La directive a également influencé les travaux des quatre conférences intergouvernementales pour l'environnement de la Commission économique des nations unies. Les trois premières conférences ont aboutit à l'adoption de "directives" (guidelines). Ces "guidelines" qui ne lient pas les participants concernent notamment la liberté d'accès àl'information en matière d'environnement. L'étude de ces guidelines nous permettra de mesurer l'évolution de cette liberté et la façon dont celle-ci est désormais appréhendée plus de huit ans après l'adoption de la directive européenne du 7 juin 1990. La dernière conférence en date est celle de juin 1998 qui s'est déroulé au Danemark et qui s'est achevée par l'adoption d'une Convention internationale des Nations Unies sur l'accès à l'information et la participation du public en matière d'environnement. Nous analyserons donc cette Convention qui va s'avérer être sans aucun doute une source d'inspiration importante en vue de l'élaboration d'un projet de modification de la directive.
III : L'EXTENSION INTERNATIONALE DU DROIT A L'INFORMATION EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT
A- Les principes de Sofia adoptés en 1995
Récemment le droit à l'information en matière d'environnement a été abordé dans sa totalité dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE.NU). Depuis 1979 cet organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations unies tient périodiquement des conférences paneuropéennes des ministres de l'environnement dans le cadre du processus "un environnement pour l'Europe". Ces conférences aboutissent à l'adoption de lignes directives (que nous dénommerons ci-après guidelines afin d'éviter toute confusion avec les directives européennes)). Lors de l'avant dernière conférence réunie à Sofia en 1995, les guidelines adoptées allaient sur de nombreux points au-delà des provisions de la directive européenne du 7 juin 1990. (A) La dernière conférence en date, réunie à Aarhus au Danemark entre les 23 et 25 juin 1998, a adopté une convention internationale sur le droit à l'information et la participation du public en matière d'environnement (B). Cette convention a permis pour la première fois aux Organisations Non Gouvernementales (ONG) de jouer un rôle très important dans la prise de décision finale. On peut toutefois regretter que sur de nombreux points la convention soit en retrait par rapport aux directives adoptées à Sofia en 1995. Le caractère non obligatoire de ces dernières explique sans aucun doute ce recul.
1) Le contenu des "guidelines" de Sofia
Le contexte paneuropéen du droit à l'information en matière d'environnement permet d'établir des règles marquant une progression indéniable par rapport à la directive européenne du 7 juin 1990. Nous aborderons donc l'ensemble des dispositions qui marquent une réelle évolution dans ce domaine. Ces progrès se traduisent par de plus amples détails donnés dans les dispositions qui permettent d'éclairer certains points obscurs de la directive. Mais nous verrons que le caractère non obligatoire pour les Etats de ces "guidelines" fut le facteur déterminant de ces améliorations.
Les principes sont présentés en quatre parties traitant de l'accès à l'information sur l'environnement, la participation du public, les procédures judiciaires et administratives et enfin les questions d'application des "guidelines" par les signataires. Préalablement la conférence rappelle les différentes considérations l'amenant à l'adoption de ces principes. Après l'étude des dispositions se rapprochant de celles de la directive de juin 1990 nous verrons que les critiques faites à l'encontre de certains points de la directive persistent à l'encontre des principes de Sofia adoptés en 1995.
