DEUXIEME PARTIE
ACTIVITES DES SECTEURS D'INSTRUCTION DES RECLAMATIONS
Les réclamations écrites adressées au Médiateur de la République sont reçues et examinées, au siège de la Médiature, par le "service d'orientation des réclamations" (SOR), qui détermine si un dossier est recevable et s'il entre dans le champ de compétence du Médiateur de la République.
Ce service répond, dans les huit jours, aux auteurs des réclamations qui ne remplissent pas ces critères.
- Si le dossier est irrecevable, le parlementaire qui l'a transmis est invité, selon les cas, à le faire compléter par le réclamant, ou à lui indiquer les démarches préalables qu'il aurait dû entreprendre avant de saisir le Médiateur de la République.
Dans le cas où l'irrecevabilité résulte du non-respect de la procédure légale de saisine, le réclamant qui a adressé son dossier directement au Médiateur de la République est invité à demander au parlementaire de son choix la transmission officielle de la réclamation.
Lorsque la réclamation se résume à une simple lettre, décrivant de façon insuffisamment précise les difficultés rencontrées, le réclamant est orienté vers le délégué départemental le plus proche de son domicile.
Celui-ci pourra le recevoir pour lui permettre d'expliciter sa demande et, pour vérifier s'il peut régler lui-même la difficulté. Si la situation ne s'y prête pas, il pourra l'aider à constituer un dossier en respectant la procédure légale de transmission par un parlementaire pour que l'affaire soit examinée au siège de la Médiature. A titre tout à fait exceptionnel, mais par souci d'efficacité, ces deux dernières procédures sont différées s'il s'agit de situations particulièrement urgentes ou dramatiques : les services du Médiateur de la République examinent immédiatement le dossier, tout en veillant à ce qu'il soit ultérieurement régularisé par une saisine parlementaire.
- Si le dossier se situe hors du champ de compétences du Médiateur de la République, le parlementaire qui l'a transmis, ou la personne qui s'est adressée directement à lui, reçoit une réponse motivée, qui explicite les raisons de l'incompétence, fournit des conseils et oriente l'intéressé vers les instances compétentes.
Par ailleurs, les réclamations recevables donnent lieu à un accusé de réception adressé au parlementaire et au réclamant, puis sont orientées vers le "secteur d'instruction" compétent de la Médiature.
Les secteurs d'instruction sont au nombre de cinq : un secteur "administration générale" (AGE), un secteur "agents publics/pensions" (AGP), un secteur "fiscal/finances" (FI), un secteur "justice/urbanisme" (JUS/URB), et un secteur "social" (SO).
Ces secteurs d'instruction, composés chacun d'un conseiller et de trois à six chargés de mission, instruisent les dossiers qui leur sont attribués.
Lorsqu'une réclamation lui paraît fondée (dysfonctionnement de l'administration ou atteinte à l'équité), le secteur concerné procède à un examen approfondi du dossier en liaison avec l'organisme mis en cause.
Si celui-ci accepte la solution suggérée par le secteur, le Médiateur de la République clôt le dossier et avertit le parlementaire qui a transmis la réclamation de l'heureux dénouement de l'affaire.
Dans le cas contraire, le Médiateur de la République peut faire des "recommandations" à l'administration concernée. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ces recommandations, notamment dans son rapport annuel.
LE SECTEUR ADMINISTRATION GENERALE
En 1999, le secteur administration générale (AGE) a reçu plus de 1400 dossiers.
Cette année a été marquée par un grand nombre de réclamations relatives, d'une part, à des refus de report d'incorporation au service national et, d'autre part, au séjour des ressortissants étrangers en France.
La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a introduit dans le code du service national l'article L. 5 bis A qui permet, sous certaines conditions, aux jeunes gens titulaires d'un contrat de travail de droit privé et bénéficiant d'un report d'incorporation en vertu des articles L. 5 (2°) ou L. 5 bis, d'obtenir un report supplémentaire. Ces nouvelles dispositions, dont les modalités d'application ont été précisées à l'article R. 9 du code, imposent aux jeunes gens intéressés de déposer leur demande dans des délais très précis. Si ces délais ne sont pas respectés, la commission administrative chargée de statuer sur ces demandes est tenue de les rejeter.
Plus de la moitié des réclamations instruites par le secteur AGE ont ainsi concerné des refus opposés pour non respect de ces délais. Le Médiateur de la République n'a pu donner de suite à ces dossiers, en raison de la compétence liée de l'administration. En revanche, ayant constaté, au début de l'année 1999, que les renseignements fournis par certains bureaux du service national sur les délais étaient imprécis, le Médiateur de la République en a averti le ministre de la Défense. Celui-ci a aussitôt donné des instructions pour qu'une meilleure information soit assurée.
Les réclamations parvenues à compter de l'été 1999 ne portant pratiquement plus sur des problèmes de cette nature, le Médiateur de la République en a conclu que les moyens mis en oeuvre avaient été efficaces et avaient permis une meilleure compréhension des nouvelles dispositions.
L'année écoulée a également été marquée par l'enregistrement d'un grand nombre de réclamations concernant des ressortissants étrangers. Cet important volume d'affaires s'explique par la saisine massive du Médiateur de la République par des "collectifs de sans papiers", tout particulièrement le 3ème collectif qui comprend près de 350 membres, pour la plupart d'origine chinoise. Ce phénomène n'est pas nouveau : déjà en 1997, le Médiateur de la République avait été saisi par les "sans papiers de Saint-Bernard", dont la situation avait été réglée notamment dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997, dite circulaire Chevènement, qui a mis en oeuvre une procédure de régularisation inspirée des propositions de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.
L'examen des dossiers parvenus au cours de 1999 a mis en évidence des situations beaucoup plus délicates à instruire. En effet, il s'agissait principalement d'étrangers qui avaient demandé à être régularisés sur le fondement de la circulaire précitée, mais à qui un refus avait été opposé, souvent après réexamen de leur situation par le ministre de l'Intérieur dans le cadre d'un recours hiérarchique. Pour ces dossiers, l'intervention du Médiateur de la République a été rarement couronnée de succès : ils ont fait fréquemment l'objet d'une longue instruction par l'administration et les intéressés n'ont eu, le plus souvent, aucun élément nouveau à faire valoir.
Cependant, il est apparu dans certains cas que l'administration s'était crue tenue d'opposer un refus de régularisation dès lors que l'étranger concerné ne pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, alors qu'elle aurait pu le régulariser en vertu du pouvoir d'appréciation qu'elle détient. Ce comportement abusif avait déjà été dénoncé dans le rapport pour l'année 1997.
1. Présentation de quelques cas significatifs
Dommages de travaux publics – Indemnisation partielle
Réclamation n° 96-2959, transmise par M. Francis GALIZI, ancien député des Alpes-de-Haute-Provence et par M. Fernand TARDY, ancien sénateur des Alpes-de-Haute-Provence
Mmes R... et D... sont copropriétaires dans un immeuble situé à Digne-les-Bains, qui a été réhabilité en mars 1986 dans le cadre d'une opération communale. Le coût des travaux a été pris en charge pour 40 % par la ville de Digne, qui était maître d'ouvrage pour ces travaux, et pour 60 % par les propriétaires.
Dès le mois de mai 1986, Mme R... a alerté les services techniques municipaux pour signaler l'apparition de fissurations anormales sur l'une des façades de l'immeuble. Le directeur des services techniques a aussitôt reconnu que le résultat du ravalement ne correspondait pas à ce qui en est normalement attendu mais, malgré plusieurs engagements successifs des services municipaux, la Ville n'a pas fait procéder aux travaux de réfection nécessaires.
Il semble que, dans les mois qui ont suivi l'apparition du problème, la municipalité a envisagé de faire réaliser ces travaux dans le cadre d'une opération de réhabilitation d'un quartier voisin de celui où se situe l'immeuble des réclamantes. Mais ce projet aurait été abandonné, la mairie affirmant qu'il s'agissait d'un litige purement privé.
Lorsque le Médiateur de la République a été saisi de l'affaire en 1996, la situation était complètement bloquée.
Ce n'est qu'après plusieurs interventions du Médiateur de la République que la mairie a finalement proposé de prendre à sa charge 50 % des travaux à effectuer, les 50 % restants étant bien sûr à la charge des propriétaires. Compte tenu des éléments du dossier, le Médiateur de la République a estimé que cette solution apportait une issue convenable au litige, et les réclamantes ont été invitées à accepter les propositions de la mairie. Le Médiateur de la République a également demandé au maire de faire diligence pour l'exécution des travaux dès acceptation de la proposition par les réclamantes.
Dans cette affaire, l'intervention sur place de la déléguée départementale du Médiateur de la République a été particulièrement précieuse, car elle a permis aux services parisiens de bénéficier de nombreuses précisions concrètes que l'éloignement pouvait rendre difficiles à obtenir ; la déléguée a également mis à profit les liens qu'il lui était possible de nouer avec les différents services administratifs concernés, ce qui a favorisé l'assouplissement des points de vue en présence.
