En voici les principales:
- Veiller au versement des dividendes passifs, articles 45 et 46 de la L.S.A..
- Souscrire les titres représentatifs des actions, article 53 de la L.S.A..
- Accomplir les obligations imposées à la société en matière d'acquisition d'actions propres, articles 79 et suivants de la L.S.A..
- Convoquer les assemblées générales et fixer leur ordre du jour, articles 94 et suivants de la L.S.A..
- Contester les accords adoptés par l'assemblée générale, article 117. 1 de la L.S.A..
- Nommer le président à défaut de stipulation contraire des statuts, article 141 de la L.S.A..
- Contester les accords du conseil d'administration, article 143. 1 de la L.S.A..
- Présenter les comptes annuels, les divers documents et rapports de gestion ainsi que les propositions d'affectations de résultats, articles 171 et suivants de la L.S.A..
- Déposer les comptes annuels au registre du commerce, article 218 de la L.S.A..
- Convoquer l'assemblée en cas de dissolution de la société, article 262 de la L.S.A..
§2. - Le pouvoir de représentation
A - Contenu du pouvoir
Il peut se définir comme:
"Un poder legal para realizar negocios jurídicos con plena eficacia respeto a la sociedad" 32 . Autrement dit, pouvoir représenter la société consiste en la possibilité de conclure des accords juridiques qui seront opposables à la société.
Notons que la L.S.A. a réalisé en la matière un changement important, puisqu'avant l'entrée en vigueur de la loi de 1989, réformant les dispositions relatives à la société anonyme, l'ancienne loi de 1951 prévoyait dans son article 76, que la représentation de la société devant être confiée au conseil d'administration, ou à défaut, déterminée par les statuts et accords de l'assemblée générale.
Depuis 1989, le pouvoir de représentation est déterminé de façon restrictive par la loi.
Ainsi, la L.S.A. nomme précisément les bénéficiaires du pouvoir de représentation. Les titulaires de ce pouvoir varient selon le mode d'organisation de l'administration qui a été choisi par la société.
B. - L'attribution de ce pouvoir
1 - Les titulaires du pouvoir de représentation
Cette règle résulte de l'article 124. 2 du R.R.M.:
"En los estatutos se hará constar tambien a que administradores se confiere el poder de representación, así como su régimen de actuación, de conformidad con las siguientes reglas:
a)En el caso de administrador único, el poder de representación corresponderá necesariamente a éste.".
Ainsi en cas d'administrateur unique, le pouvoir de représentation lui appartiendra exclusivement.
"b) En caso de varios administradores solidarios, el poder de representación corresponde a cada administrador, sin perjuicio de las disposiciones estatutarias o de los acuerdos de la junta sobre distribución de facultades, que tendrán un alcance meramente interno.".
Lorsque l'administration sera confiée à plusieurs administrateurs agissant à titre solidaire, le pouvoir de représentation appartiendra à chacun d'entre eux à titre individuel.
Le point b) de l'article 124. 2 précise, in fine, que les clauses statutaires ou accords de l'assemblée générale accordant des distributions de facultés à titre particulier, n'auront qu'un effet interne à la société.
Cela ne peut modifier en rien le fait que le pouvoir de représentation soit confié à chaque administrateur, car cette règle qui est d'ordre public est destinée à protéger les tiers 33 .
"c) En el caso de dos administradores conjuntos, el poder de representación se ejercitará mancomunadamente."
Autrement dit, la représentation de la société se réalisera de manière conjointe lorsque l'administration de la société sera confiée à deux administrateurs agissant à titre conjoint.
En outre, un auteur espagnol 34 déclare qu'il serait possible qu'un administrateur charge de pouvoirs son collègue, toutefois ces pouvoirs ne devront pas être confiés dans des termes généraux et ne pourront être accordés que pour une durée déterminée.
D'autre part ce même auteur prétend que cette représentation conjointe n'exige pas nécessairement un accord simultané, mais qu'elle peut également se réaliser par une manifestation de volonté successive.
"d) En el caso de consejo de administración, el poder de representación corresponde al proprio consejo, que actuará colegiamente. No obstante, los estatutos podrán atribuir, además, el poder de representación a uno o varios miembros del consejo a titulo individual o conjunto."
Ainsi lorsque l'administration sera confiée à un conseil d'administration, le pouvoir de représentation de la société sera confié au conseil d'administration.
