JURIPOLE
Revue de l'Application des Peines
Numéro 26 - Juin 1998
EDITORIAL
La loi instituant une peine de suivi socio-judiciaire pour les délinquants
sexuels, après avoir fait l'objet des derniers arbitrages parlementaires,
a été promulguée le 17 juin 1998 (JO du 18.6.98).
Deux nouveautés majeures pour les juges de l'application des peines
sont introduites par ce texte : une véritable judiciarisation des
décisions du juge de l'application des peines (débat contradictoire,
décision motivée, appel ouvert au condamné) et l'instauration
d'une collaboration institutionnalisée entre médecins, services
sociaux et magistrats.
Cependant, les débats ont été très pauvres
sur les moyens nouveaux que nécessitera la mise en place de cette
peine. Chaque juge de l'application des peines va devoir développer
une énergie importante pour créer les synergies entre les
différents partenaires.
Au titre des moyens, la tournure que prend la réforme des comités
de probation ne peut qu'inquiéter les magistrats, spécialisés
ou non. Sans consultation, ni concertation (pas du comité national
d'évaluation, pourtant créé à cet effet), l'administration
pénitentiaire a décidé de déménager
les futurs services de probation hors des juridictions. Or, dans les sites
pilotes retenus, rien n'a encore été prévu pour maintenir
le lien fonctionnel nécessaire entre le juge de l'application des
peines et les travailleurs sociaux. Aucun moyen n'est pour l'instant prévu
pour permettre au juge de l'application des peines de disposer de secrétariats
(voire de secrétariats-greffes), des moyens informatiques de remplacement.
A l'heure où le législateur nous invite à travailler
de manière mieux coordonnée, l'administration pénitentiaire
se dégage unilatéralement des juridictions rendant plus complexe
la mise en place d'un véritable mandat judiciaire entre autorité
judiciaire et service mandataire. Les risques de déperdition d'informations,
de manipulations par les condamnées les plus dangereux sont aggravés
par cet éloignement géographique.
Les futurs " DSPIP " sont choisis (sans statut d'emploi),
les textes sont encore inconnus (et pourtant les comités départementaux
commencent à travailler) : tout ce dont nous sommes surs, c'est
que, de ce point de vue, l'avenir ne va pas vers une simplification du
travail du juge de l'application des peines.
Traditionnellement, les juges de l'application des peines sont souvent
victimes du syndrome d'épuisement : peu gratifiés par les
résultats obtenus, rarement reconnus dans leur milieu d'origine,
ils doivent constamment renégocier leurs conditions de travail face
à leurs juridictions et à l'administration pénitentiaire
qui, souvent, ne voit en eux qu'un intrus ou une chambre d'enregistrement.
L'évolution actuelle peut légitimement faire craindre un
plus grand désengagement des magistrats du domaine du post-sentenciel.
Les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire (qui
connaissent aussi ce syndrome) ne doivent pas se réjouir d'une telle
évolution. Laissés seuls dans un face-à-face avec
leurs hiérarchies, des dangers s'annoncent pour eux : risque de
glissement des effectifs vers les établissements pénitentiaires
au détriment du milieu ouvert, faible reconnaissance de la spécificité
du travail social au regard des impératifs de sécuritéÉ
Les derniers rapports sur l'état de la protection judiciaire de
la jeunesse ne plaident pour l'optimisme. Réduite à l'état
de squelette sans substance, cette administration s'est largement structurée
ces vingt dernières années, sans projet politique précis,
sans liaison avec les autorités judiciaires, sans adéquation
avec les besoins locaux. Souhaitons simplement qu'il n'en sera pas de même
pour les services de probation de l'administration pénitentiaire.
Force est de constater que, pour l'instant, la réforme actuelle
s'est plus attachée aux structures qu'aux objectifs que l'on doit
donner à ces services. Or, le développement des peines restrictives
de liberté a d'abord tenu à la confiance que les juges correctionnels
ont progressivement faite à leurs collègues spécialisés.
S'ils devaient constater que le juge de l'application des peines ne dispose
plus des moyens nécessaires à son action, c'est la politique
d'alternative à l'enfermement qui peut être durablement remise
en cause.
Puisque l'on a voulu donner à l'administration pénitentiaire
une indépendance matérielle et fonctionnelle, il faudra bien
passer par une réforme globale de l'application des peines afin
de satisfaire la confiance nouvelle que les parlementaires font au juge
de l'application des peines.
Pascal Faucher , Président de l'A.N.J.A.P.
MOTION
L'assemblée générale de l'A.N.J.A.P. réunie
le vendredi 3 avril 1998,
CONSTATE que, depuis deux ans, les services de l'administration
pénitentiaire ont entrepris une importante réforme sans que
les juges de l'application des peines dans leur ensemble, aient été
consultés, associées, voire même informés réellement,
la diffusion de documents, quelquefois illisibles, étant des plus
variables, selon que l'on appartient à "un département
pionnier", à la deuxième vague, ou à rien du
tout.
DENIE à l'administration pénitentiaire le pouvoir
de définir et conduire seule une politique post-sentencielle, mettant
en jeu les libertés individuelles, relevant à ce titre du
judiciaire.
DEPLORE qu'une telle réforme de gestion soit entreprise
sans qu'ait été menée au préalable une réflexion
de fond sur la place du juge de l'application des peines et des services
de l'application des peines dans la politique pénale, et sans qu'ait
été enfin mise en chantier la judiciarisation de la
fonction que l'A.N.J.A.P. appelle de ces voeux depuis des années.
RAPPELLE qu'au-delà des dysfonctionnements ayant pu se
produire, ici ou là, imputables pour une part au moins au statut
quelque peu bâtard des juges de l'application des peines dans leurs
juridictions, ces magistrats ont la plupart du temps joué un rôle
déterminant dans l'extension du milieu ouvert, le développement
du travail d'intérêt général, des placements
à l'extérieur et le renforcement du partenariat ; que
leur rôle d'intermédiaire entre les juridictions et les comités
de probation a souvent permis une meilleure connaissance réciproque
et une amélioration des politiques pénales.
S'INQUIETE de ce que soient prévus à ce jour des
déménagements des services sans les juges de l'application
des peines et qu'il soit annoncé "qu'à terme, les comités
de probation quitteront tous les juridictions", ce qui fera disparaître
la possibilité d'échanges informels entre magistrats et travailleurs
sociaux, d'interventions rapides par rapport aux personnes suivies, et
l'existence même de la relation triangulaire, JAP- travailleur social-
personne suivie, qui est la richesse de la probation française.
AFFIRME que, ni le justiciable, ni l'institution judiciaire,
ni même l'administration pénitentiaire n'ont rien à
gagner d'une évolution qui conduirait cette dernière à
se replier "en famille", loin du regard des juges de l'application
des peines, en recherchant une émancipation dépourvue de
toute réflexion sur la finalité de la mission qui lui est
confiée.
DEMANDE, en conséquence, à Madame la Ministre
de la Justice :
- en préalable à toute réforme des comités
de probation, de réaffirmer le rôle de pivot des juges de
l'application des peines en milieu ouvert, et la nécessité
de liens étroits entre ces magistrats et les travailleurs sociaux
des futurs services.
- de maintenir l'unité géographique entre les juges
de l'application des peines et les futurs services, afin de préserver
la qualité des prises en charge des personnes suivies, et de mettre
en place les concertations nécessaires entre services judiciaires
et l'administration pénitentiaire pour parvenir à ce but.
- d'entreprendre enfin la réforme nécessaire accroissant
la position juridictionnelle des juges de l'application des peines en établissant
une réelle procédure contradictoire et en accroissant leurs
possibilités d'aménagement (par exemple pour la conversion
des courtes peines en travail d'intérêt général).
- de veiller à ce que la scission prévue entre les
juges de l'application des peines et les comités de probation, qui
peut par ailleurs paraître quelque peu surréaliste dans un
même ministère, n'aboutisse, du fait du volume du budget de
la justice à des restrictions de moyens matériels de fait,
pour les uns et les autres, compte tenu des prolongements prévus :
scission des secrétariats, doubles dossiers par exemple.
L'assemblée générale affirme sa détermination
vigilante à suivre la réforme à venir au regard des
principes rappelés plus haut et se réserve des saisir les
instances compétentes s'il apparaissait en définitive que
les juges de l'application des peines ne soient plus en mesure d'exercer
la mission qui leur est impartie par la loi.
HUMEUR ET STRATEGIE
L'EVOLUTION DES COMITES DE PROBATION : INCERTITUDES
TERMINOLOGIQUES ET REALITES FONCTIONNELLES
La plupart des juges de l'application des peines assistent stupéfaits
à l'évolution de la probation en France : ainsi, abruptement,
a été décrété le départ des services
de probation des juridictions, comme si la probation devenait dans notre
pays un enjeu désormais exclusivement pénitentiaire.
S'il peut être amusant de relever la maladresse de certains termes
(I), il est plus crucial, et plus urgent aussi, de s'interroger sur la
conduite souhaitable à l'égard de ce bouleversement dans
les conditions de mise en oeuvre des décisions de justice pénale
(II).
I- DES VICISSITUDES TERMINOLOGIQUES EN MATIERE PENITENTIAIRE
On ne peut que s'étonner de certaines abréviations maladroites
de l'administration pénitentiaire qui, peuvent parfois faire sourire.
