Seconde partie La fabrication des médicaments
Titre I La mise sur le marché du médicament
Chapitre I L'autorisation de mise sur le marché
Section I La procédure d'autorisation de mise sur le marché
Section II Les suites de l'autorisation de mise sur le marché
Chapitre II La responsabilité de l'Etat
Section I Mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat
Section II La responsabilité de l'Etat en matière de médicaments
Titre II La responsabilité du fabricant de médicaments
Chapitre I La responsabilité du fabricant de médicaments au regard du droit français
Section I Les solutions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant
Section II Le fabricant de médicaments
Chapitre II La directive du 25 Juillet 1985
Section I Le régime de responsabilité prévu par la directive
Section II La situation de la France
Un médicament peut être fabriqué par le pharmacien
d'officine, c'est le cas de la préparation magistrale,
et des produits officinaux. Mais aujourd'hui la plupart des médicaments
sont des spécialités pharmaceutiques c'est à
dire " tout médicament préparé
à l'avance, présenté sous un conditionnement
particulier et caractérisé par une dénomination
spéciale ". La préparation ne se fait plus
à l'officine mais dans des établissements pharmaceutiques
industriels. A l'apparition de ces établissements, la réglementation
en vigueur ne distinguait pas l'établissement industriel
de l'officine et la jurisprudence par application des dispositions
légales exigeait que l'établissement appartienne
à un pharmacien diplômé ou à une société
constituée exclusivement entre pharmaciens. L'apport de
capitaux extérieurs était interdit. Cependant cette
règle qui entravait l'expansion de l'industrie n'était
plus respectée et la loi du 11 Septembre 1941 légalisa
les apports de capitaux extra pharmaceutiques. La réglementation
actuelle est prévue aux articles L 596 à L 600 du
CSP. L'alinéa 2 de l'article 596 CSP exige la présence
d'au moins un pharmacien soit comme propriétaire, soit
comme membre de la direction s'il s'agit d'une société.
Ce sont des " pharmaciens responsables " c'est
à dire qu'ils sont " personnellement responsables
du respect des dispositions du présent livre ayant trait
à leur activité, sans préjudice, le cas échéant,
de la responsabilité solidaire de la société
". Cet encadrement est nécessaire car les médicaments
mis à la disposition des malades doivent présenter
un très haut niveau de qualité et pour cela la présence
d'un pharmacien est indispensable. Mais les capitaux sont également
nécessaires pour permettre l'utilisation de techniques
performantes. La qualité des médicaments et la protection
du consommateur sont assurées en grande partie par l'autorisation
de mise sur le marché (titre I). Cependant, il est possible
que la prise du médicament ait des conséquences
graves sur la santé du consommateur ou qu'il ne soit pas
conforme à ce qui était prévu et dans ce
cas, on recherche la responsabilité du fabricant (titre
II).
Titre I
La mise sur le marché
du médicament
Un médicament ne peut être vendu dans une officine
que si le fabricant a obtenu une autorisation de mise sur le marché
(chapitre I) par l'Agence des médicaments. C'est l'Etat
qui prend la décision après consultation des rapports
qui lui sont présentés d'autoriser ou non la commercialisation
d'un médicament et sa responsabilité pourra être
engagée si un dommage est causé au consommateur
(chapitre II).
La réglementation actuelle est issue de l'ordonnance du 23 Septembre 1967 qui introduit dans le CSP les dispositions de la directive européenne du 26 Janvier 1965. Ces dispositions ont été modifiées par un décret du 5 Août 1993. Avant cette ordonnance, les fabricants de médicaments devaient obtenir un visa qui résultait d'un examen portant sur l'innocuité du produit dans les conditions normales d'emploi, l'intérêt thérapeutique, la conformité à la formule annoncée par le fabricant et des techniques de fabrication et de contrôle qu'il s'engageait à mettre en oeuvre. A ce visa s'ajoutait une autorisation de débit accordée selon une procédure rapide au cours de laquelle l'inspecteur de la pharmacie venait vérifier dans l'établissement sur un premier lot de fabrication que les conditions prévues étaient respectées.
Selon la réglementation actuelle, l'autorisation de mise
sur le marché " n'est accordée que
lorsque le fabricant justifie : 1° qu'il a fait procéder
à la vérification de l'innocuité du produit
dans des conditions normales d'emploi et de son intérêt
thérapeutique, ainsi qu'à son analyse qualitative
et quantitative ; 2° qu'il dispose effectivement d'une méthode
de fabrication et de procédés de contrôle
de nature à garantir la qualité du produit au stade
de la fabrication en série " (art. L 601 al. 2 CSP).
Il convient d'examiner la procédure d'autorisation de mise
sur le marché (section I) et les conséquences de
l'obtention de cette autorisation (section II).
Section I La procédure
d'autorisation de mise sur le marché
La demande d'autorisation de mise sur le marché doit être adressée au ministère chargé de la Santé et doit contenir les indications prévues à l'article R 5128 CSP : nom et adresse du responsable de la mise sur le marché et, si celui ci ne fabrique pas la spécialité, le nom et l'adresse du fabricant, la dénomination spéciale du médicament, sa composition pharmaceutique et un résumé des caractéristiques du produit défini à l'article R 5128-2 CSP.
A cette demande doit être joint également les rapports
des experts. Il s'agit des expertises réalisées
spécialement en vue de l'autorisation de mise sur le marché.
Les experts doivent répondre aux exigences de diplômes
prévues à l'article R 5119 CSP. Ils sont choisis
librement sur une liste par le responsable de la mise sur le marché.
Il existe cependant une restriction : l'expert ne doit pas avoir
un intérêt financier direct ou indirect dans le médicament
dont il effectue l'expertise. En effet, il pourrait être
tenté d'améliorer le rapport afin que le produit
obtienne plus facilement l'agrément de l'administration.
Trois types d'expertises sont réalisées : une expertise
analytique, une expertise toxicologique et pharmacologique et
une expertise clinique. Les produits remis aux experts doivent
être préparés selon les bonnes pratiques de
fabrication dont les principes sont fixés par arrêté
du ministre chargé de la Santé sur proposition du
directeur général de l'Agence du médicament
(art. R 5123 CSP) et l'étiquetage doit respecter les indications
de ce même article. L'expert clinicien n'intervient qu'en
dernier après avoir été mis en possession
des rapports des deux autres experts. Le premier consulté
est l'expert analyste dont la mission est de vérifier la
validité des techniques de contrôle mises au point
par le fabricant et la conformité du produit à sa
formule. Ensuite, aura lieu l'expertise toxicologique et pharmacologique.
L'expert va étudier la toxicité du produit sur l'animal
et vérifier les propriétés du médicament
par des essais biologiques sur l'animal. Le contrôle de
la stabilité du médicament est commun à ces
experts. Ce contrôle sert à déterminer la
date de péremption du produit. En dernier lieu, il y aura
une expertise clinique c'est à dire une expérimentation
sur l'homme. Les comptes rendus de ces différentes expertises
doivent prendre la forme prévue aux articles R 5130, R
5131 et R 5132 CSP.
L'article R 5133 CSP permet au directeur de l'Agence du médicament
de dispenser le demandeur d'une autorisation de mise sur le marché
de produire certains documents notamment lorsque celui-ci demande
une autorisation de modification, ou lorsque la demande concerne
une spécialité correspondant à une préparation
figurant à la Pharmacopée française ou au
formulaire national, et lorsque la spécialité a
une formule voisine ou similaire à une spécialité
déjà exploitée ou lorsqu'il existe une littérature
scientifique publiée concernant tel ou tel composant de
la spécialité.
Le directeur de l'Agence du médicament se prononce dans
un délai de cent vingt jours à compter de la date
de présentation du dossier complet. Ce délai peut
être prorogé de quatre vingt dix jours ou suspendu
si le directeur demande des informations complémentaires
(art. R 5134, R 5135, R 5136 CSP). La décision est prise
après avis d'une commission dont la composition est prévue
à l'article R 5141 CSP (art. R 5140 al. 1 CSP). Le directeur
peut octroyer ou refuser l'autorisation de mise sur le marché.
L'autorisation est accordée pour cinq ans (art. L 601 al.
3 CSP). Elle peut être temporaire (art. R 5142-20 à
R 5142-30 CSP). Elle doit être publiée au Journal
Officiel (art. R 5140 al. 3 CSP). Le refus doit être motivé
et la décision de rejet doit mentionner les voies et délais
de recours. Le recours est réglementé par l'article
R 5140 al. 2 CSP.
Le recours gracieux est un préalable au recours contentieux.
Il doit être soumis pour avis à la commission qui
examine les demandes d'autorisation de mise sur le marché.
L'avis de la commission doit être motivé. Sa décision
peut être expresse ou implicite (silence gardé pendant
quatre mois). Le recours contentieux doit être introduit
devant les juridictions administratives dans le délai de
deux mois suivant la décision de rejet du recours gracieux.
Il peut également être formé contre une décision
d'octroi d'autorisation de mise sur le marché par un tiers
à condition qu'il justifie d'un intérêt à
agir. Il est peu probable que le Conseil d'Etat autorise une mise
sur le marché d'un médicament alors que le directeur
de l'Agence du médicament s'y est opposé. En effet,
celui-ci va se reporter à l'avis de la commission comme
le directeur et si celle ci a émis un avis négatif
en estimant que le produit ne présentait pas une sécurité
suffisante, le Conseil d'Etat, eu égard à ce défaut
de sécurité pour le consommateur, entérinera
la décision du directeur. Quelles sont les conséquences
de l'autorisation de mise sur le marché ?
Section 2 Les suites de l'autorisation
de mise sur le marché
L'article L 602-1 CSP prévoit le versement d'une taxe annuelle perçue au profit de l'Agence du médicament. Elle est fixée par décret dans la limite de 20 000 francs par médicament et produit bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché.
L'autorisation de mise sur le marché est une condition
essentielle à la sécurité du consommateur
de médicaments. Dés l'instant qu'un produit répond
à la définition du médicament qui peut être
interprétée de manière extensive de façon
à protéger les consommateurs, celui ci doit faire
l'objet d'une autorisation. Ainsi, les élixirs miracles
qui sont des médicaments par présentation car ils
font croire au consommateur qu'ils ont des vertus thérapeutiques,
doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché.
La mise en vente d'une spécialité pharmaceutique
sans autorisation constitue un délit réprimé
par l'article L 518 CSP. De plus, la chambre criminelle le 3 Octobre
1991( 1) a considéré
qu'il y avait infraction à la loi du 1er Août 1905
en ce que la fabrication de substances médicamenteuses
dans des conditions qui ne sont pas conformes à la réglementation
constitue une falsification.
L'article L 601 al. 5 CSP précise que le fait pour le fabricant
ou le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché
ne les exonèrent pas de la responsabilité qu'ils
peuvent encourir dans les conditions du droit commun en raison
de la fabrication ou de la mise sur le marché d'un médicament
défectueux. Cette règle est la consécration
de la jurisprudence relative à l'ancienne institution :
le visa qui existait avant l'ordonnance du 23 Septembre 1967.
Ainsi, le tribunal correctionnel de la Seine( 2)
énonce que " l'institution du visa a pour but de renforcer
la protection du public mais qu'elle est sans effet sur la responsabilité
du fabricant. A l'égard de ce dernier, le rôle du
contrôle administratif est essentiellement de subordonner
l'autorisation de débit d'une spécialité
à la preuve, par le demandeur, de l'observation d'un certain
nombre de conditions et non de le dégager des obligations
qui lui incombent et relève à la fois des règles
de la profession et des prescriptions légales.".
Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché doit suivre l'évolution des techniques et des progrès de la science afin d'adapter ses méthodes de contrôle des matière premières et de la spécialité prête à l'emploi. Les modifications des méthodes de contrôle sont soumises à l'approbation du directeur de l'Agence des médicaments (art. R 5135-1 CSP).