Il s'agira donc d'une attribution collégiale de la fonction représentative.
En outre, la L.S.A. prévoit dans son article 124. 2 R.R.M. in fine que les statuts de la société pourront attribuer cette fonction à titre individuel ou conjoint, à un administrateur voire même plusieurs.
2 - Les modifications du système prévu par la loi
La doctrine notariale a répété à maintes reprises 35 que la distribution de compétences effectuée par la loi ne pouvait être modifiée par l'assemblée générale, qui ne pouvait bénéficier de pouvoir représentatif.
La seule voie restant à la société pour modifier le système de répartition du pouvoir de représentation est celle de la modification des statuts, qui doit s'opérer en respectant les prévisions de l'article 124. 2 R.R.M..
Ainsi on ne peut changer l'attribution du pouvoir de représentation qu'en modifiant la structure même de l'organe d'administration.
Section 2. - Incidence de l'organe en présence
La loi de 1966 n'adopte pas la même attitude que la L.S.A.. Alors que cette dernière appréhende le problème de la répartition des pouvoirs au sein de l'organe d'administration en fonction de la nature même du pouvoir, distinguant ainsi le pouvoir d'administration du pouvoir de représentation; la loi de 1966 fait une approche différente du problème, puisqu'elle traite des pouvoirs du conseil d'administration selon l'organe en présence. Elle distingue donc les pouvoirs conférés au conseil de ceux attribués à son président.
§1. - Les pouvoirs conférés au conseil d'administration
A. - L'étendue de ses pouvoirs
Le conseil d'administration dispose de pouvoirs propres qui sont dévolus à l'organe lui-même et non aux administrateurs à titre individuel.
La mission qui lui est attribuée par la loi est définie dans l'article 98 de la loi de 1966:
"Le conseil d'administration est investi des pouvoirs étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société; (...)".
Une loi du 12 juillet 1967 est venue modifier le premier alinéa de l'article 98, supprimant une portion de phrase qui indiquait que le conseil d'administration était investi des pouvoirs de gestion. La suppression des mots "de gestion" a été réalisée par le législateur pour éviter toute discussion sur le contenu réel de ces pouvoirs de gestion 36 .
Cette rectification permit en outre, d'aligner les pouvoirs du conseil d'administration sur ceux du directoire, lequel est également investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société 37 .
Le conseil dispose donc de pouvoirs propres, c'est un organe "de réflexion et de décision, chargé de la gestion générale" 38 .
B - Leur classification
Il est possible de classifier ses principaux pouvoirs afin de les répartir dans plusieurs catégories. On distingue donc les pouvoirs d'ordre général, spécial ainsi que ceux d'autorisation.
1 - Les pouvoirs généraux
Les pouvoirs d'ordre général sont définis dans l'article 98 de la loi de 1966, et consistent pour le conseil à définir la politique générale de la société.
2. - Les pouvoirs spéciaux
Les pouvoirs spéciaux sont de deux ordres 39 , il s'agit tout d'abord d'attributions permanentes, dont les principales sont les suivantes:
- Nomination et révocation du président (article 110 de la loi de 1966).
- Etablissement et présentation de divers documents et rapports de gestion. (articles 340 et 157 alinéa 2 de la loi de 1966).
- Convocation des assemblées générales (article 158 de la loi de 1966).
Il s'agit ensuite d'attributions occasionnelles, qui sont bien moins fréquentes que celles précédemment énoncées:
- Cooptation d'administrateurs (article 94 de la loi de 1966).
- Déplacement du siège social dans le même département ou dans un département limitrophe. (article 99 de la loi de 1966).
- Nomination des membres des comités d'études (article 90 alinéa 2 du décret du 23 mars 1967)
3 - Les pouvoirs d'autorisation
Ces pouvoirs d'autorisation s'exercent dans le cadre des conventions entre la société et ses administrateurs concernant un certain type de contrats.
Ces derniers doivent être autorisés par le conseil et approuvés par l'assemblée générale, conformément aux dispositions prévues dans les articles 101 à 105 de la loi de 1966.
Les cautions, avals ou garanties doivent être également autorisés par le conseil dans la limite d'un certain montant et d'une certaine durée, en application de l'article 89 du décret du 23 mars 1967.
