HISTORIQUE DE LA JURIDICTION CRIMINELLE FRANÇAISE
1789 - 1987
7ème COLLOQUE NATIONAL DE DEFENSE PENALE
LA COUR D'ASSISES
Lorsque AUTIN MONAT, jeune architecte, désigné comme
juré au procès MESRINE, écrit en 1984 dans
son livre "Un Juré en Marge" le compte rendu
de son expérience de trois semaines au procès MESRINE,
il porte le jugement suivant : "Jurés, nous ne sommes
que les questions subsidiaires d'un grand jeu dont les réponses
sont déjà données". Amère constatation....
L'institution du jury dans laquelle la révolution française
mettait tous ses espoirs de réforme de la procédure
criminelle, aurait donc abouti après près de deux
siècles de fonctionnement à un constat d'échec.
Il nous appartient en limitant notre exposé à cette
période de tenter d'expliquer ce paradoxe..
Rappelons tout d'abord les traits essentiels de la justice criminelle
d'Ancien Régime pour mieux comprendre l'oeuvre des constituants,
cette dernière s'en voulant d'antithèse.
C'est tout d'abord une justice inquisitoriale, héritée
de la justice ecclésiastique. Elle confie la recherche
de la vérité à l'enquête d'un juge
technicien, tout puissant, auquel la personne poursuivie est confiée
corps et âme.
Elle est non contradictoire, l'inculpé n'étant pas
confronté aux témoins, en théorie, et n'ayant
pas cet accès au dossier, patiemment rassemblé contre
lui par le juge. Le débat est limité à la
toute dernière phase du procès et se réduit
au rapport du Magistrat sur les preuves, aux conclusions des gens
du Roi, aux plaidoiries des avocats de l'accusé.
La seule garantie réside dan le fait qu'il s'agit d'une
procédure écrite, où le juge se doit de consigner
chacun des actes de procédure, de la constatation des
faits à l'exécution de la sentence, en passant par
la déposition des témoins et l'aveu de la personne
poursuivie. Il faut cependant souligner que ce formalisme de la
procédure n'est que d'un faible poids lorsque le système
repose sur une hiérarchie de preuves légales, parfaites
ou imparfaites permettant, en cas d'imperfection des preuves de
recourir à la torture (question préalable) même
lors de la dernière phase du procès (question préparatoire),
et lorsqu'elle a déjà été infligée
pendant la durée de l'instruction. Il convient, en effet,
d'obtenir l'aveu final qui dispensera les juges d'avoir à
statuer dans leur intime conviction, ce qui leur est interdit.
Au dernier siècle de l'Ancien Régime, cette justice
et l'ordonnance criminelle Royale de 1670 qui la fixe, sont devenues
aux yeux des philosophes et de la bourgeoisie éclairée
le symbole même de l'arbitraire. Les oeuvres de MONTESQUIEU,
BECCARIA, sont connues, ainsi que les combats de VOLTAIRE contre
les erreurs judiciaires de son temps. Citons son "commentaire
du traité des délits et des peines" : "l'ordonnance
criminelle en plusieurs point semble n'avoir été
dirigée qu'à la perte des accusés. C'est
la seule loi qui soit uniforme dans tout le Royaume. Ne devrait-elle
pas être aussi favorable à l'innocent qu'elle n'est
terrible au coupable?" Pour réformer cette Justice,
les philosophes réclament donc que soient respectés
les droits de la défense : publicité, assistance
d'un avocat abolition de la torture, théorie des preuves
morales.
Mais au delà, leurs yeux se tournent vers l'ANGLETERRE,
où le système du jury leur semble la panacée
de tous les maux : "chaque accusé, écrit encore
VOLTAIRE, y est jugé par ses pairs; il n'est réputé
coupable que quand ils sont d'accord sur les faits. C'est la loi
qui le condamne sur le crime avéré et non sur la
sentence arbitrale des juges".
L'Ancien Régime finissant cherche à s'amender. Une
déclaration Royale du 24 Août 1780, supprime la "question
préparatoire". Un édit du 1er Mai 1788, "la
question préalable et l'interrogatoire sur la sellette",
obligeant en outre les juges à motiver leurs décisions.
Mais les parlements refusent de l'entériner.
Dans les cahiers de doléances, éclat de la colère
de l'opinion publique à l'égard de la justice criminelle,
sont réclamées en vrac, la publicité des
procédures, l'assistance d'un conseil, la restriction des
pouvoirs d'instruction, l'abolition du serment imposé à
l'inculpé, la disparition de tout arbitraire. surtout la
quasi unanimité réclame avec insistance l'institution
du jury.
Ce sera l'oeuvre de la Révolution Française et de
l'Empire.
Dés 1808, les grands traits de la cours d'Assises seront
fixés tels que nous la connaissons actuellement. Pendant
les presque deux siècles qui suivront, de réformes
en réformes, le système initial sera pourtant infléchi
dans son fonctionnement, à tel point qu'on peut se demander
aujourd'hui s'il n'a pas dans ses réforme successives,
perdu son âme.