Ainsi, dans les années 90, il fallait faire pop -entendre
par là être inconditionnellement favorable à la permanence
d'orientation pénale (quelle appellation "langue de bois"
! "L'orientation pénale" n'est-elle pas le fait des magistrats
du parquet et du siège ?). La p.o.p., c'est une enquête rapide
sur les prévenus, dont on a vite vu que si son principe -fournir
des informations au juge- est excellent, en revanche ses modalités
sont désastreuses: enquête souvent bâclée car
hélas faite en dernière minute, questions sommaires dont
les réponses reprennent scrupuleusement les déclarations
du prévenu, brèves demandes de confirmation d'information
par téléphone (compte tenu de l'enjeu, combien de personnes
contactées téléphoniquement peuvent être tentées
de dissimuler la vérité à ce moment-là ?),
et propositions d'insertion généralement de style, voire
inexistantes.
Modalités désastreuses car procédant également
d'un simplisme méprisant à l'égard du juge: ne rêvant
classiquement que de détention, celui-ci ne pourrait qu'être
aisément influencé par la pop. Il eut été bien
préférable de prévoir que ces éléments
d'information soient recueillis par le service interpellateur, avec un
peu plus de rigueur des magistrats, notamment du parquet, quant à
la qualité d'information recueillie (car les notices d'autrefois
pouvaient être aussi contestables que l'enquête rapide d'aujourd'hui).
En 1993 apparaissaient les cip, dont certains auraient pu penser
que, dans le domaine de la réinsertion sociale des condamnés,
il s'agissait de "contrats d'insertion professionnelle", de "contrats
d'insertion progressive" ou, à l'échelon communal, de
"contrats d'insertion et de prévention". Pas du tout:
les conseillers d'insertion et de probation prenaient progressivement toute
la place, l'appellation faisant oublier progressivement les assistants
sociaux, négligeant de surcroît les termes précis d'agent
de probation clairement défini par le code de procédure pénale.
Conseillers de qui ? "Du condamné, bien sûr, pas
du juge !", n'avait pas hésité à proclamer
l'un d'eux Pourtant, la fonction des membres du service socio-éducatif
et des agents de probation est clairement précisée par le
code de procédure pénale. Toujours utile, ce code...
Un peu plus tard était mis en place le pep, projet d'exécution
de peine, dont les initiales peuvent laisser à penser au détenu
que, s'il n'épargne pas sa peine pour plaire à l'administration,
il épargnera du temps passé à l'établissement
puisqu'il aura le bon plan pour séduire le juge. Mais gare si le
"plan d'épargne pénitentiaire" ne plaît pas
au juge de l'application des peines. Gare à qui ? Au juge, bien
sûr, qui aura ruiné les espérances. En tout état
de cause, le juge de l'application des peines gagnera à indiquer
à l'administration les critères essentiels d'individualisation
des peines qui sont les siens à défaut de quoi non seulement
les relations professionnelles seront plus difficiles mais aussi le détenu
en fera les frais.
En 1994, il fallait comprendre que les d.r.a.s.e. (délégués
régionaux à l'action socio-éducative) avaient disparu
et, sans qu'on se soit donné la peine de modifier le code de procédure
pénale, avaient laissé la place aux cuase ou cucase,
cadres chargés d'unité à l'action socio-éducative,
très vite dénommés par les travailleurs sociaux
"c... cassés" ou "c... assis" en raison
de la consonance.
En 1998, voici les spip ! Non, il ne s'agit pas du fidèle
compagnon de Spirou et du Marsupilami, quoique les nombreux admirateurs
de Franquin aient pu le souhaiter. Ce sont les services pénitentiaires
d'insertion et de probation, vous savez, ces services départementaux dont
il faut comprendre que, grâce à la distance qu'ils prennent
à l'égard de l'institution judiciaire, ils n'en seront que
plus proches pour satisfaire aux missions qui leur seront confiées.
Mais aussi, à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire,
il y a désormais une fonction de responsable des p.i.p. (les
personnels d'insertion et de probation, bien sûr !). Et très
bientôt, nous verrons vraisemblablement apparaître les dossiers
sep. Non, contrairement aux apparences, il ne s'agit pas de cette maladie
évolutive cruellement invalidante que constitue la sclérose
en plaques, mais du dossier socio-éducatif pénitentiaire,
ce deuxième dossier copie non conforme du dossier judiciaire remis
aux spip et pour lesquels nombre de professionnels passeront de nombreuses
heures sclérosantes, non seulement à effectuer des photocopies,
mais aussi à distinguer les différences de pièces
entre l'original et sa copie.
Maladresse des termes, entre p.o.p., p.e.p. & p.i.p. ? Oui, bien
sûr.
Mais surtout, bien au-delà de la terminologie, sclérose
dramatique d'une administration actuellement principalement préoccupée
par sa croissance interne.
ALORS, COMMENT REAGIR ?
D'abord et surtout ne pas s'en rendre malade, même si l'on a
une conscience professionnelle qui permet de se rendre compte que Titanic
va à son iceberg avec constance et obstination. Et sans tirer aucune
leçon du passé... Pensez donc ! En 1958, les jeunes comités
de probation (ils venaient de naître avec l'institution du s.m.e.:
auparavant n'existaient que des comités d'assistance aux libérés
rattachés aux tribunaux de grande instance pour une meilleure efficacité
et cohérence d'action. Quarante ans plus tard, retour en arrière !
Sic transit gloria mundi...
II- QUE FAIRE, FACE AU DEPART DES COMITES DE PROBATION ?
Quatre questions précises se posent. Elles concernent toutes
quatre le cabinet du juge de l'application des peines, au sens le plus
matériel qui soit: son bureau, les dossiers dont l'individualisation
de l'exécution de la peine relève de sa compétence,
le secrétariat-greffe et l'informatique.
1- Le cabinet du juge de l'application des peines :
Partir ou ne pas partir ? Quitter le tribunal de grande instance ?
Le juge ne fait-il pas preuve de légèreté en se collant
au Moloch pénitentiaire qui ne rêve que de l'absorber ? Que
le juge demeure au sein de sa juridiction ne devrait généralement
pas poser de difficultés au tribunal (même si certains juges
sont parfois dans l'annexe du palais de justice), tribunal dans lequel
il a tout naturellement sa place, alors qu'y revenir ultérieurement
ne manquerait pas de poser des problèmes graves: la nature judiciaire,
comme la nature humaine, ayant horreur du vide, son bureau serait vite
occupé et la réintégration s'avérerait difficile.
Mais rester sur place, meilleure façon de valoriser la fonction
éminemment judiciaire du juge de l'application des peines, implique
bien évidemment que le juge ait ses dossiers et soit assisté
d'un greffier.
2- Les dossiers du juge de l'application des peines :
Peut-on admettre que les dossiers de justice soient emportés
par une administration qui précisément a décidé
de quitter les lieux de justice que constituent les tribunaux ? "Si
l'a.p. emporte des dossiers judiciaires, nous viendrons les rechercher",
déclarait le procureur de la République d'un gros tribunal
de la région parisienne. S'il n'apparaît à l'évidence
pas souhaitable que ces dossiers quittent le cabinet du juge, en revanche
il va de soi que le juge doit, dans ce but, et pour être plus efficace,
s'assurer l'appui, voire le concours, de la majeure partie de ses collègues
magistrats, et en premier lieu des chefs de juridiction à qui il
importe d'expliquer les difficultés et leurs conséquences.
En revanche il apparaît indispensable que, dans des relations normales
de travail, l'administration pénitentiaire ait communication du
contenu des dossiers et puisse effectuer toutes copies utiles.
3- Le secrétariat-greffe :
Nombre de juges de l'application des peines sont dépourvus de
personnel de secrétariat-greffe. C'est actuellement le moment opportun,
devant le départ des personnels administratifs lorsque ceux-ci relèvent
de l'administration pénitentiaire, d'exiger du personnel judiciaire:
un juge ne peut traiter ses dossiers qu'avec l'assistance d'un greffier
compétent. Comment valoriser ce besoin et l'activité du juge
de l'application des peines ? On se reportera utilement aux articles relatifs
au tableau de bord d'activité (R.a.p. n° 22 - juin 1997), à
l'information à donner au tribunal (R.a.p. n° 24 - décembre
1997 - IR), à la nécessité d'un greffier (ex. "Le
greffier du juge de l'application des peines: une impérieuse et
urgente nécessité" - Droit pénal, août-septembre
1992) ...etc.
4- L'informatique :
Un juge de l'application des peines peut-il actuellement travailler
sans l'informatique ? Peut-être le moment est-il venu de créer
en juridiction un logiciel de l'application des peines qui réponde
exactement aux attentes des personnels judiciaires (juges et greffiers)
et non seulement pénitentiaires. Encore convient-il que les greffiers
en chef, en application des directives nécessaires des chefs de
juridiction, faisant suite aux circulaires diffusées à ce
sujet (ainsi que les services judiciaires pour ce qui les concerne), dotent
effectivement en personnels de secrétariat-greffe les juges de l'application
des peines.
