d'une période transitoire, à la fin des années
1970, les prêts aidés HLM et les PSI avaient même
été fusionnés en PAP.
Malgré cet ensemble d'arguments, l'action du Médiateur
n'a pas abouti, l'administration fiscale ayant rappelé
que la volonté du législateur de valider sa doctrine
visant à exclure les constructions financées par
les PSI du bénéfice de l'exonération de taxe
foncière s'était clairement exprimée lors
du vote de la loi de finances rectificative pour 1986, et que
le caractère rétroactif de cette loi avait été
admis par le Conseil constitutionnel (décision du 29 décembre
1986).
Cas de M. L..., taxé sur la plus-value réalisée
lors de la vente de SICAV non préalablement transférées
sur un plan d'épargne en actions.
L'administration a maintenu sa position, tout en déplorant
que la solution de bienveillance demandée par le Médiateur
n'ait pu être retenue, en raison de règles de prescription
applicables par ailleurs.
Cas de MM. A...., taxés sur les plus-values réalisées
lors d'opérations intercalaires d'échanges de titres
intervenus entre le 12 septembre 1990 et le 1er janvier 1991.
L'administration a admis l'argumentation, en équité,
du Médiateur, l'intention des autorités françaises
et communautaires étant bien de ne taxer à aucun
moment les opérations intercalaires d'échanges de
titres de sociétés.
La solution a donc été de reporter la mise en recouvrement
de la taxation des plus-values.
Application de la nouvelle convention franco-américaine.
Plusieurs réunions de travail avec le service de la législation
fiscale, au ministère du Budget, auxquelles a été
associée le parlementaire intervenant Mme Monique CERISIER-ben
GUIGA, ont permis d'aboutir rapidement à une solution satisfaisante.
Ainsi, à la suite de l'intervention du Médiateur,
le report d'un an de ces dispositions (devenues applicables au
1er janvier 1997) a été demandé par le ministre
français des Finances à son homologue américain,
qui l'a accepté.
Remise en cause du régime d'exonération fiscale
accordé aux entreprises nouvelles et du crédit d'impôt
recherche.
Dans ces affaires, il appartient au Médiateur de demander
aux réclamants de lui apporter tous les éléments
qui permettent de procéder à une analyse aussi fine
que celle pratiquée par le juge, de manière à
pouvoir soutenir utilement le dossier auprès de l'administration.
Toutefois, dans les litiges portant sur le régime de faveur
prévu pour les entreprises nouvelles, force est de constater
que l'administration fiscale revient rarement sur sa position,
laissant au juge le soin de trancher, malgré la demande
de règlement amiable et l'argumentation du Médiateur.
En revanche, l'administration réserve un meilleur accueil
aux demandes du Médiateur, en matière de crédit
d'impôt recherche accordé aux entreprises, notamment
lorsque l'expertise amiable réalisée par les services
techniques compétents du ministère de la Recherche
et de l'Industrie conclut à l'éligibilité
des dépenses de recherche à ce régime fiscal
de faveur.
Cas de M. C..., à qui l'administration refusait le bénéfice
de la réduction d'impôt pour l'investissement locatif,
au titre d'un logement loué à la Gendarmerie nationale.
Grâce à l'intervention du Médiateur, M. C...
a obtenu la réduction d'impôt qu'il sollicitait,
l'administration ayant admis les arguments invoqués en
équité.
Par ailleurs, à la suite des observations que le Médiateur
a formulées à l'occasion de plusieurs réclamations
portant sur les locations à des services de l'État,
la réglementation fiscale a été modifiée
sur ce point.
L'article 24 de la loi de finances rectificative pour 1995 (loi
no 95-885 du 4 juillet 1995) a en effet étendu le bénéfice
de la réduction d'impôt pour l'investissement locatif
prévu à l'article 199 decies A. du code général
des impôts aux contribuables qui donnent en location leur
logement, dans des conditions fixées par décret,
à un organisme public ou privé qui l'affecte à
l'habitation principale de son personnel.
Les contestations des impositions sur le revenu calculées
selon le système dit " du quotient ".
Dans ces affaires où le Médiateur ne peut intervenir
au plan du droit dès lors que la volonté du législateur
s'est clairement exprimée, seul un allègement gracieux,
ou en équité, de l'impôt peut être éventuellement
demandé.