Nous nous contenterons donc dans un premier temps d'analyser la
naissance de la juridiction populaire sous l'Ancien Régime
et l'Empire et dans un seconde partie, étudier ses heurs
et malheurs depuis la publication du code d'instruction criminelle.
I. - GENESE DE LA COUR D'ASSISES :
LA REVOLUTION ET L'EMPIRE
La cour d'Assises ne doit son nom qu'à un hasard de procédure.
La Révolution ne parle en effet que de tribunaux criminels,
et c'est l'Empire qui crée le mot actuel : l'idée
est que des magistrats se déplacent de la cour d'Appel
pour tenir des Assises au chef lieu du département. Le
mot même met l'accent davantage sur le rôle des magistrats
que sur celui du jury. Vaste ambiguïté originaire...
Voyons-en les modalités en détail : La révolution,
les premières réformes de l'an IX, l'Empire.
I.I LA REVOLUTION FRANÇAISE
La Révolution française ne se pose guère
le problème de l'existence du jury. "Il convient d'éviter
que le juge puisse substituer sa volonté à la Loi",
rappelle DUPORT (séance de la constituante, 29 avril 90).
Et c'est aux jurés de le lui rappeler. Les juges d'Ancien
Régime sont d'ailleurs haïs, symbole de l'arbitraire.
On met en place pour la justice civile le système des juges
élus pour six ans, et on s'interroge même sur la
possibilité d'un jury dans les matières civiles.
La nation est fâchée avec ses juges, et si le principe
des jurés au civil est rejeté, l'institution des
jurés au criminel vient la "consoler" de n'avoir
pas de jurés en matière civile (CHAPELIER séance
du 29 avril 90).
Il s'agit plus profondément de substituer à l'arbitraire
du juge la volonté du peuple souverain représenté
par ses jurés. Ils sont présents à tous les
moments importants de la procédure et la constituante créé
deux jurys distincts, une double barrière pour protéger
la liberté individuelle.
- Au chef-lieu de district (arrondissement) un juge du Tribunal
de Paix remplit les fonction de Président du jury d'accusation.
C'est lui qui instruit les affaires, interroge les témoins
et rédige l'acte d'accusation.
Il convoque le jury d'accusation chargé de donner son avis
sur les charges réunies (huit membres choisis sur une liste
de 30 membres établie par le Procureur du Roi). Un débat
oral et contradictoire, comprenant l'audition des témoins,
se déroule devant lui. Il s'agit de savoir "s'il y
a lieu ou s'il n'y a pas lieu à accuser". La décision
est prise à la majorité simple. "S'il y a lieu,
l'accusé" est renvoyé devant le tribunal criminel".
- au chef-lieu du département, siège le tribunal
Criminel composé de douze jurés (jury de jugement),
tirés au sort sur une liste de 200 noms établie
aussi par le Procureur ; un Président et trois juges complètent
le Tribunal.
Avant l'audience, le Président interroge l'accusé
dans les 24 heures de son arrivée à la prison et
peut procéder au besoin à des mesures d'instruction
complémentaires. C'est seulement à partir de ce
moment que l'accusé peut être assisté d'un
Conseil.
A l'audience, les témoins sont entendus oralement et le
jury n'a pas communication de leurs dépositions antérieures.
L'accusé peut faire citer des témoins de moralité.
La procédure est publique et contradictoire. A l'issue
des débats, le Président en fait le "résumé
impartial" puis pose par écrit des questions sur les
faits. Le jury se retire pour délibérer et doit
le faire selon son intime conviction sans qu'une force légale
soit attribuée à un mode quelconque de preuve. L'unanimité
n'est pas requise mais dix voix sont nécessaires pour qu'une
réponse soit défavorable à l'accusé.
Chaque juré répond en personne au juge délégué
par le Président. Si l'accusé est reconnu innocent,
il est remis aussitôt en liberté.
Sinon, lecture du verdict est faite à l'accusé.
Le commissaire du Roi fait connaître ses réquisitions
sur la peine, la Défense plaide, sans pouvoir contester
le matérialité des faits. La cour prononce alors
la peine après que les magistrats y aient opiné
l'un après l'autre, par ordre d'ancienneté.
De cette machine lourde, où les témoins sont entendus
trois fois, seule la procédure devant le tribunal criminel
va subsister jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale.
1.2 LES REFORMES DE L'AN IX
Dès le Directoire, on considère en effet qu'il faut
remanier la première phase de la procédure jugée
trop lourde. Les Juges de Paix étaient débordés
par la lourdeur de la machine. Les jurés d'accusation avaient
tendance à se substituer au jury de jugement. On décide
donc de créer un juge d'instruction qui devient le directeur
du jury d'accusation. Il a le même rôle que le juge
de paix mais le jury d'accusation n'entend plus les parties et
les témoins, se contentant de juger sur pièces.
Ainsi, un retour progressif se crée vers la procédure
inquisitoriale et le caractère secret et non contradictoire
de la mise en accusation.