Concours - Refus d'inscription à titre dérogatoire
Réclamation n° 97-4695, transmise par M. Arthur PAECHT, député du Var
Les études de Mlle C..., élève en classe préparatoire aux écoles vétérinaires, ont été très perturbées en 1996 et 1997 à cause de graves problèmes de santé.
Atteinte d'une insuffisance rénale chronique nécessitant un traitement régulier par hémodialyse, Mlle C... a pu bénéficier d'une transplantation rénale en novembre 1996.
Dans ces circonstances, ses chances de réussite au concours étaient très réduites et Mlle C... a échoué aux épreuves à deux reprises en 1996 et 1997. Elle pensait toutefois avoir la possibilité de s'y présenter une troisième fois. En effet, l'arrêté du 24 février 1994 fixant les modalités des concours d'accès dans les écoles vétérinaires, ouverts aux élèves des classes préparatoires, permettait à la commission d'examen d'accorder une dérogation au nombre d'inscriptions, régulièrement prévu, dans la limite de deux fois.
Mlle C... avait donc effectué une demande de dérogation en avril 1997 pour pouvoir se présenter, en cas d'échec, au concours de la session 1998 et s'était inscrite à cet effet en classe préparatoire pour l'année scolaire 1997/1998.
Malheureusement elle a appris un mois après la rentrée scolaire, en octobre 1997, que sa demande de dérogation avait été rejetée. En effet, la réglementation, qui avait été modifiée par un arrêté du 31 juillet 1997 fixant les modalités des concours d'accès dans les écoles vétérinaires, ne prenait pas en compte les situations exceptionnelles telles que celle de Mlle C... Elle ne pouvait donc plus légalement se présenter au concours.
Très déçue par cette décision, qu'elle jugeait inéquitable, Mlle C... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a demandé au ministère de l'Agriculture et de la Pêche un réexamen bienveillant du dossier de Mlle C... Malheureusement, le directeur général de l'Enseignement et de la Recherche n'a pu accorder aucune dérogation à Mlle C... Malgré les circonstances de cette affaire, sa requête n'a pu être retenue par la commission, dans la mesure où la jeune fille s'était déjà présentée deux fois au concours.
Le Médiateur de la République a alors demandé au ministre chargé de l'Agriculture que la réglementation prenne plus particulièrement en compte le cas des étudiants qui connaissent de graves ennuis de santé. Sensible à cette situation, celui-ci a pris, le 3 août 1998, un nouvel arrêté complétant l'arrêté du 31 juillet 1997, qui permet aux candidats ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 70 %, comme Mlle C..., de présenter quatre fois le concours.
Mlle C... a donc pu, en 1999, se présenter une troisième fois au concours d'accès dans les écoles vétérinaires auquel elle a été reçue à un rang très honorable.
Indemnisation d'un sinistre – Règlement global du litige
Réclamation n° 98-0857, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne
Le 20 avril 1996, Mme P... a vu s'affaisser la chaussée devant l'habitation dont elle était propriétaire, dans une petite commune du nord de la France. Cet effondrement a entraîné la rupture totale d'une canalisation d'eau à fort débit, qui a provoqué de graves désordres dans l'immeuble.
Le maire de la commune a dû prendre sans délai un arrêté de péril imminent et Mme P... a été relogée en urgence dans un hôtel, à titre provisoire, aux frais de la commune. Par la suite, elle a dû se reloger par ses propres moyens et changer de lieux d'habitation à diverses reprises. Disposant de très peu de ressources et voyant ses conditions de vie se dégrader rapidement, Mme P... souhaitait qu'une solution soit apportée le plus rapidement possible à cette situation.
Mais la commune, responsable de la voirie, le district chargé de la distribution de l'eau ainsi que leurs assureurs estimaient que l'indemnisation de Mme P... ne leur incombait pas, invoquant l'existence d'anciens ouvrages militaires à l'origine des mouvements du sous-sol. Aucune perspective d'accord amiable ne se dessinant, Mme P... a été amenée à déposer un recours devant le tribunal administratif territorialement compétent.
A la lecture du rapport établi par l'expert commis par le tribunal, le droit à indemnisation de Mme P... ne faisait aucun doute en raison du régime de responsabilité applicable en l'espèce. Cependant, il était à craindre que chacune des parties, en souhaitant épuiser toutes ses voies de recours, ne retarde considérablement l'aboutissement des procédures.
Aussi, Mme P... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour éviter d'avoir à subir de trop longs délais.
Après une analyse du rapport d'expertise, ainsi que des diverses conclusions et observations contradictoires des parties, le Médiateur de la République a recherché et obtenu l'accord formel de chacun des intervenants pour parvenir à un règlement amiable du litige. Il les a alors tous réunis afin de déterminer de façon précise leurs engagements respectifs.
A l'issue de cette réunion, un protocole d'accord a été conclu. Les assureurs du district et de la commune se sont engagés à régler solidairement à la fois l'indemnité correspondant à la valeur de l'immeuble au jour du sinistre et celle relative à la perte de jouissance de l'immeuble, selon l'estimation des services des Domaines.
Les assureurs de la commune, du district et de l'immeuble de Mme P... ont, en outre, accepté de prendre à leur charge, chacun pour le tiers, le montant des frais d'expertise.
Pour sa part, la commune a donné son accord pour acquérir le terrain nu sur lequel était édifié l'immeuble sinistré, au prix fixé par les Domaines. Quant à Mme P..., elle a pris l'engagement de faire démolir l'immeuble sinistré et évacuer les gravats afin de permettre la reprise du terrain nu par la commune.
Ce protocole a été signé le 13 avril 1999 en présence du Médiateur de la République qui s'est, par la suite, assuré de sa mise en oeuvre. Grâce à son intervention, Mme P... a pu être indemnisée et le différend a pu être réglé dans sa globalité.
Séjour des étrangers en France – Régularisation d'un conjoint
Réclamation n° 98-2340, transmise par M. Bernard PONS, député de Paris
De nationalité ukrainienne, Mme S... est entrée en France en 1996 sous couvert d'un visa de court séjour et a aussitôt sollicité le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée, en dernier ressort, par la Commission des recours des réfugiés le 12 janvier 1998, ce qui a conduit le préfet à prendre à son égard une décision de refus de séjour, assortie d'une invitation à quitter le territoire le 4 mars 1998.
Contestant cette décision, l'intéressée a cherché à faire prendre en compte sa situation personnelle.
Elle a indiqué qu'elle s'était mariée en 1993 en Hongrie, avec un ressortissant de ce pays, titulaire en France d'une carte de résident et que celui-ci s'était engagé à la prendre totalement en charge. Elle a alors demandé, par l'intermédiaire de ses avocats, la délivrance d'un titre de séjour "visiteur" ou une admission exceptionnelle au séjour dans le cadre d'un regroupement familial à partir de la France. En effet, son mari n'avait pas sollicité jusque-là un regroupement familial en sa faveur, Mme S... n'ayant pas souhaité quitter l'Ukraine afin d'y poursuivre ses activités professionnelles.
C'est dans ces conditions que Mme S... a saisi le Médiateur de la République. Celui-ci est alors intervenu auprès de l'administration compétente, en faisant valoir que les intéressés avaient effectivement une vie commune en France depuis l'été 1996, et afin d'obtenir que, pour des raisons de sécurité, Mme S... ne soit pas contrainte de retourner en Ukraine dans l'hypothèse où son mari introduirait une procédure de regroupement familial.
Le préfet a alors réservé sa décision, dans l'attente de celle du ministre de l'Intérieur sur la demande d'asile territorial que l'intéressée avait été autorisée à déposer en août 1998. Celle-ci ayant été rejetée, le préfet a accepté de reconsidérer la situation administrative de Mme S... et lui a délivré un titre de séjour "vie privée et familiale", compte tenu de ses liens familiaux en France.
Facturation téléphonique – Prise en compte d'une situation humainement difficile
Réclamation n° 98-3412, transmise par M. André VALLINI, député de l'Isère
Mme G... a été condamnée, en premier ressort puis en appel, à régler à France Télécom deux factures correspondant respectivement à des sommes d'un montant d'environ 38 400 F et 104 000 F.
Elle a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République car, même si elle admettait être juridiquement responsable de sa ligne vis-à-vis de France Télécom, elle estimait injuste de devoir s'acquitter de factures dont le montant élevé résultait des agissements de son frère, elle-même étant démunie des moyens de régler de telles sommes.