a) Les similitudes avec la directive 90/313
Les principes couvrent la plupart des questions de l'accès à une information passive sur l'environnement. c'est à dire l'obligation des autorités publiques de répondre à toute demande d'information faite par le public. Cette partie des principes adoptés possède de nombreuses similitudes avec ceux adoptés dans la directive européenne du 7 juin 1990 sur la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. Parmi ces points communs nous pouvons citer les suivants :
- le principe d'un accès général à l'information en matière d'environnement pour toute personne à moins que la demande ne tombe dans la catégorie des exceptions. Cette disposition de l'article 3.1 de la directive est reprise avec plus de détails dans l'article 2 des guidelines de Sofia. Ce dernier précise que "toute personne physique ou morale devrait pouvoir accéder librement à l'information sur l'environnement à sa demande, conformément aux dispositions des présentes guidelines, sans considération de citoyenneté, de nationalité ou de domicile et sans avoir à justifier d'un intérêt juridique ou autre". L'interprétation de l'article 3.1 de la directive européenne nous avait amenés à la même conclusion. Mais ce principe de Sofia a le mérite d'éviter toute discussion sur ce point de la part d'Etats qui étaient hésitants à communiquer des informations à des non nationaux. Il faut espérer que ce point sera repris lors d'une future modification de la directive.
- l'adoption d'une définition large de l'information en matière d'environnement et des autorités chargées de la fournir. Ici on observe une complète similitude entre l'article 2 a de la directive et l'article 1 des "guidelines" issus de la conférence de Sofia. Cela recouvre "toute information relative à l'état de l'eau, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des sites naturels, aux activités ou mesures qui produisent ou risquent de produire des effets préjudiciables sur ces éléments, ainsi qu'aux activités ou mesures destinées à les protéger, y compris les mesures administratives et les programmes de gestion de l'environnement". En outre, l'accès à l'information sur l'environnement concerne l'information sous ses différentes formes, à savoir écrite, visuelle, sonore ou contenue dans des banques de données.
- Comme dans la directive 90/313 les "guidelines" de Sofia imposent non seulement aux autorités publiques aux niveaux national, régional et local de mettre les informations sur l'environnement à la disposition du public mais aussi aux organismes ayant des responsabilités publiques en matière d'environnement (Art 2 b de la directive et article 3 des guidelines). Toutefois il convient de souligner que la définition de la catégorie des organismes est quelque peu différente dans la directive 90/313. En effet, celle-ci précise deux conditions, à savoir qu'ils doivent non seulement avoir des responsabilités publiques en matière d'environnement mais aussi être contrôlés par des autorités publiques (Art 6) ; l'article "des "guidelines" se contentant d'exiger l'exercice de responsabilités publiques dans le domaine de l'environnement.
- l'exigence que dans chaque cas de refus de communication de l'information, l'intérêt public d'une divulgation soit pris en compte
- l'exigence d'un coût raisonnable pour toute demande de reproduction de l'information et du droit de consulter gratuitement l'information. Sur ce point l'article 8 de la conférence va un peu plus loin que l'article 5 de la directive en précisant que les informations pouvaient être gratuitement consultées sur place. Les deux prévoyant le montant raisonnable d'une éventuelle redevance pour la communication de l'information.
- l'exigence qu'en cas de disponibilité de l'information sous diverses formes, celle-ci soit fournie dans la forme spécifiée par le demandeur
- les hypothèses de refus à une demande d'accès à l'information prévues dans les "guidelines" de Sofia correspondent dans l'ensemble aux même exceptions envisagées par la directive 90/313. Les seules différences à relever concernent les cas de refus pour des raisons formelles. La directive prévoit quatre cas pour lesquels une demande d'information peut être rejetée : quand il s'agit de documents inachevés, de communications internes, lorsque la demande d'information est manifestement abusive ou est formulée d'une manière trop générale (Art3.3). L'article 6 des "guidelines" de Sofia n'envisage que le cas d'une demande d'information qui implique la communication de documents inachevés.
En plus, un progrès est notable puiqui'il est précisé que les motifs de refus doivent être interprétés de manière restrictive et en évaluant, dans chaque cas, si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information ou par sa non-divulgation. Une balance des intérêts en jeu doit donc être effectuée dans chaque cas ZZZ . Cette disposition de l'article 6 est très importante. En cas de refus de communication de l'information le demandeur pourra à travers l'exercice de son recours prendre connaissance des intérêts en jeu ayant justifié la décision. Cette disposition va bien au-delà de l'exigence de motivation en cas de refus exigée par l'article 3.4 de la directive de 1990. L'autorité publique devra préciser les intérêts de la divulgation de l'information ou de sa non-divulgation.