Surtout, l'an IX voit naître les tribunaux spéciaux
crées pour vaincre le brigandage et qui se passent des
jurés. Les raisons de ce traitement différentiel
des délinquances rappelle celles avancées aujourd'hui
pour la création de la cour d'assises spécialisée
dans le jugement des terroristes.
Les jurés sont trop intimidables. Ecoutons un rapport fait
au Tribunal par un observateur (cité par ESMEIN - page
466)
"Invoquez-vous les jurys, les tribunaux ordinaires ? Eh bien
! Tribuns, parcourez avec moi ces tribunaux dans plusieurs départements
de la république. Ici vous verrez d'un côté
d'audacieux brigands, couverts de crimes, encore teints du sang
de leurs victimes, insultants aux juges, menaçant les témoins,
narguant le jury et bravant l'échafaud. Là des témoins
dans la stupeur, muets, immobiles, plus loin des jurés
plus occupés d'assurer les moyens de leur retour que d'entendre
des débats insignifiants, placés entre la nécessité
d'absoudre des coupables ou de se livrer aux vengeances de leurs
complices... Les jurés, les témoins aiment bien
mieux se laisser condamner à une amende pécuniaire,
que de s'exposer sur les routes à des amendes bien autrement
sérieuses, puisqu'elles sont imposées par le crime,
non pas sur la fortune seulement, mais aussi sur la vie. Ajoutons
d'autres faits résultant de la situation des choses. Sachez
donc qu'elles sont telles, que des brigades de gendarmeries entières
ont donné leur démission, parce qu'après
s'être battues contre des brigands, après avoir dans
ces actions hasardé leur vie, versé leur sang, rempli
l'attente de la patrie, des jurys impuissants ont renvoyé
absous des brigands saisis les armes à la main."
Renversement du principe initial donc : la justice devient une
chose trop grave pour la confier au peuple lorsqu'il s'agit de
protéger la sécurité et la propriété
: " Nous sommes tous intéressés à ce
que le brigandage soit réprimé : la plupart d'entre
nous, acquéreurs de biens nationaux, doivent désirer
que les propriétés nationales soient scrupuleusement
respectées " commentera cyniquement l'un des rapporteurs
de la loi.
C'est dans ce contexte excluant le jugement par jurés des
infractions les plus graves et les plus traumatisantes pour l'opinion
publique que va s'élaborer le code d'instruction criminelle
et que l'institution du jury va être mise en cause violemment
alors qu'elle vient juste de commencer à fonctionner.
1.3 LE CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE
De 1805 à 1808, un long débat en conseil d'état
s'instaure en présence de l'Empereur. Au-delà du
code pénal, il convient de réorganiser la France
judiciaire. Conservera-t'on des jurés populaires dans cette
machine hiérarchisée ? Comment articulera-t'on cette
institution avec la nécessité de réunir en
un seul corps de magistrats Justice Pénale et Justice Civile
?
- La première question concerne l'existence même
des jurés populaires. Les cours d'Appel interrogées
en l'an X sur cette question s'étaient en majorité
opposées au maintient des jurés : douze cours contre,
cinq pour, cinq qui ne se prononce pas. On reproche en vrac l'ignorance
et l'expérience des jurés, leurs craintes, leurs
hésitations, leurs passion, la répugnance des citoyens
à venir siéger, la difficulté de composer
les listes, les qualités supérieures de la procédure
écrite incompatibles avec le jury, l'impossibilité
de créer une jurisprudence. On reproche au système
en général son caractère anglais. La Révolution
en l'imitant s'est fourvoyée, là où il suffisait
d'aménager l'Ordonnance de 1670 en faisant disparaître
les abus les plus flagrants. En fait, on a créé
un monstre. Le conseil d'état doit donc trancher cette
question et à lire les minutes dressées, on retrouve
le débat dans les termes. Citons par exemple SIMEON : "la
publicité de la procédure et les débats,
voilà les véritables garants de la liberté
individuelle. Avec cette publicité, on sera mieux et plus
sûrement jugés par des homme en ayant charge et en
faisant étude et profession que par les premiers venus".
Pourtant, de l'autre côté, on fait ressortir que
la nation est attachée à cette institution, "rien
n'est plus terrible que de donner à quelques hommes le
droit perpétuel de vie et de mort sur tous les autres".
Ou encore, que "l'institution du jury a l'avantage de ne
jamais mettre l'accusé à la discrétion des
passions particulières". L'Empereur finit par y acquiescer
à la condition que restent en place jusqu'à ce-que
la paix revienne les tribunaux spéciaux adhérant
ainsi à l'opinion de l'un de ses conseillers : "le
droit d'être jugé par des jurés est un droit
de cité, dès lors les vagabonds et les gens sans
aveux ne peuvent le réclamer". Vieille idée,
les brigands comme les terroristes ne se contentent pas de rompre
le contrat social, mais ils sont en dehors. La Justice par les
jurés ne peut donc les concerner. Pour les véritables
citoyens le principe du jury de jugement est par contre conservé
et sera la règle générale dès que
la paix sera revenue.