En effet, Mme G... vit avec une pension d'invalidité ; elle a quatre enfants encore à sa charge et un autre, de 25 ans, qui est handicapé. Profitant de son état de santé défaillant et de son séjour à l'hôpital, son frère s'était installé chez elle et avait fait usage de son téléphone à des fins professionnelles. Condamné pour escroquerie, il est parti à l'étranger et demeure introuvable, laissant ses factures impayées. Mme G... se voyait donc menacée de devoir vendre sa maison pour régler les factures litigieuses.
Sans remettre en cause la décision du juge, le Médiateur de la République a fait valoir à la société France Télécom qu'elle disposait désormais des moyens techniques nécessaires pour surveiller les consommations de ses clients et qu'elle aurait pu interrompre les lignes ou en limiter l'usage avant que les factures n'atteignent de tels montants.
France Télécom a accepté de prendre en compte ces arguments et, afin de mettre un terme à ce pénible litige au regard d'une situation humaine difficile, a décidé d'annuler la facture de 104 000 F.
Délivrance d'un diplôme – Procédure irrégulière
Réclamation n° 98-3700, transmise par Mme Marisol TOURAINE-REVEYRAND, député d'Indre-et-Loire
A la fin de sa scolarité dans un institut universitaire de technologie, M. R... a obtenu une moyenne légèrement supérieure à dix. Selon l'arrêté ministériel du 20 avril 1994 relatif au diplôme universitaire de technologie, cette moyenne lui permettait de se voir délivrer son diplôme. Cependant, les professeurs, membres du jury d'admission, qui avaient suivi sa scolarité, ont transmis un avis défavorable au président de l'université, car ils considéraient que le niveau de M. R... était insuffisant.
Estimant à juste titre que le jury avait commis une irrégularité en ne se conformant pas aux dispositions de l'arrêté précité, le président de l'université a décidé de passer outre la proposition du jury et de délivrer ce diplôme à M. R...
Les professeurs ont alors contesté cette décision devant le tribunal administratif, qui l'a annulée, le 9 juillet 1998, sans se prononcer sur le fond. Les juges ont, en effet, considéré que le président de l'université aurait dû provoquer une nouvelle délibération du jury avant de prendre sa décision.
Pendant la durée de cette procédure, M. R... ne disposait que d'une attestation provisoire de DUT et il risquait de perdre l'emploi qu'il venait de trouver s'il n'obtenait pas son diplôme rapidement. Il a donc saisi le Médiateur de la République.
Celui-ci a demandé au président de l'université de bien vouloir réunir le jury, dans les meilleurs délais, afin de rectifier l'erreur et de régulariser ainsi la procédure d'attribution du diplôme.
Ces démarches ont été accomplies et M. R... a ainsi pu conserver son emploi.
Notification d'une décision – Envoi incomplet
Réclamation n° 98-5218, transmise par M. Claude EVIN, député de la Loire-Atlantique, ancien ministre
A la suite d'un contentieux relatif à des opérations de remembrement, la commission nationale d'aménagement foncier a statué sur la situation de Mme G... par une décision du 10 juin 1998.
Cette décision devait être communiquée à l'intéressée par un courrier recommandé, avec demande d'avis de réception, qui lui a été adressé le 25 septembre 1998.
Selon les déclarations de Mme G..., le pli qu'elle a alors reçu ne contenait que la lettre précisant les délais et voies de recours, la décision n'ayant pas été jointe.
Pensant qu'il s'agissait d'une simple erreur de secrétariat, Mme G... a retourné l'avis de réception et a réclamé un exemplaire de la décision oubliée.
Considérant qu'une telle omission était impossible et, sur la foi de l'avis de réception dûment retourné, la commission incriminée a refusé d'envoyer un nouvel exemplaire de la décision. Mme G... se voyait ainsi privée de toute possibilité d'exercer ses droits de recours contre cette décision.
Elle a donc saisi le Médiateur de la République qui a demandé au président de la commission nationale d'aménagement foncier d'adresser à nouveau à Mme G... la décision la concernant. Cependant, arguant du fait que l'intéressée avait signé l'accusé de réception, cet organisme a persisté dans son refus.
Le Médiateur de la République a donc repris ses diligences en soulignant que Mme G... avait rapidement écrit à la commission pour signaler le caractère incomplet de l'envoi et en faisant valoir que l'intéressée ne pouvait tirer aucun avantage à affirmer, de mauvaise foi, que la décision en cause n'était pas jointe. A la suite de cette intervention, le président de la commission a finalement donné satisfaction à Mme G... en lui adressant la décision du 10 juin 1998 le 8 décembre suivant.
Interruption d'études – Réintégration difficile
Réclamation n° 98-5227, transmise par M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis
M. A... a interrompu ses études d'infirmier en 1995, pour des raisons familiales et financières. Il a ultérieurement souhaité reprendre et terminer la dernière année d'études le séparant du diplôme d'infirmier, cette réintégration en troisième année lui permettant de ne pas perdre le bénéfice de deux années d'études difficiles. Cependant, il ne parvenait pas à trouver un centre de formation susceptible de l'accueillir malgré des appréciations de stage très convenables.
Il a donc saisi le Médiateur de la République qui est intervenu auprès de plusieurs centres de formation au sein desquels M. A... aurait pu poursuivre ses études. Un institut de formation en soins infirmiers a finalement décidé, après un refus initial, d'accorder à M. A... la possibilité d'intégrer la promotion de troisième année à la rentrée du 11 octobre 1999.
Formation – Difficultés d'homologation des diplômes délivrés dans les autres Etats membres de l'Union européenne
Réclamation n° 99-0411, transmise par Mme Claudine LEDOUX, députée des Ardennes
Et Réclamation n° 99-0171, transmise par M. Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes
Les étudiants français en orthophonie ayant effectué leur formation en Belgique peuvent, en vertu des directives européennes de 1988 et 1992 relatives au système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur, obtenir une homologation de leur diplôme afin d'exercer leur profession en France.
Jusqu'à présent, la validation de ce diplôme européen obtenu en Belgique était presque systématique.
Mais, lors de ses sessions d'octobre et de décembre 1998, la commission française des orthophonistes du conseil supérieur des professions paramédicales a estimé que la formation de ces diplômés était substantiellement différente de la formation française et, après un examen individuel, a imposé des mesures compensatoires pour la majorité des dossiers présentés. L'homologation des diplômes a donc été subordonnée à la réussite des intéressés à
une épreuve d'aptitude ou à l'accomplissement d'un stage d'adaptation.
Or, les jeunes diplômés qui, pour beaucoup d'entre eux, avaient trouvé un emploi mais ne pouvaient l'exercer avant d'obtenir l'autorisation du ministère chargé de la Santé, ont été confrontés à certaines difficultés pour effectuer ces mesures compensatoires. Les établissements qui étaient prêts à les accueillir ne pouvaient accepter leur candidature, faute de place ou parce qu'ils n'étaient pas agréés par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales. De plus, ces jeunes diplômés n'avaient plus le statut d'étudiants qui leur aurait permis de suivre un stage. La durée de ces stages complémentaires leur paraissait enfin excessive, compte tenu de l'année supplémentaire que comportent les études théoriques en Belgique et des expériences professionnelles dont certains pouvaient déjà se prévaloir.
Des diplômés ont donc saisi le Médiateur de la République afin que leur cas soit réexaminé.
Celui-ci est intervenu auprès du ministre chargé de la Santé qui a accepté de diminuer la durée des stages de manière significative.
De plus, afin de faciliter l'accomplissement rapide de ces mesures compensatoires, le nombre des régions au sein desquelles elles peuvent désormais être réalisées, a été récemment augmenté. Le ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie a également été saisi pour appeler l'attention des responsables des instituts de formation en orthophonie sur l'obligation, en application du droit communautaire, d'accueillir favorablement les demandes des candidats dans les meilleurs délais, permettant ainsi aux stagiaires d'obtenir au plus vite l'homologation de leur diplôme.
Service national – Report d'incorporation
Réclamation n° 99-2873, transmise par M. Pierre LEQUILLER, député des Yvelines
M. M... s'est vu refuser le report d'incorporation au service national qu'il avait sollicité au titre de l'article L. 5 bis A du code du service national par la commission régionale de dispense. Il était donc appelé sous les drapeaux en juin 1999.
Il est apparu que son incorporation aurait eu non seulement pour effet de compromettre son insertion professionnelle mais aussi de faire perdre son travail à sa concubine.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, M. M... a été placé en appel décalé. Cela lui a permis de constituer un dossier de demande de dispense du service national actif conformément à l'article L. 32 du code du service national, ce qui était plus approprié compte tenu de la particularité de sa situation. Cette dispense lui a été accordée fin septembre 1999.
