La clause pénale française produit tous les effets classiques d'une figure juridique accessoire. En revanche, la clause pénale allemande se démarque, par certains de ses effets, de cette conception traditionnelle.
A. SIMILITUDE DANS LES EFFETS CLASSIQUES DU CARACTERE ACCESSOIRE
Il est important de différencier deux aspects du caractère accessoire. En effet, lorsque deux figures juridiques sont liées, il convient d'examiner d'une part, dans quelle mesure l'existence de l'une conditionne celle de l'autre, et d'autre part, les conséquences qui en découlent sur la situation des parties.
1. Conséquences de la validité ou de la nullité de la clause pénale
En droit français, comme en droit allemand, il n'est pas douteux que la validité de la clause pénale renforce le droit du créancier. En effet, dans cette hypothèse, la clause garantit l'exécution de l'obligation.
En revanche, le droit du créancier n'est pas modifié dans sa consistance. Il peut, malgré la clause, poursuivre l'exécution de l'obligation primitive par la voie du droit commun.
Que ce soit en droit allemand ou en droit français, le créancier bénéficie d'une option. Cette faculté découle directement du caractère accessoire. Il n'est en effet pas concevable que le contractant à l'origine de la clause puisse bénéficier du principal et de la peine.
En droit allemand, le paragraphe 340 du BGB lui accorde ce choix. S'il choisit de poursuivre l'exécution, la pénalité est exclue. A l'opposé, l'exigence de la pénalité exclut l'action en exécution.
Dans des termes similaires le Code civil français accorde cette liberté de choixZZZ au créancier à l'article 1228. En revanche, il ne restreint cette faculté qu'à l'article 1229 alinéa 2.
Si dans son principe, ce droit d'option du créancier est exact, il mérite néanmoins d'être nuancé.
D'abord, il est certain que si l'exécution de l'obligation est effective, le débiteur échappera assurément à la peine.
Ensuite, l'exécution de l'obligation primitive reste la priorité. Si l'exécution reste possible, le créancier doit la réclamer. A ce sujet, une petite nuance doit être signalée en droit allemand. Selon le paragraphe 340 alinéa 1 phrase 2, "lorsque le créancier déclare à son débiteur qu'il exige la pénalité, l'action en exécution est exclue". On peut conclure de cette disposition que le créancier peut demander la pénalité dès que les conditions sont réunies, alors même que l'exécution de la prestation est encore réalisable. Cette éventualité accentue encore le caractère comminatoire de la clause allemande.
A l'inverse, le débiteur n'a pas cette faculté. Il ne peut proposer de payer la peine pour se soustraire à l'exécution. C'est en effet parce que le contrat de clause pénale est accessoire et qu'il assure l'exécution primitive que toute faculté de choix est retirée au débiteur.
Enfin, l'exécution de l'obligation principale étant la priorité du contrat, l'existence de la clause pénale ne modifie pas l'étendue des prérogatives du créancier. Parce qu'elle est accessoire, la clause n'empêche pas le créancier d'obtenir même sous astreinte, l'exécution forcée.
Si la clause pénale est nulle, pour des questions de forme ou des questions de fond, cela ne remet pas en cause l'obligation principale. Le débiteur est toujours tenu de respecter ses engagements et de se plier à la force obligatoire du contrat. De son côté, le créancier peut toujours obtenir du débiteur qu'il remplisse ses obligations par les voies classiques de la responsabilité contractuelle et notamment l'exécution forcée.
En revanche, la menace de la clause pénale disparaît. L'exécution de l'obligation principale n'est plus renforcée. La disparition du caractère comminatoire qui éloignait quasiment toute idée d'inexécution rend le contrat aux aléas du droit commun.
En revanche, le droit du créancier à réparation en cas de survenance d'un dommage est maintenu. La clause pénale se superposait aux règles du droit des contrats. Sa disparition n'emporte pas les droits communs du créancier.
2. conséquences de la validité ou de la nullité de l'obligation principale
Le caractère accessoire se manifeste pleinement lors de l'appréciation du régime de l'obligation principale.
Tout d'abord, ce caractère qui définit le lien entre la clause et l'obligation initiale, est unilatéral. En effet, si la considération de la clause pénale est sans incidence sur l'accord contractuel originel, au contraire, la clause ne se conçoit pas sans obligation principale.