L'autorisation de mise sur le marché est valable pour cinq ans mais elle est renouvelable par période quinquennale (art. L 601 al. 4 CSP). La demande de renouvellement est à présenter par le titulaire trois mois au plus tard avant la date d'expiration. Celui-ci doit attester qu'à sa connaissance aucune modification n'est intervenue dans les éléments produits à l'appui de sa demande d'autorisation. Par conséquent si celui-ci a connaissance d'un nouvel effet secondaire, d'une nouvelle contre indication, il doit le signaler. Cette connaissance doit s'apprécier eu égard aux données actuelles de la science. L'autorisation n'est pas renouvelée si l'effet thérapeutique fait défaut. Un problème se pose quant à l'appréciation du défaut d'effet thérapeutique. Aucune indication n'est donnée sur les modalités d'appréciation de l'absence de l'effet thérapeutique. L'administration peut demander des justifications complémentaires au demandeur. Si à la date d'expiration de l'autorisation de mise sur le marché aucune décision n'est notifiée, ou si aucune demande de justification n'est adressée, l'autorisation est considérée comme renouvelée à cette date. Cette solution d'accord implicite de renouvellement ne semble pas satisfaisante eu égard à la dangerosité du produit en cause. Le renouvellement peut être refusé. Aucun article spécial ne précise si cette décision doit être motivée. La loi du 11 Juillet 1979 dispose que l'administration à l'obligation de mentionner dans le corps de la décision " les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement " pour toutes les décisions individuelles défavorables telles que des mesures de police ou des mesures restrictives des libertés, des sanctions, des retraits ou abrogations d'une décision créatrice de droit, etc. En l'espèce, nous sommes en présence de la dernière hypothèse. Donc, cette décision doit être motivée. Cette solution est corroborée par la règle du parallélisme des formes : comme le refus de l'autorisation de mise sur le marché est motivé, le non renouvellement de celle ci doit l'être également.
L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée
ou suspendue par le directeur de l'Agence du médicament
(art. L 601 al. 4 CSP) ceci pour des raisons de sécurité
du consommateur. L'article R 5139 CSP prévoit les cas dans
lesquels l'autorisation de mise sur le marché peut être
retirée ou suspendue. Cette décision doit être
motivée. Ce retrait( 3)
intervient lorsque la spécialité pharmaceutique
est nocive dans les conditions normales d'emploi, que l'effet
thérapeutique fait défaut ou que la spécialité
ne correspond pas à ce qui a été déclaré,
que les renseignements fournis lors de la demande sont erronés,
et que les contrôles n'ont pas été effectués.
Ces différentes justifications ont un but commun : la sécurité
du consommateur.
L'autorisation de mise sur le marché est cessible. Cette cession aboutit à un changement du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché. Celle-ci est subordonnée à une autorisation du directeur de l'Agence du médicament. Lorsqu'un laboratoire cède un brevet concernant un médicament, il doit également céder l'autorisation de mise sur le marché sans laquelle le cessionnaire ne peut exploiter le brevet et commercialiser le médicament. Cette cession est une cession de créance. En principe, les autorisations accordées par l'Administration sont incessibles lorsqu'elles ont été consenties à titre personnel. Cependant si elles ne revêtent pas un caractère personnel, elles peuvent être cédées en même temps que les biens auxquels elles sont attachées. L'autorisation de mise sur le marché est donc cédée en même temps que le brevet. Elle est subordonnée à l'autorisation du directeur général de l'Agence du médicament. S'il refuse ce transfert, la cession a-t-elle lieu ? L'autorisation de mise sur le marché est essentielle pour la commercialisation du médicament et sans elle le contrat n'a plus aucun intérêt pour le cessionnaire. L'article R 5138 CSP emploie le terme subordonné. Il semble donc que la cession n'est réalisée que lorsque que le directeur général de l'Agence du médicament a donné son autorisation à la cession de l'autorisation de mise sur le marché. Si la cession du brevet et de l'autorisation de mise sur le marché font l'objet d'une même convention, le défaut d'autorisation empêchera la cession du brevet.
Que se passe-t-il lorsque la cession de brevet et d'autorisation de mise sur le marché font l'objet de deux conventions distinctes ? Plusieurs solutions sont envisageables. Tout d'abord, il faut rechercher s'il y a indivisibilité des deux conventions. Dans ce cas, les deux doivent être exécutées et le fait que la cession de l'autorisation de mise sur le marché ne puisse pas avoir lieu entraînera la disparition de la convention portant sur la cession du brevet. Ensuite, peut-on considérer que la cession de brevet a été conclue sous la condition résolutoire implicite de l'autorisation de cession de l'autorisation de mise sur le marché par le directeur de l'Agence du médicament ? Le cessionnaire n'acquiert le brevet que parce qu'il pourra l'exploiter et vendre les médicaments et on peut supposer que l'autorisation de cession de l'autorisation de mise sur le marché est une condition nécessaire à la transaction pour lui et donc que la cession du brevet est conclue sous la condition résolutoire de l'obtention de l'autorisation de cession. Dans deux arrêts en date du 14 Février 1990( 4) la Cour de cassation admet la résolution de trois conventions portant respectivement sur la cession d'un brevet, la cession d'une marque et la cession de l'autorisation de mise sur le marché du médicament parce que l'étendue de l'autorisation de mise sur le marché avait été réduite. Ainsi, la Cour admet que les trois conventions sont liées.
Le cédant doit-il une garantie au cessionnaire ? Comme
cette cession est réalisée à titre onéreux,
le cédant est débiteur d'une obligation de garantie.
Elle concerne l'existence de la créance au moment de la
cession (art. 1693 c. civ.) et la jurisprudence l'oblige à
garantir les vices de la créance cédée et
son fait personnel.
Le cédant est-il tenu de garantir le cessionnaire contre les actions de personne à qui le médicament aurait causé un dommage avant la cession ? Selon l'article R 5143 l) doit figurer sur l'emballage " le nom et l'adresse de l'entreprise exploitant le médicament ou le produit et, lorsque celle ci ne fabrique pas le médicament ou le produit, le nom et l'adresse du fabricant ". Par cette mention, le consommateur a connaissance de l'exploitant. Après la cession, c'est le nom du cessionnaire et non plus celui du cédant qui apparaîtra sur la boite. Donc si un dommage est dû au médicament avant la cession, le consommateur se retournera contre le cédant et si ce dommage a lieu après contre le cessionnaire. S'il se retournait contre le cessionnaire alors que celui ci n'était pas exploitant au moment où le dommage a eu lieu, ce dernier pourra aisément démonter qu'il n'est pas responsable du dommage. A priori, le cédant ne doit pas garantir le cessionnaire pour le fait du tiers sauf s'il existe une clause le précisant. Il faut remarquer que la découverte de l'existence d'un dommage causé par le médicament met en évidence l'existence d'un vice qui était caché au moment de la cession. Donc le cessionnaire pourra invoquer la garantie des vices contre le cédant.
L'article R 5138 al. 2 CSP prévoit les différents
documents qui doivent accompagner la demande. Le refus d'autorisation
doit être motivé et en cas de silence de l'administration,
le transfert est réputé être autorisé
à l'expiration d'un délai de deux mois.
L'autorisation de mise sur le marché obtenue en France
peut être étendue aux Etats membres de la CEE. Le
titulaire fait la demande à l'autorité compétente
du pays dans lequel il désire obtenir l'extension. Si la
demande d'extension est faite dans au moins deux autres Etats
membres, il doit informer le ministre chargé de la Santé
(art. R 5136-2 CSP). Inversement, une demande peut être
présentée en vue de l'extension en France d'une
autorisation de mise sur le marché obtenue dans un autre
pays membre de la CEE. La procédure est prévue à
l'article R 5136-1 CSP. Depuis un décret du 20 Juin 1992,
l'exportation et l'importation des médicaments sont réglementées.
Une autorisation d'importation délivrée par le directeur
de l'Agence du médicament est requise si le médicament
ne bénéficie pas d'une autorisation de mise sur
le marché. Cependant cette autorisation n'est pas nécessaire
pour le particulier. Pour exporter, il est nécessaire d'avoir
un certificat d'exportation. L'établissement pharmaceutique
doit demander " à l'autorité administrative
de certifier qu'il possède l'autorisation de mise sur le
marché " et lorsque le médicament est fabriqué
en vue de l'exportation il doit demander " à l'Agence
du médicament de certifier qu'il s'est doté des
bonnes pratiques de fabrication prévues à l'article
L 600 CSP ".
Si un dommage est causé par une spécialité
ayant obtenue une autorisation de mise sur le marché, l'Etat
peut voir sa responsabilité engagée. Le fait que
l'autorisation ne soit plus délivrée par le ministre
chargé de la Santé mais par le directeur de l'Agence
du médicament depuis le décret du 5 Août 1993
ne remet pas en cause cette responsabilité car l'Agence
du médicament est un établissement public de l'État
à caractère administratif placé sous la tutelle
du ministre chargé de la Santé et du ministre chargé
de la sécurité sociale (art. R 5089-1 CSP). Il convient
d'exposer les règles de mise en oeuvre de la responsabilité
de l'Etat (section I) avant d'examiner la responsabilité
de l'Etat lors de l'autorisation de mise sur le marché
(section II).
Section I Mise en oeuvre de
la responsabilité de l'Etat
L'arrêt Blanco( 5)
pose le principe d'un régime de responsabilité spécifique
de l'Etat. Trois conditions sont nécessaires pour mettre
en oeuvre la responsabilité de l'Etat. Il faut, tout d'abord,
un préjudice et un lien de causalité. Le préjudice
doit être certain, direct et spécial. La charge de
la preuve repose sur la victime. Le lien de causalité doit
exister entre le fait dommageable et le préjudice. Le juge
retient la cause qui parait avoir été la plus décisive
dans la réalisation du dommage( 6).
Ensuite, il faut un fait dommageable. La responsabilité peut être conditionnée par une faute. C'est l'origine la plus importante de la responsabilité administrative. Il faut distinguer la faute personnelle de l'agent public et la faute de service. La faute personnelle est celle dont il devra répondre devant le juge judiciaire.
La faute de service correspond à une abstention ou action d'un agent public ne constituant pas une faute personnelle. Elle peut être un acte juridique ou matériel ou consister en une illégalité caractérisée ou en un acte non soumis à légalité.
La faute peut être une faute lourde ou une faute simple. La première conditionne la mise en jeu de la responsabilité administrative dans deux séries de cas. Elle est exigée pour des services qui présentent des difficultés particulières (service pénitentiaire, services publics médicaux ) et pour des services de contrôle. La seconde peut être constituée par des négligences caractérisées. Lorsque la faute est exigée, elle doit être prouvée et la charge de la preuve incombe à la personne qui se prétend victime. Cependant le juge administratif admet parfois l'existence de présomptions. En cas de responsabilité pour faute, le fait du tiers exonère entièrement l'administration lorsqu'il est la cause exclusive du dommage et partiellement lorsqu'il a contribué avec l'administration à la réalisation du dommage. Le tiers et l'administration ne sont pas solidairement responsables. Le comportement fautif de la victime c'est à dire la contribution à la réalisation du dommage ou son aggravation exonère totalement ou partiellement l'administration de sa responsabilité. La force majeure est également une cause d'exonération de l'administration.
La responsabilité administrative peut être une responsabilité sans faute. La victime n'a pas à prouver l'existence d'une faute dans le fonctionnement de l'administration mais simplement le lien de causalité entre l'activité administrative et le dommage qu'elle a subi. Parfois cette responsabilité sans faute est prévue par un texte, mais elle peut aussi résulter de la jurisprudence du Conseil d'Etat. L'Etat peut invoquer le fait du tiers mais celui ci n'est jamais exonératoire. La victime peut donc demander à l'administration la réparation intégrale du préjudice à charge pour celle ci de se retourner ensuite contre le tiers pour lui demander le remboursement de la part de la somme qui lui incombe. Cependant, si une loi empêche l'action récursoire de l'administration, le juge admet que le fait du tiers soit exonératoire. L'Etat peut invoquer la force majeure et le fait de la victime comme en cas de responsabilité pour faute.