On l'aura compris: A notre sens, le juge de l'application des peines
doit, comme tout magistrat du siège, conserver son cabinet au palais
de justice. Bien sûr, les personnels de probation (à l'instar
des éducateurs pour ce qui est de la justice des mineurs) auront
fréquemment besoin de s'y rendre pour exposer leurs multiples difficultés
dans les dossiers, ce qui impliquera que ce juge puisse prévoir
des plages de temps disponibles pour rencontrer chaque agent de probation
(dénomination toujours retenue par le code de procédure pénale),
comme cela se fait déjà dans les grandes juridictions.
Il est vraisemblable que le juge pour sa part deviendra plus exigeant
avec les rapports tant dans leur contenu (précisant ses attentes)
que leur périodicité (tous les six mois à partir de
la date à laquelle le dossier aura été confié
au service. Cela n'exclura évidemment pas qu'il puisse se rendre
en tous lieux extérieurs utiles à son activité, et
en particulier ceux dont il a pour mission d'assurer le contrôle.
En revanche, il apparaît indispensable que les chefs de juridiction
soient sensibilisés avec insistance pour que les juges de l'application
des peines soient dotés des personnels suffisants pour assurer leur
greffe et la tenue de leurs dossiers. A défaut de quoi, les tribunaux
auront admis qu'ils peuvent prononcer des décisions sans se préoccuper
de leur exécution ("peines-papier" dans certains cas)
et ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes, les juges de l'application
des peines ayant su tirer la sonnette d'alarme à de nombreuses reprises.
GMB / juin 1998
A PROPOS DE LA REFORME DES
SPIP...
Comme le rappelait Pascal Faucher lors de la dernière assemblée
générale, l'ANJAP n'a pas vocation à être le
reflet d'une pensée unique mais bien lieu de débats autour
de notre profession.
Je me permets donc de m'exprimer ici en faveur de la réforme
des comités de probation, me démarquant ainsi de la méfiance,
voire de la franche hostilité de la majorité d'entre vous
à son égard. Je pense que la rupture du cordon ombilical
entre le JAP et son comité de probation aura pour conséquence
de penser le JAP davantage comme une juridiction : existence de recours
du condamné contre ses décisions, débats contradictoires,
nouvelles décisions transférées du tribunal correctionnel
au JAP. Et c'est bien sur ce terrain là que l'ANJAP se bat depuis
plusieurs années.
Je ne crois pas que le fait d'être séparé de l'équipe
des travailleurs sociaux changera beaucoup à notre travail. Les
contacts JAP/délégués de probation seront certes moins
informels et quotidiens qu'ils ne sont à l'heure actuelle. Ils s'effectueront
davantage par courrier, rapports, téléphone, réunions.
A Amiens, les relations que j'entretiens avec le CPAL ne me paraissent
pas fondamentalement différentes de celles que j'entretiens avec
des services extérieurs comme le service éducatif auprès
de la maison d'arrêt ou l'association APRES de chantiers extérieurs.
La coupure géographique ne doit donc à mon sens pas être
redoutée.
Il faut en revanche penser et exiger de nouveaux moyens matériels
de travail : doubles dossiers (?), liaison informatique avec le SPIP, secrétariat-greffe
du JAP... La compétence départementale du nouveau service
et l'unification milieu ouvert - milieu fermé paraissent des avancées
positives en terme d'efficacité et de lisibilité. S'opposer
à la réforme à cause de la seule délocalisation
annoncée de ces nouveaux services me paraît vraiment dommage.
Si l'on ne va pas jusqu'au but de la logique de cette réforme,
rien n'aura véritablement changé et pour les travailleurs
sociaux qui ont besoin d'un nouveau souffle et pour nous, JAP, qui ne pourrons
plus réclamer une judiciarisation de la fonction avec autant de
poids. Je suis toute nouvelle arrivante dans la japerie et peut-être,
de ce fait, moins nostalgique que d'autres d'une époque où
le JAP était le grand maître à bord de son comité
de probation et des politiques d'insertion. Le métier de JAP ne
me semble pas moins intéressant pour autant, requérant tout
à la fois compétences juridiques, qualités humaines,
connaissance du tissu social, partenariat avec organismes et associations
et imagination pour que la peine ne signifie plus exclusion.
Myriam Artru Juge de l'application des peines à
Amiens
LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE
ELECTRONIQUE*
La loi n°97-1159 du 19 décembre 1997 vient de consacrer
le placement électronique comme modalité d'exécution
des peines privatives de liberté. C'est là l'aboutissement
d'une proposition de loi du sénateur CABANEL qui s'appuyant sur
diverses expériences menées à l'étranger (Etats-Unis,
Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas, Canada) avait préconisé
cette solution dans un rapport intitulé "Pour une meilleure
prévention de la récidive" rendu en août 1995.
Cet objectif de prévention de la récidive est le principal
des arguments avancés par les promoteurs de cette réforme.
Le placement sous surveillance électronique (P.S.E.) est envisagé
comme une alternative aux courtes incarcérations dont on connaît
les méfaits quant à la désocialisation : rupture du
lien familial, perte d'un emploi, promiscuité carcérale etc...
Il est aussi présenté comme un outil de réinsertion
pour les délinquants en fin de peine, le P.S.E. pouvant permettre
une préparation progressive à une libération définitive.
D'autres objectifs (dont on peut penser qu'ils ont également pesé
dans l'adoption du texte) sont assignés à la loi à
savoir la diminution de la surpopulation carcérale ainsi qu'une
prise en charge moins onéreuse pour la collectivité que l'emprisonnement.
Le domaine d'application du placement sous surveillance électronique
a été étroitement encadré : il s'agit d'une
modalité d'exécution des peines privatives de liberté
au même titre que la semi-liberté ou le placement extérieur.
Il n'est question ici, ni de peine autonome, ni d'alternative à
la détention provisoire ou au contrôle judiciaire. Outre l'organisation
du P.S.E., la loi du 19 décembre 1997, dans son article 1er, structure
également le chapitre relatif à l'exécution des peines
privatives de liberté du Code de procédure pénale
en le divisant en 7 sections. Le souci de clarté du législateur
aurait pu être poussé plus avant pour introduire une certaine
logique à la succession des différentes sections : Section
1 : Dispositions générales. Section 2 : De la suspension
et du fractionnement des peines privatives de liberté. Section 3
: De la période de sûreté. Section 4 : des réductions
de peine. Section 5 : Des attributions du J.A.P. et de la C.A.P. Section
6 : Du placement à l'extérieur, de la semi-liberté,
des permissions de sortir et des autorisations de sortie sous escorte.
Section 7 : Du placement sous surveillance électronique.
Le but de cette intervention, avant tout pragmatique, sera de vous
exposer les modalités de ce nouveau dispositif
Le placement sous surveillance électronique s'analyse comme
une assignation en un lieu et à des heures déterminées
et ce sous le contrôle d'un procédé électronique
permettant de détecter à distance la présence ou l'absence
du condamné.
I - LE PLACEMENT :
Peut être placé, tout condamné, majeur ou mineur
ayant à exécuter une ou plusieurs peines privatives de liberté
dont la durée totale n'excède pas un an. La mesure peut,
en outre, être ordonnée à titre probatoire pendant
une année au plus, préalablement à une libération
conditionnelle. Le juge de l'application des peines peut prendre l'initiative
du placement notamment dans le cadre de la procédure de D49-1 du
C.P.P. Mais le condamné ou le procureur peuvent également
lui soumettre une requête.
Des précautions importantes ont été prises quant
au consentement du condamné s'agissant d'un mode nouveau d'inquisition
dans la vie des personnes placées sous main de justice. Le condamné
reste libre de préférer au P.S.E. une incarcération.
Son consentement au principe de la mesure doit être recueilli en
présence d'un avocat qui pourra être désigné
par le bâtonnier. Cette disposition permettra peut-être d'éviter
les dérives d'un consentement déguisé.
Cette décision de placement peut faire l'objet d'un recours
du procureur sur la base de l'article 733-1 du C.P.P. En cas de refus du
J.A.P., il n'est pas prévu de recours spécifique du condamné.
Le magistrat va ensuite fixer les modalités du placement en indiquant
un lieu (domicile, foyer d'hébergement...) que le condamné
ne pourra quitter en dehors de certaines heures compte tenu de ses contraintes
sociales, familiales ou médicales. Il peut également assortir
le P.S.E. des obligations prévues en matière de sursis mise
à l'épreuve.
C'est d'ailleurs la première fois qu'un texte concernant l'aménagement
de peine privative de liberté renvoie à des dispositions
prévues en matière de peines alternatives à l'incarcération.
On peut, peut-être, voir là la volonté du législateur
d'introduire une certaine harmonisation des régimes.
Les conditions de placement peuvent être modifiées en
cours d'exécution de la peine par le juge après avis du procureur.
Il est prévu, à tout moment, la possibilité de désigner
un médecin pour vérifier si le placement ne présente
pas d'inconvénient pour la santé du condamné. Les
conséquences d'une éventuelle incompatibilité ne sont
pas prévues. Est-ce alors la procédure de retrait qui doit
être mise en oeuvre ?
II LE CONTROLE :
Le contrôle est effectué à distance par les agents
de l'administration pénitentiaire au moyen d'un dispositif électronique
permettant de détecter les absences du condamné aux lieu
et heures où il est assigné. Il s'agit en réalité
d'un bracelet se portant selon les modèles au poignet ou à
la cheville. Le système ne saurait permettre comme certains le craignaient
de suivre l'intéressé à la trace mais seulement de
signaler s'il s'éloigne d'une cinquantaine de mètres du récepteur
relié à un téléphone.