Dans cet ordre d'idées, la nullité de l'obligation garantie entraîne forcément celle de la clause pénale. Une telle affirmation résulte en droit français de l'article 1227 alinéa 1. En droit allemand, c'est le paragraphe 344.
La finalité première de la clause pénale est de garantir une obligation, si celle-ci vient à disparaître, la clause n'a pas de raison de survivre. Le contrat de clause pénale devient sans cause et disparaît à son tour.ZZZ
Peut-on véritablement parler de nullité? Certains auteurs considèrent qu'il est plus juste de parler de caducité. En effet, la nullité sanctionne un vice de l'acte, tandis que la caducité sanctionne une carence entamant l'acte dans sa perfection ou l'empêchant d'être efficace. C'est en tout cas le terme employé par le droit allemand.
Une autre question intéressante concerne la survie de la clause pénale en cas de résolution ou de résiliation du contrat principal.
En Allemagne, si le créancier résout le contrat, il ne peut plus faire valoir la clause pénale. La résolution du contrat entraîne la clause pénale dans sa chute qui disparaît rétroactivement avec elle.
Le droit français rejoint le droit Allemand sur ce point, malgré quelques remous en doctrine. Traditionnellement, la solution était la même qu'en Allemagne. Néanmoins, quelques auteurs, dans le souci de reconnaître une certaine autonomie à la clause, ont allégué que la clause survivait à la résolution. En théorie, on peut admettre la pertinence de cette solution. En effet, la cause de la résolution est l'inexécution de ses obligations par le débiteur. Or, c'est aussi, la cause de la peine qui constitue l'objet de la clause pénale. Ainsi, l'inexécution a deux effets, elle entraîne la disparition du contrat et la mise en oeuvre de la clause. Quoiqu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, les effets sont identiques.
Les effets classiques de ce caractère n'ont pas révélé de différences flagrantes. En revanche, la mise en oeuvre de la clause montre, dans notre matière, le détachement du droit allemand de la notion de l'accessoire.
B. DETACHEMENT DE LA CLAUSE PENALE ALLEMANDE DU CARACTERE ACCESSOIRE
L'un des effets spécifiques du caractère accessoire conduit à interdire normalement le cumul du principal et de la peine.
Ainsi, en droit français, l'article 1229 du Code civil énonce clairement ce postulat. Seul l'alinéa 2 de cet article réserve la possibilité du cumul en cas de retard. Mais, dans ce cas, la pénalité a été prévue pour un manquement à l'une des modalités de l'exécution, et non à l'exécution elle-même. On ne peut pas affirmer que le débiteur devra payer la peine et exécuter la prestation. Il doit remplir son engagement comme prévu, mais l'exécution tardive prive la prestation de la perfection. Pour atténuer cette imperfection, le débiteur paye une peine. Parce qu'il tend à améliorer l'exécution, le cumul est rendu possible. En revanche, les parties ne peuvent prévoir d'additionner la peine prévue en cas d'inexécution et l'exécution elle-même.
Dans une certaine mesure, la possibilité du cumul apparaît en droit allemand.
Bien que la phrase 2 de l'alinéa 1 du paragraphe 340 interdise de demander l'exécution de la prestation après avoir réclamé la pénalité, l'association des deux est autorisée dans un cadre légal particulier.
C'est en effet la lecture de l'alinéa 1 du paragraphe 341 qui nous permet une telle affirmation. Il en ressort que si l'obligation n'a pas été exécutée de manière satisfaisante ou en retard, le créancier peut exiger, outre l'exécution elle-même, la peine encourue.ZZZ
En procédant de la sorte, la clause pénale allemande se détache de son caractère accessoire et accentue son autonomie.
Ce n'est pas le simple retard, dont les effets sont similaires à la clause pénale française, mais la peine encourue en cas de mauvaise exécution qui confère plus d'indépendance à la clause. Dans ce cas, les parties contractantes ont prévue une peine plus lourde en cas de manquement dans l'accomplissement de la prestation .Cette peine relativement importante imprime à la clause son caractère comminatoire. En revanche, la sanction prévue en cas de retard n'a pas cet effet. C'est une petite sanction accompagnant l'exécution de la prestation.
Normalement, la clause pénale garantissant l'obligation principale offre une alternative. Si la prestation est correctement exécutée, la clause n'a plus de raison d'être et disparaît sans avoir été mise en oeuvre. Par ailleurs, si le débiteur ne s'est pas exécuté, la clause produira ses effets répressifs et sanctionnera le débiteur.
