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Cette étude propose d'analyser le champ d'application et
le fonctionnement des clauses d'agrément et de préemption
dans le droit français et le droit italien.
L'analyse porte donc sur les problèmes juridiques qui naissent
de l'application de ces clauses avec une attention particulière
quant à leur compatibilité avec certains actes translatifs
(transferts mortis causa, transferts à titre gratuit, liquidation
de la communauté de biens entre époux, cessions
d'actions entre associés, fusion-incorporation).
En effet, la nature essentiellement "ouverte" de la
société anonyme et de la società per azioni
(spa) se trouve restreinte par les clauses limitant la libre
circulation des actions. Ces clauses, admises par les deux législations,
constituent un instrument de contrôle sur les modifications
d'actionnariat parvenant ainsi au même résultat que
l'interdiction d'entrée pour des tiers étrangers
à la société.
Les clauses d'agrément permettent ainsi à un organe
social d'exprimer son propre agrément concernant le cessionnaire
dans chaque transfert d'actions. Avec ce système, on introduit
aussi, dans ce type de société qui, par définition
est anonyme, l'élément de l'intuitus personae.
La doctrine a rapidement mis en évidence le danger que
présente un tel instrument, né pour éviter
l'intrusion de sujets jugés dangereux pour la vie de la
société. D'où l'exigence, en Italie comme
en France, de réglementer ces clauses pour éviter
qu'un refus d'agrément sans motifs valables rende de fait
les actions intransmissibles.
Cependant, les deux ordres juridiques ont pris deux routes diverses.
Dans le système français le principe posé
veut que l'actionnaire ne reste pas prisonnier de son titre: on
lui garantit le droit d'aliéner ses actions. La loi du
24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales
aménage ainsi une procédure d'agrément, qui
oblige la société - quand elle a refusé l'agrément
du cessionnaire - d'acquérir ou faire acquérir les
titres mis en vente. Une telle solution laisse à la société
l'entière liberté dans son pouvoir discrétionnaire
pour le choix du cessionnaire.
La solution adoptée par le droit positif italien est opposée.
La Cour de cassation, dans son arrêt de 1978, a émis
un principe qui depuis n'a jamais été abandonné:
le droit des actionnaires de limiter la circulation des actions
doit trouver son fondement dans un intérêt social
précis. De ce fait, la clause statutaire doit prédéterminer
les critères qui rendront la décision conforme à
l'intérêt social. De plus, la Cour a imposé
aux organes sociaux l'obligation de motiver leurs décisions
afin de pouvoir exercer un contrôle juridictionnel. L'autre
grande différence est issue du traitement des clauses d'agrément
lors de situations translatives particulières. Ainsi, le
droit français exclut, dans les articles 274 ss. de la
loi du 24/07/1966, clairement et limitativement du champ d'application
des clauses d'agrément les transferts d'actions ayant un
caractère patrimonial familial.
En ce qui concerne les clauses de préemption, le grand
intérêt suscité par celles-ci est dû
- outre l'existence d'un vide législatif - à la
fréquence de ces clauses dans les statuts sociaux, surtout
en Italie, où elles se substituent souvent aux clauses
d'agrément. En effet, la clause de préemption non
seulement n'engendre pas les contraintes et coûts imposés
à la société par la clause d'agrément
(intervention des organes sociaux, obligation de rachat), mais
en plus elle permet d'une manière plus efficace de protéger
la société contre l'intrusion d'actionnaires indésirables
en son sein.
En France, il existe une nette séparation entre doctrine
et jurisprudence concernant la validité, le fonctionnement
et les limites de ces clauses. Les décisions jurisprudentielles
prononcées jusqu'à présent admettent largement
ces clauses. La doctrine, au contraire, cherche à en limiter
la portée et étendre le champ d'application propre
aux clauses d'agrément aux clauses de préemption.
Dans l'ordre juridique italien, le débat n'est pas tant
concentré sur des questions d'application pratiques, mais
plutôt sur la nature juridique et sur l'efficacité
de ces clauses.