Parmi les motifs possibles de refus figurent le secret des délibérations des pouvoirs publics, les informations concernant les relations internationales et la défense nationale, la sécurité publique etc.
En ce qui concerne l'exception justifiant un refus lorsque l'information a trait à des données par un tiers sans qu'il y soit juridiquement tenu (article 3.2 de la directive) l'article 6.f des principes précise que le tiers devra avoir expressément consenti à la divulgation de l'information. Cela représente une véritable amélioration vis à vis de la directive puisque l'autorité publique aura une marge plus restreinte pour l'appréciation de la communication de l'information. On peut tout de même regretter que cette disposition figure encore dans les "guidelines" de Sofia. Ayant dénoncé l'inutilité de cette disposition précédemment, il aurait été préférable de ne pas reprendre cette exception même si la situation s'est légèrement améliorée de par sa nouvelle formulation.
Les "guidelines" de Sofia abordent également l'information active des données sur l'environnement dans ses articles 10 à 12. Les Etats sont invités à publier régulièrement des informations sur l'état de l'environnement, notamment sous forme de rapports. L'article 11 précise que les Etats doivent faire connaître les principaux documents nationaux et internationaux existant dans le domaine de l'environnement, tels que les stratégies, les programmes et les plans d'action ainsi que les rapports d'activité concernant leur application.
Des principes très intéressants concernent les textes et activités internationaux. En effet les Etats devraient rendre publics dans leur langue nationale les documents nationaux et internationaux les plus importants concernant l'environnement, tels que les traités auxquels ils sont parties contractantes, des résolutions et des recommandations de conférences internationales. Il en est ainsi, en particulier, lorsque ces textes instituent des procédures assurant l'information ou la participation du public. Les Etats devraient mettre aussi au courant leur population de la possibilité d'adresser des communications à des organes internationaux concernant des cas où une disposition internationale relative à l'environnement n'est pas appliquée comme elle devrait l'être. Effectivement, il existe un nombre croissant de traités internationaux qui instituent, en droit ou en fait, des procédures permettant de recevoir des communications émanant d'individus ou d'associations et de les soumettre à un organe institué par eux pour la discussion, avec la possibilité, dans certains cas, d'adresser des recommandations à l'Etat concerné. De tels recours doivent être largement connus afin d'améliorer de façon importante l'information des individus en matière d'environnement.
Dans le cas où les mécanismes volontaires seraient inadéquats, les guidelines de Sofia prévoient l'obligation pour les Etats d'établir des systèmes obligatoires pour assurer auprès des autorités publiques un flux d'information sur les activités qui affectent de manière significative l'environnement. De plus les entités, dont les activités ont un impact négatif sur l'environnement devraient être encouragées à établir régulièrement des rapports au public sur l'impact de leurs activités sur l'environnement (article 14). Enfin les mécanismes volontaires assurant l'information du public, comme les écobilans ou les éco-étiquetage, devraient être encouragés en faveur des produits les plus respectueux de l'environnement (article 15). Les "guidelines" de Sofia vont sur ce sujet bien au-delà de la directive de 1990 qui n'aborde l'information active que dans un seul article. En effet l'article 7 ne prévoit que "les mesures nécessaires pour fournir au public des informations générales sur l'état de l'environnement au moyen, par exemple, de la publication périodique de rapports descriptifs". L'information active est donc beaucoup plus présente dans les "guidelines" de Sofia. Cela représente une évolution quant à la manière d'aborder le droit à l'information en matière d'environnement. Cinq ans séparent la directive des "guidelines" de Sofia qui officialisent cette évolution. Il est intéressant de constater la part de plus en plus importante de l'information active sur l'environnement dont peut bénéficier le public depuis quelques années. Cette information active vise à mieux sensibiliser l'opinion publique et tend à une meilleure protection de l'environnement.