Dans l'hypothèse prévue par le paragraphe 341 alinéa 1, il n'y a plus une alternative mais un véritable cumul. Le créancier pourra obtenir, d'une part, l'exécution, et d'autre part, la peine.
En procédant de la sorte, le droit allemand confère une certaine autonomie à la clause pénale. Elle n'est plus seulement un accessoire passif, mais un accessoire actif qui ne cesse de "hanter le débiteur".
La clause pénale classique se déclenche lorsque un événement déterminé se produit, le dépassement d'un délai fixé ou l'inexécution de l'obligation principale. La clause pénale décrite au paragraphe 341 alinéa 1 nous semble légèrement différente. Son déclenchement ne se réalisera qu'au moment où le créancier l'estimera nécessaire. Ce ne sont plus des conditions objectives, mais subjectives qui déterminent cette mise en oeuvre. Puisqu'elle peut être activée à tout moment de l'exécution, la clause pénale jouit alors d'une plus grande autonomie
Ainsi, la clause ne fera pas planer une sanction autour d'un événement, mais tout au long d'une période. Le caractère comminatoire ne sera plus alors seulement une idée, mais un sentiment fort qui accompagnera le débiteur tout au long de l'exécution de la prestation.
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
Ce premier chapitre nous a permis de mettre en évidence plusieurs propriétés de la clause pénale en droit allemand et en droit français. La clause pénale a tout d'abord une nature contractuelle. Son élaboration, qui nécessite un accord de volontés spécifique, démontre au stade de sa création, une certaine autonomie de la clause par rapport à l'obligation initiale.
Ensuite, nous avons pu le constater, le cadre posé par les législateurs allemand et français ont favorisé le déclin du rôle de l'autonomie de la volonté dans la création de la clause.
Par ailleurs, la clause, malgré sa relative autonomie, ne saurait exister sans l'obligation principale qu'elle garantit. Cette condition, qui révèle le lien de dépendance entre le contrat et la clause, met en évidence ses caractères comminatoire et accessoire.
Enfin, l'étude de ces particularités nous a montré certaines nuances entre les clauses pénales. D'une part, le caractère comminatoire de la clause allemande est plus marqué, d'autre part, elle parvient à se détacher de son caractère accessoire pour présenter une plus grande autonomie que la clause pénale française.
Alors qu'une relative identité ressort de l'étude des conditions de la création, certaines discordances apparaissent dans l'examen des raisons de la création.
CHAPITRE II.
Discordance des objectifs poursuivis
Lorsque l'on observe l'ensemble du droit comparé, on s'aperçoit que la clause pénale peut revêtir deux fonctions différentes.ZZZ Les contractants ont recours à cette institution, soit comme évaluation anticipée des dommages et intérêts, soit comme contrainte à l'exécution. Certains systèmes adoptent l'une ou l'autre forme, d'autres, de manière plus ou moins marquée, utilisent la clause sous ses deux facettes.
L'Allemagne et la France acceptent que la clause joue un double rôle. Néanmoins, ces deux pays ne confèrent pas la même portée à ces deux emplois. Alors que le droit allemand se situe dans une perspective fortement coercitive, le droit français se cantonne dans une position plus hybride.
Quelle que soit la valeur que l'on prête à l'une ou l'autre inclinaison, elles sont, comme le pensait MontesquieuZZZ , l'apanage de deux sociétés différentes. En effet, le Droit est un perpétuel héritage de connaissances aussi bien juridiques, culturelles, historiques, religieuses dont la combinaison est le fidèle reflet d'une Nation.
En définitive, pour mieux comprendre les aspirations divergentes des clauses pénales allemande et française (section I), il convient d'entreprendre une recherche dans les héritages juridiques respectifs (section II).
SECTION I. DES ASPIRATIONS DIVERGENTES
L'institution de clause pénale est appréhendée parfois de façon semblable, parfois de manière différente, par le droit allemand et le droit français. S'ils envisagent tous deux l'aspect contraignant et l'aspect indemnitaire, ils n'accordent pas à chacun la même portée. Ainsi, la recherche de l'exécution de l'obligation principale est plus vigoureuse en Allemagne, alors que la question de la réparation est plus présente en France.