2. Thème de réflexion : les agriculteurs
Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Agriculture et de la Pêche, l'agriculture occupe aujourd'hui 33 millions d'hectares sur les 55 millions du territoire métropolitain français. La répartition du territoire agricole entre les terres arables (61 %), les superficies toujours en herbe (35 %) et les cultures permanentes (4 %) ne se modifie que très lentement, même si, depuis le milieu des années soixante, les cultures fourragères connaissent une diminution continue de leurs surfaces au profit des grandes cultures. La réforme de la politique agricole commune (PAC) de 1992 a cependant modifié la composition des terres arables, avec une régression des surfaces en céréales, oléagineux et protéagineux. Dans le même temps, les surfaces en jachère ont progressé.
Par ailleurs, toujours selon les mêmes sources, à la fin de 1997, on dénombrait 679 800 exploitations agricoles, soit une diminution de 46 % par rapport à l'année 1979. Cette diminution est particulièrement sensible pour les exploitations individuelles, alors que le nombre des sociétés agricoles, comme les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), est en progression constante.
Quel que soit le mode d'exploitation choisi par l'agriculteur, celui-ci est soumis à un contexte extrêmement réglementé et subit de ce fait, indépendamment de toute considération économique, de fortes contraintes dans l'exercice de son activité.
En effet, qu'il s'agisse du contrôle ou de l'orientation des productions, notamment dans le cadre de la PAC, ou des interventions sur les structures des exploitations, le monde agricole est largement encadré par l'administration et les décisions que celle-ci est amenée à prendre peuvent être source de litiges.
Si l'on exclut les questions relatives à leur protection sociale ainsi que celles concernant la fiscalité, les réclamations présentées au Médiateur de la République par les agriculteurs portent sur deux questions principales : les aides à l'agriculture productive et les interventions sur les structures des exploitations. Près de 300 réclamations mettant en cause des décisions administratives prises dans ces domaines ont été soumises à la Médiature entre le 1er janvier 1994 et le 31 juillet 1999.
A. Les aides à l'agriculture productive
En 1997, le montant des aides à l'agriculture productive a atteint 73 milliards de francs, sur un total de plus de 169 milliards de concours publics, nationaux et européens, bénéficiant à l'agriculture.
Ces aides sont consacrées en grande partie au soutien et à l'orientation des productions (plus de 60 milliards) et consistent, par exemple, en des primes versées à la tête de bétail en élevage ou en des primes à l'hectare de grandes cultures. Ces concours visent également à la maîtrise de l'offre (notamment par le gel des terres, la réduction des quotas laitiers ou l'arrachage de vignes ou de vergers), à faciliter l'installation ou la modernisation des exploitations et à indemniser les pertes liées aux calamités agricoles.
Quelle que soit l'aide envisagée, son octroi est tout d'abord subordonné aux conditions dans lesquelles l'exploitant exerce son activité.
a. Les conditions d'exercice de l'activité
Pour bénéficier de certaines subventions destinées à l'agriculture, le demandeur doit consacrer une part importante de ses activités professionnelles à son exploitation. C'est ce qu'illustre la réclamation n° 95-2790, transmise par M. Joël SARLOT, député de la Vendée.
Mme D... avait obtenu en mai 1990 le bénéfice de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA). Lors du deuxième versement de celle-ci, la direction départementale de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) a constaté que l'intéressée occupait, en plus de son activité agricole, un emploi salarié ne permettant plus de la considérer comme agricultrice à titre principal.
La DDAF l'a donc déchue de ses droits.
Contestant cette décision, Mme D... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République, qui s'est rapproché de la DDAF et du ministère de l'Agriculture.
La situation de la réclamante relevait des dispositions du décret n° 88-176 du 23 février 1988, qui prévoit, en son article 3, que "le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article 1er, doit en outre s'engager à exercer dans un délai d'un an (ou de cinq ans au maximum en cas de cultures pérennes) et pendant dix ans, la profession d'agriculteur à titre principal en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par le présent décret. Est considéré comme agriculteur à titre principal l'exploitant qui consacre à son activité agricole plus de 50 % de son temps de travail et en retire au moins 50 % de ses revenus."
En effet, si rien n'interdit à l'exploitant d'exercer une activité salariée extérieure, celui-ci doit néanmoins consacrer plus de 50 % de son temps de travail à l'activité agricole. Il doit, en outre, pouvoir être considéré comme une unité de travail déterminée selon les conditions fixées par le règlement CEE n° 449/82 du 15 février 1982, c'est-à-dire consacrer 2 300 heures par an aux travaux agricoles.
Or, en l'espèce, Mme D... ne consacrait pas à cette activité professionnelle plus d'un mi-temps. Par conséquent, le Médiateur de la République a estimé qu'aucun dysfonctionnement n'était imputable à l'administration.
Si le temps consacré à l'exploitation revêt un caractère déterminant pour bénéficier de certaines aides, la qualification professionnelle peut également être un critère d'attribution. La non-qualification entraîne d'importantes conséquences, ainsi que le montre le dossier n° 95-1814, transmis par M. Alain MARLEIX, député du Cantal.
M. A... se plaignait de ne pas avoir perçu une aide financière dénommée "prime au cédant".
Après avoir été informé d'un avis favorable rendu par la commission départementale des structures agricoles en vue de la distribution d'une prime, le réclamant a cédé son exploitation par bail à ferme à Mme B... Or, en dépit de cette cession, l'aide ne lui a pas été versée et l'intéressé a affirmé que ses démarches ultérieures auprès des services compétents n'avaient pas abouti.
Sollicité par M. A..., le Médiateur de la République a estimé que la position définitive prise par l'administration ne pouvait être remise en cause. En effet, le bénéfice de la prime au cédant est subordonné à deux conditions tenant tant au cédant qu'au cessionnaire. Le cessionnaire doit remplir les conditions de qualification nécessaires pour pouvoir prétendre aux aides relatives à l'installation. Or, Mme B... ne justifiant pas de cette qualification, les conditions de l'attribution de l'aide n'étaient pas réunies au moment de la cession.
Cependant, les investigations auxquelles a procédé le Médiateur de la République ont révélé que M. A... pouvait se voir accorder l'aide demandée, sous réserve que Mme B... acquière, dans de brefs délais, la capacité professionnelle requise.
Malheureusement, Mme B... n'a pas satisfait à cette condition. Par conséquent, aucune décision d'attribution de prime en faveur de M. A... n'a pu intervenir par la suite, faute de qualification de la cessionnaire.
Dans certains cas, ce sont les conditions dans lesquelles la production est organisée qui déterminent le droit à versement de subventions, comme l'illustre la réclamation n° 96-4035 transmise par M. Georges DESSAIGNE, ancien sénateur de la Mayenne.
M. et Mme R... étaient en litige avec la DDAF à la suite du refus de transfert de références laitières qui leur avait été opposé par la préfecture de leur département.
Saisi, le Médiateur de la République a étudié la situation des réclamants. Leur demande de transfert de références laitières avait reçu, dans un premier temps, un avis favorable de principe de la part de la commission mixte départementale.
Mais, les contrôles effectués ultérieurement par la DDAF et l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) ont démontré que M. R... n'avait pas lui-même livré le lait de son exploitation mais qu'il y avait mutualisation avec la production d'un autre agriculteur par l'utilisation d'un seul réservoir.
Or ce comportement constitue un détournement de la réglementation sur les quotas laitiers. En effet, le transfert de références laitières ne peut se faire qu'entre producteurs. La notion de producteur de lait est définie à l'article 12.c du règlement 857/84 du Conseil européen du 31 mars 1984, qui dispose que le producteur est "l'exploitant agricole, personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l'exploitation est située sur le territoire géographique de l'Union européenne, qui vend du lait ou d'autres produits laitiers directement au consommateur et/ou qui livre à l'acheteur". En raison de cette définition, confirmée par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, le producteur doit livrer directement son lait. Dès lors, l'organisation de la collecte de lait entre deux producteurs par la passation d'un contrat de prestation de services constitue un détournement de la réglementation communautaire.
M. R..., n'ayant pas livré directement, ne pouvait donc être considéré comme un producteur de lait ; de plus, Mme R..., continuant l'activité sur l'exploitation de son mari mais n'ayant pas repris personnellement l'activité laitière dans les délais imposés par la réglementation, ne pouvait être reconnue comme titulaire de références laitières.
En l'espèce, le ministère chargé de l'Agriculture a fait preuve de vigilance quant à la qualification de producteur de lait. De plus, les agriculteurs eux-mêmes condamnent de tels agissements car ils considèrent qu'ils desservent les intérêts de la profession.
Considérant qu'aucun dysfonctionnement ne pouvait être reproché à l'administration, le Médiateur de la République a procédé à la clôture du dossier.
Par ailleurs, en vertu de la législation en vigueur, le versement de subventions agricoles ne peut se cumuler avec la perception de pensions. Cette question du non-cumul est source de différends qui ont été soumis au Médiateur de la République, comme le montre le dossier n° 95-1596 transmis par M. Alain DUFAUT, sénateur de Vaucluse.