Parfois, malgré la réunion des conditions de mise
en oeuvre de la responsabilité de l'Etat, le droit à
réparation est refusé eu égard à la
situation de la victime. C'est le cas de : l'exception d'illégitimité
(la victime est dans une situation irrégulière au
moment du dommage)( 7),
de l'exception de précarité (la situation de la
victime à laquelle le dommage porte atteinte est une situation
précaire)( 8),
et l'exception de risque accepté (la personne en connaissance
de cause a pris le risque de s'exposer)( 9).
Section II La responsabilité
de l'Etat en matière de médicaments
La responsabilité de l'Etat est prévue expressément
en cas de dommage causé par une vaccination obligatoire
(§1). En l'absence de textes spécifique, il faut examiner
si l'Etat peut engager sa responsabilité en présence
de n'importe quel médicament (§2).
§1 La vaccination
A La loi
Une seule responsabilité sans faute est prévue expressément
par l'article 10-1 al. 1 CSP en matière de vaccination
obligatoire : " sans préjudice des actions qui pourraient
être exercées conformément au droit commun,
la réparation de tout dommage imputable directement à
une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions
visées au présent code est supportée par
l'Etat ". Cette indemnisation est prévue seulement
pour les vaccins obligatoires. Peut on étendre ce régime
aux vaccins non obligatoires ?
B Les extensions
Les juridictions administratives étendent l'indemnisation prévue par l'article 10-1 al. 1 CSP aux vaccins non obligatoires mais imposés par l'administration. Ainsi, le tribunal administratif de Strasbourg, le 9 Novembre 1976( 10), dans la première espèce, engage la responsabilité de la faculté de médecine de Strasbourg et déclare irrecevable les conclusions contre l'Etat. Dans la deuxième espèce, en plus de la responsabilité de la faculté, il déclare la victime fondée à demander réparation à l'Etat du préjudice car celle ci a été convoquée pour subir la vaccination et donc doit " être regardée comme ayant été placée dans une situation en tout point identique à celle résultant d'une vaccination obligatoire ". Dans la première espèce, on avait conseillé à la victime de se faire vacciner alors que dans la deuxième, elle avait été convoquée au centre de vaccination. Dès l'instant où la vaccination n'est pas imposée, que la personne a le choix de se faire vacciner ou non, celle ci ne peut pas bénéficier du régime de responsabilité sans faute prévue par l'article 10-1 CSP.
Le tribunal administratif de Marseille, le 22 Avril 1980( 11),
retient la responsabilité sans faute de l'Etat. En l'espèce,
Monsieur Bouchagour est décédé à la
suite de l'absorption de trois comprimés de Fanasil destiné
à lutter contre le choléra. Le tribunal relève
que la distribution de Fanasil ne constitue pas " une vaccination
obligatoire au sens de l'article 10-1 CSP ". Cependant, il
remarque qu'en " prescrivant l'administration systématique,
dans des conditions qui doivent la faire regarder comme ayant
été obligatoire, en vue d'éviter la propagation
du choléra, l'autorité administrative a créé
dans l'intérêt général un risque spécial
pour les personnes victimes d'accidents imputables à l'ingestion
de Fanasil". Le tribunal utilise la solution jurisprudentielle
selon laquelle lorsque l'administration expose une personne à
un risque exceptionnel, le dommage subi par elle a un caractère
anormal et doit être réparé par la puissance
publique( 12). Seuls
bénéficient de cette responsabilité les tiers.
Dès l'instant que l'Etat expose volontairement à
une certaine part de risque la population en rendant obligatoire
la vaccination, il n'est pas normal que ces personnes supportent
le risque et donc l'indemnisation par l'Etat est nécessaire.
Le vaccin est un médicament qui est soumis à la
procédure d'autorisation de mise sur le marché.
En effet, en vertu de l'article L 601 al. 1 CSP " toute spécialité
pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué
industriellement (
) doit faire l'objet, avant sa commercialisation
ou sa distribution à titre gratuit, en gros ou au détail,
d'une autorisation de mise sur le marché délivrée
par l'Agence du médicament ". Ne pourrait on pas étendre
le régime de responsabilité sans faute prévu
par l'article 10-1 CSP à tous les médicaments ayant
reçu une autorisation de mise sur le marché?
§2 Le régime général
On peut penser que si l'Etat impose un traitement préventif
pour lutter contre un fléau, la solution concernant l'extension
du régime de responsabilité des vaccins obligatoires
est transposable. Ainsi, les personnes qui ont été
obligées de prendre un tel traitement bénéficierait
du régime d'indemnisation prévu par l'article 10-1
CSP.
Mais, lorsque le vaccin n'est pas obligatoire c'est à dire
demandé par une personne qui désire se faire vacciner
contre telle ou telle maladie ou lorsque le dommage est causé
par une spécialité prescrite par le médecin
et non imposée par l'Etat, la responsabilité de
l'Etat peut elle être engagée ? Dans cette hypothèse
ni le médecin, ni le pharmacien n'ont commis d'erreur.
Seul le produit est en cause. La victime peut se retourner contre
le fabricant mais peut elle agir contre l'Etat qui a donné
l'autorisation de mise sur la marché ? Selon Monsieur Auby( 13),
" il n'y a aucune raison, en l'absence d'un texte formel
d'écarter en cette matière le principe général
de responsabilité de la puissance publique, qui, en droit
français s'applique en règle générale
chaque fois qu'un texte n'a pas établi une solution formelle
d'irresponsabilité". En revanche, certains auteurs
comme Messieurs Penciolelli et Vaille considèrent "
le visa comme une autorisation administrative de débit
et non comme une garantie d'intérêt thérapeutique
ou d'innocuité "( 14).
Monsieur Golléty adopte la même position( 15).
La réponse nous est donnée implicitement par deux
arrêts en date du 28 Juin 1968 rendus à propos de
l'affaire du Stalinon( 16).
A L'affaire du Stalinon
Vers la fin de 1952, Monsieur Feuillet décida de créer
une spécialité destinée à combattre
la furonculose. Des recherches furent accomplies par l'établissement
Février. Ce dernier présenta un produit industriel
fabriqué à partir de vingt cinq grammes de di-iodo-di-éthylétain
(ces vingt cinq grammes étaient en réalité
un dérivé organique de toxicité inférieur
fourni par autre établissement industriel) à Monsieur
Feuillet qui ne vérifia pas la composition du produit.
Les essais de toxicité, chimique et clinique furent effectués
sur la base du produit fourni par l'industriel. Pour gagner du
temps, Monsieur Feuillet présenta son produit, le Stalinon,
comme un dérivé d'une spécialité antérieure
(la Stannomaltine) dont il avait acheté les droits et demanda
l'autorisation de modifier la formule de cette spécialité
et d'en modifier son nom. Un avis favorable à la modification
de la formule fut donné. Le visa obtenu, il fit fabriquer
par l'industriel six kilos de di-iodo-di-éthylétain
qu'il transmit aux établissements Février.
Cependant, l'industriel livra le produit demandé contrairement
à la première fois où c'était un dérivé
qui avait été fourni. De plus en raison des procédés
de fabrication, les comprimés étaient de composition
variable : certaines perles ne contenaient pas de di-iodo-di-éthylétain
alors que d'autres en contenaient jusqu'à cent cinquante
milligrammes. A la suite de la diffusion du Stalinon, il y eu
une centaine de décès et de nombreuses intoxications.
Début Mai 1954, un médecin avertit monsieur Feuillet.
Celui ci fit procéder à de nouveaux essais sur des
souris et aux vues des résultats qui révélaient
une toxicité supérieure à celle que l'on
croyait, diminua le dosage de sa spécialité. Un
médecin de Niort avertit la direction départementale
de la santé et le préfet des Deux Sèvres
interdit la vente du Stalinon. Le visa fut retiré le 24
Octobre. Monsieur Feuillet fut condamné par le Tribunal
correctionnel de la Seine le 19 Décembre 1957( 17)
confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris
en date du 3 Juin 1958 à deux ans d'emprisonnement et un
million de francs d'amende. La responsabilité civile fut
partagée entre Monsieur Feuillet (2/3) et les établissements
Février (1/3).
Les assureurs et les établissements Février se retournèrent contre l'Etat en invoquant une faute lourde de celui-ci. Le Conseil d'Etat reconnaît la faute lourde de l'Etat mais rejette leur demande car les établissements Février ainsi que Monsieur Feuillet ont commis de nombreuses fautes qui ont conduit à vendre un médicament toxique. Le commissaire du gouvernement, Monsieur Kahn, explique qu'en ce qui concerne le principe d'une responsabilité de l'Etat en raison du fonctionnement du service de délivrance des visas, la solution doit être la même que celle qui prévaut pour les différents services de contrôle c'est à dire que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée en présence d'une faute lourde. Cependant, il refuse que la responsabilité de l'Etat soit engagée en l'espèce. Il invoque la règle " nemo auditur propriam turpitudinem allegans ". Ainsi, la personne responsable d'un dommage ne peut se retourner contre la personne ou la collectivité chargée de la surveiller pour lui demander réparation de ses fautes de surveillance.
Le Conseil d'Etat suit les conclusions du commissaire du gouvernement.
Il relève les différentes fautes commises par le
fabricant du Stalinon et par le titulaire de l'autorisation de
mise sur le marché. Il énonce que Monsieur Feuillet
n'a pas procédé aux essais indispensables, qu'il
n'a pas contrôlé les matières premières
et les produits finis et qu'il a présenté sa spécialité
comme étant la modification d'une autre spécialité
totalement différente. En ce qui concerne le fabricant,
il relève que les opérations de fabrication n'étaient
pas surveillées par un pharmacien comme l'exige la loi
et que les produits ne subissaient aucun contrôle. Le Conseil
d'Etat rejette donc l'action en responsabilité contre l'Etat
en énonçant qu'il " ne peuvent dans ces conditions
se prévaloir utilement des fautes lourdes que l'Etat aurait
commises en accordant sans contrôle et en ne retirant pas
assez tôt le visa du ministre à la spécialité
en question ou en assurant pas la surveillance de la fabrication
".
B Les conditions de mise en oeuvre de la
responsabilité de l'Etat
Il apparaît que l'Etat peut être mis en cause lorsqu'il
commet une faute lourde. Il doit exister un préjudice et
un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Qui peut agir contre l'Etat ? Selon le droit commun, la victime
pourra agir contre l'Etat si elle prouve une faute lourde de celui-ci.
Le fabricant peut il se retourner contre l'Etat ? D'après
Monsieur Kahn et l'arrêt du Conseil d'Etat de 1968, il semblerait
que seule la victime puisse se retourner contre l'Etat.
Le fabricant peut-il se retourner contre l'Etat ? D'après l'arrêt de 1968, il semblerait que le fabricant ne puisse pas agir contre l'Etat. Cependant, il faut remarquer que dans l'affaire du Stalinon, le titulaire du visa et le fabricant ont commis de nombreuses fautes. Monsieur Feuillet a trompé le comité technique en faisant croire que son produit était le dérivé d'une spécialité ayant déjà reçu un visa. On peut donc considérer que Monsieur Feuillet qui a exercé volontairement des manoeuvres frauduleuses pour que son produit obtienne un visa est de mauvaise foi et donc ne peut se retourner contre l'Etat. Par contre, s'il n'avait exercé aucune manoeuvre, on peut penser que son recours contre l'Etat serait possible. En ce qui concerne le fabricant, la solution est identique. En effet, dans l'affaire du Stalinon, les établissements de fabrication ne respectaient pas les dispositions législatives et réglementaires en vigueur car la fabrication n'était pas dirigée par un pharmacien. Donc le fabricant et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché peuvent agir contre l'Etat si celui ci a commis une faute lourde à la condition qu'ils n'aient pas commis eux même de fautes qui sans lesquelles le dommage aurait pu être évité.