§2. - Les pouvoirs conférés au président
A. - Définition légale de ses pouvoirs
Organe parfois qualifié d'essentiel à la société 40 , la loi de 1966 dote le président du conseil d'administration de pouvoirs importants, elle énumère ses différentes prérogatives dans l'article 113 de la loi de 1966:
"Le président du conseil d'administration assume, sous sa responsabilité, la direction générale de la société. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers.
Sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires ainsi que des pouvoirs qu'elle réserve de façon spéciale au conseil d'administration, et dans la limite
de l'objet social, le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société (...)."
Le président du conseil d'administration dispose donc en France d'attributions que l'on peut classer dans trois groupes de compétences.
B - Sa triple compétence
1. - La présidence du conseil d'administration
Il détient en premier lieu la présidence du conseil d'administration , ce qui lui permet à ce titre:
- de diriger les débats,
- de convoquer le conseil,
- de fixer son ordre du jour,
- de bénéficier d'une voix prépondérante en cas de partage, sauf disposition contraire des statuts, conformément à l'article 100 alinéa 3 de la loi de 1966.
2 - Le pouvoir de direction générale
On doit lui reconnaître en second lieu le pouvoir de direction générale de la société.
Cumulé avec le premier cité, ces deux pouvoirs lui valent la qualification fréquente en pratique de P.D.G., ou plus précisément président-directeur général.
3 - Le pouvoir de représentation de la société
Enfin le président du conseil d'administration dispose du pouvoir de représentation de la société, prérogative qui lui est conférée expressément par la loi et ce, à titre individuel 41 .
En outre, il convient de préciser que le conseil d'administration ainsi que son président jouissent de pouvoirs concurrents. En effet, tous deux sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société.
Notons toutefois que le conseil délibère et décide, tandis qu'il laisse le soin d'agir au président.
L'étude des différents critères de répartition des pouvoirs nous a permis d'observer que les droits français et espagnol n'abordent pas cette question dans des termes identiques.
Le premier l'envisage sous l'angle de l'organe en présence, en revanche, le second tient compte avant tout de la nature du pouvoir.
Ainsi, après avoir achevé l'énumération des principaux pouvoirs, il nous est loisible désormais d'aborder l'appréciation critique des systèmes respectifs de répartition des pouvoirs.
CHAPITRE III. EXAMEN CRITIQUE DES SYSTEMES RESPECTIFS
Section 1. - Appréciation des divers modes d'attribution des pouvoirs
§1. - Méthode commune d'attribution légale des pouvoirs
A - Recherche du même objectif
On peut remarquer à titre préliminaire que les deux droits consacrent une attribution légale des pouvoirs, en soulignant tout de même que le droit espagnol reste imprécis quant à la définition même du pouvoir d'administrer, ce qui se justifie sans doute par le fait que la L.S.A. ne veuille pas lui reconnaître un sens trop restrictif.
Il faut préciser que cette attribution légale de compétences poursuit en Espagne comme en France un même but, celui d'assurer une plus grande sécurité juridique notamment dans les rapports qu'entretiennent les tiers avec la société. Ces derniers ne pourront craindre une répartition incertaine des pouvoirs.
Ainsi les lois française et espagnole définissent précisément et restrictivement les pouvoirs légaux des organes, laissant très peu de place à la volonté individuelle, ce qui est assez surprenant de la part de la L.S.A., qui jusqu'ici s'était révélée bien plus flexible que la loi de 1966. Mais comme nous l'avons précisé précédemment, elle fut guidée par un souci de protection des tiers.
B - Les limites aux pouvoirs des organes
Notons que les droits français et espagnol posent des limites aux pouvoirs des organes d'administration dont nous n'en étudierons pas le contenu en détail. Il convient néanmoins de préciser que les deux droits prévoient des limites tenant d'une part, au respect des pouvoirs attribués par la loi à d'autres organes, d'autre part à l'objet social et en dernier lieu à des clauses statutaires.
Il est bien évident que le droit français, comme le droit espagnol reconnaissent de concert que ces limites ne jouent que dans les rapports internes à la société et sont inopposables aux tiers 42 .
§2.- L'attribution statutaire des pouvoirs prévue par la L.S.A.