On est tout de même loin d'un système inquisitorial d'un
BIG BROTHER permettant de surveiller les allées et venues des individus.
Pour contrôler la présence effective du condamné, les
agents pénitentiaires pourront se présenter au lieu d'assignation
mais ne pourront pénétrer dans un domicile sans l'accord
des résidents. L'absence du condamné sera présumée
s'il ne se présente pas au contrôle. Le rôle de la police
et de la gendarmerie est précisé : ils gardent la faculté
de signaler toute absence irrégulière.
III LE RETRAIT :
Cinq motifs susceptibles d'entraîner la révocation de
la mesure sont énoncés par la loi :
- La demande du condamné qui reste ainsi libre de préférer
à tout moment le régime de l'incarcération.
- Son refus des modifications apportées aux conditions de placement.
- Le non respect des obligations.
- Son absence constatée au lieu d'assignation.
- Une nouvelle condamnation.
En cas de commission d'une nouvelle infraction, il faudra attendre
que le condamné ait été jugé pour enclencher
la procédure de retrait. Il n'est d'ailleurs pas prévu de
mesure d'urgence, permettant l'arrestation et l'incarcération provisoire
du condamné par le J.A.P. En l'état, seules des poursuites
pour évasion sur le fondement de l'article 434-29 du Code pénal
modifié, pourraient justifier de telles mesures. La procédure
de retrait est tout à fait innovante : elle prévoit l'audition
du condamné, en Chambre du Conseil assisté de son avocat,
suivie d'un débat contradictoire en présence du Ministère
Public prenant des réquisitions. La décision de retrait est
exécutoire par provision et peut faire, autre avancée importante,
l'objet d'un recours du condamné. Ce recours est porté dans
les dix jours devant la Chambre des appels correctionnels statuant en matière
d'application des peines.
Voici, ainsi tracées les grandes lignes de la loi du 19 décembre
1997. Au delà de l'avancée technique qu'elle consacre, la
loi porte également des principes novateurs quant à l'application
des peines.
Elle ouvre des brèches qui pourront susciter le débat
:
- elle reconnaît une fonction à l'avocat dans le domaine
du post-sentenciel ;
- elle introduit l'idée d'un débat contradictoire devant
le juge de l'application des peines ;
- elle instaure le principe d'un recours du condamné contre
une décision lui faisant grief.
On peut d'ailleurs s'interroger sur l'intérêt criminologique
de ce dispositif, comme le faisait notre Président dans un article
paru en septembre 1996 et sur la place qu'occupera la mesure dans l'éventail
des aménagements de peine déjà existants.
Ce n'est pas une expérimentation préalable comme, le
souhaitait l'A.N.J.A.P., qui répondra à ces questions mais
les pratiques des uns et des autres.
Cécile Fabre Juge de l'application des peines
à Sarreguemines
Intervention présentée
lors de l'Assemblée générale de l'ANJAP le 3 avril
1998 à Paris |
JURISPRUDENCE
RETRAIT REDUCTION DE PEINE - RECOURS PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Attendu que la décision par laquelle le juge de l'application
des peines rapporte une réduction de peine, constitue l'une des
mesures visées par l'article 733-1, 2° du Code de procédure
pénale pouvant être déférée devant le
tribunal correctionnel, à la requête du procureur de la République
et annulée pour violation de la loi ;
Attendu qu'il résulte du jugement attaqué que JeanMichel
Fortin a été condamné le 16 mars 1995 par le tribunal
correctionnel à 1 an d'emprisonnement dont 10 mois assortis d'un
sursis avec mise à l'épreuve, qu'incarcéré
à la maison d'arrêt en exécution de sa peine, il a
bénéficié d'une mesure de placement extérieur,
par ordonnance du juge de l'application des peines, en date du 13 mai 1996,
modifiée le 20 mai suivant; qu'une réduction de peine de
12 jours lui a été accordée le 6 juin 1996, que le
juge de l'application des peines a toutefois révoqué son
placement extérieur par décision du 27 juin 1996 et rapporté
6 jours de la réduction de peine antérieurement accordée,
par ordonnance du ler juillet 1996 ; que, le procureur de la République
a déféré cette dernière ordonnance, en vue
de son annulation pour violation de la loi ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable ladite requête,
les juges énoncent que le retrait de réduction de peine ne
peut faire l'objet d'un recours du ministère public, en application
de l'article 7331, l° du Code procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la requête
du procureur de la République tendant à l'annulation pour
violation de la loi d'une ordonnance rapportant une réduction de
peine, entre dans les prévisions de l'article 7331, 2° du Code
de procédure pénale, les juges ont méconnu les principes
susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE le jugement du tribunal correctionnel de REIMS, en date
du 5 juillet 1990 ;
Et attendu que JeanMichel Fortin a été mis en liberté
le 3 juillet 1996 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi.
(Chambre criminelle 2 décembre 1997 sur pourvoi n°Z 96-85.874
PF TGI Reims 5.7.96)
EXECUTION DE PEINE - JURIDICTION ETRANGERE - TRANSFERT - ADAPTATION
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Yves
Ciroldi, ressortissant français, a été condamné
le 17 mars 1988, par arrêt de la cour d'assises du Hainaut (Belgique)
devenu définitif, aux travaux forcés à perpétuité
pour meurtre et délits connexes ; que, détenu pour ces faits
dans un établissement pénitentiaire belge, depuis le 26 juillet
1985, il s'en est évadé le 20 juin 1993 pour se rendre en
France ; qu'à la suite de son arrestation, l'exécution de
la peine a été reprise sur le territoire français
le 6 juin 1996, à la demande des autorités belges, présentée
en application de l'article 68 de la Convention signée à
Schengen le 19 juin 1990 ;
Que, saisi par le procureur de la République, sur le fondement
de l'article 7133 du Code de procédure pénale, le tribunal
correctionnel a substitué à la peine des travaux forcés
à perpétuité, celle de la réclusion criminelle
de 30 ans ; Qu'Yves Ciroldi a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation qui était soutenue
devant eux par l'intéressé et confirmer le jugement entrepris
les juges du second degré retiennent que les dispositions précitées
de la Convention de Schengen sont applicables immédiatement aux
personnes condamnées ou évadées avant leur entrée
en vigueur, le 26 mars 1995 ; qu'ils ajoutent que l'application de ces
dispositions n'exclut pas celle de la Convention européenne du 21
mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées,
qui en son article 10, permet à l'Etat d'exécution d'adapter
la peine prononcée à l'étranger lorsque, comme en
l'espèce, elle est incompatible avec sa législation ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont fait l'exacte
application des dispositions légales et conventionnelles visées
au moyen ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 68 de la Convention signée
à Schengen le 19 juin 1990, qui permettent de reprendre en France
l'exécution d'une peine prononcée à l'étranger,
à l'encontre d'un français lorsque celuici s'est soustrait
à l'exécution de la peine en se réfugiant sur le territoire
national, n'ont pas pour résultat de rendre plus sévère
la peine prononcée par la décision de condamnation et sont
donc applicables immédiatement, conformément à l'article
1122, 3° du Code pénal ;
Que, par ailleurs, il résulte des termes mêmes des articles
67 et 69 de ladite Convention, que les dispositions précitées
visent seulement à compléter la Convention du 21 mars 1983
sur le transfèrement des personnes condamnées, dont les dispositions
sont applicables "par analogie" ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés
Et attendu que l'arrêt attaqué est régulier en la forme,
REJETTE le pourvoi.
(Chambre criminelle 4 novembre 1997 sur pourvoi n°M 96-644 PF CA
Rennes 25.11.96)
PRATIQUE JUDICIAIRE
LE CONTROLE DES CONDITIONS DE DETENTION
III- LES INFORMATIONS REÇUES PAR LE JUGE DE L'APPLICATION DES
PEINES
Le présent article est le dernier à paraître
sur le contrôle des conditions de détention, faisant suite
aux études publiées dans les deux derniers numéros
de la Revue de l'application des peines: La transmission des observations
du juge de l'application des peines aux autorités compétentes
pour y donner suite (R.a.p. n° 24 - décembre 1997) et Lieux
de visite et points de contrôle (R.a.p. n° 25 - mars 1998).
On sait l'importance de l'information pour tout décideur; le
juge de l'application des peines n'y fait pas exception. Ainsi est-il amené
à recevoir des documents d'information qui lui sont adressés
(I), à donner des avis (II) et à solliciter d'autres informations
dans le cadre d'auditions et investigations (III).