En pratique, cette situation va se présenter que rarement.
Le plus souvent, la responsabilité de l'Etat sera partagée
avec celle du fabricant. Cependant, on peut penser que cette solution
est applicable au cas où l'Etat aurait connaissance d'informations
essentielles auxquelles le fabricant n'aurait pas pu avoir accès.
L'Etat peut-il se retourner contre le fabricant ? De quels recours
dispose-t-il? En effet, la victime peut, soit agir contre le fabricant
ou le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché,
soit contre l'Etat si celui-ci a commis une faute lourde. Si elle
agit contre le fabricant, celui-ci ne peut pas se retourner contre
l'Etat (affaire du Stalinon). En matière de vaccin obligatoire,
l'Etat qui indemnise la victime est selon l'article 10-1 alinéa
2 CSP " subrogé dans les droits et actions de la victime
contre les responsables du dommage ". Cette solution
n'est pas transposable car l'alinéa 2 suppose une responsabilité
sans faute de l'Etat et cette solution permet aux victimes d'être
indemnisées sans courir le risque d'insolvabilité
de l'auteur du dommage. La solution repose sur le fait qu'il a
obligé à la vaccination. Or si un dommage est causé
par un médicament autre qu'un vaccin ayant reçu
une autorisation de mise sur le marché, l'Etat n'a pas
obligé la prise de celui-ci. Donc l'Etat ne peut pas être
subrogé en la matière dans les droits de la victime
pour agir contre le fabricant.
Titre II
La responsabilité du
fabricant de médicaments
La responsabilité du fabricant est réglementée
à la fois par la législation et la jurisprudence
française et par la législation européenne.
Nous allons examiner dans un premier chapitre la responsabilité
du fabricant de médicament au regard du droit français
et dans un deuxième, sa responsabilité en application
de la directive du 25 Juillet 1985.
Le fabricant de médicaments, eu égard à son
rôle dans le système de Santé publique, ne
semble pas pouvoir être considéré comme un
fabricant ordinaire. Cependant que l'on soit face à un
fabricant de médicaments ou à tout autre fabricant
comme par exemple un fabricant de jouets ce qui importe c'est
que la sécurité du consommateur soit assurée.
Il faut remarquer que plus le produit est dangereux, plus les
règles destinées à protéger le consommateur
devrait être sévères. En ce qui concerne le
fabricant de médicaments, le régime de responsabilité
diffère et parfois rend l'indemnisation du consommateur
plus difficile. Il convient d'examiner les solutions classiques
de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant (section
I) et ensuite la situation du fabricant de médicaments
(section II).
Section I Les solutions classiques
de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant
Au préalable, il faut remarquer que le fabricant est un
vendeur professionnel de produits. De ce fait, il doit respecter
les obligations d'un vendeur. Elles sont prévues à
l'article 1603 c. civ. Il doit délivrer une chose conforme
à celle prévues par le contrat et doit garantir
la chose qu'il vend. A ces obligations légales s'ajoute
une obligation de renseignement et de conseil et la loi du 21
Juillet 1983 dans son article 1 (devenu l'article L 221-1 du code
de la consommation) met à la charge du vendeur professionnel
une obligation de sécurité. Toute personne ayant
contracté directement avec le fabricant pourra engager
la responsabilité contractuelle de celui-ci s'il n'exécute
pas correctement ses obligations. Parfois, la chose vendue par
le fabricant cause un préjudice à une personne n'ayant
aucun lien avec le fabricant. Il s'agit du consommateur qui a
acheté le bien a un grossiste ou d'un tiers absolu qui
utilise le bien sans l'avoir acheté (prêt, utilisation
familiale). Il n'y a pas de contrat direct. Cependant les situations
de ces deux catégories de personnes sont différentes.
Il faut examiner quelle vont être les actions de la personne
qui a acheté l'objet (§1) et celles de la personne
qui est tiers absolu (§2).
§1 Les actions de l'acheteur
Etant donné qu'il n'existe aucun contrat entre le fabricant
et le consommateur, ce dernier ne peut en principe demander réparation
au fabricant sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Ce serait contraire à l'effet relatif des contrats. Cependant,
la jurisprudence admet un recours contractuel lorsque l'on se
trouve en présence d'une chaîne de contrats translatifs.
Il s'agit de plusieurs contrats qui se succèdent et par
l'effet desquels un même bien change de propriétaire
ou d'utilisateur. C'est le cas des ventes successives d'un fabricant
au grossiste, du grossiste au détaillant, du détaillant
au client mais aussi lorsqu'il y a achat d'un bien pour l'utiliser
ensuite lors d'un contrat de service réalisé pour
le compte d'un client (achat de matériel pour construire
un immeuble). Dans le premier cas, on parle de chaîne homogène
car les rapports juridiques qui se succèdent sont de même
nature et dans le deuxième cas, de chaîne non homogène
car les contrats successifs relèvent de catégories
différentes. A l'intérieur de la chaîne, les
personnes vont agir contre leur contractant direct sur le fondement
de la responsabilité contractuelle. Mais est-il permis
au contractant final (le consommateur du produit dans la plupart
des cas) de se retourner contre le contractant d'origine (le plus
souvent c'est le fabricant).
Avant 1973, la jurisprudence( 18) reconnaissait au sous acquéreur le droit d'exercer l'action en garantie des vices cachés et l'action en dommage et intérêts contre n'importe lequel des contractants constituant la chaîne. En 1973, la Chambre commerciale( 19) opéra un revirement de jurisprudence et décida que le sous acquéreur ne disposait d'aucune action directe contre le premier contractant de la chaîne. A partir de 1978, la jurisprudence distingue entre les chaînes homogènes et les chaînes non homogènes. Dans l'arrêt Lamborghini( 20), la Cour de Cassation permet à nouveau au sous acquéreur d'intenter l'action en garantie des vices cachés contre l'un quelconque des précédents vendeurs. La Cour précise que l'action est " nécessairement " contractuelle. Donc le tiers ne dispose plus d'une option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. En ce qui concerne les chaînes non homogènes, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle( 21). Cette solution a été confirmée par un autre arrêt de la première Chambre civile du 5 Octobre 1983( 22). Toute cette jurisprudence fut remise en cause par deux arrêts du 29 Mai et du 19 Juin 1984( 23). Sur les mêmes faits : un entrepreneur a acheté des tuiles à un fabricant pour la couverture d'une maison dont il lui a été passé commande, les matériaux étant défectueux le maître de l'ouvrage a agit directement en responsabilité contre la fabricant des tuiles, la première et la troisième Chambre civile donnent des solutions différentes. La troisième Chambre retient la nature délictuelle de l'action du maître de l'ouvrage contre le fournisseur de matériaux alors que la première Chambre civile revenant sur sa solution du 27 Janvier 1981 a soutenu une solution contractuelle : le maître de l'ouvrage pouvait selon elle agir directement en garantie des vices cachés contre le fabricant des tuiles défectueuses.
L'Assemblée Plénière a donné raison
à la première chambre civile dans deux arrêts
en date du 7 Février 1986( 24).
La Cour insiste sur la nature " nécessairement
" contractuelle de l'action et compare explicitement la situation
du maître de l'ouvrage à celle du sous acquéreur.
La troisième chambre s'est inclinée( 25).
En 1988, la première Chambre civile a étendu la
nature contractuelle des actions directes au " sous contrat "
c'est à dire au groupe de contrats dans lequel le débiteur
d'une obligation de faire se substitue un tiers pour l'exécution
partielle ou totale de sa prestation. Cet arrêt précise
que le créancier qui agit le fait " dans la double
limite de ses droits et de l'étendue de l'engagement du
débiteur substitué " c'est à dire que
le sous traitant peut opposer au créancier agissant les
exceptions que pourrait lui opposer le débiteur principal
et les exceptions qu'il peut invoquer à l'encontre de son
cocontractant immédiat (le débiteur principal).
La troisième chambre a résisté à cette
évolution notamment dans le secteur de la sous traitance
immobilière( 26).
Face à ces divergences, L'Assemblée Plénière( 27)
saisie du problème de la sous traitance a donné
raison à la troisième chambre. Cette solution établit
une distinction entre les groupes de contrats translatifs (vente/vente,
entreprise/vente et vente/entreprise) dans lesquels les solutions
précédemment dégagées se maintiennent
c'est à dire action " nécessairement "
contractuelle et les groupes de contrats non translatifs (sous
traitance et sous location ) dans lesquels seule une action délictuelle
peut être intentée. Il faut ajouter que la troisième
chambre civile en 1993 est revenu sur des actions directes contractuelles
spécifiques qui existait ponctuellement notamment en matière
de bail.
Quelles sont les actions qui sont transmises ? Il est indiscutable
que la garantie des vices cachés et l'action en conformité
soient transmissibles au sous acquéreur. Cependant cette
question est plus difficile à trancher en ce qui concerne
l'obligation de sécurité et de renseignement. En
ce qui concerne l'obligation de sécurité, il semblerait
depuis un arrêt du 17 Janvier 1995 qui met à la charge
du vendeur professionnel une obligation de sécurité
délictuelle que cette question ne se pose plus. En effet,
peu importe la qualité de la victime pour que cette obligation
de sécurité soit invoquée. La transmission
de l'obligation de renseignement semble être difficile à
accepter. En effet, le renseignement transmis au consommateur
doit il être identique à celui transmis par le fabricant
au grossiste ? Il n'est pas concevable que le consommateur reçoivent
les mêmes informations que le grossiste. En effet, le grossiste
est censé connaître le produit et donc les informations
seront moins importantes que celles qu'il devra transmettre au
consommateur.
§2 L'action du tiers absolu
Le plus souvent, l'action sera fondée sur la faute du fabricant
(A), ou sur la garde de la chose (B). Cependant, le tiers pourra
parfois invoquer la responsabilité contractuelle du fabricant
en se fondant sur la stipulation pour autrui (C).
A La faute du fabricant
Le fabricant peut commettre une faute dans la conception ou la réalisation de la chose et dans les instructions d'emploi, dans le conditionnement ou le stockage du produit. La victime devra établir une faute du fabricant pour pouvoir agir sur le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ.
En ce qui concerne la faute dans la conception ou la réalisation
du produit, celle ci aura souvent donné lieu à un
vice caché dont le tiers aura été victime.
Parfois, la faute est facile à établir lorsque le
fabricant ne respecte pas les normes ou la composition imposée.
Le plus souvent, le vice peut être mis en évidence
mais la faute ne peut être prouvée. Dans ce cas,
le tiers peut agir sur le fondement de l'obligation de sécurité.
En effet, l'article 1 de la loi du 21 Juillet 1983 devenu l'article
L 221-1 du code de la consommation dispose que " les produits
et les services doivent dans des conditions normales d'utilisation
ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles
par le professionnel, présenter la sécurité
à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne
pas porter atteinte à la santé des personnes ".
L'obligation étant prévue par un texte sa violation
constitue une faute. Cependant, dans un arrêt du 17 Janvier
1995( 28), la Cour de
cassation énonce que " le vendeur professionnel est
tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut
de fabrication de nature à créer un danger pour
les personnes ou pour les biens ; qu'il en est responsable tant
à l'égard des tiers que de son acquéreur
". La première Chambre transpose l'obligation de sécurité
qu'elle met à la charge du vendeur professionnel dans ses
relations avec l'acquéreur aux dommages causés par
la chose à des tiers. Il semblerait que la Cour veuille
uniformiser la responsabilité du vendeur afin que les victimes
soient indemnisées de la même façon sans avoir
à rechercher si elles sont parties ou tiers au contrat.
Cette solution peut s'expliquer par le fait que la Cour cherche
à appliquer les dispositions de la directive du 25 Juillet
1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux
qui engage la responsabilité des producteurs pour le défaut
de sécurité des produits qu'ils mettent sur le marché.
La directive ne distingue pas selon la qualité de la victime.