A.- L'espace restreint accordé à la volonté individuelle
La L.S.A. concède une certaine place à la volonté individuelle, cette liberté relative s'exprime lorsque la société décide de confier son administration à un conseil. Dans ce cas précis nous avons vu précédemment que les pouvoirs d'administration et de représentation devaient s'exercer collégialement mais que les statuts pouvaient, en outre, attribuer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs administrateurs à titre individuel ou conjoint 43 .
Sous cet aspect, la L.S.A. paraît donc moins rigide que la loi de 1966, cependant cet apport de souplesse est à l'origine d'un débat doctrinal qui repose sur une notion qui fonde l'existence même du conseil d'administration, à savoir le principe de collégialité.
B - Le débat doctrinal
Si la doctrine espagnole est d'accord pour affirmer que le pouvoir de représentation est attribué de façon collégiale au conseil d'administration, un auteur espagnol 44 estime que l'article 124. 2 d) in fine, permet de contourner cette règle:
"No obstante, los estatutos podrán atribuir el poder de representación a uno o varios miembros del consejo a título individual o conjunto."
Il prétende que les statuts peuvent soustraire au conseil, le pouvoir de représentation de la société qui serait confié à certains administrateurs, à titre individuel ou conjoint.
Selon cette théorie, le conseil d'administration serait l'organe de gestion interne de la société et non de représentation de celle-ci dans le cas où les statuts en disposent ainsi.
Pour une autre partie de la doctrine espagnole 45 , la possible attribution statutaire du pouvoir de représentation à titre individuel ou conjoint ne se substitue pas à celle collégiale organisée par la loi et conférée au conseil d'administration.
En effet, si l'on admettait la première théorie, les statuts pourraient non seulement contourner mais également vider de tous sens une disposition légale, qui deviendrait dès lors inutile.
Le pouvoir de représentation appartiendrait donc au conseil qui l'exercerait de manière collégiale, il pourrait également être confié à titre complémentaire à certains membres du conseil selon les stipulations statutaires en conformité avec la loi.
Cette solution semblerait plus conforme à l'esprit de la loi qui entendrait attribuer ce pouvoir au collège d'administrateur et accessoirement à un ou plusieurs administrateurs, ceci afin de rendre plus souple la représentation de la société.
Ce gain de souplesse présente un grand intérêt, spécialement lorsque le conseil d'administration est composé d'un nombre important d'administrateurs.
§3. - Pouvoirs attribués au président du conseil d'administration
A - Sa position respective
L'étude des systèmes respectifs permet également de constater que le président du conseil d'administration jouit d'une position bien plus importante en droit français. Ce qui lui vaut d'être comparé par certains à "uncapitaine qui définit le cap à suivre 46 " ou à "un président de la République 47 ". Ces métaphores illustrent justement la position de force que le président occupe au sein du conseil en droit français.
En revanche, le président dispose en Espagne, des pouvoirs que l'on veut bien lui accorder statutairement. C'est avant tout un administrateur et ce titre est en pratique bien souvent honorifique, à l'image du président du conseil d'administration en France, avant 1940.
B. - Perspective d'évolution en France
Notons que sa position en France n'est pas sur le point d'évoluer, puisque le rapport MARINI, n'envisage pas de modification de ses pouvoirs, il préconise seulement de permettre la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général 48 .
Cette option, dont le choix serait laissé à chaque entreprise, pourrait permettre de distinguer les fonctions de direction et de contrôle.
Ajoutons d'une part, que cet objectif peut être également atteint à l'heure actuelle grâce à la société anonyme à directoire et conseil de surveillance, d'autre part, on peut émettre des doutes quant à l'efficacité d'une telle mesure si l'on se fait l'écho de certaines remarques venant d'auteurs comme Philippe MERLE, qui déclare que "cette dissociation existait jusqu'à la dernière guerre et que c'est pour mettre fin aux dysfonctionnements en résultant que les deux fonctions ont été réunies" 49 .
Bien que les droits français et espagnol aient pris le soin d'attribuer positivement les pouvoirs aux administrateurs ou au conseil selon les cas, cet effort du législateur n'a pas eu le succès mérité, tout du moins espéré, puisque cela n'a pas empêché que l'on reproche à certaines dispositions légales leur manque de clarté, pis, leur contradiction.
Section 2. - Les incertitudes propres à chaque droit
§1. - L'imprécision du droit français
A - Le manque de clarté
Un certain manque de clarté peut être avancé, en France, s'agissant des pouvoirs que la loi de 1966 reconnaît au conseil d'administration et à son président.