§ 1. UNE RECHERCHE DE L'EXECUTION PLUS VIGOUREUSE EN ALLEMAGNE
L'étude théorique de la finalité de la notion en Allemagne et en France démontre cette affirmation. Par ailleurs, l'étude de l'utilisation de la clause pénale mettra en évidence un domaine d'application plus large outre-Rhin.
A. ETUDE THEORIQUE
Les textes et la jurisprudence allemande ne font pas de doute. La clause pénale allemande possède un caractère coercitif prédominant.
Cette affirmation peut se déduire notamment de l'étude des dispositions du Code civil allemand. Les paragraphes influencent notre jugement de deux manières. D'une part, le ton impératif des phrases démontre la volonté ferme de parvenir à des objectifs déterminés, à savoir, l'exécution de la prestation. D'autre part, la notion de réparation apparaît comme un éventuel complément de la peine. En effet, les dispositions réservent la possibilité d'actions en dommages et intérêts. Cette prévision démontre simplement qu'à première vue, le montant de la peine ne comprenait pas la compensation du préjudice.
Le Code civil allemand n'est pas, selon la doctrine, un exemple de littérature. Les paragraphes ont été rédigés de manière synthétique, afin de mieux servir la pensée de ses rédacteurs.
Dès le paragraphe 339 du BGB, l'intention des auteurs se fait jour. Pour contraindre le débiteur au respect de ses obligations contractuelles, les parties peuvent prévoir une pénalité (Strafe). On remarque que les articles utilisent le mot pénalité ce qui ne peut tromper sur l'aspect répressif de la clause.
En outre, le Code civil allemand a été élaboré dans le souci du détail. Dans cette perspective, il énonce les cas dans lesquels la peine sera due. Au nombre de trois, ces manquements sanctionneront le débiteur qui devra payer la peine. Il s'agit de l'inexécution proprement dite, de l'exécution incorrecte ou de l'exécution en retard. Ces éventualités correspondent à trois phases de l'accomplissement du contrat.
En effet, la sanction pour inexécution est due lorsque le débiteur n'a pas entamé le commencement de la prestation.
Par ailleurs, la pénalité sera également exigible si le cocontractant exécute mal, c'est à dire si la phase d'exécution est entachée par des défauts.
Enfin, le débiteur sera également sanctionné s'il remet la prestation en retard. Alors, l'exécution comporte un vice dans sa finition.
La clause pénale allemande est un véritable moyen de pression dans les mains du créancier. Par son caractère comminatoire, elle tend à l'exécution de l'obligation principale. Le but fixé par le législateur allemand n'est pas d'autoriser le contrat et de pallier son éventuelle inexécution. Au contraire, par le biais d'une clause pénale, l'inexécution n'est presque pas envisageable. Le créancier a renforcé son droit parce qu'il tient à l'accomplissement de la prestation. L'objectif que recherche la clause ne peut être considéré a posteriori, c'est à dire comme une évaluation anticipée des dommages. Le dessein que s'est fixé la clause doit en revanche être apprécié a priori. Le montant élevé de la clause ne s'identifie pas à la réparation mais à la contrainte.
En outre, l'étude de la jurisprudence allemande ne laisse pas subsister de doute quant à cette nature. Lors d'une demande de révision par le débiteur sur le fondement du paragraphe 343 du BGB, s'il accède à cette requête, le juge ne réduira pas la peine à la hauteur du préjudice effectivement subi. Non seulement il se montrera sévère dans cette appréciation, mais il laissera subsister l'aspect répressif de la clause. En procédant de la sorte, le juge respecte la volonté des parties de punir le débiteur qui n'a pas respecté son engagement. Dans le cas contraire, il enlèverait à la clause toute sa raison d'être.
Par ailleurs, si le créancier a subi un préjudice, il pourra réclamer une réparation en plus de la peine. Cette faculté démontre la réelle nature de la sanction. Considérée comme une punition du débiteur, elle n'a qu'une vocation subsidiaire à réparer le préjudice subi. Néanmoins, nous verrons dans un prochain développement que la notion de dommages et intérêts n'est pas complètement exclue de la clause pénale allemande.
Le droit français est loin de ne pas contenir la notion de contrainte. L'exécution de la prestation est également le but avéré de la clause. L'article 1226 du Code civil est clair en ce sens puisque d'après ses termes, pour assurer l'exécution, le débiteur s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.