Le défaut d'information constitue une faute contractuelle du fabricant à l'égard de son client. Mais si ce défaut est la cause d'un dommage qui entraîne pour un tiers un préjudice, la responsabilité délictuelle du fabricant pourra être recherchée. Le défaut ou l'insuffisance d'information, d'instruction est un manquement à l'obligation générale de prudence du vendeur fabricant. Ce devoir d'information varie selon que le produit est livré à un profane ou à un professionnel. Plus le produit est dangereux, plus l'information voire la mise en garde doit être importante. Le fabricant doit attirer l'attention de l'utilisateur sur tous les dangers attachés à l'utilisation ou à la conservation du produit. Il semble que la meilleure solution est que l'information suive le produit c'est à dire se trouve inscrite sur le conditionnement. Le fabricant peut-il se décharger de l'obligation d'information sur l'intermédiaire c'est à dire avertir celui ci des dangers, des précautions à prendre sans indications sur le produit ? Cette solution ne parait pas satisfaisante. En effet, le grossiste peut oublier de transmettre l'information à l'acheteur et si le produit n'est pas utilisé par l'acheteur, que celui ci le prête l'utilisateur ne sera pas averti. Il faut que l'utilisateur du produit acheteur ou non soit courant des dangers et des précautions à prendre.
Le dommage peut résulter de mauvaise condition de stockage
ou de conditionnement. Ainsi commet une faute le fabricant qui
stocke un produit inflammable près d'une source de chaleur
ou utilise un contenant en plastique souple pour un produit corrosif
si bien qu'une petite pression sur ce flacon provoque un jet de
produit.
B La responsabilité du fait des
choses
Le fondement de ce recours est l'article 1384 alinéa 1
c. civ. : " on est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé
par le fait (
) des choses que l'on a sous sa garde ".
La victime d'un dommage causé par une chose va rechercher
qui est le gardien de cette chose. Dans la plupart des cas, ce
sera un vendeur mais pas le fabricant. La chose doit avoir un
rôle actif. elle est présumée avoir un rôle
actif lorsqu'elle est en mouvement et qu'elle est entrée
en contact avec la victime. Quand il n'y a pas de contact avec
la victime ou si la chose est inerte, celle ci doit rapporter
la preuve du rôle actif. Selon la Cour de Cassation est
gardien la personne qui a l'usage, la direction et le contrôle
de la chose( 29) . Le
propriétaire de la chose est présumé être
le gardien de celle ci. Cette présomption est simple et
tombe en cas de preuve contraire si on démontre que le
propriétaire a transféré la garde à
un tiers. Ce transfert peut être un acte juridique ou résulter
d'une simple situation de fait.
Cependant, il y a des cas où l'application de cette notion telle qu'elle est définie par l'arrêt Franck aboutisse à une situation différente de la réalité. En effet, la faute du détenteur considéré comme gardien n'est pas possible. C'est le cas, lorsque le dommage est causé par un vice de la chose.
La doctrine a proposé un fractionnement du pouvoir sur
la chose( 30). Certains
dommages sont dus au comportement de la chose c'est à dire
à la manière dont elle est utilisée, contrôlée,
surveillée et d'autres sont dus à la structure de
la chose, à son état, à la manière
dont elle est constituée. Après quelque hésitation,
la jurisprudence a admis cette distinction dans l'affaire de l'oxygène
liquide( 31). Elle a
précisé les conditions d'application de cette distinction.
Tout d'abord, elle ne doit s'appliquer qu'à des choses
qui ont un dynamisme propre et dangereux. Il s'agit par exemple
de bouteilles contenant un gaz comprimé, postes de télévision
Ensuite, il faut attribuer la garde. Le choix s'opère entre
le détenteur, le propriétaire et le fabricant de
la chose. Le fabricant serait gardien de la structure. Le dommage
causé par une chose dotée d'un dynamisme propre
est présumé être due à sa structure
c'est à dire qu'elle est présumée avoir été
infectée d'un vice interne, sauf preuve contraire apportée
par le gardien de la structure c'est à dire le fabricant.
La division de la garde n'est admissible que lorsque le dommage
peut être attribué seulement à la structure
de la chose, qu'il n'a pas provoqué ni par le gardien du
comportement, ni par la victime, ni par la vétusté
de la chose et qu'il n'est pas du à la fois à la
structure et au comportement de la chose. Si ce n'est pas le cas,
on retient la responsabilité du gardien. Il faut souligner
que le gardien de la structure et celui du comportement ne peuvent
pas être condamnés in solidum car la garde
est alternative.
C La stipulation pour autrui
La responsabilité contractuelle du fabricant peut également être engagée sur le fondement de la stipulation pour autrui (art. 1121 c. civ.). En effet, l'article 1165 c. civ. prévoit que les tiers peuvent profiter d'un contrat dans ce cas. La stipulation pour autrui est un contrat par lequel une personne (le promettant) promet à une autre (le stipulant) d'exécuter une prestation en faveur d'un tiers (le bénéficiaire). Pour que ce contrat soit valable, il faut, tout d'abord, que le contrat conclu entre le promettant et le stipulant soit valable. La stipulation pour autrui est une opération accessoire greffée sur ce contrat. D'après les articles 1119 et 1121 c. civ., il semble que le nombre des contrats dans lesquels peut être insérée une stipulation pour autrui est limité. Il s'agit de la stipulation que l'on fait pour soit même, de la stipulation au profit d'un tiers lorsque " telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Cependant, il est fait une interprétation large de ces textes par la jurisprudence. Les tribunaux admettent la stipulation tacite par interprétation de la volonté.
Ensuite, le tiers bénéficiaire doit être déterminé ou déterminable. En l'espèce, le promettant serait le fabricant, le stipulant serait le vendeur et le bénéficiaire serait le consommateur du produit. Le bénéficiaire n'est pas obligé d'avoir donné son consentement. Cependant, il va de soi que s'il demande au promettant de s'exécuter c'est qu'il aura implicitement accepté la stipulation. Le bénéficiaire peut agir contractuellement contre le promettant. Il dispose d'une action directe et personnelle en réparation du préjudice que lui cause l'inexécution de l'obligation contractée à son égard. Ainsi, on va considérer que le vendeur a stipulé au profit du consommateur qui va pouvoir mettre en cause le fabricant sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans les mêmes conditions qu'aurait pu le faire personnellement le vendeur. Il va donc pouvoir invoquer la garantie des vices, l'obligation de renseignement, l'obligation de conformité et l'obligation de sécurité.
Après avoir rappelé les solutions classiques de
responsabilité du fabricant, il convient d'examiner la
situation spécifique du fabricant de médicaments.
Section II Le fabricant de
médicaments
La fabrication des spécialités pharmaceutiques ne
peut être effectuées que dans des établissements
pharmaceutiques. Cet établissement doit être la propriété
d'un pharmacien ou d'une société à la gérance
ou à la direction générale à laquelle
participe un pharmacien. Celui ci est appelé pharmacien
responsable. Il est personnellement responsable du respect des
dispositions du CSP concernant la fabrication des médicaments.
La société est responsable solidairement avec celui-ci.
Pour des raisons de solvabilité et de simplification, l'action
est presque toujours intentée contre la société
dont il est le représentant légal. Par la suite
la société pourra exercer l'action récursoire
prévue à l'article 1214 c. civ. contre le pharmacien
responsable. En pratique, c'est l'assureur qui règle le
sinistre et il sera subrogé dans les droits de la société.
Si l'action en responsabilité civile est intentée
contre le pharmacien personnellement, elle est de nature délictuelle.
Il n'y a en effet aucun lien contractuel entre celui ci et le
répartiteur de médicaments, le pharmacien d'officine
et le consommateur. Il peut également engager sa responsabilité
pénale et sa responsabilité disciplinaire. La société,
fabricant de médicaments, peut également engager
sa responsabilité pénale ou se voir retirer l'autorisation
d'ouverture. Sa responsabilité civile peut être mise
en jeu. Elle doit, en effet, respecter les obligations spécifiques
posées par le CSP (§1) en plus des obligations classiques
de tout fabricant. Cependant, la nature de sa responsabilité
civile est controversée et les solutions du droit commun
ne sont pas toujours appliquées (§2).
§1 Les obligations spécifiques
du fabricant de médicaments
Tout d'abord, le fabricant de médicaments doit obtenir
une autorisation de mise sur le marché. Cette étape
est un préalable à la commercialisation du médicament.
La mise en vente d'une spécialité pharmaceutique
sans autorisation constitue un délit réprimé
par l'article L 518 CSP( 32).
Ensuite, il doit effectuer un contrôle des différents
produits utilisés, préparés et délivrés.
Ce contrôle est prévu à l'article R 5115-7
CSP qui dispose que " les pharmaciens fabricants doivent
pouvoir justifier, à tout moment, que tous les produits
qu'ils utilisent, préparent et délivrent sont conformes
aux caractéristiques auxquelles ils doivent répondre
et qu'il a été procédé aux contrôles
nécessaires ". Il y a donc une garantie de conformité
à la formule mais également une garantie de conformité
des produits utilisés. Ainsi, dans l'affaire du Stalinon
ni le produit utilisé, ni le produit fini n'avaient été
contrôlés. Cette obligation de conformité
est une obligation de résultat. Le seul fait que la formule
du produit soit différente de celle qui a reçu l'autorisation
de mise sur le marché engage la responsabilité disciplinaire
et civile, à condition dans ce dernier cas que les conditions
de la responsabilité soient remplies, du pharmacien responsable
mais également celle du fabricant de médicaments.
Le défaut de contrôle est également une infraction
pénale prévue à l'article L 518 CSP.
Enfin, l'obligation d'information est prévue explicitement par les articles R 5143 à R 5143-5 du CSP. Il s'agit de l'étiquetage et de la notice. Ces articles sont issus du décret du 5 Janvier 1994 et ne sont applicables qu'aux spécialités dont l'autorisation de mise sur le marché a été accordée après la publication de ce décret au Journal Officiel c'est à dire le 9 Janvier 1994. Ils ne seront applicables aux spécialités déjà sur le marché à cette date qu'à compter du premier renouvellement quinquennal de l'autorisation de mise sur le marché ou à l'occasion de toute modification. Ce décret a pour but de mettre la législation française en conformité avec la directive communautaire du 31 Mars 1992. Il faut remarquer que l'information est destinée à trois catégorie de personnes : les prescripteurs, les pharmaciens et les consommateurs. La notice et l'emballage ainsi que la publicité( 33) pour les médicaments dits en vente libre sont destinées à informer plus particulièrement les consommateurs alors que d'autres moyens sont mis en place par les fabricants pour informer les professionnels de la santé.
En ce qui concerne l'étiquetage, celui-ci doit comporter les mentions prévues à l'article R 5143 CSP qui doivent être " inscrites de manière à être facilement lisibles, clairement compréhensibles et indélébiles ". Ces différentes mentions concernent la dénomination du produit, sa composition, sa forme pharmaceutique, le numéro de lot de fabrication, la date de péremption, le nom de l'exploitant et le cas échéant celui du fabricant. Ces indications pouvaient être avant le décret du 5 Janvier 1994 complétées par des arrêtés du ministère de la Santé. Aujourd'hui, doivent également figurer obligatoirement sur l'emballage, la liste de certains excipients, la mention " Ne pas laisser à la portée des enfants ", mise en garde si celle-ci s'impose, les précautions particulières de conservation, d'élimination des produits non utilisés ; pour les médicaments non soumis à prescription, l'indication thérapeutique ainsi que des indications financières. Certaines informations peuvent être explicitées sous la forme de dessins en complément des informations écrites. Toutes ces mentions sont rédigées en français. Il existe des dérogations pour des produits particuliers comme les ampoules.