L'exception générale concernant les informations détenues pars les autorités législatives est également reprise dans les "guidelines" de Sofia.
Certains de ces points sont parfois sensiblement en progrès par rapport à ceux édictés dans la directive de 1990. Mis à part le caractère non obligatoire de ces principes cela forme un premier indice quant aux orientations à suivre en vue de la future proposition de modification de la directive en 1999. Malheureusement de nombreuses autres dispositions des "guidelines" de Sofia ont fait l'objet de critiques ZZZ du fait qu'ils reprennent certaines lacunes de la directive de 1990 et n'offrent donc aucune évolution notable sur certains points.
b) Les lacunes des "guidelines" de Sofia
Les différentes exceptions pouvant justifier un refus de communication d'une information bénéficient de la même façon d'une définition trop large. L'exemple le plus pertinent est l'exception concernant les affaires qui sont ou ont été pendantes devant une juridiction ou qui font ou qui ont fait l'objet d'une enquête (y compris d'une enquête disciplinaire) ou qui font l'objet d'une instruction préliminaire. Cette exception prévue à l'article 3.2 de la directive européenne est reprise mot pour mot par l'article 6.c des "guidelines" de Sofia. Aucun progrès n'a été effectué pour remédier au risque d'un affaiblissement trop important de l'accès à l'information en matière d'environnement.
Les "guidelines" de Sofia ne font toujours pas de référence à la santé publique dans la définition des informations en matière d'environnement. La critique faite à l'égard de la directive européenne ZZZ sur ce point vaut également en ce qui concerne les "guidelines" de Sofia.
Le délai de réponse à la demande est à peine plus court dans les "guidelines" de Sofia (6 semaines) que dans la directive européenne (2 mois). De plus il n'est toujours pas précisé si c'est l'information qui doit être fournie dans ce délai oubien la réponse positive ou négative à la demande d'information.
De nombreuses critiques dénoncent l'échec dans le besoin de s'assurer que les autorités publiques seraient en possession d'informations environnementales adéquates. En effet le droit du public d'accéder à ces informations semble bien diminué si l'information n'est pas détenue par l'autorité appropriée. Il avait été demandé de ce fait lors des travaux préparatoires que les Etats puissent s'engager à établir des systèmes de délégations afin d'assurer une circulation aisée des informations sur l'environnement vers les autorités publiques concernées. Cette suggestion fut reprise dans l'article 4 de la conférence en précisant que cela s'applique lorsque les systèmes basés sur la communication volontaire des informations ne fonctionnent pas.
Les principes édictés lors de la conférence de Sofia en 1995 révèlent à la fois des progrès non négligeables mais font malheureusement preuve de certaines faiblesses. En comparaison avec d'autres législations (nationales ou internationales) existantes dans le domaine de l'accès du public à l'information en matière d'environnement, on peut toutefois souligner que ces principes offrent une protection importante et supérieure à celle en vigueur dans certains pays partis de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe. Cela concerne surtout les pays de l'Europe de l'Est. De plus les organisations non gouvernementales ont reproché aux principes adoptés d'avoir manqué l'occasion d'établir de nouvelles règles d'importance démocratique dans le domaine de l'environnement. Néanmoins une stricte application de ces principes permettrait une évolution considérable du droit à l'information du public dans des pays où ces droits sont actuellement très limités.
2) L'application des principes édictés
La question de l'application de ces principes est primordiale, du fait du caractère non obligatoire de ces principes. Des sanctions légales pour non suivi des principes ne sont donc pas applicables. Mais l'originalité des principes édictés à Sofia est qu'ils prévoient l'élaboration de rapports sur leur application et d'éventuelles modifications au vu de ces rapports.
