Dirigé par François JACQUOT et André
PRÜM
Professeurs à la Faculté de Droit de Nancy
Réalisé par Alexis
BAUMANN
Jérôme ATLANI
LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE L'EFFET RELATIF
DES CONTRATS EN DROIT NEERLANDAIS ET FRANÇAIS.
INTRODUCTION
Le droit français et le droit néerlandais sont, à l'origine, largement
influencés par le droit romain. De plus, une Histoire commune aux deux pays a
contribué au rapprochement des deux systèmes juridiques (adoption du
Code Napoléon par les Pays-Bas dès 1809). Pourtant l'évolution
de ces deux systèmes n'a pas été parallèle; alors que le
droit néerlandais stagnait jusqu'à la première moitié du
vingtième siècle (en raison d'un fort conservatisme), le droit
français développait le droit patrimonial, notamment par des innovations du
droit des contrats.
Alors que l'Ancien Code Civil néerlandais était lacunaire, incomplet et
inadapté, au regard des pratiques récentes, l'entrée en vigueur du
Nouveau Code Civil en 1992 a introduit de profondes transformations en matière
de droit des contrats. Les rédacteurs du projet se sont largement inspirés
de la jurisprudence depuis 1947 ainsi que de la doctrine légale pour adopter ou
compléter le code. Ainsi, de nombreuses pratiques, qui ne faisaient l'objet
d'aucune réglementation légale (codifiée), ont fait leur apparition
dans ce texte (la stipulation pour autrui en est un exemple).
La notion de contrat est définie de façon sensiblement différente
selon que l'on se place sous l'angle du droit français ou néerlandais.
Pourtant, les éléments et les principes généraux qui se
dégagent de chacune des définitions sont identiques, notamment celui de
l'effet relatif des contrats (l'article 1165 du Code Civil français trouve son
équivalent dans l'article 6:250 du Nouveau Code Civil néerlandais). Or si
ce principe est consacré par les deux systèmes juridiques, les exceptions
à celui-ci diffèrent quant à leur nature, leur étendue ou
leur portée pratique: c'est ce qui fera l'objet de cette étude comparative.
CHAPITRE I - LES EFFETS DU CONTRAT SUR LES TIERS.
Alors que l'Ancien Code Civil néerlandais se refusait à admettre la
possibilité pour une partie contractante de stipuler pour autrui, le Nouveau Code
Civil l'a consacré. Si la stipulation au bénéfice d'un tiers est
maintenant ouverte sans restriction (article 6:253-256), une stipulation imposant des
obligations aux tiers n'est envisagée que dans des cas très restrictifs.
A l'inverse, le Code Civil français prévoit à l'article 1120 la
promesse de porte-fort, notion que le droit néerlandais ignore.
Le régime juridique applicable à la stipulation au bénéfice
d'un tiers n'est pas identique en tous points en droit français et néerlandais.
En effet, si les conditions de validité (celles de tous contrats) et les conditions
d'efficacité (acceptation du tiers bénéficiaire) ne diffèrent
pas d'un droit à l'autre, il n'en va pas ainsi pour les effets de la stipulation,
notamment ceux concernant l'inexécution ou la mauvaise exécution des
obligations contractuelles. Ainsi, le droit néerlandais a voulu marquer de
façon plus nette que le droit français la différence entre la stipulation
au bénéfice d'un tiers et celle imposant des obligations aux tiers et par
ailleurs, le régime juridique de la stipulation en droit néerlandais est, par
ses effets, plus protecteur du rapport contractuel, donc du consensualisme et renforce la
sécurité des transactions.
Il existe d'autres cas où le contrat influence la position des tiers: c'est le principe
de l'opposabilité du contrat aux tiers. Si les parties co-contractantes peuvent se
prévaloir de leur contrat à l'égard des tiers, ces derniers ont la
possibilité de l'invoquer en tant que situation juridique. Le principe jurisprudentiel
selon lequel le lien contractuel entre les parties n'est pas susceptible de s'étendre
à d'autres personnes fait face à un autre principe établi par la Cour
de Cassation, selon lequel un contrat peut être utilisé comme
élément de preuve, même par un tiers (par exemple une clause
exonératoire de responsabilité) en ce qu'il crée une situation
juridique pour ce dernier. Si le principe trouve son équivalent en droit
néerlandais, dans lequel le Nouveau Code Civil envisage quelques cas
précis d'opposabilité des contrats aux tiers (Livre 7 et 8 pour les
employés, les sous-cautions ...) en laissant aux tribunaux la liberté de
développer le droit dans ce domaine, il n'a pas été encadré
de la même manière en droit français. C'est dans la jurisprudence
qu'il faut trouver les règles applicables à cette notion alors que les
dispositions du Code Civil restent muettes, même en ce qui concerne les sous-
cautions.