Ainsi les deux organes sont "investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société" 50 .
La doctrine française ne manque pas de qualificatifs pour exprimer sa critique à l'égard de cette identité de rédaction.
"Imperfection de rédaction" 51 . pour certains, "similitude surprenante" 52 pour d'autres, quelques auteurs y voient là "un manque de netteté" 53 ou "une rédaction non satisfaisante" 54 .
Toutefois cette similitude doit être replacée dans son contexte, ainsi le conseil d'administration et son président ne travaillent pas séparément mais au contraire coopèrent.
B - Ses incidences
Plutôt que d'envisager leurs rapports sous l'angle d'une concurrence, il est préférable de la considérer comme une collaboration nécessaire entre deux organes, dont l'un est collégial et l'autre est une personne physique qui peut davantage assurer l'exécution des décisions adoptées en conseil. On comprend mieux pourquoi la L.S.A. permet aux statuts de confier à un administrateur, personne physique, le pouvoir de traiter avec des tiers afin d'assurer une représentation plus efficace de la société. On doit reconnaître que les deux organes ont donc "nécessairement une tâche commune, seuls diffèrent les rôles des deux partenaires 55 ".
Cette concurrence de compétences pourrait même présenter des avantages:
"La faculté très large laissée au conseil de répartir les compétences en son sein est indispensable au bon fonctionnement des organes sociaux des entreprises en raison même de leur diversité et de la variété des circonstances qu'elles traversent (...) s'il appartient au président d'élaborer et de proposer la stratégie de l'entreprise, celle-ci doit être arrêtée en conseil. Celui-ci doit, en conséquence, examiner et décider les opérations d'importance véritablement stratégique." 56 .
Si le législateur français n'a pas eu la plume heureuse, dans des proportions qui restent toutefois acceptables puisque ce manque de clarté se justifie aisément et peut se révéler en pratique avantageux; le législateur espagnol, quant à lui, s'est vu reproché un temps, d'avoir posé deux normes dont le sens était quelque peu contradictoire.
§2. - La contradiction apparente du droit espagnol
A - La contradiction légale
Cette contradiction se rencontre au sein des articles 9 h) et 128 de la L.S.A..
Selon l'article 9 h):"En los estatutos que han de regir el funcionamiento de la sociedad se hará constar: (...)la estructura del órgano al que se confía la administración de la sociedad, determinando los administradores a quienes se confiere el poder de representación así como su régimen de actuación, de conformidad con lo dispuesto en esta Ley y en el Reglamento del Registro Mercantil. (...)".
D'après l'article 128:"La representación de la sociedad en juicio o fuera de él, corresponde a los administradores en la forma determinada por los estatutos.".
L'article 128 de la L.S.A. reconnaissait qu'en matière de représentation, la liberté statutaire se limitait à l'élection de l'organe d'administration à qui l'on attribuait, selon la structure choisie, le pouvoir de représentation. Au contraire l'article 9 h) érigeait comme principe la liberté des statuts quant à l'attribution du pouvoir de représentation aux administrateurs, dont les modalités d'exercice devaient être inscrites dans les statuts de la société.
B - Rôle providentiel du règlement
Il fallait bien résoudre cette contradiction entre deux articles de la L.S.A.. Ce fut chose faite grâce à l'article 124. 2 R.R.M. qui vint mettre un terme à la discussion, puisqu'il adopta une position intermédiaire, choisissant la voie du compromis, tout en affirmant une position ferme en matière de représentation de la société.
Comme nous l'avons vu précédemment, l'attribution de ce pouvoir, dont la répartition dépend de la structure de l'organe d'administration choisie, est clairement établie par la L.S.A. et ne laisse ainsi aucune place à l'initiative individuelle, hormis le cas où l'administration de la société est confiée à un conseil.
Le rôle ici primordial qu'a joué le règlement pour sauver la loi de l'apparente contradiction qui la menaçait, fait dire à EMILIANO CANO FERNANDEZ qu'en matière de représentation, on en arrive à une conclusion déjà bien ancienne, à savoir que les règlements en Espagne ne se limitent pas à développer une loi, mais qu'ils la modifient et la réforment parfois 57 .
Même si en l'espèce, il s'agit davantage d'une clarification que d'une véritable modification ou réforme à proprement dit.