La question de leur application est prévue par la quatrième partie intitulée "application des principes". L'article 27 précisent que les Etats sont encouragés à adopter les stratégies nécessaires pour l'application des principes, résultant d'une large procédure consultative. Mais l'article 31 est le plus surprenant. Il invite les Etats à surveiller systématiquement la mise en oeuvre des principes et de faire un rapport sur l'application du texte à la Commission économique des Nations unies pour l'Europe dans un délai maximum de deux ans. Or, les principes de Sofia ne sont qu'un texte non obligatoire. Les assortir d'une procédure de contrôle sur leur mise en oeuvre est peu compatible avec leur nature juridique. Même si cette disposition va à l'encontre des principes de droit international cela ne peut être que source de progrès pour le droit de l'environnement.
Pour l'application effective des principes l'article 28 invite les Etats à établir des structures institutionnelles comme par exemple la désignation de personnes chargées de l'information du public, ou bien encore d'un ombudsman bénéficiant de responsabilités en matière d'environnement. Par la présence de personnes spécialement chargées de l'information, on espère ainsi un traitement plus rapide l'information. Quant à l'existence d'un médiateur chargé de cette question cela vise à éviter des procédures judiciaires trop longues et coûteuses.
La décision la plus importante de la conférence de Sofia fut de décider que les principes énoncés devraient faire l'objet d'une convention internationale. Les ONG avaient souligné les limites des principes du fait de leur caractère non obligatoire en indiquant que cela ne devait être que le premier pas vers des mesures obligatoires prenant la forme d'une convention. Un accord garantissant la participation effective des organisations environnementales pour participer à la préparation de cette convention avait été adopté. La convention élaborée concerne l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement. Après plusieurs sessions de négociations la convention fut adoptée lors de la dernière conférence qui s'est déroulé à Aarhus au Danemark les 23 et 25 juin 1998. Malheureusement nous verrons que la convention reste ambiguë sur de nombreux points que la directive de 1990 et les principes de Sofia de 1995 n'avaient pas parfaitement éclairés.
B- La convention des Nations unies de 1998
La décision prise à Sofia selon laquelle les "guidelines" adoptés devraient faire l'objet d'une convention internationale fut l'une des plus importantes décisions prises lors de cette conférence. La convention signée en juin dernier au Danemark est le premier instrument obligatoire de portée internationale concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement. La Convention vient donc pallier les limites pouvant exister dans l'application des "guidelines" de Sofia puisque ceux ci ne liaient pas juridiquement les parties ayant pris part à leur élaboration. Ces limites étaient dénoncées avec ferveur par les ONG mais également par le Parlement européen et de nombreux partis politiques écologiques européens.
De plus cette convention pourrait constituer un précédant très utile concernant l'accès à l'information en général. La Convention à laquelle a pris part la Commission européenne va permettre à cette dernière de proposer une modification de la directive du 7 juin 1990. Cette convention est source de progrès non seulement en matière d'environnement mais également en ce qui concerne plus largement le caractère démocratique du processus décisionnel des autorités publiques.
La convention prévoit autant l'accès aux informations sur lesquelles sont basés les choix des autorités responsables que la participation du public au processus de décision lui-même et, pour assurer ces droits, garantit au public et à ses représentants (y compris les organisations non gouvernementales) les procédures administratives et judiciaires. La convention précise que ces droits sont garantis sans distinction de nationalité, de citoyenneté ou de domicile. Il est important se souligner que cette convention est également ouverte à ratification pour les pays non-membres de la commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cela montre l'extrême importance accordée aux droits définis qui visent à opérer un changement amorcé depuis quelques années vers plus de démocratie en général.
1) Quelques principes généraux de la Convention
L'article 3 de la convention indique un ensemble de principes s'appliquant aussi bien pour l'information que la participation du public en matière d'environnement.