Les cours prévôtales disparaîtront en 1817
avec Louis XVIII et la Charte de 1830 les prohibera à tout
jamais... Elles renaîtront pourtant avec les commissions
mixtes sous le second Empire et les sections spéciales
sous VICHY... Mais laissons à d'autres le soin d'en parler
au présent. Revenons à l'Empire.
- La seconde questions touchait à l'organisation de la
Cour d'Assises.
La réponse donnée est conforme à une volonté
hiérarchique où Justice Civile et Justice Pénale
doivent être organisées conjointement dans le ressort
des cours impériales contrôlées elles-mêmes
par le pouvoir d'Etat. En même temps que le principe de
l'élection des Juges est remis en cause, est réorganisée
leur place dans la machine pénale.
D'un côté, on décide l'abolition du jury d'accusation
alors que certains pensaient qu'il était le pendant de
l'impossibilité d'appel en matière criminelle et
qu'il était un principe posé par la constitution.
Il est remplacé par une chambre de la Cour d'Appel qui
statue en dernier lieu sur la mise en accusation après
renvoi de la procédure devant elle les juges du Tribunal
de Grande Instance statuant en Chambre du Conseil. Le principe
constitutionnel semblait ainsi sauf, mais là encore, le
pouvoir des juges en était renforcé. C'était
l'écrit ESMEIN, "Le jury d'accusation dont les fonctions
étaient transportées à des magistrats".
D'un autre côté, on s'interroge sur le lieu d'élection
de la Justice criminelle. Le projet de loi sur la réunion
de la Justice civile et criminelle prévoyait qu'elle se
réunirait non plus au chef-lieu du département,
mais au siège des cours d'appel, baptisées cours
de Justice criminelle. On s'inquiète du coût du système
préconisé. L'idée du conseiller BERLIER fait
alors son chemin : "on commencerait par réunir tous
les juges de l'une et de l'autre juridiction, ils ne formeraient
qu'un corps dans lequel on prendrait successivement les juges
qui iraient tenir, pour les matières criminelles, des Assises
périodique au chef-lieu de chaque département, et
qui, rentrées à la Cour d'Appel sy prononceraient
sur les contestations civiles de leurs concitoyens"
La Cour d'Assises telle que nous la connaissons était née.
Son nom même y traduit la place qu'y tiennent les magistrats.
Citons l'exposé des motifs.
"Cinq magistrats à la tête desquels se trouve
un délégué, membre de la cour impériale,
assistés de jurés recommandés et éclairés,
donneront à la cour un caractère plus solennel.
L'intervalle même qui séparera les sessions les rendra
plus imposantes, parce qu'elles seront plus rares ; ce que l'on
voit trop souvent, cesse bientôt d'être autant considéré...
La dénomination seule des "cours d'assises" prouve
l'intention de rappeler à notre mémoire et de présenter
à notre imitation ces grands jours qui ont subsisté
si anciennement et si longtemps en FRANCE, et ces assises qui
sont encore pratiques ailleurs avec succès ; tenues, en
quelque sorte, par les cours supérieures, espérons
que les nôtres, quoique bien éloignées des
attributions de l'éclat de ces grandes assemblées
ou tournées judiciaires, ne tarderont pas à commander,
comme elle, le respect à tous, la confiance au bons, les
remords ou la crainte aux méchants, et la sécurité,
à l'innocence ! "
Le décor est ainsi planté. Le jeu peut commencer.
Ses règles à l'usage s'en révéleront
changeantes.
II. - HEURS ET MALHEURS D'UNE INSTITUTION
POPULAIRE : DU POUVOIR DES JURÉS
A LEUR CONTROLE PAR LES JUGES
Indépendamment de l'accusé, les acteurs institutionnels
de la tragédie judiciaire peuvent être regroupés
en quatre groupes distincts : Ministère Public, Avocats,
Jurés, Magistrats du Siège (Cour proprement dite).
Du premier, il y a peu à dire quant à la modification
des règles du jeu pendant deux siècles.
Un rôle de composition en quelque sorte. Il en va tout autrement
des trois autres. Des glissements s'opèrent pendant deux
siècles au fil des réformes. Imperceptibles pour
l'Avocat, ils sont considérables pour les jurés
et la Cour.
2.1 L'AVOCAT
Rappelons pour mémoire notre remise en cause initiale.
D'aucuns considéraient lors du débat au Conseil
d'Etat que ce lieu de prédilection de notre fonction devrait
peut-être nous être interdit. Le conseiller MIOT n'hésitait
pas alors à dire qu'en ANGLETERRE l'avocat était
refusé comme défenseur car "on craignait qu'il
n'obscurcisse les débats". Quant à Monsieur
REGNART DE SAINT ANGELY, il affirmait que notre présence
devait être non la règle mais l'exception : "dans
les tribunaux civils, le ministère des Avocats est toujours
nécessaire ; parce-que là, les contestations présentent
des contestations de droit qui ne peuvent être discutées
que par des hommes versés dans la connaissance des Lois
; il n'en est pas de même dans les tribunaux criminels où
il ne s'agit que de découvrir la vérité d'un
fait. Là, l'accusé peut, par les éclaircissements
qu'il donne, repousser lui-même les inculpations ; il n'est
pas nécessaire quil ait un défenseur. A la
vérité, il est des hommes que l'ignorance ou la
timidité empêchent de s'expliquer, il faut faire
pour eux une exception. Le Président du Tribunal décidera
s'il y a lieu ou non, d'admettre cette exception et d'accorder
un défenseur".