M. G... a obtenu, par décision préfectorale du 31 mai 1991, une aide au retrait des terres arables pour une partie de son exploitation agricole. Or, malgré un contrôle effectué en septembre 1993, attestant que les terres avaient été retirées de la production et entretenues conformément aux engagements souscrits, le ministère chargé de l'Agriculture a décidé, en décembre 1993, de résilier d'office le contrat à compter du soixantième anniversaire de M. G...
Contestant cette décision, le réclamant a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Le retrait des terres arables est régi par le décret n° 88-1049 du 18 novembre 1988 pris en application du règlement CEE n° 1272/88 de la Commission du 29 avril 1988. L'article 1er dudit décret dispose que peuvent présenter une demande "les producteurs qui ne bénéficient pas d'un avantage servi par un régime de base obligatoire d'assurance vieillesse à la date de dépôt du dossier".
Dès lors, compte tenu du cumul, réglementairement impossible, de l'aide au retrait des terres arables avec la pension militaire de retraite que percevait M. G..., le ministère chargé de l'Agriculture a prononcé la résiliation du contrat à compter du soixantième anniversaire de l'intéressé : pensionné militaire au moment de la demande initiale, M. G... n'était donc pas éligible à l'aide au retrait des terres arables.
La non-déclaration par le réclamant de sa pension militaire de retraite aurait dû être assimilée à une fausse déclaration et entraîner la répétition de l'indu mais le ministère, prenant en considération les circonstances de l'affaire ainsi que l'intervention du Médiateur de la République, a renoncé à exiger le remboursement des sommes versées.
Il arrive que l'administration aille au-delà des textes dans l'appréciation de certains droits et exige que les intéressés remplissent des conditions non prévues par la législation ou la réglementation en vigueur.
Face à de telles situations, l'intervention du Médiateur de la République est particulièrement ferme, comme ce fut le cas dans le dossier n° 96- 1765 transmis par M. René GARREC, sénateur du Calvados.
M. M..., qui exerçait une activité professionnelle salariée, avait en outre une activité agricole au titre de laquelle il cotisait régulièrement à la Mutualité sociale agricole (MSA).
Des sangliers ayant causé des dégâts à certaines des parcelles qu'il exploitait en prairies, il a sollicité, en 1995, une indemnisation de la commission "dégâts de gibier", placée sous l'égide de l'Office national de la chasse (ONC). Un refus lui a été opposé au motif qu'il n'était que "cotisant solidaire" à la MSA et ne pouvait être considéré comme "exploitant".
Cette position résultait d'une décision du 10 mars 1994 de la commission nationale d'appel, composée de représentants de l'ONC et des syndicats agricoles. Cette directive interne excluait notamment les agriculteurs retraités ou ceux exerçant une activité professionnelle, comme M. M..., qui, bien que possédant le statut d'ayant droit à la MSA, n'étaient pas reconnus comme exploitants.
M. M..., s'estimant lésé, a sollicité le Médiateur de la République qui est intervenu auprès du ministère de l'Environnement en faisant valoir que la discrimination établie à l'encontre des "cotisants solidaires" ne résultait d'aucun texte.
En effet, les articles L. 226-1 et suivants du code rural, fondement législatif du dispositif d'indemnisation, ne mentionnent pas la qualité professionnelle de la victime des dégâts de gibier et ne comportent pas de restrictions particulières quant aux bénéficiaires de l'indemnisation. Cette analyse a été confortée par la jurisprudence de la Cour de cassation ( voir arrêt Pailhes du 25 juin 1998).
Par ailleurs, le Médiateur de la République a relevé que la décision de mars 1994 précitée rappelait que "les indemnisations ne peuvent être prises en compte qu'après s'être assuré que les parcelles qui ont subi des dégâts sont bien déclarées à la MSA".
Or, il n'était pas contesté que les parcelles en cause remplissaient ces conditions.
Après de multiples interventions du Médiateur de la République rappelant les textes applicables, le directeur de l'ONC a finalement donné instruction à ses services de régler à M. M... l'indemnité qui lui revenait de droit. Ce paiement est enfin intervenu en mai 1999.
b. Un régime déclaratif
L'attribution de subventions aux agriculteurs français s'effectue selon de nombreuses procédures qui diffèrent en fonction de l'aide sollicitée.
Néanmoins, elles reposent toutes sur un régime déclaratif : tout agriculteur désireux d'obtenir une aide agricole doit effectuer une déclaration auprès des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche.
Les formulaires que remplissent les agriculteurs à cette occasion sont parfois complexes. Ils doivent toutefois être renseignés avec minutie, car les choix opérés à ce moment-là conditionnent le versement des aides qui peuvent être attribuées.
C'est ce qu'illustrent les dossiers n° 94-5290, n° 94-5292 et n° 94-5293 présentés conjointement au Médiateur de la République par M. Georges TREILLE, ancien sénateur des Deux-Sèvres.
Dans le cadre des déclarations des superficies agricoles exploitées ou gelées et des demandes d'aides aux cultures arables pour 1993, MM. R..., P... et S..., agriculteurs, ont mal complété les formulaires destinés à la DDAF.
Il est vrai que le formulaire de 1993 pouvait prêter à confusion dans la mesure où la case "surfaces non aidées", qui regroupe les "surfaces fourragères" et les "autres surfaces", n'était pas subdivisée.
Ces agriculteurs ont ainsi, par erreur, déclaré leur surface de maïs destiné à l'ensilage à la rubrique "maïs" et ont coché la case "aide non demandée".
Le Médiateur de la République a saisi le directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt puis le ministre chargé de l'Agriculture pour que soit réexaminée la possibilité d'attribuer à ces trois agriculteurs les primes qu'ils sollicitaient.
Cependant, satisfaction n'a pu leur être apportée.
En effet, au moment de remplir leur formulaire d'aides aux cultures arables, les agriculteurs sont invités à choisir entre l'octroi d'aides aux cultures et l'allocation de primes animales, en fonction du nombre d'unités de gros bétail qu'ils possèdent par hectare de surface fourragère.
Dans le cas des cultures aidées, dont relève par exemple le maïs, la totalité des surfaces ainsi exploitées est retenue pour le calcul des droits versés à ce titre aux agriculteurs. Cependant, les parcelles pour lesquelles une aide est demandée ne sont pas prises en compte par ailleurs dans le calcul des superficies fourragères, dont la déclaration détermine le versement des aides au cheptel.
S'ils choisissent le bénéfice des primes animales, les exploitants s'assurent d'abord de percevoir la totalité des primes auxquelles ils peuvent prétendre en matière de productions animales et sollicitent éventuellement des primes pour les cultures.
Ce choix n'appartient qu'au seul exploitant, qui doit être en mesure de déterminer l'option la plus avantageuse pour lui. Il n'est pas possible à l'administration d'apprécier l'opportunité de ce choix lors du traitement des dossiers, dans la mesure où la déclaration de primes aux cultures arables est bien antérieure au dépôt des demandes de primes animales.
Certains exploitants découvrent, en fin de campagne, qu'en fonction du nombre de primes animales qu'ils ont sollicitées, leur intérêt aurait été d'augmenter leur surface agricole aidée. Il ne s'agit plus là d'une erreur, mais simplement d'un mauvais choix initial que l'administration ne peut corriger.
A la réception des déclarations de surfaces, la DDAF envoie aux exploitants un état récapitulatif de leur déclaration qui détaille précisément les données enregistrées, à partir desquelles leurs droits seront calculés. Les exploitants sont invités, à cette occasion, à vérifier le montant des aides qui leur sera alloué et à informer, sous dix jours, l'administration de toute erreur de leur part. Il est apparu que les réclamants n'avaient pas accompli cette démarche, ce qui les a privés de l'octroi d'une partie de leurs subventions agricoles.
Les demandes de subventions des agriculteurs doivent, en outre, être déposées dans des délais très stricts. Afin d'éviter tout litige, le formulaire de déclaration et la notice explicative envoyés aux agriculteurs mentionnent clairement : "Votre déclaration doit parvenir à la DDAF du siège de votre exploitation au plus tard le 30 avril (c'est la date de réception à la DDAF qui est prise en compte). En cas de retard, le montant des paiements compensatoires aux surfaces et au cheptel est réduit de 1 % par jour ouvrable de retard. Si ce retard excède 25 jours calendaires, vous ne pourrez bénéficier d'aucun paiement compensatoire pour les cultures arables et aucune surface fourragère ne pourra être prise en compte pour les primes bovines et les indemnités compensatoires aux handicaps naturels". L'envoi par lettre recommandée avec avis de réception est conseillé pour éviter toute déconvenue. La date du 30 avril résulte d'une décision 96/169 du 14 février 1996 par laquelle la Commission européenne a autorisé la République française à fixer cette date limite ; il s'agit d'une date limite stricte à laquelle il est impossible de déroger (sauf cas de force majeure, comme il sera vu plus loin) quelle que soit la raison invoquée, comme l'illustre la réclamation n° 98-1132 transmise par M. Yvon MONTANE, député du Gers.