Les conditions requises pour accomplir cette démarche sont
rarement remplies. En effet, ces impositions si elles sont ressenties
comme particulièrement injustes n'apparaissent toutefois
insupportables pour le réclamant que dans des situations
très exceptionnelles. Cela étant, le Médiateur
informe toujours, et complètement, le contribuable de l'état
de la nouvelle réglementation ainsi que des raisons pour
lesquelles, le cas échéant, aucune action amiable
ne pouvait être tentée auprès de l'administration
fiscale.
2. L'apport du Médiateur à l'évolution
de la réglementation fiscale : les propositions de réformes
Toujours formulées à partir d'une réclamation
individuelle, les modifications des textes ou des documents administratifs
suggérées par le Médiateur sont très
variées, touchant tous les impôts et tous les aspects
de l'action des services financiers de l'État (Impôts,
Douanes, ou Trésor public).
Mais si la contribution du Médiateur à l'évolution
de la réglementation fiscale apparaît importante,
il est également essentiel de constater que son action
en matière de propositions de réformes ne conduit
pas à ajouter des dispositions nouvelles à une réglementation
déjà surabondante et en perpétuel changement
jusqu'à devenir trop complexe, voire inintelligible pour
le contribuable.
Les suggestions du Médiateur destinées à
modifier la réglementation fiscale s'efforcent, ainsi que
le montrent les quelques exemples suivants, de répondre
au souci de mieux informer les contribuables et de rendre les
textes plus lisibles et plus clairs.
a. Les propositions satisfaites
Information des créateurs d'entreprises.
En raison de l'existence de nombreux contentieux démontrant
les difficultés d'application de la réglementation
concernant les allègements d'impôts sur les bénéfices
réalisés au cours des cinq premières années
d'activité, le Médiateur a suggéré
l'institution d'une procédure de prédétermination
du statut d'entreprises nouvelles et de ses conséquences
fiscales.
Sans répondre, dans un premier temps, complètement
à cette suggestion, le ministère du Budget a mis
en place une série de mesures destinées à
améliorer l'information des créateurs d'entreprises
:
- large diffusion d'une brochure dans les centres de formalités
des entreprises afin d'expliciter la réglementation et
mettre en garde les contribuables sur l'enjeu d'une mauvaise décision
prise sans toutes les garanties;
- mise en place d'un correspondant départemental, nommément
désigné dans la brochure, pouvant être consulté
par l'entrepreneur à la direction des services fiscaux.
Il ne certifie pas a priori le régime fiscal qui sera appliqué,
mais donne un conseil éclairé, et dans la très
grande majorité des cas, définitif.
Clarification des règles relatives au plafonnement des
réductions d'impôts auxquelles les dons aux úuvres
d'intérêt général donnent droit (article
200 du code général des impôts).
La rédaction des dispositions fixant le mécanisme
du plafonnement des versements consentis aux úuvres d'intérêt
général ouvrant droit à une réduction
d'impôt paraissant conduire à des divergences d'interprétation,
le Médiateur a demandé la réécriture
de ces textes.
Le ministre du Budget a aménagé la présentation
du code général des impôts sur ce point, dans
un souci de clarification et meilleure lisibilité.
Information des contribuables sur les droits de mutation à
taux réduit.
Les particuliers qui acquièrent un immeuble pour lequel
ils prennent l'engagement de l'affecter à l'habitation
pendant une durée minimale de trois ans, sont passibles
des droits de mutation au taux réduit de 2,6 %.
Toutefois, l'acquisition est soumise à la taxe sur la valeur
ajoutée lorsque l'immeuble fait l'objet de travaux qui
accroissent son volume ou sa surface.
La combinaison de ces règles aboutit donc à réclamer
de la taxe sur la valeur ajoutée à des personnes
qui ont respecté l'engagement d'habitation exigé
pour l'octroi du taux réduit du droit d'enregistrement.
Cette situation étant de nature à entraîner
une mauvaise compréhension du régime fiscal applicable,
le Médiateur a suggéré au ministère
du Budget de prendre les dispositions nécessaires pour
mieux informer les contribuables.
L'administration, à la suite de cette demande, a modifié,
dès 1996, l'édition des dépliants destinés
aux acheteurs potentiels d'un logement.