En ce qui concerne la notice, celle-ci est devenue obligatoire
(art. R 5143-4 CSP). Avant le décret du 5 Janvier 1994,
elle était facultative. Son contenu est prévu à
l'article R 5143-5 CSP. Elle doit permettre l'identification du
produit, contenir les indications thérapeutiques, les informations
nécessaires avant la prise du médicament relatives
aux contre indications, aux précautions d'emploi, aux interactions
et les instructions nécessaires au bon usage du produit
ainsi que les effets indésirables. Elle doit être
rédigée en français, " en terme aisément
compréhensibles pour l'utilisateur et suffisamment lisibles".
L'introduction de la directive a permis de renforcer la protection
du consommateur de médicaments. En effet, la notice et
les indications du conditionnement doivent être accessibles
à tous. Elles doivent être lisibles, compréhensibles.
Les termes employés ne seront plus des termes spécifiques
tels que antalgique (calme la douleur), antipyrétique (fait
baisser la fièvre), anxiolytique ou s'ils figurent dans
la notice, ils devront être expliqués. De même,
les caractères des notices devront être suffisamment
gros pour que des personnes ayant la vue basse puisse les lire.
On peut également recommander aux fabricants de faire des
notices en braille et de faire figurer des schémas explicatifs
lorsque l'utilisation du produit nécessite une préparation
particulière pour éviter des mauvaises manipulations.
La Cour d'appel de Paris( 34)
a condamné un fabricant de médicaments car l'indication
thérapeutique portée sur la boite était insuffisante.
Après l'absorption de Xylomucine, la patiente présenta
des accidents occlusifs graves. Elle demanda réparation
au laboratoire fabricant. Celui ci affirma qu'elle ne s'était
pas conformée à la posologie. La Cour relève
que l'unique posologie portée sur la boite : " une,
deux ou trois cuillerées à dessert au milieu des
repas " était à " elle seule insuffisante
à mettre en garde les malades contre les dangers résultant
de l'absorption du produit entre les repas ". L'obligation
d'information n'a pas été exécutée
correctement par le fabricant.
Les professionnels de l'industrie du médicament, conscients du fait que les différentes catégorie d'utilisateurs de médicaments devaient être informés, ont convenus de l'établissement d'un " code de bonnes pratiques d'information "( 35). Ce code reprend toutes les dispositions législatives et réglementaires prévues par le CSP et prévoit des dispositions d'autodiscipline. Outre la notice et l'emballage, les prescripteurs peuvent être informés par d'autres moyens.
Ils peuvent, tout d'abord, être informés oralement. Cette information sera soit personnalisée, soit collective.
Lorsqu'elle est personnalisée, elle est assurée par les visiteurs médicaux. Selon l'article R 5052-1 al. 2 CSP " toute présentation orale d'une spécialité pharmaceutique doit être accompagnée de la remise d'une fiche signalétique comportant le résumé des caractéristiques du médicament prévu à l'article R 5128-1 CSP ainsi que les mentions exigées par la législation sur les prix et la législation sociale ". Le résumé des caractéristiques du produit correspond aux monographies figurant dans le dictionnaire des spécialités et contrôlées par le ministre chargé de la santé.
L'information orale collective est celle qui est assurée lors de manifestations regroupant un grand nombre de personnes (congrès, colloque ).
Ensuite, l'information des prescripteurs peut être assurée
par écrit c'est à dire par l'envoi de fiches signalétiques.
Le Vidal regroupe toutes les spécialités avec leur
monographie qui est un résumé des caractéristiques
du produit. La plupart des médecins le possède mais
cela n'est pas obligatoire. La notice est surtout destinée
à informer le consommateur sur l'utilisation du produit.
Le médecin se référera au Vidal et aux fiches
fournies par le laboratoire, ce qui constitue une information
précise et complète. Il faut remarquer que l'information
est proportionnelle à la compétence. En effet, l'information
doit être très détaillée pour permettre
au médecin de choisir au mieux la thérapeutique
correspondant à la maladie. Par contre envers le consommateur,
les informations doivent être suffisantes pour lui permettre
l'utilisation du médicaments dans les meilleures conditions
possibles mais sans l'inquiéter. Cette conception est contraire
au droit commun dans lequel l'information du consommateur doit
être la plus précise possible alors que le professionnel
est censé connaître le produit qu'il vend.
Malgré cet encadrement de l'information, il faut remarquer que l'information donnée en France n'est pas suffisante par rapport à l'information donnée dans les pays étrangers. Ainsi concernant les effets indésirables du Hadol (un neuroleptique), le Vidal leur consacre quatorze lignes alors que le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, son équivalent canadien, leur en consacre cent vingt six. De même en ce qui concerne le Prozac : en France, on recense vingt quatre effets secondaires alors qu'au Canada il y a deux cent( 36).
La protection du consommateur est également réalisée
par le pharmacien d'officine. En ce qui le concerne, ce sont les
informations sur l'emballage qui doivent être claire et
ne pas l'induire en erreur notamment en ce qui concerne la composition
du produit. Si l'information n'est pas claire, le fabricant va
engager sa responsabilité civile et pénale le cas
échéant. Ainsi dans l'affaire du sérum hypertonique
et physiologique, le tribunal de Clermont Ferrand( 37)
a condamné le laboratoire car il y avait " dénomination
non conforme et faute professionnelle de terminologie pharmaceutique
", le conditionnement prêtait à confusion ",
les précautions nécessaire à la différenciation
n'avaient pas toutes été prises et l'étiquetage
était incohérent. De plus ce n'est pas parce que
la composition du médicament est indiquée sur l'emballage
et que les contre indications sont connues par les professions
médicales que le fabricant peut ne pas les indiquer sur
l'emballage. La première Chambre civile a statué
dans ce sens en ce qui concerne des produits vétérinaires
et cette décision est applicable aux médicaments
destinés à la médecine humaine. La Cour( 38)
a énoncé que " le fabricant d'un produit doit
fournir tous les renseignements indispensables à son usage
et, notamment, les contre indications ". Il faut remarquer
que l'article 10.3 al. 1 du code de bonnes pratiques d'informations
dispose que " les pharmaciens doivent être informés
au même titre que le médecin " et selon al.
3 " il est souhaitable que soient portés à
leur connaissance ceux des éléments techniques auxquels
ils peuvent être confrontés et notamment les données
plus spécifiquement pharmaceutiques des produits ".
Le fabricant doit assurer un suivi de l'information et doit modifier les indications de l'emballage et de la notice s'il a connaissance par exemple d'un nouvel effet secondaire, d'une nouvelle interaction et informer le corps médical. Ainsi, la Cour d'appel de Paris( 39) a retenu la responsabilité pour faute d'un laboratoire. En l'espèce, la possibilité de survenance d'effets secondaires graves d'un produit avait été signalé dans la littérature médicale spécialisée à partir de 1970. Le produit a causé un préjudice à une patiente en 1982 et le fabricant n'a averti le corps médical de ces effets qu'en 1985. La Cour retient que le laboratoire est responsable car il " a informé tardivement les médecins, en l'état des données acquises de la science alors que l'influence toxique d'un des composants de ce médicament avait été dénoncé par plusieurs articles et un thèse en doctorat dix ans auparavant ". Ainsi, il manque à son obligation d'information.
Après avoir examiné les obligations spécifiques
du fabricant de médicaments, il convient de rechercher
la nature de sa responsabilité.
§2 La nature de la responsabilité
du fabricant de médicaments
La responsabilité du fabricant est elle délictuelle
ou contractuelle ? La question n'a jamais été tranchée
en ca qui concerne l'action de l'acheteur de médicaments
contre le fabricant. Le tiers non acheteur de médicaments
agira contre le fabricant sur la fondement de la responsabilité
délictuelle, aucun lien n'existant directement ou indirectement
vis à vis du fabricant. En ce qui concerne l'acheteur des
médicaments, les deux thèses coexistent. Il semblerait
cependant que la doctrine et la jurisprudence aient une préférence
pour la responsabilité délictuelle. Ainsi Monsieur
Viandier est favorable au principe d'exclusivité de la
voie délictuelle en matière d'accidents pharmaceutiques( 40).
De même, Monsieur Viratelle affirme que la responsabilité
du fabricant n'est pas contractuelle puisqu'il n'y a pas de contrat
entre la victime et le fabricant( 41).
La Cour d'appel de Paris le 4 Juillet 1970( 42)
retient la responsabilité délictuelle du fabricant.
En l'espèce, un médicament le Dig Bill injecté
par voie intra musculaire a donné lieu à la formation
de trois abcès graves. Ceux ci ont du être opérés
et des greffes de peau ont été nécessaires.
La patiente demanda réparation de son préjudice
au laboratoire. En première instance, les juges ont considéré
que les fabricants de produits pharmaceutiques sont tenus "
contractuellement " à une obligation de sécurité.
La Cour d'appel relève qu'il n'existe pas de contrat entre
le fabricant et l'utilisateur d'un produit pharmaceutique car
l'article R 5115-1 CSP prohibe ce contrat. La Cour d'appel exclut
également la stipulation pour autrui en relevant qu'il
n'existe pas de rapport direct entre le fabricant et le pharmacien
d'officine et que ce dernier " n'a aucun intérêt
à stipuler la sécurité " du consommateur.
Elle considère " que le seul terrain sur lequel peut
être recherchée la responsabilité est celui
des articles 1382 et 1383 du c. civ. ". En l'espèce,
elle énonce qu'aucune faute n'est imputable au laboratoire
et déboute la patiente de sa demande. Plus récemment
la Cour d'appel de Versailles, le 25 Juin 1992( 43)
a rappelé que la responsabilité d'établissement
de préparation, de vente en gros ou de distribution en
gros de médicaments à l'égard de l'utilisateur
doit être recherchée sur le fondement des articles
1382 et 1383 du c. civ. et que l'article R 5115-1 CSP prohibe
tout contrat entre fabricant et consommateur. La Cour d'appel
de Paris, dans l'affaire Thorens( 44),
a pris position en faveur de la responsabilité délictuelle.
Elle avait débouté Monsieur Thorens de son action
en garantie des vices contre les laboratoires Merell Toraude et
la société Labaz au motif que " le seul terrain
sur lequel peut être recherchée la responsabilité
des laboratoires est celui des articles 1382 et 1383 du c. civ.
".
Pourquoi les juridictions ne retiennent que le fondement des articles
1382 et 1383 du c. civ.? L'utilisateur ne pourrait-il pas agir
sur le fondement de l'article 1384 al.1 c. civ. Dans ce cas, l'appréciation
délictuelle de la responsabilité du fabricant de
médicaments serait plus favorable à la victime.
On pourrait appliquer la théorie de la garde de la structure
et du comportement et le fabricant serait le gardien de la structure.
Dans un arrêt du 15 Juin 1972( 45),
la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour
d'appel d'Aix en Provence qui déclare responsable le laboratoire
sur le fondement de l'article 1384 al.1 c. civ. En l'espèce,
il s'agissait d'une ampoule contenant un médicament. Cette
ampoule a explosé et a blessé la personne a qui
elle avait été remise par le préposé
du médecin. Celui-ci détenait l'ampoule depuis plus
de dix ans et une notice dans la boite insistait sur l'altérabilité
du produit mais la boite ne fut pas ouverte ni par le médecin,
ni par l'infirmière. Malgré cette faute, la Cour
d'appel a retenu la responsabilité du laboratoire sur le
fondement de l'article 1384 al. 1 c. civ. et la Cour de cassation
cassa cet arrêt. Cela signifie-t-il que l'article 1384 al.
1 n'est pas applicable aux médicaments ? La réponse
est assurément non. En effet, la situation décrite
dans cet arrêt était très particulière
et la Cour a considéré que le transfert de garde
avait eu lieu au profit du médecin car l'état défectueux
de l'ampoule pouvait être décelé sans aucun
problème par celui ci. Il apparaît donc que l'article
1384 al. 1 associé à la théorie de la garde
de la structure et du comportement pourrait être un fondement
pour engager la responsabilité du fabricant. Une objection
pourrait apparaître quant au dynamisme propre du médicament.
Le dynamisme du médicament existe quand on est en présence
d'un médicament sous forme d'ampoule, de spray, d'aérosol
Ce
n'est pas le cas pour d'autres sous forme de comprimés
par exemple. Ce fondement ne peut être utilisé que
pour certains médicaments.