Mme D..., agricultrice, âgée de plus de 70 ans et rencontrant de graves problèmes de santé attestés par un certificat médical, a déposé tardivement sa déclaration de surfaces de 1996. Elle a ainsi été privée du paiement compensatoire aux cultures arables pour l'année concernée, ce qui a mis son exploitation dans une situation critique.
Saisi du dossier de l'intéressée, le Médiateur de la République n'a pu lui venir en aide : la réglementation communautaire prévoit une date limite de dépôt des dossiers fixée au 30 avril, alors que celui de Mme D... a été réceptionné à la fin du mois d'octobre 1996 par la DDAF, soit largement après le délai maximal de 25 jours au-delà duquel le dossier est en tout état de cause irrecevable. Les dispositions européennes sont d'autant plus strictes d'application qu'elles ont pour objet de permettre une instruction, un contrôle des demandes et un paiement des primes dans les délais autorisés.
Sans être mésestimés, les problèmes de santé et l'âge avancé de la réclamante ne pouvaient malheureusement pas constituer une raison qui permette à Mme D... d'obtenir le versement des aides compensatoires qu'elle réclamait.
En revanche, comme il a été signalé plus haut, le règlement n° 746/96 de la Commission européenne du 24 avril 1996, portant modalités d'application du règlement n° 2078/92 du Conseil, permet aux Etats membres d'admettre que les déclarations soient déposées en dehors des délais prescrits en cas de force majeure. L'article 12 de ce règlement énumère six circonstances qui peuvent être regardées comme constitutives d'un cas de force majeure. Mais, là encore, l'appréciation de l'administration s'effectue avec rigueur, comme l'illustre la réclamation n° 98-4913 transmise par M. Raymond SOUCARET, sénateur de Lot-et-Garonne.
Mme S..., agricultrice, n'a pas pu déposer à temps sa déclaration de surfaces pour l'année 1998 en raison de graves problèmes familiaux. En effet, son mari, qui s'occupait seul de toutes les démarches administratives est décédé en mai 1998, après avoir perdu auparavant les capacités de s'exprimer. Mme S... n'a pas pu communiquer avec lui avant son décès et ce n'est que plus tard qu'elle s'est aperçue de l'oubli du dépôt de la déclaration. Or, le décès de l'exploitant constitue un des cas de force majeure énumérés à l'article 12 du règlement n° 746/96, et c'est précisément le décès du mari de Mme S... qui a entraîné le retard dans les demandes. Cependant, l'administration faisait valoir à Mme S... que rien ne faisait obstacle à ce que le dossier soit déposé dans les délais par toute personne susceptible de suppléer à l'indisponibilité de son mari. C'est pour ce motif qu'elle s'est vu refuser le bénéfice des aides compensatoires prévues au titre de la PAC.
Après avoir épuisé toutes les voies de recours administratifs, l'intéressée a saisi le Médiateur de la République qui s'est rapproché des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche afin qu'ils reconnaissent à Mme S... le cas de la force majeure et qu'ils considèrent la déclaration de surfaces de l'intéressée comme recevable. En effet, les cultures réalisées sur son exploitation pendant l'année en cause étaient éligibles aux aides compensatoires et la perception de ces subventions était indispensable à la survie de son exploitation.
L'administration a procédé à un nouvel examen du dossier de Mme S... et il est apparu qu'elle était gérante de l'exploitation familiale.
Par conséquent, il n'a pas été juridiquement possible de reconnaître que la situation relevait de la force majeure.
Estimant que la réglementation n'est pas satisfaisante, le Médiateur de la République envisage actuellement une proposition de réforme afin que soient étendus les domaines d'application de la force majeure à la dépossession de terrains consécutive à leur cession.
c. Des contrôles rigoureux
Dans le souci d'éviter toute démarche frauduleuse, la demande de l'agriculteur fait l'objet d'une vérification minutieuse de la part des services de l'Etat, le plus souvent les directions départementales. Les demandes présentées sont également soumises à différents contrôles accomplis par des organismes nationaux comme le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), voire par des structures au niveau européen depuis la mise en oeuvre de la politique agricole commune, tel le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).
La déclaration de surfaces remise aux agriculteurs s'accompagne d'une notice qui appelle leur attention sur la nécessaire rigueur que doit revêtir leur déclaration ; elle reprend notamment le barème des pénalités éventuellement applicables afin que le caractère dissuasif de celles-ci soit pleinement perçu par les intéressés. En effet, le strict contrôle des subventions communautaires à l'agriculture correspond à la volonté affichée des Etats membres de l'Union européenne de limiter les irrégularités et de maîtriser les dépenses publiques. Le ministère chargé de l'Agriculture est donc tenu à une application rigoureuse des règlements communautaires car, dans le cas contraire, la responsabilité financière de l'Etat vis-à-vis de l'Union européenne se trouverait engagée. Dans un tel contexte, l'action du Médiateur de la République ne peut être que limitée, comme l'illustre le dossier n° 95-1859 transmis par M. Jean-Louis BERNARD, député du Loiret.
Le 15 avril 1994, M. R... a sollicité l'aide compensatoire de terres arables prévue par le règlement CEE n° 1765/92 du 30 juin 1992. A cette occasion, il a déclaré une surface de 15,92 hectares de colza. A l'issue d'un contrôle effectué le 4 juillet 1994, les services de l'ONIC ont estimé que certaines parcelles n'étaient pas éligibles, ce qui a eu une incidence défavorable sur le montant des primes que M. R... espérait percevoir.
Saisi par M. R..., le Médiateur de la République est intervenu auprès du directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt, puis du ministre chargé de l'Agriculture, pour que lui soient précisés les critères sur lesquels s'était appuyé l'ONIC pour écarter certaines parcelles.
Pour être éligible, la culture doit être semée sur la totalité de la parcelle pour laquelle l'aide compensatoire est demandée, et conformément aux normes usuelles dans le département : une densité trop faible de semis rend donc une culture inéligible.
De plus, les cultures oléo-protéagineuses, comme le colza, doivent être entretenues au moins jusqu'au début de la floraison dans des conditions locales de croissance normale. Ces dispositions avaient fait l'objet de circulaires ministérielles largement diffusées par voie de presse professionnelle ou régionale.
Il n'appartient pas au Médiateur de la République de remettre en cause les appréciations techniques faites par les services agricoles sur les "normes usuelles de culture dans le département" ni sur les "conditions locales de croissance normale".
Cependant, il est apparu, que sur les 7,96 hectares déclarés en colza sur un des îlots, 65 ares étaient en sol nu, anomalie que l'intéressé a lui-même reconnue.
Le Médiateur de la République a donc estimé qu'aucun dysfonctionnement ne pouvait être reproché aux services compétents qui ont correctement appliqué les textes communautaires pour l'évaluation du champ "primable".
A l'occasion des contrôles qu'elle exerce, l'administration est conduite à qualifier les anomalies qu'elle décèle dans les déclarations et cette qualification a une incidence non négligeable pour l'agriculteur en cause. Aussi convient-il de distinguer la "fausse déclaration faite délibérément" de la "fausse déclaration faite par négligence grave". Cette distinction fut l'objet de la réclamation n° 98-3675 présentée par M. Marc DOLEZ, député du Nord.
M. L..., agriculteur, contestait la décision préfectorale du 21 novembre 1997 prise à son encontre, qui qualifiait de "fausse déclaration faite par négligence grave" les écarts constatés lors du contrôle effectué sur son exploitation agricole à la suite de sa demande de paiement compensatoire aux cultures et de sa déclaration des surfaces fourragères 1997. Dans son recours hiérarchique auprès des services ministériels, M. L... avançait des arguments mettant en évidence que le point de départ des différences constatées lors du contrôle de son exploitation reposait sur une inversion de parcelles : il confirmait qu'il s'agissait d'une erreur de sa part, mais s'insurgeait contre la qualification de faute grave qui entraînait des pénalités importantes mettant son exploitation et sa famille en grande difficulté.
N'ayant pas obtenu de suite favorable à son recours hiérarchique, M. L... a saisi le Médiateur de la République, qui s'est rapproché des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche. Si la déclaration inexacte de M. L... a été qualifiée de "fausse déclaration faite par négligence grave," les services compétents ont informé le Médiateur de la République que cette qualification, retenue dans la décision préfectorale de novembre 1997, ne mettait pas en doute la bonne foi de cet exploitant.