Reconnaissons cependant que ce furent les seuls à s'exprimer
en ce sens. Le conseiller BERENGER sut trouver les mots pour expliquer
que l'Avocat fonde la légitimité du pouvoir du juger
et qu'on ne trouverait jamais "une organisation et des formes
assez parfaites pour qu'elles donnent au Juge le Certitude qu'il
n'a jamais condamné un innocent. L'accusé a toujours
besoins d'un défenseur".
Ce principe s'impose donc avec les articles 294 et 295 du code
dinstruction criminelle. Le premier impose au Président
de la Cour d'assise de désigner un défenseur à
celui qui n'en a pas fait le choix? Je me plais cependant à
voir dans le second une certaine méfiance à l'égard
de notre profession, méfiance qu'on retrouve parfois encore
aujourd'hui. L'Avocat doit être choisi uniquement dans le
ressort de la cour impériale. Le rapporteur de la Loi ne
s'y est pas trompé lorsqu'il indique:
"On se tromperait bien regardant cette mesure comme attentatoire
au droit sacré de la défense de l'accusé
; il nous a été prouvé qu'elle était
entièrement dans son intérêt et qu'elle a
pour objet de la mettre à l'abri de la cupidité
et souvent de l'ignorance de ces hommes qui étrangers à
un ressort, au Barreau et aux connaissances nécessaires,
colportent quelquefois, d'un département à l'autre
des services prétendus et mercenaires. La suite de l'article
assure d'ailleurs à l'accusé la faculté de
confier sa défense à un parent ou à un ami,
après avoir demandé au Président une permission
qui a pour objet de ne pas laisser souiller le temple de la Justice
par des individus sans moralité".
Notons à sa suite que de son temple est donc exclu un Avocat
étranger et choisi dans le cadre d'un autre Barreau que
ceux dépendant de la Cour.
Il est vrai cependant que la Jurisprudence pendant les deux siècles
a progressivement assoupli ce principe, mais il est non moins
vrai qu'il a fallu attendre une Loi de 1978 pour voir l'article
275 du code de Procédure Pénale amender et indiquer
purement et simplement que le Conseil peut être "choisi
ou désigné que parmi les Avocats inscrits à
un Barreau". La profession dans son ensemble était
donc enfin lavée de tout soupçon...
Il n'en demeure pas moins que pendant ces deux siècles,
nous avons toujours été présents à
côté de l'accusé et à compter de 1897,
dès l'instruction préalable.
Il fallut pourtant attendre 1959 pour qu'une dernière aberration
disparaisse. A compter de cette date, l'accusé pourra continuer
à communiquer avec son Conseil entre le jour où
l'information est terminée et l'interrogatoire par le Président
à la Maison d'Arrêt. Ainsi, d'un bout à l'autre
de la procédure criminelle, l'Avocat est présent
à côté de l'accusé pour sa défense
et garantir le respect des formes.
Il ne disparaît qu'au seuil de la salle des délibérés
où il ne fera qu'une courte apparition entre 1909 et 1941.
Réforme sur laquelle il conviendra de revenir.
2.2 LE JURY
Malgré les critiques qui marquèrent les débuts
de son histoire, on lui accorda, dès 1832, la mission de
voter les circonstances atténuantes. C'était, comme
l'écrit à nouveau ESMEIN "abandonner en partie
cette barrière qu'on avait voulu élever entre le
fait abandonné au jury et la question de la peine, réservée
aux magistrats"? C'est donc le pouvoir du jury, dans cette
première réforme, qui était renforcé
par rapport à celui de la Cour, mais en même temps,
les pouvoirs publics s'inquiétaient de sa trop grande mansuétude
et de le contrôler dans sa formation .
- le vote du jury sur la réponse aux questions pouvant
avoir des conséquences préjudiciables à l'accusé
a été pendant l'ensemble de ces deux siècles
une préoccupation constante du pouvoir politique. DE BEAUMETZ
lors de sa présentation des travaux du comité de
jurisprudence criminelle à la constituante (séance
du 29 septembre 1789) avait parfaitement posé le problème
:
"Toutes les délibérations ne sont que des calculs
de probabilité. Ce sont des probabilité qu'additionne
tout homme qui recueille et qui compte des suffrages. Or, toute
probabilité doit être comparée avec les présomptions
opposées; et de toutes les présomption, la plus
forte, la plus sacrée, celle qui doit être la plus
religieusement consultée, cest la présomption
d'innocence.
Vous déterminerez, Messieurs, à quelle majorité
proportionnelle de suffrage doit cesser cette présomption
sur laquelle toute justice repose".