Tout d'abord les autorités publiques concernées par l'obligation de répondre à toute demande d'information sont investies d'une mission supplémentaire consistant à préalablement informer et guider les personnes dans leur recherche d'information. Cette disposition invite donc les autorités publiques à établir une véritable politique de communication sur les possibilités d'information du public. L'information active en matière d'environnement possède donc désormais une étape préalable supplémentaire ZZZ . Les autorités publiques ont par ailleurs l'obligation de collecter et de diffuser l'information le plus largement possible y compris via le réseau Internet, par exemple ZZZ . La convention impose également l'élaboration et la publication de registres et inventaires des émissions et transferts de matières polluantes, à l'instar de ce qui se fait déjà au sein de l'union européenne dans un pays comme la Suède par exemple.
Les principes instaurés par la convention doivent être interprétés comme établissant des droits minimums et ne doivent pas s'opposer à l'établissement de règles plus favorables par les parties à la convention ZZZ .
L'accès du public à la justice en cas de refus de communication de l'information est prévu par l'article 9 de la convention. Mais la convention présente l'avantage de détailler les possibilités d'action du public. Alors que la directive européenne de 1990 et les "guidelines" de 1995 ne parlent que d'action judiciaire ou administrative, la convention de 1998 envisage expressément la possibilité d'agir devant une cour de justice ou tout autre corps indépendant et impartial prévu par la loi. L'article 9 prévoit également que toute personne pourra bénéficier d'une procédure de type "référé", peu coûteuse et offrant donc une grande rapidité. Enfin les décisions judiciaires ou administratives ainsi prises doivent lier les autorités chargées de fournir l'information. Afin que ces dispositions bénéficient d'une application efficace il est également prévu que le public sera informé des différents recours s'offrant à lui en cas de refus de communication de l'information environnementale.
2) L'information en matière d'environnement
La définition de l'information sur l'environnement donnée par l'article 2.3 de la convention est très large. En effet la convention couvre tous les domaines environnementaux tels que l'eau, l'air, le sol, les produits chimiques, la santé humaine, la planification de l'exploitation des sols, les conditions de vie etc. De plus la convention prend également en considération les analyses économiques et les évaluations utilisées dans le cadre du processus de décision pour les dossiers environnementaux. La convention est très détaillée et définit des exigences spécifiques en matière d'ouverture et de transparence. Son texte considère l'environnement au sens large, couvrant ainsi aussi bien la diversité biologique y compris les organismes génétiquement modifiés, que l'état de la santé humaine et les conditions de sécurité pour les conditions de vie, ou que l'état de l'environnement proprement dit (air, eau, terre).
Il faut souligner que pour la première fois la santé humaine est considérée comme appartenant au domaine de l'environnement. Ce point qui avait fait l'objet de nombreuses critiques car absent dans la directive 90/313 et des guidelines de Sofia trouve enfin une reconnaissance internationale. L'insertion de la santé humaine dans le domaine de l'environnement est le fruit de la participation active des organisations non gouvernementales à l'élaboration de la convention. ZZZ En effet les ONG ont participé comme de véritables Etats pour cette convention. C'est pourquoi celle-ci va beaucoup plus loin que la directive 90/313 ou que les guidelines de Sofia de 1995 sur de nombreux points. C'est l'une des premières convention internationale à laquelle les ONG ont bénéficié d'un tel poids dans la prise de décision. On ne peut que se réjouir de cette évolution et remarquer qu'une attitude inverse aurait été peu compatible avec le sujet même traité par la convention.
3) Les modalités d'accès à l'information
L'article 4.1 de la Convention reprend le principe selon lequel l'information doit être donnée dans la forme souhaitée par le demandeur à moins que la délivrance sous une autre forme soit plus appropriée pour l'autorité sollicitée ou que l'information soit déjà mise à disposition du public sous une autre forme.
L'information demandée doit être disponible auprès du demandeur au plus tard un mois après la demande. Cette disposition est en progrès par rapport aux "guidelines" de Sofia qui prévoyaient un délai de 6 semaines. L'adoption d'un tel délai montre la nécessaire actualisation de la directive qui prévoit un délai de deux mois. Les moyens de communications liés au multimédia rendent la disposition de la directive bien obsolète. En effet l'apparition de réseau d'information informatique comme Internet par exemple rendent la recherche et donc la délivrance de l'information très rapide voire instantanée.