Dans la négative, elle aurait été qualifiée de "fausse déclaration faite délibérément" avec les pénalités encore plus lourdes qui en découlaient, c'est-à-dire l'exclusion de tout régime d'aide agricole au titre de l'année civile suivant la déclaration erronée, pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée l'année en cours. C'est pour cette raison que la réclamation de M. L... n'a pu recevoir de suite favorable et que l'intéressé a été privé d'aides compensatoires aux surfaces cultivées pour l'année 1997.
d. Le remboursement de trop-perçus
Le Médiateur de la République est également saisi par des agriculteurs auxquels l'administration réclame le remboursement d'aides agricoles versées à tort, mais ce remboursement peut engendrer des difficultés. Si la demande de remboursement est fondée, la seule possibilité d'intervention qui s'offre au Médiateur de la République consiste à essayer d'obtenir des délais de paiement et des mensualités compatibles avec les possibilités financières de l'intéressé.
En effet, en application des règlements CEE n° 3508/92 du Conseil en date du 27 novembre 1992 et n° 3887/92 de la Commission en date du 23 décembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, les Etats membres sont tenus de procéder à la récupération des sommes indûment versées. Cette situation est illustrée par la réclamation n° 97-3618, transmise par M. Bernard CHARLES, député du Lot.
N'ayant pas respecté les conditions de ces règlements, M. C... a été déchu de ses droits et condamné à rembourser les primes indues sur les aides compensatoires aux surfaces des récoltes 1994 et 1995. Il a demandé au directeur général de l'ONIC et au président-directeur général de la société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (SIDO) la remise gracieuse des sommes dues qui s'élevaient à 276 863,88 F. Si ses demandes ont été rejetées, M. C... s'est cependant vu proposer un plan de règlement de sa dette par versements mensuels de 11 500 F pendant deux ans.
Estimant ne pouvoir faire face à cette obligation, M. C... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République afin d'obtenir un échéancier de paiement plus raisonnable.
A la suite des démarches entreprises par le Médiateur de la République, M. C... s'est vu proposer, par les dirigeants de l'ONIC et de la SIDO un remboursement de sa dette sur une durée de quatre ans avec des versements mensuels adaptés à sa situation financière.
En revanche, il est arrivé qu'une demande de reversement de la somme perçue soit annulée grâce à l'intervention du Médiateur de la République, l'administration acceptant de reconnaître son erreur, comme l'illustre la réclamation n° 96-2335 transmise par M. Michel VUIBERT, ancien député des Ardennes.
M. T... a présenté une demande d'aide à la cessation d'activité laitière le 7 juillet 1988. Cette aide lui a été accordée par une décision préfectorale en date du 18 octobre suivant. Or, entre la date de sa demande et celle de la décision préfectorale, M. T... a pris sa retraite le 1er octobre 1988.
Estimant qu'il ne pouvait cumuler cette aide avec sa pension de retraite, le CNASEA lui a demandé de reverser le montant de l'aide perçue, soit un total de 26 985,60 F. M. T... a alors présenté une demande de remise gracieuse, mais la commission des recours du CNASEA n'a pas réservé une suite favorable à sa requête. C'est ainsi qu'il a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Celui-ci s'est rapproché du ministre chargé de l'Agriculture en faisant valoir que si la décision préfectorale avait été prise avant le 1er octobre 1988, M. T... aurait bénéficié de son indemnité annuelle de 8 995,20 F pendant sept ans. En effet, la retraite agricole intervenant après la décision d'octroi de l'aide est, en ce cas, cumulable avec celle-ci. L'article 15 du décret n° 87-278 du 21 avril 1987 indique toutefois qu'en cas de cumul éventuel de cette aide avec une pension de retraite, la partie de l'aide excédant 12 000 F doit être réduite de 30 %. Mais, en l'espèce, le montant de l'aide de M. T... était inférieur à ce seuil.
Sensible à ces arguments, et admettant que M. T... n'était en rien responsable des délais de l'administration pour lui accorder l'aide sollicitée, le ministre a demandé au CNASEA d'abandonner la procédure de recouvrement engagée à l'encontre de l'intéressé.
B. Les interventions sur les structures d'exploitation
L'article L. 111-1 du code rural précise que l'aménagement et le développement économique de l'espace rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du territoire. A cet effet, de nombreuses actions administratives peuvent intervenir en matière d'aménagement rural. Dans ce domaine, le Médiateur de la République est principalement saisi de réclamations relatives au remembrement et aux décisions des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Il a eu également à connaître de litiges relatifs aux aides au regroupement d'exploitations.
a. Le remembrement
Parmi les modes d'aménagement foncier, le remembrement est sans aucun doute le plus utilisé. L'article L. 123-1 du code rural précise qu'il s'applique aux propriétés rurales non bâties et se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but de constituer des exploitations agricoles d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées afin d'améliorer l'exploitation des biens qui y sont soumis, ainsi que l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. Depuis l'origine, le remembrement a affecté environ 13 millions d'hectares, soit plus de 40 % de la surface agricole utile du territoire national, selon les données du ministère de l'Agriculture et de la Pêche publiées en 1999.
Les possibilités d'intervention du Médiateur de la République en la matière sont particulièrement limitées. En effet, les opérations d'aménagement foncier sont conduites par des commissions d'aménagement foncier dont le fonctionnement répond à des règles strictes de procédure prévues aux articles L. 121-2 à L. 121-12 du code rural. Le Médiateur de la République ne peut remettre en cause ou apprécier la pertinence des choix opérés par les commissions départementales d'aménagement foncier, seules habilitées, sous le contrôle du juge administratif, à procéder à la répartition des terres.
Cette procédure rend difficile toute tentative de médiation en équité. De plus, une intervention du Médiateur de la République pourrait être de nature à remettre en cause les droits de propriété des tiers.
Or, les décisions de la commission départementale d'aménagement foncier entraînent, après affichage en mairie de l'arrêté préfectoral, un transfert de propriété des nouvelles parcelles de même qu'un report sur celles-ci des droits portant sur les anciennes parcelles.
Ainsi, le Médiateur de la République n'a pu utilement soutenir les quelques réclamations qui lui ont été soumises tendant à remettre en cause le bien fondé d'opérations de remembrement.
Par ailleurs, après l'adoption définitive du plan de remembrement, lorsqu'un propriétaire ou un titulaire de droits réels a été évincé du remembrement par erreur, il dispose, en application de l'article L. 123-16 du code rural, d'un délai de cinq ans, à partir de la date d'affichage en mairie de l'arrêté préfectoral fixant le plan définitif du remembrement, pour saisir la commission départementale afin de lui demander la rectification des documents de remembrement. Ce délai de cinq ans, lié au problème du droit de propriété, est la source de quelques litiges, comme l'illustre le dossier n° 94-4565 transmis par M. Jean-Charles CAVAILLÉ, député du Morbihan.
M. A... avait acheté en 1963 une maison d'habitation sur le territoire d'une commune rurale. En 1990, souhaitant faire établir un acte de donation en faveur de l'un de ses enfants, M. A... sollicita, par l'intermédiaire de son notaire, un document d'arpentage. Le géomètre expert découvrit à cette occasion que, à la suite du procès-verbal de remembrement arrêté en 1976, la parcelle cadastrée figurait au nom de M. R... : consultée, la DDAF a reconnu l'existence d'une erreur matérielle, ce qui fut confirmé par l'association foncière de remembrement de la commune.
Néanmoins, M. R..., bien qu'il n'ait jamais auparavant tenté de faire valoir son titre de propriété, refusa de reconnaître l'erreur et s'opposa à tout arrangement amiable.
Face à cette situation, M. A... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
La situation de M. A... résultait d'un dysfonctionnement évident et reconnu des services chargés, en 1976, des opérations de remembrement sur la commune de R... Néanmoins, une rectification des documents du remembrement était devenue impossible puisque celle-ci ne peut intervenir que pendant une période de cinq ans à compter de l'affichage en mairie. L'erreur est regrettable car le réclamant n'était pas juridiquement propriétaire d'un bien acquis légalement et dont il avait usé pendant près de trente ans.
Néanmoins, le transfert de propriété, même entaché d'erreur manifeste, étant devenu définitif, seule une action en justice pourrait permettre à M. A... de retrouver la pleine possession de son bien. Toutefois, l'administration ayant reconnu spontanément son erreur, le Médiateur de la République a invité le réclamant à déposer auprès du ministre chargé de l'Agriculture une demande d'indemnisation.
Dans son rapport pour l'année 1993, le Médiateur de la République a souligné l'importance qui s'attache à une information la plus complète possible des propriétaires visés par les opérations de remembrement, en raison des conséquences radicales qu'elles induisent quant au droit de propriété.
b. Les SAFER
Instituées par la loi d'orientation agricole n° 60-808 du 5 août 1960 et actuellement codifiées aux articles L. 141-1 et suivants du code rural, les SAFER sont des sociétés, dans la plupart des cas régionales, constituées sous la forme de sociétés anonymes sans but lucratif et dont font partie les principaux organismes et organisations professionnels des départements concernés ou encore le CNASEA. Elles ont pour objet principal d'acquérir des terres, des exploitations agricoles ou forestières en vue de les revendre, le cas échéant, après aménagement afin d'accroître la superficie de certaines exploitations, de faciliter la mise en culture du sol ainsi que l'installation ou le maintien d'agriculteurs.