L'histoire de cette majorité pendant deux siècles
constitue le commentaire appliqué de cette formule. En
raison des régimes politiques de leur caractère
plus ou moins autoritaire, la majorité réclamée
va croître ou décroître selon le désir
plus ou moins grand du régime politique de voir privilégier
la présomption d'innocence plutôt que la répression
plus sûre. A constituante qui avait prévu une majorité
de dix voix au moins, succède l'Empire qui la ramène
à une majorité simple.
Il est vrai cependant que la cour après la délibération
du jury sur la culpabilité, pouvait pour le cas où
un verdict de culpabilité était rendu par sept voix,
se ranger éventuellement du côté de la minorité
en acquittant, ou même, renvoyer à une autre session
en cas de persuasion quil y avait une erreur judiciaire,
même si la majorité des jurés dépassait
de chiffre de sept. Ainsi , le principe de la majorité
simple avait trouvé dés 1808 un tempérament
dans ce quelle avait d'excessif.
`Les hésitations vont pourtant se poursuivre pendant plus
de vingt ans. Ainsi, en 1831 on revient à la majorité
de plus de huit voix pour ramener cette dernière à
la majorité simple en 1835. La Révolution de 1848
refixe la majorité à plus de huit voix. En Octobre
1848, on redescend à la majorité de huit voix, puis
à la majorité simple en 1853. On le voit, les régimes
autoritaires préfèrent assurer la sécurité
que l'innocence et reconnaissons qu'à cet égard,
le législateur de 1958 se trouve dans une moyenne seulement
raisonnable avec sa majorité de huit voix au moins pour
douze votants (article 350 du code de procédure pénale).
- cependant, les régimes politiques ne s'intéressent
pas seulement aux modalités de vote mais aussi au mode
de recrutement des jurés.
Il convient en effet de contrôler leurs aptitudes, si l'âge
de trente ans est requis jusqu'en 1972(vingt trois ans ensuite)
les conditions d'accès à la liste des jurés
ont considérablement évolué depuis leur création.
Sous le Premier Empire, il faut être électeur du
second degré et c'est le Préfet qui constitue la
liste. Jury de classe donc et contrôlé par le pouvoir
central.
Après la Révolution de 1848, la sélection
se fait par deux commissions successives : juge de paix et maire
à l'échelle du canton, juge de paix et Préfet
au niveau de l'arrondissement. La loi de 1972 réorganise
le système de sélection et le place sous le contrôle
du Tribunal civil plutôt que du Préfet. Le judiciaire
retrouve ses droits. A cette occasion, le rapporteur de la loi
rappelle les grands principes aboutissant à la confection
des listes. Si tout citoyen est apte à recevoir la délégation
de la société pour juger, personne n'est fondé
à la réclamer. Il ne peut donc y avoir de liste
générale : "il ne faut pas oublié que
si nous avons réservé l'intervention du jury pour
les infractions les plus graves, ce n'était pas avec l'intention
d'en exposer le jugement aux plus grandes chances d'erreur"'.
Les commissions qui se réunissent ont donc tendance à
choisir des jurés appartenant à des classes sociales
favorisées et il faut attendre les lois du 19 mars 1907
et du 19 juillet 1908 pour que soient prévues une indemnité
de séjour et une indemnité spécial afin que
les travailleurs manuels et journaliers puissent accéder
au jury. Aristide BRIAND se voit dans l'obligation de rappeler
à cette occasion dans une circulaire, qu'il convient d'inscrire
sur les listes de tels citoyens afin que le jury "représente
enfin une justice véritablement populaire" et il précise
même que lacquittement d'une charge publique ne pouvait
être considéré comme un motif légitime
de rupture du
contrat de travail". Terminant cette évolution démocratique
de la III république, la loi du 13 février 1932,
tout en maintenant l'exclusion des citoyens ne sachant ni lire
ni écrire, supprime l'exclusion des domestiques et serviteurs
à gage qui étaient encore prévus dans la
loi du 21 Novembre 1872. seul vichy viendra un temps remettre
en cause cette légalité républicaine en excluant
les juifs et les citoyens dont le père n'était
pas français.
La loi du 28 juillet 1978, viendra, quant à elle, renforcer
le principe démocratique. Il existe une liste générale
des jurés qui est la liste des électeurs et chacun
à le droit d'être tiré au sort. Le principe
posé en 1872 se trouve donc renversé. Chacun est
apte à être juré à condition d'être
âgé de vingt trois ans et d'être inscrit sur
les lites électorales. Le recours au tirage au sort permet
de constituer des listes de jurés appartenant à
toutes les classes sociales de la population, sans qu'il y ait,
non plus, de ségrégation en fonction du sexe. Il
était en effet reproché aux commissions de limiter
le nombre des femmes...Le fait d'être juré devient
un droit qui ne se discute pas, quelle que soit son aptitude,
même si parfois le hasard fait mal les choses...
On peut se demander si cette évolution n'est pas la contrepartie
d'une tendance de plus en plus grande au fil des années
à voir la cour diriger les débats...A quoi bon contrôler
les jurys a priori, puisqu'on les contrôle a posteriori,
semble nous dire l'évolution des rapports entre la cour
et les jurés.