CHAPITRE II - LE TRANSFERT DES DROITS
CONTRACTUELS.
Le régime juridique applicable à la cession de créance est identique
en droit français et néerlandais, mais lorsque le Code Civil français
n'exclut pas la possibilité d'une telle opération réalisée
à titre gratuit, le Code Civil néerlandais s'y oppose strictement (article
3:94 paragraphe 3).
Quant à la subrogation, l'article 1249 du Code Civil français dispose
qu'elle peut être conventionnelle ou légale. Si la définition, les
objectifs et le régime juridique applicable à cette opération ne
diffèrent pas fondamentalement entre les deux systèmes, le droit
néerlandais n'ouvre pas la possibilité à une subrogation
conventionnelle.
En effet, cette opération n'est autorisée que sur un fondement légal
(exemple: articles 6:12, 6:150 du Nouveau Code Civil).
La novation du contrat fait l'objet d'un régime juridique strictement identique dans
les deux systèmes. En effet, cette opération permet la participation du
débiteur (ce qui la différencie d'une cession de créance) et ne
permet pas aux nouveaux créanciers d'acquérir les garanties
attachées à la créance primitive qui s'éteignent en
même temps qu'elle.
Le Nouveau Code Civil néerlandais contient des dispositions relatives aux
conséquences générales du transfert de droit, applicables à
tous les modes de transfert, en plus de celles applicables à un mode
spécial de transfert. En revanche, le Code Civil français ne contient pas de
telles dispositions générales et traite des conséquences du transfert
relativement à chaque mode de transfert.
CHAPITRE III - LE CAS PARTICULIER DU CONTRAT DE SOUS-
TRAITANCE.
Si le recours à la sous-traitance est aussi répandu en France qu'aux Pays-
Bas, la réglementation diffère profondément entre ces deux pays.
Alors que le législateur français a voulu encadrer strictement cette pratique
par l'adoption de la loi du 31 décembre 1975, le législateur
néerlandais n'a pas jugé bon de réglementer de façon
autonome cette notion.
La loi du 31 décembre 1975 établit la possibilité pour un sous-
traitant de recouvrir à une action directe en paiement contre le maître de l'ouvrage.
Cette action protectrice n'existe pas en droit néerlandais, pour lequel, le fait qu'il
y ait un contrat entre l'entrepreneur principal et le maître de l'ouvrage d'une part et un
contrat entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant d'autre part, ne crée pas de
relation contractuelle directe ou indirecte entre le maître d'oeuvre et le sous-traitant.
Par ailleurs, l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 énonce l'obligation
pour l'entrepreneur principal de faire accepter chaque sous-traitants et agréer les
conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage. A
l'inverse, selon les "UAV" (conditions générales applicables aux contrats
de construction), l'entrepreneur principal peut se contenter d'une simple autorisation
écrite pour sous-traiter et non pas pour faire accepter le sous-traitant par le maître
de l'ouvrage.
Les problèmes liés aux responsabilités du fait de la prestation
sous-traitée font eux aussi l'objet de profondes divergences entre les deux pays.
Dans cette hypothèse, le Nouveau Code Civil néerlandais contient de
nombreuses dispositions applicables à des cas précis alors que la loi du
31 décembre 1975 évoque seulement la responsabilité de
l'entrepreneur principal envers le maître de l'ouvrage concernant le sous-traitant. Ceux
sont les règles du droit commun de la responsabilité qui ont servi de base
au régime des garanties relatives à la prestation sous-traitée. Par
ailleurs, il existe un régime de responsabilité particulier en droit
néerlandais qui est celui de la responsabilité du fait des choses
utilisées par un contractant.
CHAPITRE IV - L'ACTION PAULIENNE.
Le droit français comme le droit néerlandais organisent la protection d'un
créancier contre les tentatives de fraude de son débiteur. L' article 1167 du
Code Civil français établissant le recours à l'action paulienne trouve
son équivalent à l'article 3:45 du Nouveau Code Civil néerlandais.
Les régimes respectifs applicables à cette action sont identiques, tant en ce
qui concerne les conditions d'exercice que les effets de cette action.