Information des contribuables non-imposables, de leur situation.
À la suite de la demande du Médiateur, le ministère
du Budget a modifié la présentation de l'avis de
non-imposition de manière à mettre en évidence
l'existence des droits fiscaux et sociaux attachés à
la situation du contribuable.
Par ailleurs, un dépliant de 16 pages, réalisé
en association avec le ministère des Affaires sociales,
énumère les divers avantages prévus dans
la situation de non-imposition. Sa diffusion, réalisée
à 800 000 exemplaires dès 1994, est assurée
par l'ensemble des services des ministères du Budget et
des Affaires sociales, et leurs relais d'information (mairies,
services sociaux...).
Amélioration des mentions portées aux bordereaux
de situation établis par le Trésor public.
Le Médiateur a demandé au ministère du Budget
que les bordereaux de situation de recouvrement délivrés
par le Trésor public laissent clairement apparaître
la dette du contribuable, notamment lorsque l'imposition a été
admise en non-valeur.
Des dispositions ont été prises pour améliorer
la lisibilité de ce document dans ce type de situation.
Information des débiteurs de la redevance pour l'audiovisuel
privés de l'usage de leur appareil à la suite d'un
vol ou de sa destruction.
Aucune information ne figurant sur la notice d'information du
public " Redevance télévision " éditée
par le ministère de l'Économie et des Finances,
en cas de perte d'usage du téléviseur à la
suite d'un vol ou d'une destruction, le Médiateur a suggéré
qu'un paragraphe particulier soit consacré à cette
situation.
Le ministère de l'Économie et des Finances a retenu
cette proposition dans la nouvelle rédaction de la plaquette
d'information Redevance télévision.
Réduction d'impôt pour investissement immobilier
locatif.
Les contribuables doivent fournir des pièces justificatives
pour bénéficier de cette réduction d'impôt,
le dépôt de l'engagement de location étant
une des conditions légales à l'octroi de cet avantage
fiscal.
Or, il est apparu que les contribuables rencontraient des difficultés
sur ce point, et que l'administration fiscale n'admettait pas
la régularisation de l'absence d'engagement de location.
À la demande du Médiateur, le ministère du
Budget a décidé de mieux préciser à
l'intention des contribuables le caractère obligatoire
de la production de l'engagement de location. La notice d'information
accompagnant la déclaration de revenu a été
modifiée en ce sens, ainsi que les diverses brochures d'information.
b. Les propositions à l'étude
Amélioration de la réglementation relative aux modes
de paiement mis à la disposition des redevables de timbres-amendes.
Malgré les différentes mesures prises pour améliorer
tant le réseau de distribution que le contrôle et
les règles d'approvisionnement des débitants de
tabac en timbres-amendes, force est de constater que le système
n'est pas vraiment satisfaisant et les démarches à
accomplir par les redevables pourraient encore gagner en simplicité.
Le Médiateur de la République s'interroge donc sur
l'opportunité qu'il y aurait aujourd'hui à promouvoir
la délivrance mécanique des timbres-amendes par
la mise en service de distributeurs automatiques.
Le Médiateur s'interroge également sur les raisons
qui justifient que les amendes forfaitaires minorées et
normales peuvent être payées par timbres-amendes
tandis que les amendes forfaitaires majorées ne le peuvent
pas.
Il souhaite que le dispositif soit simplifié sans pour
autant augmenter le nombre des quotités des timbres-amendes.
Ouverture d'un choix de dates du prélèvement automatique
mensuel d'impôt sur le revenu.
Afin de permettre au plus grand nombre de contribuables de bénéficier
de la formule du paiement de l'impôt par voie de prélèvement,
le Médiateur souhaite que le contrat de mensualisation
proposé par le Trésor public offre un choix entre
deux ou trois dates de prélèvement.
Certificat de non-imposition des adultes handicapés.
Certaines personnes handicapées rencontrent des difficultés
pour justifier de leur non-imposition à l'impôt sur
le revenu lorsqu'elles sont considérées fiscalement
comme étant à charge de leurs parents.
Or, il apparaît que faute d'une doctrine définitive
sur ce point, certains adultes handicapés se sont vu refuser
la délivrance d'un certificat de non-imposition faute d'avoir
souscrit une déclaration de revenus qui leur soit propre.