En outre, nous pouvons remarquer que les droits français et espagnol établissent clairement l'existence du pouvoir de représentation de la société, cependant son attribution varie nettement d'un droit à l'autre. Alors qu'il appartient à titre individuel et de manière exclusive en France au président du conseil d'administration, son attribution en Espagne dépendra de la structure de l'organe d'administration, et pourra même être attribué collégialement.
On peut donc en arriver à la conclusion suivante, en Espagne, les fonctions d'administration et de représentation peuvent appartenir aux mêmes personnes.
Toutefois, en matière de conseil d'administration il est fréquent en pratique, que le pouvoir de représentation soit également attribué statutairement au président du conseil , ce qui permet de rapprocher dans ce cas précis les systèmes français et espagnol.
L'étude des divers modes d'attribution des pouvoirs envisagés par chaque droit, nous a permis de déterminer quelles pouvaient être les différentes voies offertes par les lois respectives, pour structurer l'organisation interne des pouvoirs au sein de l'organe d'administration.
Toutefois, les droits français et espagnol prévoient, chacun pour leur part, un système facultatif de répartition des prérogatives qui permet de modeler le schéma légal d'organisation des pouvoirs, afin de l'adapter aux besoins propres à chaque société. C'est ce thème qu'il nous faut aborder dès à présent.
TITRE SECOND.
LES MODES FACULTATIFS DE REPARTITION DES POUVOIRS
CHAPITRE I. LES DIFFERENTES TECHNIQUES ENVISAGEABLES
Toute société anonyme, française ou espagnole, se doit de respecter, concernant l'organisation de son administration, un schéma légal obligatoire, tout en disposant, pour déterminer sa configuration, d'une marge plus ou moins grande de liberté selon le droit en présence.
En outre, il lui est possible, par le biais de diverses techniques juridiques, d'effectuer une répartition spécifique des pouvoirs au sein du conseil d'administration, en donnant parfois naissance à de nouveaux organes. Elle pourra même envisager de faire appel à des tiers auxquels elle confiera certains pouvoirs.
Ce sont ces techniques qu'il convient désormais d'analyser en détail.
Section 1. - La délégation des pouvoirs
§1. - Les différences d'approche des deux systèmes juridiques
A - Les concepts en présence
1 - la délégation en tant que technique juridique
Les droits espagnol et français n'appréhendent pas la question de la délégation de pouvoirs de la même façon, bien qu'ils l'admettent tous deux.
Ainsi le droit espagnol envisage la délégation de pouvoirs comme une technique juridique permettant d'attribuer certains pouvoirs à des administrateurs à titre particulier.
Il lui consacre d'ailleurs un article dans la L.S.A., l'article 141 qui se nomme "Régimen interno y delegación de facultades", autrement dit régime interne et délégation de pouvoirs.
Le conseil pourra, selon les cas, décider d'utiliser cette technique pour attribuer spécifiquement certains pouvoirs à un ou plusieurs administrateurs voire même à une commission.
2 - La création d'un organe disposant de pouvoirs délégués
En France, la situation est tout autre, puisqu'il sera loisible au conseil de choisir un nouvel organe qui sera doté de pouvoirs délégués par le conseil.
On ne choisit donc pas, comme en Espagne, de recourir à une technique juridique, mais bien de décider ou non de la création d'un organe qui bénéficiera de pouvoirs délégués.
On envisage d'abord le problème sous l'angle de l'organe, alors qu'en Espagne c'est en premier lieu grâce à une technique juridique, en l'occurrence la délégation, que l'on peut éventuellement donner naissance à de nouveaux organes.
Le droit français ne consacre d'ailleurs aucun article à la délégation de compétences contrairement à l'Espagne. On en retrouve simplement la trace dans divers articles, notamment l'article 112 de la loi de 1966:
"le conseil d'administration peut déléguer un administrateur dans les fonctions de président"
De même dans l'article 117 de la loi de 1966:
"le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs délégués."
Cette différence d'approche permet de justifier certaines spécificités de notre droit français, notamment le fait qu'il incombe au conseil d'administration, selon l'article 117 de la loi de 1966, de déléguer certains pouvoirs, dont celui de représentation, qui ne relève pourtant pas de sa compétence mais de celle du président du conseil d'administration. Elle permet également d'expliquer que certaines délégations de pouvoirs ne soient fondées sur aucun texte légal et qu'elles s'exercent dans le silence le plus profond de la loi.