Pour leur permettre de remplir les missions qui leur sont confiées, un droit de préemption leur a été reconnu. Ayant connaissance de toutes les mutations de biens ruraux dans le ressort de leurs circonscriptions, elles peuvent se porter acquéreurs prioritaires des biens agricoles ou forestiers mis librement en vente sur le marché chaque fois qu'il leur paraît possible de réaliser un meilleur aménagement foncier.
Cependant, le droit de préemption accordé aux SAFER ne revêt pas un caractère obligatoire. En effet, la SAFER reste toujours entièrement libre de l'exercer ou non et elle peut s'abstenir de faire jouer cette prérogative, comme l'illustre le dossier n° 96-1966 transmis par M. Michel HANNOUN, ancien député de l'Isère.
M. R... se plaignait que la SAFER n'ait pas exercé son droit de préemption lors de la vente de deux parcelles contiguës à son exploitation et dont l'acquisition lui aurait permis de développer son activité avicole par la création d'un second poulailler.
Ses différentes démarches auprès de la SAFER et du ministère chargé de l'Agriculture n'ayant pas abouti, M. R... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
L'instruction du dossier a révélé que la vente des parcelles s'était déroulée dans le respect des procédures en vigueur : conformément au code rural, le notaire chargé de la vente a informé la SAFER en septembre 1994. Celle-ci n'ayant pas exercé son droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui était imparti, le notaire a pu procéder à la vente des deux parcelles. Dès lors, la responsabilité de la SAFER ne pouvait être recherchée et aucune action contentieuse n'étant susceptible d'aboutir sur ce fondement, seul un accord amiable avec les autres propriétaires pouvait être envisagé.
Le Médiateur de la République estime qu'il ne lui appartient d'apprécier ni le bien-fondé, ni l'opportunité des choix opérés par les SAFER dans le cadre de l'exercice de leur droit de préemption. Il vérifie cependant que les biens concernés sont compris dans la zone d'action de la SAFER et qu'ils peuvent faire l'objet d'une préemption. Dès lors qu'elle est régulièrement mise en oeuvre, la procédure du droit de préemption exclut toute tentative de médiation en équité. En effet, une telle intervention serait susceptible de remettre en cause les droits de propriété des parties en présence.
C'est ainsi que le Médiateur de la République n'a pu que rejeter la réclamation de M. D... qui contestait la décision d'une SAFER d'exercer son droit de préemption dans le cadre de la vente de la propriété des consorts A... En effet, cette propriété, incluse dans la zone d'action de la SAFER, pouvait faire l'objet d'une préemption (réclamation n° 98-0215 transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne).
Les SAFER n'ont pas vocation à conserver les terres qu'elles acquièrent. Elles doivent, en effet, les rétrocéder.
Cette rétrocession doit intervenir dans un délai de cinq ans (ou dix ans maximum dans les communes en remembrement ou lorsqu'une décision ministérielle le prévoit) ; elle répond à de nombreuses exigences formelles tenant au choix du rétrocessionnaire qui doit être un agriculteur exproprié, un jeune agriculteur ou un agriculteur privé d'exploitation à la suite d'un partage par exemple.
Le candidat doit être capable d'assurer la gestion et la mise en valeur du bien agricole rétrocédé et l'acquéreur de ce bien a l'obligation de respecter un cahier des charges proposé par la SAFER qui impose généralement de ne pas morceler l'exploitation acquise et de lui conserver une destination agricole ou forestière.
Cette rétrocession peut être source de litiges, ainsi que l'illustre le dossier n° 96-4052 transmis par M. Jean GAUBERT, député des Côtes-d'Armor.
Une propriété, constituée d'un bâtiment d'habitation et de 25 ares de terres, avait été acquise par la société bretonne d'aménagement foncier (SBAFER) dans l'exercice de son droit de préemption assorti d'une action en révision du prix.
M. P... était intervenu auprès de la SBAFER pour qu'elle exerce son droit de préemption en indiquant que ces bâtiments permettraient l'installation de son fils dans l'environnement immédiat du siège de sa propre exploitation.
Deux promesses d'achat avaient été successivement signées en juillet et octobre 1992 entre la SBAFER et M. P..., et celui-ci avait effectué un dépôt de garantie.
Alors que tous les éléments étaient réunis, M. P... a fait savoir à la SBAFER qu'il n'entendait plus procéder à la régularisation de l'acte authentique, estimant que la propriété ne se trouvait plus dans le même état que celui dans lequel elle était à la date de la promesse d'achat. Dès lors, la SBAFER a estimé qu'elle était en droit d'engager des poursuites judiciaires contre M. P... visant à obtenir la validation de la promesse d'achat régulièrement acceptée. Celui-ci a donc sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Le conseil d'administration de la SBAFER, prenant en compte les arguments du Médiateur de la République relatifs à la situation de M. P..., a accepté de délier ce dernier de ses engagements et de lui restituer une partie de son dépôt de garantie.
c. Les aides aux regroupements d'exploitations
A la suite de la directive européenne n° 159/72 en date du 17 avril 1972, le décret n° 74-129 du 20 février 1974 a institué une aide afin d'encourager les agriculteurs à constituer certains groupements, sociétés et autres structures collectives.
Ce dispositif a été repris en partie par le règlement n° 797/85 du Conseil des communautés européennes, en date du 12 mars 1985, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures agricoles.
Dans le même but, l'article 30 du décret n° 85-1144 du 30 octobre 1985, codifié par le décret n° 96-205 du 15 mars 1996 sous l'article R. 343-33 du code rural, a institué au niveau national une aide destinée à alléger les charges de constitution et de première gestion pour regrouper les structures agricoles.
Il est apparu ultérieurement que l'objet de cette aide ancienne, en particulier pour certains types de groupements tels que les GAEC, ne jouait plus le rôle incitatif qu'elle avait eu à l'origine.
L'article 2 du décret n° 97-117 du 10 février 1997 a donc supprimé cette aide pour les GAEC et prévu à l'article 3 de ce texte que ces modifications s'appliquaient à toutes les demandes d'aide déposées après le 31 décembre 1996.
La suppression justifiée de cette aide a été cependant à l'origine de difficultés dont le Médiateur de la République a parfois eu à connaître, comme ce fut le cas lors de l'examen de la réclamation n° 98-3111 transmise par M. Paul GIROD, sénateur de l'Aisne.
MM. B... avaient sollicité en novembre 1996 le bénéfice de cette aide. Ils y avaient droit compte tenu de la réglementation applicable à l'époque.
En effet, aux termes de l'article 3 du décret de 1997 précité, la suppression de l'aide aux GAEC s'appliquait à toutes les demandes déposées après le 31 décembre 1996.
A titre transitoire, une circulaire DEPSE/ SDEEA/N° 7008, en date du 13 février 1997, avait prévu que les demandes d'aide déposées avant le 31 décembre 1996 pourraient être prises en compte mais à condition que le GAEC concerné ait lui-même fait l'objet d'une reconnaissance, par le comité d'agrément, avant cette date. Or, à cette date, le GAEC n'était pas agréé. En effet, le comité d'agrément n'avait pu se réunir, pour des raisons conjoncturelles, que dans les premiers jours de janvier. Toutefois, compte tenu de ces circonstances très particulières, il avait paru possible au directeur départemental de l'Agriculture de déroger à la circulaire.
Mais cette solution s'est heurtée au refus de l'agent comptable du centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) qui ne pouvait engager une telle dépense car elle ne remplissait pas les conditions prévues par les textes. Les représentants du GAEC ont donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Lors de l'instruction du dossier, il est apparu que la suppression de cette aide le 31 décembre 1996 avait été rétroactive puisqu'elle résultait d'un décret en date du 10 février 1997. La légalité d'une telle disposition était donc contestable.
Le Médiateur de la République a considéré que le refus opposé au GAEC était anormal dans la mesure où le caractère tardif de sa demande tenait à des motifs purement administratifs qui lui étaient extérieurs.
Mais il était très difficile d'apporter une solution de médiation à cette affaire dans la mesure où, depuis de nombreux mois, la ligne budgétaire alimentant cette aide avait été supprimée. Le Médiateur de la République a donc dû intervenir à plusieurs reprises auprès du ministre chargé de l'Agriculture pour lui faire part de ses observations.
Ce dernier a finalement demandé au CNASEA, organisme payeur, de verser au GAEC, à titre exceptionnel, l'aide de démarrage qu'il avait sollicitée, ce qui fut effectué.