I- Les documents reçus
Si certains sont bien connus des praticiens, d'autres en revanche mériteraient
que l'on s'étonne de leur absence. Ainsi, selon le code de procédure
pénale :
- le juge de l'application des peines reçoit du chef d'établissement
pénitentiaire l'état mensuel des effectifs (art. D. 92
c.p.p.);
- il reçoit le rapport annuel d'ensemble du médecin
pénitentiaire sur l'état sanitaire des détenus (art. D. 379
al. 2 c.p.p.), du chef du service socio-éducatif sur le fonctionnement
de ce service (art. D. 471 al. 2 c.p.p.), de même qu'il est généralement
destinataire du rapport annuel du chef de l'établissement;
- il est informé :
- * de tout placement à l'isolement (art. D. 283-1 al. 2
c.p.p.) et reçoit les observations éventuelles du détenu
(art. D. 283-1 al. 3 c.p.p.),
- * de tout décès affectant les détenus condamnés
(art. D. 282 c.p.p.),
- * de toute mesure de suspension de l'emprisonnement individuel
prise à l'égard de condamnés détenus en maison
d'arrêt (art. D. 84 al. 2 c.p.p.),
- * des incidents graves les concernant touchant à l'ordre,
à la sécurité ou à la discipline de la prison
(art. D. 280 al. 2 c.p.p. et D. 274 c.p.p. relatif à la
découverte de choses remises irrégulièrement aux détenus
-infraction visée par l'art. 434-35 c.p.); à cet égard,
les juges de l'application qui sont désireux d'être avisés
des incidents dans les délais les plus rapides ne doivent certainement
pas hésiter à communiquer le numéro de téléphone
de leur domicile au directeur de l'établissement en veillant à
ce que celui-ci le reporte sur les consignes au personnel,
- * de tout incident au placement à l'extérieur, à
la semi-liberté ou à une permission de sortir (art. D. 124
al. 2 c.p.p.),
- * de toute évasion ou tentative d'évasion de leur
part (art. D. 283 c.p.p.),
- * et, dans le délai de cinq jours à compter de la
décision, de toute sanction disciplinaire prononcée par le
chef d'établissement à leur égard (art. D. 250-6 c.p.p.),
et reçoit le cas échéant leurs observations en ce
qui concerne les décisions prises les concernant (art. D. 249 al. 5
c.p.p.)
- mais il n'est pas autorité de recours en ce qui concerne les
sanctions prononcées, le droit administratif étant applicable
(recours hiérarchique puis contentieux, la juridiction administrative
s'étant déclarée compétente depuis l'arrêt
Marie rendu par le Conseil d'Etat le 17 février 1995, Rec. CE p. 83);
- il est avisé, s'il y a lieu, que le médecin de
l'établissement estime que la santé physique ou mentale d'un
détenu risque d'être affectée par la prolongation ou
par une modalité quelconque de la détention (art. D. 375 c.p.p.).
- il pourra utilement demander la communication des rapports relatifs
à l'établissement pénitentiaire placé sous
son contrôle, établis conjointement par les chefs de cour
(art. D. 179 c.p.p.), lors des inspections périodiques
(art. D. 229 c.p.p.), et éventuellement de ceux établis par
le procureur de la République (art. D. 178 c.p.p.) ou la commission
de surveillance (art. D. 184 c.p.p.), et de tous documents pouvant lui
être utiles: organigramme de l'établissement, plan de celui-ci
avec la répartition des locaux, liste des personnels avec leurs
affectations dans l'établissement, liste des visiteurs de prison
et des détenus qu'ils visitent, liste des détenus inscrits
à une formation scolaire ou professionnelle ...etc..
II- Les avis donnés
L'information reçue par le juge de l'application des peines
doit lui permettre un discernement: soit de classer après avoir
pris connaissance (en transmettant le cas échéant copie à
tout collègue magistrat directement intéressé), soit
de donner suite (cf. R.a.p. n° 24 - décembre 1997), soit de
donner un avis, qui implique une prise de connaissance préalable
des éléments fournis. A cet égard,
- le juge de l'application des peines donne un avis sur le règlement
intérieur de l'établissement et toute modification de celui-ci
(art. D. 255 c.p.p.);
- il donne un avis au directeur régional des services pénitentiaires
sur l'agrément et le retrait d'agrément des visiteurs de
prison, et peut en demander la suspension en cas d'urgence et pour des
motifs graves (art. D. 473 c.p.p.);
- il participe aux réunions de classement des détenus
particulièrement signalés (procédure prévue
par l'instruction interministérielle du 19 mai 1980);
- il donne son avis sur le transfert des condamnés d'un
établissement à un autre et leur affectation, sauf urgence
(art. 722 al. 3 et D. 69-1 c.p.p. qui prévoit la consultation
du juge de l'application des peines). Pour ceux d'entre eux dont le reliquat
de peine est supérieur à deux ans, son avis est porté
sur la notice d'orientation prévue à cet effet (art. D.
80 c.p.p.). Pour donner un avis éclairé, le juge de l'application
des peines prend utilement connaissance des avis des magistrats du siège
et du parquet ayant eu connaissance du condamné concerné
(art. D. 79 et D. 158 c.p.p., qui mériteraient d'être mieux
connus et appliqués -ce qui implique aussi une meilleure information
sur les établissements pénitentiaires et leur spécialisation,
qui n'est guère faite par l'administration pénitentiaire).
On observera que toute décision de transfèrement est importante
puisque du lieu de détention dépend la compétence
du juge de l'application des peines.
Limites générales
- Le juge de l'application des peines ne peut se substituer au directeur
régional ou au chef de l'établissement, en ce qui concerne
l'organisation ou le fonctionnement de celui-ci (art. D. 116 al. 2
c.p.p.). La formulation un peu maladroite traduit bien l'inquiétude
des rédacteurs du décret à l'égard d'un rôle
trop envahissant du juge de l'application des peines. Quoique cette inquiétude
puisse apparaître excessive, l'esprit du texte (sa lettre étant
par trop restrictive: on voit mal comment un magistrat pourrait se "substituer"
motu proprio à un responsable de l'administration pénitentiaire
et à la complexité de ses attributions) est que le juge de
l'application des peines, s'il peut, dans le cadre de son activité
de contrôle de l'établissement pénitentiaire, solliciter
et rechercher toutes informations utiles à sa mission, ne peut en
aucune manière s'immiscer dans l'organisation, la gestion et l'administration
de l'établissement, d'autant que le chef d'établissement
est responsable disciplinairement du maintien de l'ordre et de la sécurité
dans la prison qu'il dirige (art. 265 c.p.p.). Le juge de l'application
des peines pourra toujours recevoir au préalable l'avis d'autres
professionnels avant de formuler le sien, en particulier en ce qui concerne
le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire,
pour lequel peuvent être consultés le président ou
le procureur, le magistrat de l'exécution des peines, le service
socio-éducatif...) et ce, même si l'administration transmet
parfois ses demandes avec une certaine urgence, nonobstant le rôle
des autres professionnels. Il sera utile que le juge demande à être
tenu informé de la suite donnée à ses avis.
III- Les autres sources d'information: auditions et investigations
- Le juge de l'application des peines est destinataire des courriers
que lui adressent les détenus. Ces lettres peuvent être remises
sous pli fermé et échappent alors à tout contrôle;
aucun retard ne doit être apporté à leur envoi (art.
D. 262 c.p.p.);
- il peut recevoir les détenus qui en font la demande ou,
d'initiative, en audience privée, soit à son cabinet, soit
dans un bureau de l'établissement pénitentiaire, et peut
également s'entretenir avec ceux-ci dans leur cellule (art. D. 116
al. 4, D. 259 al. 2 et D. 232 c.p.p.); en tout état de cause, il
apparaît opportun que le juge de l'application des peines fasse application
des dispositions de l'art. 803 c.p.p. (cf. également les art. 318
et 409 c.p.p. aux termes desquels tout détenu comparaît sans
entrave devant une juridiction) et ne procède à l'audition
des condamnés détenus qu'après que ceux-ci aient été
désentravés (la question peut se poser en particulier lorsque
le détenu comparait dans le cabinet du juge sur réquisition
d'extraction).
- plus généralement, dans l'exercice de ses attributions,
il peut demander:
- * les renseignements relatifs au lieu d'incarcération,
à l'état de santé, à la situation pénale
ou à la date de libération d'un détenu (art. D. 428
c.p.p.);
- * copie de toute pièce se trouvant en possession du chef
d'établissement (art. D. 154 c.p.p.);
- * au médecin de l'établissement la délivrance
d'attestations écrites relatives à l'état de santé
des détenus et contenant les renseignements nécessaires à
l'orientation et au traitement pénitentiaire ou post-pénal
de ceux-ci (art. D. 378 al. 1 c.p.p.);
- * au service socio-éducatif tous éléments
permettant de mieux individualiser la situation pénale des détenus
(art. D. 462 al. 2 c.p.p.);
- il peut procéder ou faire procéder à toutes
auditions, enquêtes ou examens utiles (art. D. 116-1 c.p.p.);
- il est à noter que, dans le cadre de ses fonctions, le
juge de l'application des peines a (ou devrait avoir) des rapports fréquents
avec les différents personnels de direction, de greffe, de surveillance,
socio-éducatif, médical, avec les aumôniers et visiteurs
de prison, ainsi qu'avec certaines associations, notamment de familles
de détenus, d'observation des conditions de la détention...
pour une meilleure connaissance et compréhension des difficultés
majeures en détention (tant il est vrai que le juge, dans un but
d'efficacité, ne peut généralement souligner toutes
les difficultés quelle qu'en soit la gravité, sauf à
ce que leur nombre excessif rende critiquable le fonctionnement général
de l'établissement). généralement, le juge de l'application
des peines gagnera à prendre du temps pour connaître ce qui
vit en détention: existence d'un journal de détenus (dont
le juge sera utilement destinataire, certains juges ayant par ailleurs
accepté de répondre à une interview sur les critères
de l'individualisation des peines), d'un circuit interne de télévision...
le juge pouvant même tout à fait participer, voire susciter
une réunion avec un groupe de détenus dans un cadre pré-établi
(ex. formation scolaire: instruction civique, service socio-éducatif,
aumônerie...), l'essentiel étant de mettre en oeuvre tous
moyens susceptibles de réduire le hiatus souvent si grand entre
ceux qui savent (...les problèmes existant en détention,
lieu où existe une très grande autocensure, tant parmi les
détenus que les personnels) et ceux qui peuvent (...contribuer à
les résoudre).