2. 3 LA COUR : LES RAPPORTS AVEC LES JURES
La cour proprement dite, composée d'un Président
et quatre assesseurs, semblent suffire au législateur..
Elle est donc diminuée dans son nombre et sa solennité
et dés cette époque, les magistrats semblent perdre
des points. Ils en perdront d'autres sous la IIIème République
pour mieux en regagner ensuite.
La IIIème République a tendance, dans un premier
temps, à limiter les pouvoirs du Président, soit
que ces derniers lui aient été octroyés par
la loi, soit que l'usage l'ait conduit à se les conférer.
Ainsi, la loi du 19 juin 1981 supprime le résumé
que devait présenter le Président après que
les débats aient été clos. ESMEIN commente
cette réforme en indiquant : "ce résumé
qui devait présenter un tableau fidèle des débats,
ne reflétait pas toujours également l'accusat et
la défense ; le Président, quel que fut son désir
de se montrer impartial, devenant trop souvent l'auxiliaire de
l'Avocat général... Peut-être entre l'accusation
et la défense la partie n'était plus vraiment égale
quand, au moment où dans l'esprit des jurés se produisent
des oscillations qui précèdent les décisions
difficiles, le Président jetait dans la balance le poids
de sa haute autorité". Pourtant, la même IIIème
république s'inquiète de voir les jurés laissés
livrés à eux-mêmes pendant la durée
du délibéré. Plutôt que de voir se
créer une jurisprudence autorisant le Président
à rentrer dans la salle des jurés pour éclairer
ces derniers sur les conséquences éventuelles de
leurs réponses à telles ou telles questions, on
préfère organiser cette possibilité. C'est
l'objet de la Loi du 10 Décembre 1908 qui permet au directeur
du jury d'appeler le Président pendant son délibéré
pour obtenir des éclaircissement sur les conséquences
éventuelles de telles décisions quant à
la peine qui sera prononcée, mais qui impose alors la présence
du ministère public du défenseur de l'accusé
et du greffier. Je ne résiste pas au plaisir de citer le
rapport du députer PERA sur cette question :
"Nous ne songeons pas à mettre en doute limpartialité
de nos Présidents d'Assises. Mais quelle que soit la réserve
qu'ils apportent dans leurs réponses quelle que soit leur
volonté de ne pas faire connaître l'opinion qu'il
sest formée, un mot, une réticence, le silence
même, peuvent apprendre au jurés que le Président
ne doute pas de la culpabilité ou qu'il croit à
l'innocence... Avec la Présence de l'Avocat et celle du
Ministère Public, toute suspicion s'évanouira.
Cette double présence mettra obstacle à ce que le
Président s'écarte du rôle dans lequel il
est tenu de se renfermer s'il est appelé par le jury, ce
qui doit être accidentel, ne l'oublions pas...Le défenseur
et le Ministère Public présents, plus d'inquiétudes,
plus de soupçons possibles ; l'espèce de mystère
qui entourait l'entrevue du jury et du Président disparaîtra
et les Présidents d'Assises seront certainement les premiers
à se féliciter que leur impartialité ait
des témoins."
Les raisons invoquées sont donc très exactement
les mêmes que celles concernant la suppression du résumé
: maintenir à tout prix l'impartialité et la neutralité
des Assises et lui donner des garde-fous.
Pourtant, la réforme de 1908 n'est pas suffisante pour
mettre fin à l'inquiétude exprimée quant
à la capacité des jurés à comprendre
les conséquences exactes de leurs décisions et à
ne pas prononcer des acquittements abusifs de peur de voir la
Cour prononcer des peines trop fortes. Citons deux affaires extraites
des souvenirs de Cours d'Assises d'André GIDE. dans la
premières, un dénommé CHARLES, meurtrier,
se voit refuser les circonstances atténuantes "congestionnés,
les yeux hagards, comme ébouillantés, furieux les
uns contre les autres et chacun contre soi-même". CHARLES
est condamné aux travaux forcés à perpétuité.
"Sitôt après, nous dit l'écrivain juré,
consterné du résultat de leur vote, ils s'assemblait
à nouveau et précipités dans l'autre excès,
signaient un recours en grâce à l'unanimité".
Dans la seconde, le malentendu est tout aussi important. Pour
ALPHONSE et ARTUR, cambrioleurs, les jurés désiraient
une sévérité pondérée. Ils
sont pourtant obligés de constater les circonstance aggravantes
(vol commis de nuit, à plusieurs, dans édifice habité,
avec effraction). Puis pour en compenser l'excès, de voter
des circonstances atténuantes. Le Jury semble désespéré
: "Ah, nous avons fait de la belle besogne ! C'est honteux
! On ne va pas les punir assez... Si seulement, on nous avait
laissés voter coupable tout simplement"... Il conclut
alors d'une façon exemplaire : "au grand soulagement
de chacun, le Tribunal décida une peine assez forte (six
ans de prison et dix ans d'interdiction de séjour) en tenant
compte le moins possible de la décisions des jurés."