La Convention reprend les motifs classiques de refus de communication de l'information. Sur ce point il est regrettable que la convention n'ait pas réussi à en diminuer le nombre afin d'accroître la portée du droit à l'information en matière d'environnement. Au contraire il semble que la convention reprenne l'ensemble des motifs de refus sans en éliminer certains que nous avions dénoncés auparavant. Sur ces différents motifs de refus, la Convention reprend ce qui avait été adopté lors de la conférence de Sofia ; à savoir que ces motifs doivent être interprétés de manière restrictive. Les "guidelines" de Sofia prévoyaient que cette interprétation restrictive devait se faire en "évaluant, dans chaque cas, si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information ou par sa non-divulgation". Cette disposition n'a pas été complètement reprise par la convention. Cette dernière prévoit aussi que les motifs de refus doivent être interprétés de manière restrictive et en évaluant dans chaque cas si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information. Mais la convention n'a pas reprit la fin de la disposition qui prenait également en compte le fait de savoir si l'intérêt général était mieux servi par la non-divulgation de l'information. Cette dernière disposition avait été adoptée lors de la conférence de Sofia sur l'insistance des Organisations Non Gouvernementales. En ne reprenant pas cet élément la convention opère un choix réduisant considérablement le rôle qu'avaient pu jouer les ONG dans l'adoption de cette disposition. Le fait de ne pas mentionner la prise en compte de la non-divulgation évite ainsi à toute autorité publique de chercher à établir les intérêts d'une non-divulgation. Cela revient de ce fait à diminuer les garanties que pouvait avoir le citoyen selon les "guidelines" adoptés à la conférence de Sofia. La non reprise de ce principe donne à la convention un caractère ambigu. En effet alors que certaines dispositions sont en progrès par rapport à la législation existante, d'autres n'offrent aucune évolution et ratent l'occasion de donner une dimension encore plus importante à l'application de la convention par les parties.
4) L'impact de la convention sur la législation européenne
Le texte de la convention à laquelle la Commission européenne a participé sur mandat du Conseil des ministres de l'Union va plus loin sur certains points que la directive communautaire actuellement en vigueur. Sur la base des rapports d'application au niveau national de la directive la Commission procède actuellement à une analyse de ces rapports en vue de la prochaine révision de la directive communautaire. Avec la signature de la convention internationale en juin dernier, la Commission possède désormais tous les éléments nécessaires pour toute proposition de révision de la directive. De ce fait la Commission peut désormais intégrer dans la proposition de révision les éléments nouveaux adoptés dans la convention de juin 1998. Cette proposition devrait normalement voir le jour au courant de l'année 1999. Il est à souhaiter que la Commission prenne en compte les évolutions résultant des principes dégagés lors de la conférence de Sofia et celle d'Aarhus en 1998.
La future directive devra également introduire dans sa définition de l'environnement le domaine de la santé publique. En effet les liens de plus en plus étroits entre certains problèmes d'environnement et la santé rendent nécessaire la prise en compte de cette dernière dans le domaine d'application de la directive. Enfin reconnue comme appartenant au domaine de l'environnement, il est difficilement imaginable que la directive ne reprenne pas cette nouvelle disposition inscrite dans la Convention.
Il nous semble indispensable que la Commission européenne renforce l'obligation d'information active des autorités publiques vis à vis du public. En effet il ressort des dernières évolutions en la matière que l'information active occupe une place de plus en plus importante dans la politique d'information sur l'environnement. Cette évolution est devenue perceptible par les citoyens eux-mêmes qui sont dorénavant informés quotidiennement de l'état de l'environnement comme la qualité de l'air par exemple et qui peut impliquer des mesures allant jusqu'à l'interdiction de circuler. L'information active est semble t-il en voie de devenir l'obligation principale des autorités publiques.
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