L'avis de non-imposition constituant parfois le seul moyen de
preuve pour obtenir certains avantages, notamment fiscaux, parafiscaux
et sociaux soumis à conditions de ressources, la position
de certains services des impôts les empêche d'en bénéficier.
Le Médiateur a donc suggéré qu'une instruction
administrative rappelle à tous les services compétents
que la constatation de l'absence d'un majeur handicapé
sur le rôle de l'impôt sur le revenu ouvre à
elle seule le droit à la délivrance d'un certificat
de non-imposition au demandeur.
Acquisition de véhicules dans un autre État membre
de l'Union européenne.
Les indélicatesses commises par plusieurs mandataires automobiles
qui ont disparu en s'appropriant la taxe sur la valeur ajoutée
versée par les acheteurs, placent ces derniers dans une
situation particulièrement inique : l'immatriculation du
véhicule leur est refusée s'ils ne versent pas à
nouveau la taxe sur la valeur ajoutée détournée
par le mandataire.
Le Médiateur a proposé d'améliorer le système
en vigueur, notamment en demandant l'élaboration d'un modèle
de mandat par le Conseil national de la consommation et sa large
diffusion, au moyen des dépliants d'information édités
par le ministère de l'Économie et des Finances,
de manière à assurer une meilleure information des
particuliers et leur offrir ainsi des garanties.
B. UNE ACTION AMIABLE EN FAVEUR
DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE
1. Le Médiateur contribue à la certitude et à
la clarté de la règle fiscale
Son action dans ce domaine s'exerce à la fois par les propositions
de réformes évoquées précédemment,
et par les réponses aux réclamations individuelles.
Le Médiateur s'efforce en effet toujours d'apporter une
information utile au réclamant. Lorsque le litige porte
sur une question de droit complexe, ce qui est souvent le cas
des réclamations relatives à l'évolution
de la réglementation fiscale, cette volonté n'est
pas écartée, bien au contraire.
Le Médiateur explique le droit applicable et, éventuellement,
les raisons pour lesquelles la position de l'administration lui
paraît fondée.
Il apporte toute information ou précision, et cela jusque
dans l'explication de termes juridiques si nécessaire,
afin de permettre au contribuable une meilleure lisibilité
des textes de manière à ce qu'il comprenne mieux
l'application de la réglementation qui a été
faite au cas particulier.
Ce souci constant du Médiateur de clarification et d'explication
de la règle fiscale et de ses changements suffit d'ailleurs
à répondre à l'attente d'un certain nombre
de réclamants.
Dans tous les cas, cette action amiable, permanente et quotidienne,
contribue à la sécurité juridique.
2. Le Médiateur participe à la protection de
la " confiance légitime "
Cette notion, qui rejoint d'ailleurs le souci du législateur
de garantir les contribuables contre les changements de doctrine,
peut se définir comme le droit qu'aurait tout contribuable
de bonne foi à la confiance dans la stabilité juridique
qu'il peut espérer attendre de la règle fiscale.
La protection de la confiance légitime est parfois évoquée
par le juge, mais toujours avec prudence.
En effet, c'est la situation particulière du contribuable
qui justifie la mise en úuvre de cette garantie. Il doit
être tenu compte des circonstances de l'affaire et du comportement
du contribuable pour apprécier l'opportunité des
mesures de protection de la confiance légitime, dont ne
saurait bien sûr bénéficier une personne de
mauvaise foi, ou déjà avisée, de la disposition
nouvelle incriminée.
À cet égard, l'action amiable du Médiateur,
au cas par cas, avec les moyens particuliers dont il dispose au
plan gracieux et en équité, paraît bien adaptée
à la protection de la confiance légitime.
Les contestations des règles de droit nées de l'évolution
de la réglementation fiscale ne privent pas le Médiateur
de toute possibilité d'intervention auprès de l'administration.
Bien au contraire, son intervention peut permettre de dénouer
des situations juridiques complexes que la seule application du
droit se révèle impuissante à régler.
Le Médiateur apparaît alors comme l'ultime recours
dont dispose le contribuable, soit pour atténuer les effets
d'une règle fiscale nouvelle, soit pour l'amender.
Mais dans notre État de droit, l'ordonnancement des domaines
de compétence de l'administration, du législateur
et du juge, confère à ces interventions un caractère
exceptionnel.
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