Cette perversion du système aboutit à une Loi du
5 Mars 1932 qui associe le jury à la Cour d'Assises pour
l'application de la peine. Là encore, c'est le jury qui
semble marquer des points en devenant aussi maître de la
peine. Mais ce sera une victoire de courte durée. Déjà,
dans son commentaire de la Loi, au DALLOZ 1932, Monsieur le professeur
André HENRY s'inquiète. Certes, le jury qui aura
la majorité pour le prononcé de la peine ne pourra
plus prononcer des acquittements abusifs. Il ne craindra pas que
les magistrats de la Cour réduisent la portée des
circonstances atténuantes ou refusent le sursis. Mais écrit-il
: "Nous aurons en Cour d'Assises peut-être moins dacquittements
scandaleux, mais nous aurons beaucoup plus de courtes peines,
le minimum ayant beaucoup de chances de prévaloir dans
une assemblée de non professionnels". Un équilibre
semblait pourtant trouvé, mais les vieilles craintes de
la faiblesse du jury populaire qui avaient expliqué certaines
correctionnalisations telles que la Loi du 27 Mai 1921 sur l'avortement
resurgissent sous VICHY.
- L e régime de VICHY réorganisera, en effet, les
rapports entre jury et Cour d'une façon beaucoup plus radicale,
qu'il s'agisse des faits ou de la peine, créant d'un bout
à l'autre du délibéré une collaboration
totale entre jurés et magistrats. Ainsi, la Loi du 25 Novembre
1941 les associe dans une délibération unique tant
sur les faits que sur la peine. Le Garde des Sceaux de l'époque,
Joseph BARTHELEMY présente cette Loi comme une mesure tendant
à l'efficacité. Ecoutons-le : "La réforme
qui vient d'être décidée par le Maréchal
ne supprime pas le jury. Elle tend à lui enlever son venin.
La colonne maîtresse du nouvel édifice, c'est l'association
complète du jury avec la Cour, tant sur le verdict de culpabilité
que sur l'application de la peine... La Cour représente
la connaissance du droit, la compétence technique, l'expérience
du si redoutable métier du juge, la sévérité
sociale, l'autorité. Le jury est l'organe naturel des sentiments
de générosité, de pardon, d'humanité.
"Cette Loi va plus loin puisq'elle diminue le nombre des
jurés, les faisant passer de douze à six. Ainsi,
elle crée un système où les magistrats peuvent
par leur vote homogène imposer à la majorité
du jury un vote contraire à sa volonté et où
le président présent d'un bout à l'autre
des débats devient la pièce essentielle et omniprésente
du jeu. L'équilibre semble définitivement rompu...
Il ne faut pas, pour autant, incriminer le seul régime
de VICHY car cette évolution était réclamée
depuis longtemps et en germe dans la réforme de 1832 ou
dans les correctionnalisations d'avant-guerre. A tel point que
l'ordonnance du 20 Avril 1945 se contente de réformes de
détails, faisant passer de six à sept le nombre
des jurés pour que les magistrats professionnels ne puissent
jamais mettre en minorité les représentants du peuple,
mais constate, pour le reste, dans l'exposé des motifs,
que le texte de VICHY constituait "du point de vue technique,
une réussite indéniable". Il en fut de même
du code de procédure pénale de 1958 toujours en
vigueur, qui comme seule innovation d'envergure imposa une majorité
d'au moins huit voix, lors du délibéré, afin
que les jurés restent les maîtres de la décisions.
Monsieur le Président BROUCHOT pouvait d'en féliciter
dans son commentaire de la Loi. L'organisation de la Cour d'assises
remise en cause par les violentes critiques depuis la libération
restait ce qu'elle était, attribuant au Président
un grands pouvoir de police, d'interrogatoire de l'accusé,
de direction à l'audience et de présence lors de
la décisions. Elle le lavait de tout soupçon. Reste
que l'époque où les jurés étaient
douze, ne délibéraient certes que sur les faits,
mais sans être dirigés dans leurs débats,
étaient loin. Semblait aussi révolu le temps où
l'on prenait des précautions hautement symbolique telle
que l'époque où le Président ne pouvait pas
pénétrer dans la chambre des délibérés
sans être accompagné du Défenseur et du Ministère
Public.
Une page semble définitivement tournée.
Les jurés ne sont plus seuls pour délibérer
en leur âme et conscience
Ce sont des hommes peut-être en colère, mais sous
surveillance.
Les magistrats professionnels sont là, ils tiennent les
règles du jeu et par la même, les clés de
la décision.
Cette dernière reste pourtant sans appel, le Peuple étant
toujours présent pour continuer à lui conférer
un caractère sacré.
Cette évolution paradoxale n'explique-t-elle pas le désappointement
du juré que je citais au début de cet exposé
? N'est-ce-pas un peu le sujet de notre débat ?
Si cet exposé a pu l'ouvrir et en poser les termes
historiques, l'historien que je suis en sera comblé.
Lyonel PELLERIN
Avocat au Barreau de NANTES