B - La délégation de pouvoirs propre au droit espagnol
1 - Le texte applicable
La délégation de compétence est consacrée en Espagne dans l'article 141. 1 de la L.S.A.:
"Cuando los estatutos de la sociedad no dispusieran otra cosa, el consejo de administración podrá (...) designar de su seno una comisión ejecutiva o uno o más consejeros delegados, sin perjuicio de los apoderamientos que pueda conferir a cualquier persona."
Cet article, illustre une nouvelle fois de quelle manière la L.S.A. maintient un système libéral d'attribution des facultés, puisqu'elle permet au conseil d'administration, lorsque les statuts n'en disposent pas autrement, de désigner en son sein un ou plusieurs conseillers délégués ou bien une commission exécutive.
Cette faculté de délégation de pouvoirs ne s'exerce qu'en présence d'un organe collégial d'administration, autrement dit le conseil d'administration, et qu'au profit d'administrateurs.
Cette délégation de pouvoirs ne concerne donc que le conseil d'administration parce que dans les cas d'administration unipersonnelle, solidaire ou conjointe, le souci de concentration du pouvoir et de liberté de mouvement, qui constituent les objectifs prioritaires de la délégation, ne sont pas ressentis dans les mêmes termes 58 .
2 - La structure de l'organe délégué
En outre la structure de l'organe délégué peut se présenter sous diverses formes. Il peut s'agir d'un administrateur délégué unique, ou de plusieurs administrateurs délégués agissant à titre solidaire ou conjoint, enfin le conseil peut déléguer certains pouvoirs à une "commission exécutive" qui sera un organe collégial.
De même, il sera possible d'envisager la coexistence d'administrateurs délégués et d'une "commission exécutive".
Cette situation sera fréquente en pratique dans de grandes sociétés où l'on désire attribuer certains points précis de la gestion sociale à la commission, tandis que la gestion quotidienne de la société sera confiée aux administrateurs délégués.
C - Le système français de la délégation de pouvoirs
Le système de délégation de pouvoirs est en France très différent. Il ne faut pas rechercher dans la loi de 1966 une quelconque disposition traitant de la délégation de pouvoirs en tant que telle, mais plutôt ici et là quelques références qui permettent de déduire que le droit français admet restrictivement certaines délégations de pouvoirs.
1 - Les délégations d'origine légale
On peut en dénombrer trois d'origine légale, dont la première ne s'applique qu'en cas d'empêchement temporaire ou de décès du président. Ainsi selon l'article 112 de la loi de 1966:
"En cas d'empêchement temporaire ou de décès du président, le conseil d'administration peut déléguer un administrateur dans les fonctions de président.
En cas d'empêchement temporaire, cette délégation est donnée pour une durée limitée; elle est renouvelable. En cas de décès, elle vaut jusqu'à l'élection du nouveau président."
Il s'agit donc là d'une délégation temporaire qui vaut jusqu'au retour du président ou le cas échéant, jusqu'à l'élection d'un nouveau président.
La seconde délégation est visée dans l'article 117 de la loi de 1966:
"En accord avec son président, le conseil d'administration détermine l'étendue et la durée des pouvoirs délégués aux directeurs généraux. (...)"
Il est ici fait référence à la délégation de pouvoirs consentie par le conseil d'administration au profit d'un directeur général, chargé d'assister le président du conseil dont l'existence est prévue à l'article 115 de la loi de 1966:
"Sur la proposition du président, le conseil d'administration peut donner mandat à une personne physique d'assister le président à titre de directeur général. (...)"
On consacre donc en l'espèce, l'existence d'un organe facultatif dont les pouvoirs ont été délégués par le conseil d'administration.
En troisième lieu, il faut évoquer un autre type de délégation consentie par le conseil d'administration.
Ainsi, l'article 90 alinéa 1er du décret du 23 mars 1967 permet au conseil d'administration de:
"conférer à un ou plusieurs de ses membres ou à des tiers actionnaires ou non, tous mandats spéciaux pour un ou plusieurs objets déterminés.".
2 - La création de la pratique
En marge de ces trois types de délégations de pouvoirs reconnues par la loi, il en existe une quatrième qui s'opère cette fois dans le silence de la loi.