L'article R 5115-1 CSP dispose que " les établissements visés à l'article L 596 ne sont pas autorisés à délivrer au public les produits visés aux premièrement et au deuxièmement de l'article L 512 ". Cet article interdit la vente directe au consommateur de médicaments. En effet, compte tenu du monopole de distribution reconnu aux pharmaciens, un fabricant ne peut délivrer des médicaments qu'aux grossistes répartiteurs, aux pharmaciens d'officine ou aux pharmacie à usage interne. Est-ce suffisant pour refuser l'action contractuelle contre le fabricant au consommateur ? Malgré cette interdiction, il existe une chaîne de vente qui se crée entre le fabricant et le consommateur. Par application de la théorie des groupe de contrats, il y a transmission de l'action contractuelle à l'acheteur du médicament qui peut donc former une action en responsabilité sur le fondement contractuel.
Les tribunaux retiennent également la responsabilité contractuelle. Ainsi, la Cour d'appel de Rouen, le 14 Février 1979( 46), a énoncé " qu'il se forme implicitement mais nécessairement et malgré l'intervention d'intermédiaires, entre le pharmacien fabricant et l'utilisateur du médicament un véritable contrat spécifique analogue à celui existant entre le médecin et son malade ". Dans l'affaire Thorens, la première chambre civile semble favorable à la thèse de la responsabilité contractuelle.
Monsieur Thorens, à la suite d'un traitement associant de la Cordarone et du Pexid, présenta des troubles neurologiques qui entraînèrent son hospitalisation. Il s'avéra que ces troubles étaient dus à l'association des deux médicaments. Monsieur Thorens assigna les médecins et les laboratoires fabricant afin d'obtenir réparation du préjudice subi. La demande est fondée sur la garantie des vices cachés. La Cour d'appel de Paris rejette le bénéfice de la garantie des vices au motifs que la responsabilité des laboratoires ne peut être recherchée que sur le terrain de la responsabilité délictuelle car il n'existe aucun contrat entre le consommateur et les laboratoires. Monsieur Thorens forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté le 8 Avril 1986( 47). En effet, même si elle confirme la solution de la Cour d'appel, elle ne le fait pas au motif que la responsabilité des laboratoires ne peut être recherchée que sur le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ. mais parce que les conditions de la garantie des vices ne sont pas remplies. Elle énonce que " le vice caché étant nécessairement inhérent à la chose elle-même, ne peut résulter de l'association de deux médicaments ". En acceptant de statuer sur la garantie des vices, elle admet implicitement l'action contractuelle du consommateur de médicaments contre le fabricant.
Il faut remarquer que le consommateur dispose aujourd'hui d'un
autre moyen de défense. En effet, d'après l'arrêt
du 17 Janvier 1995, la sécurité du consommateur
doit être assurée par le fabricant tant vis à
vis de son contractant que des tiers. Dans l'affaire Thorens,
les médicaments ont causé un dommage à l'utilisateur.
Par application de la solution de cet arrêt, le patient
pourrait aujourd'hui, se retourner contre les laboratoires sur
le fondement de l'obligation de sécurité extra contractuelle.
Malgré cette nouvelle possibilité qui s'offre au
consommateur, il serait normal de lui reconnaître la possibilité
de se retourner contractuellement contre le fabricant de médicaments
par application de la théorie des groupes de contrats.
Ainsi, le consommateur pourrait bénéficier de la
garantie des vices cachés et reprocher au fabricant la
mauvaise exécution de ses obligations.
La responsabilité contractuelle n'est-elle pas exclue pour
éviter l'indemnisation du risque de développement
prévu par la directive du 25 Juillet 1985 sur la responsabilité
du fait des produits défectueux?
Le Conseil des communautés européennes a édicté
une directive le 25 Juillet 1985( 48)
pour harmoniser les règles applicables en matière
de responsabilité du fait des produits défectueux
dans les différents pays de la communauté européenne.
Selon l'article 19 de ce texte, la directive devait être
introduite en droit interne dans l'ensemble des Etats membres,
au plus tard trois ans à compter de sa notification, laquelle
est intervenue le 30 Juillet 1985, soit le 30 Juillet 1988. La
France n'a toujours pas satisfait à cette obligation communautaire.
Il convient d'examiner le régime de responsabilité
prévu par la directive (section I) et l'état actuel
du droit français (section II).
Section I Le régime
de responsabilité prévu par la directive
Après la présentation générale du
régime de responsabilité (§1), on s'attardera
sur la notion de risque de développement (§2).
§1 Présentation générale
du régime de responsabilité
La directive pose des conditions communes de responsabilité
(A) et permet des dérogations (B).
A Les conditions communes
Il faut examiner les conditions de fond, de forme et les causes
d'exonérations.
1) Les conditions de fond
L'article 1 de la directive dispose que " le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ". Selon l'article 4 " la victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et la dommage ". Il s'agit donc d'un régime de responsabilité sans faute puisque la victime ne doit pas prouver une faute de la part du producteur. Pour que la responsabilité soit mise en oeuvre, il faut que le produit soit défectueux. La définition d'un tel produit est prévue à l'article 6 de la directive. Le défaut peut avoir sa source dans la conception, la fabrication, un manquement d'information. Le caractère défectueux du produit est déterminé par rapport au défaut de sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Cette formule figure dans l'article 1 de la loi du 21 Janvier 1983.
Ensuite, ce défaut doit avoir causé un dommage.
L'article 9 définit ce dommage. Il s'agit du dommage corporel
ou de la mort mais aussi de la destruction d'une chose autre que
le produit défectueux. Cependant, en ce qui concerne les
biens, la réparation est limitée aux choses destinées
normalement à l'usage ou à la consommation privée
et que la victime utilise pour son usage ou sa consommation privée.
Il est permis de penser que la réparation pourra s'étendre
aux dommages moraux et au pretium doloris. En effet, l'article
9 al. 2 dispose que " le présent article ne porte
pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux
dommages immatériels ". Lors de l'introduction
de la directive dans la législation française, le
législateur pourra donc prévoir l'indemnisation
d'un tel dommage.
2) Les conditions de forme
L'article 13 de la directive prévoit le cumul du régime de responsabilité prévu par la directive avec ceux existant dans la législation de l'Etat membre. Ainsi tout en conservant ses actions délictuelles ou contractuelles, l'acheteur du produit pourra en outre invoquer les dispositions prises en application de la directive.
Ensuite, elle prévoit deux délais. L'article 10
prévoit un délai de prescription classique de l'action
qui est de trois ans à compter de la date à laquelle
le plaignant a eu connaissance du dommage, du défaut et
de l'identité du producteur. Un autre délai de dix
ans à compter de la mise en circulation du produit est
prévu par l'article 11. Ce délai éteint la
responsabilité du producteur. Ainsi, le producteur ne sera
pas responsable à vie des défauts de son produit.
Cependant, les actions en cours ne sont pas atteinte par cette
prescription. Cette disposition est critiquable. En effet, si
l'on admet que le producteur doit assurer un suivi de son produit,
ce délai lui permet au bout de dix ans de se désintéresser
totalement de son produit.
3) Les causes d'exonération
L'article 8 concerne la faute de la victime. La prise en compte de la faute de la victime est facultative selon la directive. Ainsi, l'article 8-1 précise que la responsabilité du producteur ne sera pas réduite si le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par l'intervention d'un tiers. C'est le cas lorsque le dommage résulte à la fois de la vitesse excessive d'un véhicule et de la défaillance de son système de freinage. L'article 8-2 précise que " la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ".
L'article 7 permet au producteur de faire la preuve de certains
faits qui écarteront sa responsabilité. C'est le
cas par exemple lorsque le producteur n'a pas mis le produit en
circulation. La définition de la mise en circulation est
donnée par la convention de Strasbourg. C'est lorsque le
producteur a remis le produit à une autre personne. C'est
parce qu'il a mis le produit sur le marché que le producteur
en est responsable. Le problème est de déterminer
à quel moment cette introduction a eu lieu. En effet, le
produit peut être stocké par le revendeur pendant
un certain temps avant que le consommateur puisse y avoir accès.
Dans ce cas doit-on considérer que la mise sur le marché
a lieu lors de la remise du produit au revendeur c'est à
dire avant le stockage ou lors de la mise à disposition
du produit au consommateur? D'après la définition
de la convention, c'est la première solution qu'il faut
retenir.
B Les dérogations
Les pays membres peuvent soit limiter la responsabilité
prévue par la directive, soit l'étendre.
1) Les limitations
Cette limitation peut être financière comme le prévoit
l'article 16-1 de la directive. Les Etats membres peuvent prévoir
un montant global pour les dommages résultant de la mort
ou de lésions corporelles causés par des articles
identiques présentant le même défaut.
2) Les extensions
Elles sont au nombre de deux. Tout d'abord, l'article 15-1 a)
permet l'application de la directive aux matières premières
agricoles et au produits de la chasse. Ensuite, l'article 15-1
b) permet de mettre à la charge du producteur les risques
de développement.
§2 La notion de risques de développement
Le risque de développement est le " défaut d'un produit que le producteur, ou bien celui qui lui est assimilé, n'a pas pu découvrir, ni éviter, pour la raison que l'état des connaissances scientifiques et techniques, objectivement accessibles à sa connaissance lors du moment de la mise en circulation du produit, ne lui permettait pas "( 49).
L'article 7 e de la directive prévoit que " le producteur n'est pas responsable en application de la présente directive s'il prouve ( ) que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui, n'a permis de déceler l'existence du défaut ". Elle a accompagné cette disposition par une option. L'article 15 permet à tout état membre de ne pas retenir cette cause d'exonération. Seul le Luxembourg a écarté la notion de risque de développement. L'Allemagne quant à elle admet le risque de développement comme cause d'exonération mais pour les médicaments prévoit un régime dérogatoire qui exclut le risque de développement des causes d'exonération.
Cette notion peut être invoquée par le producteur
et par toutes les personnes qui lui sont assimilées (art.
3-1 directive). Le risque de développement concerne les
produits défectueux tels qu'ils ont été définis
plus haut. Il ne peut pas être invoqué parce qu'un
produit plus performant a été mis sur le marché
postérieurement.
Pour être exonéré, le producteur doit établir qu'il a respecté l'état " des connaissances scientifiques et techniques lors du moment de la mise en circulation du produit ". Premièrement, il faut déterminer l'état des connaissances. Il s'agit des " connaissances scientifiques et techniques à l'échelle mondiale "( 50). Il faut tenir compte des doctrines, des thèses, des opinions minoritaires Ainsi, en ce qui concerne les effets secondaires du Prozac, les fabricants devraient tenir compte des informations canadiennes. Si un dommage survient alors que cet effet n'était pas prévu en France mais l'est au Canada et à supposer que l'exonération pour risque de développement soit reconnue, le fabricant ne pourra pas l'invoquer. Donc pour être exonérer, le producteur doit tenir compte de ces informations. Cependant, se pose le problème de la mise à disposition des informations aux producteurs. Doit-on apprécier l'accessibilité in concreto ou in abstracto ? Le fait d'apprécier in concreto l'accès aux informations créerait une inégalité entre les fabricants. Il semble qu'elle doit se faire in abstracto. On doit partir d'un modèle : le producteur idéal. Il faut rechercher toutes les informations que ce producteur idéal a recueilli. Pour cela, les renseignement doivent être accessibles. Ils ne le seront que s'ils sont mis à la disposition du public c'est à dire publiés ou exposés lors de conférences. Tous les travaux ne donnant pas lieu à une telle publicité ne peuvent pas être pris en compte. De plus, il faut accorder au producteur un certain temps pour assimiler les différentes informations. Mais remarquons, qu'il ne doit pas mettre un produit sur le marché s'il n'a pas pu prendre connaissance de tous les renseignements mis à sa disposition. L'état des connaissances est apprécié au moment de la mise sur le marché.