Godefroy du MESNIL du BUISSON maître de conférences
à l'Ecole nationale de la magistrature
L'APPLICATION
DES PEINES AU QUOTIDIEN**
MILIEU FERME
Les remarques formulées depuis plusieurs années (notamment
sur l'absence d'un quartier de semiliberté digne de ce nom, le
manque de personnel socioéducatif, la surpopulation carcérale,
la vétusté des locaux) demeurant sans effet, elles ne seront
reprises ici que pour mémoire et la situation actuelle risque de
durer encore quelques années sans changement notable dans l'attente
de la construction et de la mise en service d'un nouvel établissement.
Entretemps, il ne reste qu'à espérer qu'aucun événement
grave ne se produira (mutinerie ou accident affectant les bâtiments
et mettant en danger la sécurité des personnels et des détenus).
L'on peut d'ailleurs s'étonner du calme relatif avec lequel les
détenus subissent leur incarcération. S'il est vrai que cela
tient en partie aux qualités professionnelles de la très
grande majorité des personnels, il ne faut pas oublier que la tranquillité
est principalement obtenue par l'administration de médicaments (la
"fiole"), la pratique intensive d'activités sportives
et l'assiduité devant les postes de télévision. Il
est regrettable que les discours insistant sur l'importance qui doit être
accordée aux efforts de réinsertion pendant la détention
soient aussi peu mis en pratique et l'on ne peut que constater que, malgré
les objectifs annoncés, la tâche principale voire unique du
personnel de l'administration pénitentiaire est de surveiller des
détenus dont on se soucie finalement assez peu de connaître
leur devenir après leur libération. S'il est vrai que l'expérimentation
du projet d'exécution de peine peut donner des raisons d'espérer
une amélioration, il faut se rappeler qu'en maison d'arrêt,
où beaucoup de condamnés exécutent une grande partie
ou la totalité de leur peine, l'on ne rencontre pas les conditions
idéales pour élaborer et mener à bien un tel projet.
Le nombre de détenus avant fait de multiples séjours
dans l'établissement devrait amener à réfléchir
à nouveau sur le bienfondé des actions actuelles qui n'ont
trop souvent qu'une fonction occupationnelle et sur la nécessité
de mettre les libérables en situation d'avoir en sortant une situation
autre que celle qu'ils avaient en entrant. Il est inquiétant de
constater que certains "pensionnaires" habituels de l'établissement
ne s'inquiètent pas outre mesure de leurs incarcérations
répétitives et trouvent même un certain agrément
à ces séjours du fait qu'ils leur permettent de retrouver
certaines de leurs connaissances. Il est d'ailleurs symptomatique de constater
qu'ils sont plus préoccupés par le fait de savoir avec qui
ils seront affectés en cellule que par le fait d'être écroués.
Les soins aux 'toxicomanes, alcooliques et aux personnes présentant
des troubles d'ordre psychiatrique et psychologique gagneraient à
être développés afin d'éviter que des comportements
ayant entraîné des condamnations ne se reproduisent après
le temps de détention. S'il est vrai que certains condamnés
sont soumis à des soins dans le cadre d'un sursis avec mise à
l'épreuve ou d'une libération conditionnelle, beaucoup y
échappent faute d'obligations durables après leur libération
et le suivi en milieu ouvert dépend en grande partie de la bonne
volonté que l'intéressé met à répondre
aux convocations des personnels soignants.
D'autres modifications pourraient être apportées pour
améliorer la situation financière des personnes libérées
; ainsi, une rémunération plus en rapport avec le travail
fourni pourrait être allouée aux détenus classés
et les prix pratiqués à la "cantine" pourraient
être moins exorbitants. Il ne s'agit là que de quelques réflexions
non exhaustives et qui ne sont pas à même de résoudre
toutes les difficultés qui peuvent entraîner des comportements
délinquantiels (éclatement des structures familiales, échec
scolaire, précarité financière et professionnelle)
mais il semble que même très partiellement, de nouvelles actions
au sein d'une maison d'arrêt pourraient permettre d'améliorer
des situations individuelles mieux que cela n'est fait actuellement. Cela
nécessiterait des moyens matériels et humains importants
mais s'ils étaient mis à disposition, rien ne s'opposerait
à la mise en oeuvre d'actions de réinsertion de longue durée.
A terme, il est probable que le coût pour la collectivité
serait moindre.
MILIEU OUVERT
La prise en charge des mesures se fait généralement dans
des délais satisfaisants, de l'ordre de trois mois après
le prononcé de la condamnation, et ce, grâce au bon fonctionnement
du greffe correctionnel et du service de l'exécution des peines
du T.G.I. d'Avignon d'où viennent la majorité des mesures
dont est saisi le C.P.A.L. Après avoir connu une recrudescence de
saisines au cours du premier semestre 1997, le comité a fini l'année
dans des conditions plus satisfaisantes du point de vue du nombre de dossiers
attribués à chaque agent (environ 100 contre 120 en 1996).
Compte tenu des difficultés que rencontrent la plupart des personnes
suivies (problèmes de santé, paupérisation, situations
de rupture familiale, sous qualification professionnelle, etc), l'on peut
considérer que les résultats obtenus ne sont pas négligeables
même s'ils sont parfois loin de ce qui pourrait être exigé.
Quelques probationnaires en voie de marginalisation ont fait preuve de
réels efforts pour changer de mode de vie (stabilisation géographique,
maintien dans un emploi, acceptation d'un suivi médical en matière
de toxicomanie notamment, non réitération de faits délictueux)
et légitiment les actions entreprises.
Ces quelques succès véritables ont le mérite de
motiver l'équipe socioéducative dont le travail n'est pas
toujours gratifiant ni apprécié à sa juste valeur
tant ses conditions de travail et les moyens mis à sa disposition
demeurent perfectibles. Le projet d'unification des services socioéducatifs
des milieux ouvert et fermé a mobilisé une partie des fonctionnaires
et devrait se réaliser courant 1998, ce qui amènera le service
à revoir son fonctionnement. Cette réforme devrait permettre
de renforcer la cohérence des actions menées puisque les
personnels auront vocation à intervenir auprès des condamnés
aussi bien lorsqu'ils seront libres que détenus et la création
d'un responsable à l'échelon départemental sera de
nature à mieux coordonner les interventions des personnes placées
sous son autorité.
Il reste à espérer que la disponibilité exigée
d'une partie du personnel du comité de probation (la directrice
de probation et un conseiller d'insertion, en particulier) par l'administration
pénitentiaire depuis un an pour participer à de multiples
réunions aboutira à des résultats positifs pour que
les journées de travail qui n'ont pas été consacrées
aux missions dévolues au service ne l'aient pas été
en vain. Incidemment, il est à regretter que les magistrats de l'application
des peines n'aient pas été associés à ces réunions
car ils sont intéressés au premier chef par la réforme
à intervenir. L'équipe du C.P.A.L. devrait être prochainement
renforcée par une personne recrutée dans le cadre d'un "emploijeune"
et qui travaillerait à mitemps, l'autre mitemps se faisant au
profit du C.H.A.A. d'Avignon qui assurerait le complément de rémunération.
Cette personne effectuerait un travail d'accompagnement de type socioéducatif
et ne viendrait donc pas renforcer le secrétariat qui justifierait
pourtant un emploi à plein temps.
Il est dommage que l'Etat ne prenne pas totalement en charge financièrement
un tel emploi car la nécessité de recourir à un partenaire
pour compléter le salaire oblige à des concessions, sans
quoi ce partenaire n'accepterait pas de payer une personne sans bénéficier
de prestations en retour, ce qui est bien compréhensible. Dans la
mesure où le greffe du T.G.I. d'Avignon souffre d'une pénurie
durable d'effectifs, il ne semble guère y avoir d'espoir de ce côtélà
alors qu'il revient au greffier en chef de pourvoir au secrétariat
du J.A.P. et que des efforts sont faits pour les autres fonctions de juge
unique (imagine-t-on un juge d'instruction ou un juge des enfants, par
exemple, durablement privé de greffier ?). Une demande de mise à
disposition d'un fonctionnaire (à mitemps au CPAL et à mitemps
à la maison d'arrêt d'Avignon) a été formulée
fin 1997 auprès de la direction régionale de l'administration
pénitentiaire mais elle est demeurée à ce jour sans
effet. En attendant, ce sont les personnels du comité de probation
et le magistrat qui, en l'absence du secrétairegreffier, remplissent
les tâches dévolues à celui-ci et ce, au détriment
du travail qu'ils devraient pouvoir accomplir dans des conditions plus
propices. A trop vouloir compter sur la conscience professionnelle et la
bonne volonté du personnel du comité, l'on risque d'aboutir
à des situations de blocage et de refus catégorique d'assumer
des fonctions indues, situations qui ont pu être évitées
jusqu'à présent mais qui resurgissent périodiquement
et qui, si elles se produisaient, seraient de nature à nuire au
bon fonctionnement du service. La situation est d'autant plus mal acceptée
à Avignon que le C.P.A.L. de Carpentras, bien que de taille deux
fois moindre, bénéficie d'un secrétariat à
plein temps.