Elle n'est pas consentie par le conseil d'administration, à la différence de celles précédemment énoncées, elle est en effet accordée par son président.
Ainsi, il est possible pour un président, en l'absence même de stipulations statutaires, de déléguer partiellement ses pouvoirs, notamment sous forme de procuration à un tiers à condition que ce soit un ou plusieurs objets déterminés 59 .
Cette délégation de pouvoirs consentie par le président ne peut être totale, le président ne peut donc pas confier l'ensemble de ses pouvoirs.
Ceci aurait pour conséquence, d'entraîner la substitution d'un tiers dans les fonctions de direction générale 60 .
La jurisprudence a d'ailleurs précisé que le président pouvait confier des mandats spéciaux et temporaires 61 .
Enfin il importe peu que les statuts n'aient pas envisagé cette possibilité de délégation partielle de pouvoirs 62 .
3 - L'absence de principe général de délégation
On peut donc affirmer, à l'issue de cette présentation des différents cas de délégations de pouvoirs reconnus respectivement par les divers droits en présence, qu'il n'existe pas en droit français, à la différence du droit espagnol, de principe général de délégation de compétences, mais que sont reconnues à titre sporadique certaines délégations qui s'appliquent à des situations précises, et qui sont régies minutieusement par la loi.
D'autre part, alors que le droit espagnol réserve la délégation de pouvoirs aux administrateurs, le droit français rend possible la délégation tantôt à des administrateurs, tantôt à des actionnaires voire également à des tiers non actionnaires.
Avant d'entamer l'étude des pouvoirs attribués aux organes délégués, il convient de s'interroger sur la notion même d'organe.
§2. - La notion d'organe
A. - Discussion de la qualification d'organe
1 - La solution posée en France
Ainsi, cette qualification peut paraître évidente en France lorsque l'on songe au directeur général dont le rôle au sein de l'organisation de l'administration de la société peut se révéler indispensable, et dont la fonction, qui, prévue par la loi lui confère à l'égard des tiers, les mêmes pouvoirs que le président.
Il est facultatif, certes, tout comme l'administrateur délégué, ce qui n'empêche nullement que l'on puisse leur conférer la qualification d'organe de la société.
2. - Les problèmes soulevés par la doctrine espagnole
La situation est moins évidente en Espagne, certains auteurs émettent notamment quelques réserves quant à la qualification devant être attribuée aux administrateurs délégués.
Ainsi, un auteur espagnol 63 , prétend que l'administration de la société ne peut être confiée qu'à un seul organe. Il se justifie en s'appuyant sur un texte de la L.S.A., à savoir l'article 9 h) de la L.S.A. qui précise:
"La estructura del órgano al que se confía la administración de la sociedad.".
Toutefois, telle n'est pas la position de la majorité de la doctrine espagnole 64 , qui s'appuie quant à elle sur certaines dispositions de la L.S.A., notamment l'article 11 h):
"órgano u órganos que habrán de ejercer la administración"
Ainsi que sur l'article 143 de la L.S.A.:
"consejo de administración o cualquier otro órgano colegiado de administración"
Mais elle se fonde également sur l'article 149. 3 du R.R.M.:
"El ámbito del poder de representación de los órganos delegados".
Ainsi, la délégation donnerait lieu à la création d'un organe social, et la relation unissant l'organe à la société serait d'ordre organique. Solution reprise par la majorité de la doctrine 65 , et confirmée par la jurisprudence du Tribunal Suprême Espagnol 66 , qui déclare qu'il existe bien une relation organique au sein de l'administration sociale dont les pouvoirs s'exercent directement, ou par le biais de la délégation interne 67 .
Afin de mieux comprendre l'étendue des pouvoirs qui pourront être conférés par la voie de la délégation de compétences, il faut tout d'abord s'interroger un instant sur l'initiative de la création de l'organe délégué.
B. - L'initiative de la création de l'organe délégué
1 - La distinction entre la nomination des membres de l'organe et le choix de sa structure
En Espagne, l'article 141 de la L.S.A. semble indiquer qu'il revient au conseil à titre exclusif, en l'absence de stipulations statutaires contraires, de créer l'organe délégué.
Toutefois, la doctrine espagnole s'est interrogée sur les différentes clauses statutaires envisageables.
Pour un auteur espagnol