Après avoir exposé les règles générales,
il convient d'examiner la situation de la France au regard de
la directive et plus particulièrement au regard du risque
de développement.
Section II La situation de
la France
Il faut dans un premier temps examiner la situation des fabricants
au regard du risque de développement et dans un deuxième
temps examiner si la directive n'a pas d'effet en France malgré
sa non transposition.
§1 Les fabricants et le risque de
développement
Le droit français n'exonère pas en principe le fabricant
pour risque de développement (A), sauf en ce qui concerne
le fabricant de médicaments (B).
A Absence d'exonération du fabricant
Lorsque l'on se trouve dans le cadre des groupes de contrat où l'action contractuelle est transmise au sous acquéreur, ce qui est admis dans tous les cas où l'on se trouve en présence d'un consommateur autre qu'un consommateur de médicament, le fabricant doit indemniser le risque de développement.
En effet, lorsque la victime agit sur le fondement de la garantie
des vices, elle doit faire la preuve d'un vice caché ayant
causé le dommage et prouver que le vendeur ou le fabricant
avait connaissance de ce vice pour obtenir des dommages et intérêts.
Face à un vendeur, à un fabricant qui sont des professionnels,
la jurisprudence présume leur connaissance du vice. Or
le risque de développement est un vice caché. En
effet, il est inhérent à la chose, antérieur
à la vente et caché car il était inconnu
de tous.
Qu'en est il des autres obligations du fabricant ? Tout d'abord
en ce qui concerne l'obligation de délivrance, le vendeur
doit délivrer un produit conforme et cette obligation est
une obligation de résultat. Donc le risque de développement
ne peut être invoqué par le fabricant pour s'exonérer.
Ensuite, l'obligation d'information est en général
une obligation de moyen. En effet, le professionnel doit se renseigner
pour pouvoir informer le consommateur mais cette information ne
peut se faire que dans la mesure où cela est possible.
Dans ce cas, il y aura exonération pour risque de développement
car dans un tel cas l'information n'est pas possible car elle
est inconnue. Enfin, il faut s'intéresser à l'obligation
de sécurité. Elle impose au vendeur, au fabricant
de livrer un produit exempt de tout défaut pouvant créer
un danger et semble être une obligation de résultat.
Dans ce cas, elle inclut le risque de développement et
l'exonération n'est plus possible.
Lorsque la victime agit sur le fondement délictuel, le
fabricant peut il invoquer le risque de développement ?
Si le fondement est l'article 1382 c. civ., le tiers au contrat
va essayer de prouver que le fabricant a commis une faute en violant
une obligation contractuelle et que cette violation lui a causé
un dommage. La possibilité d'invoquer le risque de développement
est la même qu'en matière contractuelle. Si le fondement
est l'article 1384 al. 1 c. civ., le risque de développement
ne constituera une cause d'exonération que s'il est assimilable
à la force majeure, seule cause d'exonération possible.
Pour être assimilable à la force majeure, le risque
de développement doit être extérieur, imprévisible
et irrésistible. Est ce le cas ? Il est imprévisible
et irrésistible. Par contre en ce qui concerne l'extériorité,
l'événement doit être étranger à
la chose elle même. Or le risque de développement
est attaché à la chose elle même. Donc le
risque de développement n'est pas un cas de force majeure.
B Le fabricant de médicaments
L'absence de prise de position ferme quant à la nature de l'action de l'utilisateur de médicaments contre le fabricant semble être due à la volonté des tribunaux de ne pas indemniser le risque de développement. Comme la responsabilité est le plus souvent délictuelle, il faudra que la victime prouve une faute du fabricant pour être indemnisée. Or le risque de développement n'est pas une faute.
En ce qui concerne l'obligation de renseignements, les juges énoncent que " la loi ne met pas à la charge du laboratoire, l'obligation de prévoir tous les risques présentés par le médicament dans tous les cas ". Nous avons vu que l'obligation de renseignement était une obligation de moyen, donc la solution de la Cour est identique à celle prévue pour le fabricant d'un autre produit que le médicament.
Le médicament étant un produit extrêmement
dangereux, l'exonération du fabricant sur le fondement
du risque de développement ne semble pas acceptable d'autant
plus que pour les autres produits cette exonération n'existe
pas. C'est ce que Monsieur Huet appelle le " paradoxe des
médicaments "( 51).
Cependant, la Cour de cassation dans deux arrêts du 14 Février 1990( 52) semble avoir mis à la charge d'un laboratoire le risque de développement.
En l'espèce, le groupe Synthelabo qui produisait sous la marque Elarzone une spécialité anti inflammatoire à base de pipebuzone, dérivé de la phénylbutazone et sous la marque Kymalzone une spécialité avec les mêmes propriétés à base d'oxyphenbutazone a cédé les 26 et 27 Juillet 1983 la première spécialité au groupe Jouveinal et le 27 Août 1983, la deuxième au groupe Biocodex-Univablot, à chaque fois par trois conventions portant sur le brevet, la marque et le dossier d'autorisation de mise sur le marché. Le 17 Juillet 1984, le ministre des Affaires Sociales a modifié l'autorisation de mise sur le marché en supprimant les indications thérapeutiques de ces produit en O.R.L. et en pédiatrie et les a limité à des traitements de courte durée de rhumatismes. A cette annonce, les ventes ont chuté et les acheteurs ont demandé la résolution des conventions.
La Cour d'appel a fait droit à leur demande contrairement aux juges de première instance. Elle prononce la résolution des conventions sur le fondement des vices cachés. Le groupe Synthelabo a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté. La Cour d'appel pour retenir qu'il y avait lieu à garantie des vices cachés relève que " la décision ministérielle du 17 Juillet 1984 ( ) a mis à jour un vice jusqu'alors caché tenant aux effets secondaires de ce médicament ". Elle énonce que le vice doit être recherché dans les caractéristiques du produit. Le vice est donc interne à la chose. Il ne peut provenir d'une réaction particulière du malade. Par contre la solution est moins évidente quant à l'interaction de deux médicaments. Mais on peut penser que l'incompatibilité du produit avec un autre correspond à ses caractéristiques. Donc l'interaction serait un vice caché. Pour retenir le vice caché, elle relève aussi qu'à l'époque de la cession, il n'existait aucune " littérature médicale susceptible d'éveiller la défiance des sociétés cessionnaires ". En l'espèce, on est en présence d'un risque de développement. En effet, l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la vente des brevets n'a pas permis de déceler l'existence du défaut. Il est évident qu'au moment de la mise en circulation pour la première fois du produit, la situation était la même. La Cour de cassation retient donc la responsabilité de la société Synthelabo en présence d'un risque de développement sur un médicament.
Cette solution est transposable à la situation du consommateur. Certes, il n'existe aucun contrat entre lui et le fabricant mais si on applique la jurisprudence classique en matière de groupe de contrats, l'action contractuelle en garantie des vices lui est transmise. Donc s'il y a vice caché, le fabricant ne pourra pas s'exonérer pour risque de développement sauf si cette faculté est prévue par une loi. Dans les arrêts de 1991, l'enjeu était financier alors que dans de nombreuses autres hypothèse, l'enjeu est la vie ou la santé des consommateurs. Il faut donc espérer que la Cour de cassation étendra cette solution aux médicaments délivrés aux consommateurs.
La jurisprudence semble hésitante sur le fait de savoir
s'il faut ou non exonérer le fabricant pour risque de développement.
Qu'en est-il du système législatif français?
§2 Le risque de développement
et le système législatif français
Trois projets de loi ont vu le jour pour tenter d'intégrer
la directive du 25 Juillet 1985 dans le droit français
mais aucun n'a encore été adopté (A). Cependant,
le délai de transposition étant dépassé,
ne peut on pas invoquer cette directive directement (B).
A Les projets de loi
Le premier projet de loi visait à reformer " la responsabilité
des professionnels à l'égard des produits qu'ils
commercialisent ". Le risque de développement était
admis comme cause d'exonération et s'inspirait du régime
allemand en ce qui concerne l'obligation de suivi et d'information.
Il y eu ensuite le projet de loi Arpaillange du 23 Mai 1990. Ce
projet retenait le risque de développement comme cause
d'exonération ainsi que l'obligation de suivi prévu
par l'avant projet. Ce régime de responsabilité
devait être exclusif afin d'empêcher la victime de
contourner l'exonération en invoquant la responsabilité
de droit commun. Cependant l'exonération pour risque de
développement fut contestée puis supprimée.
Ce projet fut abandonné. Le dernier projet fut celui de
Monsieur Catala et date du 13 Juillet 1993. Il reprend les principales
propositions du projet Arpaillange mais le régime prévu
n'est pas d'application exclusive. A ce jour cette proposition
de loi est toujours en suspend mais ne peut-on pas invoquer directement
la directive ?
B L'effet direct de la directive
La France a été condamnée pour non transposition
de la directive par la CJCE le 13 Février 1993( 53).
La CJCE( 54) pose des
conditions d'applicabilité directe des directives. Elle
décide que " dans tous les cas où les dispositions
d'une directive apparaissent comme étant du point de vue
de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises,
ces dispositions peuvent être invoquées, à
défaut de mesures d'application prises dans les délais,
à l'encontre de toute disposition nationale non conforme
à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature
à définir des droit que les particuliers sont en
mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat ".
Les particuliers peuvent opposer les droits qu'ils détiennent
aux autorités publiques. C'est ce que l'on appelle l'applicabilité
directe verticale. Cependant, la Cour dans l'arrêt Marshall( 55)
exclut l'applicabilité directe dite horizontale c'est à
dire que des obligations ne peuvent résulter d'une directive
non transposée pour les particuliers à l'égard
d'autres particuliers. Donc le consommateur de médicaments
ne peut invoquer la directive contre le fabricant de médicament.
Il peut par contre agir contre l'Etat français sur le fondement
de l'article 189 du Traité de Rome. La responsabilité
ne sera engagée que si le requérant justifie d'un
préjudice " anormal ".
Le médicament, substance complexe et dangereuse, peut provoquer
de graves dommages s'il n'est pas utilisé et fabriqué
dans de bonnes conditions. En ce qui concerne la fabrication,
il faut rappeler que les fabricants de médicaments doivent
effectuer de nombreux contrôles et de plus ils sont soumis
à des contrôles par l'Inspection de la pharmacie.
De plus l'Agence du médicament assure un suivi des médicaments
et si problème survient, elle peut décider de retirer
le produit du marché des médicaments. Ainsi le 7
Mai 1997, elle a décidé de retirer du marché
les comprimés de Juvépirine à 100 milligrammes
d'aspirine des laboratoires Asta Medica. Mais le plus souvent
ces accidents sont dus à un effet du médicament
que les chercheurs n'ont pu prévoir eu égard à
l'état des connaissances au moment où ce produit
est mis sur le marché. C'est ce que l'on appelle le risque
de développement. La Cour de Cassation semble être
favorable à l'exonération du fabricant de médicament
qui se trouve face à ce problème. La directive européenne
du 25 Juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits
défectueux laisse le choix aux pays membres de l'Union
Européenne de faire du risque de développement une
cause d'exonération ou non. Le législateur français
se heurte à cette notion et aucun des projets de loi n'a
abouti. Les fabricants en général craignent cette
notion. Doit-on mettre en place un régime uniforme pour
tous les produits considérés comme dangereux ? Les
médicaments ne pourraient ils faire l'objet d'un régime
dérogatoire ? Il serait peut être nécessaire
de prévoir un régime de responsabilité de
droit commun pour les produits défectueux qui accepterait
comme cause d'exonération le risque de développement
et une dérogation à ce régime pour les médicaments
en rejetant dans ce cas précis l'exonération du
fait du risque de développement. Les médicaments
disposent pour leur fabrication et leur vente de règles
spécifiques telles que l'autorisation de mise sur le marché,
le monopole pharmaceutique. Pourquoi ne seraient-ils pas soumis
également à un régime spécifique de
responsabilité ?
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