Tant que l'on considérera que les C.P.A.L. ne sont pas des services
prioritaires, il pourra difficilement leur être reproché de
ne pas obtenir les résultats qu'on serait en droit d'attendre eu
égard à leurs missions. La situation est d'autant plus préoccupante
que ces missions vont croissant depuis des années (peines de travail
d'intérêt général, mesures de contrôle
judiciaire, dossiers d'interdits de séjour en plus des peines de
sursis avec mise à l'épreuve et des mesures de libération
conditionnelle) et que de plus en plus de personnes suivies présentent
de graves difficultés sur les plans personnel, familial, professionnel
et social.
E. Chalbos Juge de l'application des peines à
Avignon
Extrait du rapport d'activités 1997 du
juge de l'application des peines d'Avignon (Le titre est de la rédaction) |
A LIRE
LA GESTION DU COMPORTEMENT DES DETENUS
Essai de droit pénitentiaire Par Martine Herzog-Evans L'Harmattan
- Logiques Juridiques
Martine Herzog-Evans est maître de conférence à
l'université Paris X Nanterre. Spécialiste du droit pénitentiaire
( une nouvelle discipline ? ) elle a réalisé sa thèse
de doctorat sur la gestion du comportement des détenus. C'est cette
thèse, actualisée, qui est aujourd'hui publiée.
Si ce titre, dans une première approche, apparaît réducteur
à un aspect limité de la science pénitentiaire, il
devient rapidement évident qu'il offre au contraire l'avantage d'aborder
en profondeur toutes les questions relatives à la vie du monde carcéral.
En quelques pages d'introduction, l'auteur fixe les grandes lignes de l'histoire
de nos prisons. D'importantes annotations conduiront le lecteur à
approfondir ses connaissances.
L'ouvrage est ensuite scindé en deux parties : la mesure du
comportement et la sanction du comportement. Dans un premier temps Martine
Herzog-Evans analyse les sources de ce droit en insistant tout particulièrement
sur la place de l'usage pénitentiaire bien que cette notion ne soit
reconnue par aucun texte normatif. Puis, elle recherche les multiples comportements
du détenu ( respect de la discipline, actes auto ou hétéro
agressifs...) tente dans déterminer les causes , analyse les sources
d'informations des différents acteurs du champ pénitentiaire
dont le juge de l'application des peines. Il fallait s'y attendre.
Dans sa seconde partie, l'universitaire est profondément troublé
par le très grand flou des sanctions de tout ordre pouvant être
infligées aux détenus. Si elle reconnaît l'avancée
importante survenue en 1996, elle estime - sans doute à raison -
qu'il existe en la matière une "illusion légaliste".
Plus encore, elle souligne le rôle majeur joué par le JAP
en matière de gestion de la détention. La politique menée
par les JAP en matière de réductions de peine, de permissions
de sortir et de libération conditionnelle influence directement
le comportement des détenus.
Les JAP liront avec beaucoup d'intérêt les développements
consacrés aux critères d'octroi présidant aux mesures
d'aménagement de peine ainsi que la description des moyens de pression
de l'administration sur le juge pour éviter une trop grande rigueur
de ce dernier. Enfin, l'auteur apporte sa pierre au débat sur la
judiciarisation. Très critique là encore du droit positif,
elle estime qu'il doit exister un véritable droit au juge: "
le rôle du JAP doit être clarifié (...), la nature juridictionnelle
et même pénale de ses missions doit être reconnue; il
faut instaurer une véritable procédure juridictionnelle pour
la prise de ses décisions; un droit de recours doit être créé
en matière d'application des peines". On ne saurait être
plus ambitieux.
A n'en pas douter cet ouvrage donne à réfléchir
sur notre système carcéral. Il offre à la fois une
base de données de notre droit positif et propose des perspectives
d'évolution qui sont ( ou seront) au coeur des débats à
venir. Il vient ainsi enrichir fort à propos nos bibliothèques.
CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS DES DETENUS
Aspect de la jurisprudence Direction de l'administration pénitentiaire
Par C. Giudicelli, chef du bureau de la réglementation et Anne-Marie
Morais, étudiante
Ce document est parfaitement accessible à tous les juristes
et offre, au travers des nombreuses références, un panorama
très complet de la jurisprudence administrative applicable aux détenus.
Répartition des compétences entre le juge administratif et
le juge judiciaire, contrôle de la légalité des décisions
prises par l'administration pénitentiaire à l'égard
des détenus, responsabilité de l'administration pénitentiaire
pour les dommages causés aux détenus ou par le détenu,
tous les thèmes "pénitentiaires" sont abordés
.
On insistera notamment sur les développements consacrés
à la nature des décisions rendue par les juges de l'application
des peines. Le Conseil d'Etat semble estimer que ces décisions ne
sont pas de la compétence des juridictions administratives mais
cette position reste fragile au regard des décisions rendues par
certaines cours administratives d'appel. La question de la responsabilité
de l'Etat quant aux dommages causés par les détenus pendant
des mesures d'aménagement de peine est également évoquée.
PSYCHIATRIE DE LIAISON EN MILIEU PENITENTIAIRE
Jean-Louis SENON P.U.F., collection médecine et société
1998. Ancien médecin-chef du SMPR de POITIERS, l'auteur connaît
bien le sujet abordé. Le magistrat y trouvera une synthèse
récente et fort lisible des cliniques et thérapeutiques concernant
la population carcérale, un historique et des perspectives pour
ces services psychiatriques. Tout juste pourra-t-on regretter l'absence
de développements sur les relations de travail entre SMPR, psychiatres
et magistrats.
INFORMATIONS
RAPIDES
Voici le Spip ...hommage à Franquin ?
Les lecteurs qui ont été jeunes se souviennent très certainement
de ce petit personnage facétieux de bande dessinée qui accompagne
Spirou, Fantasio et le Marsupilami, les célèbres héros
de Franquin, dans nombre de leurs aventures. Le spip de la réalité
(entendre par là le "service pénitentiaire d'insertion
et de probation"), beaucoup moins drôle que celui de la fiction,
mais tout aussi imprévisible, accompagnera-t-il à l'avenir
les juges de l'application des peines ? On peut en douter. Une chose est
certaine: la délocalisation des comités de probation (vite
vite, quittons les palais de justice !) est décidée par l'administration
centrale; tant les chefs de juridiction que les juges de l'application
des peines membres du groupe national de travail sur la réforme
des comités de probation ont été maintenus dans l'ignorance
de cette délocalisation qu'ils ont découverte avec stupeur.
Que deviennent les juges (de l'application des peines) dans ce dispositif
? Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, l'a déclaré
aux représentants de l'A.n.j.a.p.: "Les juges de l'application
des peines feront ce qu'ils voudront" -entendre par là: les
juges d'aujourd'hui décideront dans chaque ressort de juridiction
s'ils veulent demeurer dans le tribunal ou s'ils souhaitent le quitter
pour le logement de l'antenne du s.p.i.p. Ainsi, dans cette optique, les
juges de l'application des peines de Versailles et de Lille ont-ils souhaité
rester résidents à part entière du tribunal.
En revanche, ceux de Toulouse, constatant qu'ils étaient déjà
dans une annexe peu proche du palais de justice principal, ont décidé
au contraire de suivre spip. Bien mal leur en a pris car la direction des
services judiciaires ne veut pas payer le loyer des juges (dans le grand
local pris en location, une distinction subtile avait été
faite entre la partie pénitentiaire et la partie judiciaire, pour
laquelle il avait même été demandé par l'administration
pénitentiaire une entrée à part pour les juges -ne
mélangeons pas les torchons... !). Le cabinet ministériel
est actuellement saisi de leur complainte.
En tout état de cause, les juges de l'application des peines
ne doivent certainement être dépourvus ni de leurs dossiers
(il s'agit de dossiers judiciaires ...à l'administration pénitentiaire
de s'évertuer à doubler les dossiers, l'expérience
montrant que les deux dossiers ne sont jamais identiques et toujours incomplets),
ni de leurs moyens en personnel de secrétariat (voire informatiques).
A se couper des juridictions, les juges de l'application des peines ne
risquent-ils pas de devenir des annexes (des antennes ?) des s.p.i.p. ?
Enfin, l'on peut redouter que le spip, peut-être aussi rebelle que
celui de la bande dessinée, dissuade les magistrats dans leur ensemble
de s'intéresser désormais aux alternatives à l'incarcération
et à leur développement.
Le suivi socio-judiciaire : c'est voté !
Cela a pris du temps, mais le 4 juin dernier a été voté
par les deux assemblées le texte issu de la commission mixte paritaire
regroupant des parlementaires tant du Sénat que de l'Assemblée
nationale. La loi a été promulguée par le Président
de la République: c'est désormais la loi n° 98-468 du
17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs,
publiée au J.O. du 18 juin 1998 pp. 9255 à 9263.
Une grande partie de ses dispositions concerne le suivi socio-judiciaire
des délinquants sexuels. Il s'agit du second texte prévoyant
que les décisions du juge de l'application des peines sont susceptibles
de recours devant la cour d'appel (après la loi n° 97-1159 du
19 décembre 1997 relative au placement sous surveillance électronique
-J.O. du 20 décembre 1997).
Les représentants de l'Association nationale des juges de l'application
des peines se souviennent de la phrase d'un ancien directeur des affaires
criminelles et des grâces qui s'exclamait: "Mais vous, les juges
de l'application des peines, pourquoi demandez-vous un droit de recours
contre vos décisions ? N'êtes-vous pas heureux ainsi ?".
C'est que, monsieur le directeur, tout juge normalement constitué
aspire à ce que: - les dossiers de justice soient bien préparés
(ce qui implique un greffe de qualité), - les justiciables
soient bien défendus (ce qui implique un accès au dossier,
une place pour l'avocat et la mise en oeuvre de l'aide juridictionnelle),
- et que (tout particulièrement dans une matière sensible)
les règles de procédure soient claires et favorisent, pour
résoudre les innombrables questions qui se posent, une jurisprudence
cohérente fruit de la réflexion des praticiens. L'évolution
législative y contribue...
Rencontre de la ministre de la justice
C'est le 27 mars 1998 que les représentants de l'Association
nationale des juges de l'application des peines (MM. Pascal Faucher, président,
Olivier Guichaoua, vice-président, et Mme Laurence Mengin, secrétaire
générale ont rencontré Mme Elisabeth Guigou, ministre
de la justice. Celle-ci s'est déclarée favorable à
ce que la fonction de juge de l'application des peines soit juridictionnelle
et sera recevra les propositions de l'association.
En ce qui concerne les cpal spip, les juges de l'application des peines
devraient continuer à définir des directives générales
de service, sauf en ce qui concerne le fonctionnement du service. Enfin,
pour ce qui est de la délocalisation qui se poursuit à vitesse
grand V (nous avons reçu des informations relatives même à
de toutes petites juridictions) et de la place du juge de l'application
des peines dans le dispositif, les représentants de l'association
se sont entendu répondre: "Les juges de l'application des peines
peuvent partir des tribunaux s'ils le veulent". Autrement dit, à
chacun son choix -qui conditionnera la localisation géographique
des magistrats qui succéderont.
Mis à part les choix d'isolationnisme de l'administration pénitentiaire,
suivis en tout point par le ministère, il semble qu'il n'y ait aucune
réflexion sur le rôle pourtant incontournable du juge de l'application
des peines dans la probation ...alors que l'un des objectifs de la réforme
est le développement des alternatives à l'incarcération.
Et si les juges étaient remplacés par des procureurs
?
C'est la question que l'on peut se poser à la lecture de l'avant-projet
de loi relatif aux nouvelles réponses aux actes de délinquance
et à l'accélération et à la simplification
des procédures pénales. Il prévoit en effet le développement
des alternatives aux poursuites, le procureur pouvant désormais
contraindre le condamné pardon, le présumé innocent-
à réparer les dommages causés par l'infraction, à
verser une indemnité au trésor public, à remettre
son permis de conduire ou de chasser pour une durée de quatre mois
au maximum, à effectuer au profit de la collectivité un travail
non rémunéré pour une durée de soixante heures
au maximum dans un délai maximum de six mois (oui, vous avez bien
lu) ...etc. (il y a d'autres obligations).
Finalement, au lieu de brandir la menace de la peine, comme dans le
cadre du sursis avec mise à l'épreuve ou du sursis-t.i.g.,
on brandit ici celle du juge, qui n'apparaît plus que comme l'agent
automatique de la répression. Qui pouvait donc s'imaginer que le
juge puisse servir d'abord à garantir les conditions d'un procès
équitable ! Qu'il valait mieux faciliter l'accès au juge
que le court-circuiter !
Quid du condamné qui n'observerait pas les obligations fixées
par le procureur ? Celui-ci classera-t-il quand même (ce qui est
regrettable pour l'image de la justice) ? Ou au contraire, en raison du
mauvais comportement de l'infracteur, poursuivra-t-il des infractions qui
auraient été classées sans suite (l'hypothèse
a déjà été rencontrée dans le cadre
des maisons de justice) ? Qui mettra en oeuvre les t.i.g. parquet (vraisemblablement
les antennes s.p.i.p.) ? Quel enregistrement des actes de délinquance
commis peut-il être envisagé en cas d'exécution des
obligations (le casier judiciaire est une chambre d'enregistrement utile,
mais qui ne concerne que les personnes condamnées) ? Que feront
les tribunaux en cas d'inexécution ? Y aura-t-il un risque d'alourdir
globalement la répression d'infractions qui auraient été
classées ? Finalement, les voies de la justice apparaissent de plus
en plus impénétrables...
Le centre pour peines aménagées
Un projet très avancé de l'administration pénitentiaire
Le principe en est simple: Au 1er janvier 1997, constate un document
interne de l'administration pénitentiaire, 7889 détenus exécutant
en métropole une peine correctionnelle sont condamnés à
moins d'un an de détention.
Par ailleurs, le nombre de condamnés détenus dont le
reliquat de peine est inférieur à un an est estimé
à 8573. Or les placements à l'extérieur et semi-liberté,
mesures alternatives à l'incarcération (dixit l'administration
pénitentiaire -sic) ne sont pas suffisamment exploités. Pourquoi
ne pas envisager un établissement pénitentiaire nouveau aux
contraintes sécuritaires limitées, qui suivrait également
les condamnés placés sous surveillance électronique
et recevrait (en quelque sorte en suivi ambulatoire) les condamnés
libres sous condition (dans le cadre de la liberté conditionnelle,
du sursis avec mise à l'épreuve, assorti de l'obligation
d'accomplir un travail d'intérêt général ...leur
suivi en tribunal de grande instance serait donc désormais exclu)
? Les condamnés détenus seraient affectés par décision
administrative régionale dans cet établissement qui serait
dirigé par un chef de service pénitentiaire ou un chef de
service d'insertion et de probation. L'établissement serait accessible
24 heures /24, 7 jours /7.
Intéressant à bien des égards, le projet suscite
la réflexion prudente de l'association des juges de l'application
des peines qui n'a pas encore pris position. Il sera expérimenté
dans trois sites pilote à Metz (ancienne maison centrale), Marseille
(Les Baumettes) et Paris (dans une extension du Centre de semi-liberté
de Villejuif).
Assemblée générale de l'association
Elle s'est tenue le vendredi 3 avril 1998 et a été l'occasion
d'entendre des interventions extrêmement intéressantes relatives
tant au placement sous surveillance électronique et au suivi socio-judiciaire
des délinquants sexuels qu'à la réforme des comités
de probation, la juridictionnalisation de la fonction du juge de l'application
des peines... Nombre de juges présents ont rejoint l'association,
une proportion non négligeable prenant des responsabilités
au sein du conseil d'administration.
Prochain conseil d'administration
Il aura lieu le samedi 26 septembre 1998 au Palais de justice
de Paris à 9 heures 30 et à 14 heures 30 dans
la Salle du Cercle, face au cabinet du président du Tribunal de
grande instance comme à l'accoutumée (meilleur lieu de convergence
pour des adhérents venant de toutes origines géographiques:
Poitiers, Lyon, Strasbourg, Evreux, Chaumont, Bordeaux, Sarreguemines ...etc...
et, bien sûr, Paris et sa région).
Pour nous joindre le jour-même (ex. information urgente de l'association),
T. 01 44 32 61 05. Pour toutes précisions
utiles, contactez Pascal Faucher au 05 49 50 22 87. Tous les membres de
l'association et juges de l'application des peines intéressés
sont les bienvenus. Membre du conseil d'administration ou adhérent
de l'association apportant votre contribution aux travaux, vous pourrez
être remboursé de vos frais de déplacement sur production
des justificatifs.
Cette rubrique est réservée à la communication
d'informations condensées intéressant le domaine de l'application
des peines: manifestations nationales ou régionales, projets de
réforme en cours, initiatives intéressantes ...etc... Vous
pouvez communiquer les documents utiles, originaux ou synthétiques
que vous avez élaborés, et transmettre vos annonces ou recherches
professionnelles. Contact: Godefroy du Mesnil, T. 05 56 00 10 66 - Fax.
05 56 00 10 96.
ABONNEMENT A LA R.A.P.
Prénom et NOM :
Fonction (entourer la mention utile): juge de l'application des peines
- vice-président - conseiller à la cour d'appel chargé
de l'application des peines - procureur de la République -substitut
chargé de l'exécution des peines - président - juge
pénaliste (indiquer la spécialisation éventuelle:
correctionnelle, assises, enfants, instruction) - président d'université -
directeur de probation - agent de probation - enseignant - bibliothécaire
- étudiant - (autre : préciser : )
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Directeur de la publication : Pascal Faucher Rédaction : Pierre
Pélissier Impression : ALPE 41, rue du Chemin Vert 75011 PARIS Conception
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paritaire : 0998 G 76517- N° siret 412 481 087 00010 Dépôt
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