Le lecteur trouvera ici un ensemble de rubriques consacrées chacune, soit à l'action d'un grand service public, partagée entre plusieurs ministères ou secrétariats d'Etat, soit à celle, plus facilement isolable, de tel ou tel département ministériel.
Pour chaque secteur, seront analysés les problèmes majeurs mis en lumière par l'examen des réclamations, qu'il s'agisse de questions de fond ou des conséquences d'un fonctionnement défectueux des services.
Les grands thèmes traités les années précédentes, découlant de l'examen des principales sources de mécontentement, seront à nouveau abordés cette année, sans toutefois faire l'objet d'un développement systématique.
Seront également analysées certaines des recommandations et des propositions de réforme du Médiateur.
Mais auparavant, il a semblé utile de donner quelques chiffres significatifs de l'activité des services concernés, ces chiffres étant en quelque sorte destinés à contrebalancer les constatations plus ou moins défavorables que le Médiateur est amené à faire sur l'organisation et le fonctionnement de l'administration.
En effet, le Médiateur, défenseur de l'administré, se doit de dénoncer les " bavures " qu'il rencontre dans l'action des services, pour essayer d'y remédier. Mais, pour être le défenseur de l'administré, le Médiateur ne peut pour autant se départir de son rôle d'arbitre. C'est la raison pour laquelle il a estimé qu'il serait bon de donner au lecteur une idée du volume des affaires traitées par les différents services publics et para-publics avec lesquels il est en relation. Les défauts signalés dans la suite du document se trouveront ainsi replacés dans leur contexte et ramenés à leur importance relative ; le jugement en sera plus objectif.
Les chiffres donnés portent sur une année.
TRAVAIL - SANTE
La caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés traite bon an, mal an, plus de 200 millions de dossiers de remboursements de frais.
De son côté, la caisse nationale d'assurance vieillesse gère plus de 4 millions de pensions et effectue à ce titre plus de 20 millions de paiements trimestriels. De plus, elle liquide ou révise, chaque année, environ 800 000 dossiers de pension.
Pour l'information des retraités, cette caisse a établi plus de 2000 points de contacts. Plus de 2 millions de personnes y sont accueillies chaque année dont 500 000 pour la seule région d'Ile-de-France.
SERVICES FINANCIERS
Les services fiscaux émettent plus de 50 millions de titres d'impositions.
Les services comptables effectuent 90 millions d'opérations d'encaissement et gèrent 17 millions de comptes de redevance de radiodiffusion.
15 millions d'articles de déclarations de douane ont été comptabilisés.
LE SERVICE DES PENSIONS
Est chargé de la gestion de 2 513 000 pensions qui se répartissent à peu près par moitié entre les pensions civiles et militaires de retraite et les pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre.
Il liquide annuellement environ 80 000 pensions civiles ou militaires de retraite, et 83 000 pensions militaires d'invalidité ou de victimes civiles de la guerre.
CONSEIL D'ETAT
3 541 affaires contentieuses ont été jugées en 1975.
TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
21 400 dossiers ont été ouverts dans ces tribunaux.
EQUIPEMENT
Le ministère de l'équipement a reçu 530 478 demandes de permis de construire et en a satisfait environ 480 000 (soit environ 89 p. 100).
AFFAIRES ETRANGERES
Ont été délivrés environ 500 000 actes d'état civil par le service central d'état civil ; 2 600 000 actes divers par les services des postes consulaires à l'étranger.
Environ 10 200 agents sont employés par le MINISTERE DE LA COOPERATION.
INTERIEUR
Le contrôle effectué par la police des frontières porte sur plus de 300 millions d'entrées de voyageurs.
3 000 demandes de documentation et de renseignements émanant du public adressées à la direction de la sécurité civile (action de prévention) ont été satisfaites.
Environ 25 000 associations ont été déclarées en un an (en 1976).
Les services centraux des rapatriés gèrent environ 1 500 000 dossiers depuis l'origine dont plus de 8 600 pour l'année 1976.
JUSTICE
886 439 affaires civiles, 4 170 513 affaires pénales ont été jugées, soit 5 056 952 décisions prises par les différentes cours et tribunaux.
160 000 requêtes ont été adressées par les usagers en matière de justice criminelle.
AGRICULTURE
L'activité du ministère de l'agriculture porte entre autres sur :
- versements de pensions d'invalidité et retraites : 3 738 000
- versements de prestations assurances maladie et accidents du travail : 13 000 000 ;
- attributions d'indemnités viagères de départ : 33 500 ;
- acquisition de 77 000 hectares par les S. A. F. E. R.
- opérations de remembrement effectuées : 380 ;
- agrément de 3 325 dotations d'installation de jeunes agriculteurs.
Nombre de bourses accordées (année scolaire 1975-1976) par la direction générale de l'enseignement et de la recherche : 71000.
INDUSTRIE ET RECHERCHE
Nombre de retraites liquidées en 1975 :
Par la C.A.N.C.A.V.A 52 721
Par l'O.R.G.A.N.I.C . 58 635
Soit au total (dossiers liquidés) 111 356
41 700 demandes d'aide spéciale compensatrice ont été reçues depuis 1973 (environ 11 000 en 1975).
460 000 inscriptions ont été reçues au registre national du commerce.
250 000 dépôts d'actes de sociétés ont été effectués.
Opérations d'Electricité et du Gaz de France :
accordement au réseau : 750 000 ;
Relevés de compteurs : 60 millions ;
Liquidation de retraites : 3 500 par an.
DEFENSE
Le service des pensions des armées entrepose et tient à jour environ 1 300 000 dossiers.
En 1975, les services chargés du recrutement ont constitué 586 972 dossiers destinés à être soumis aux commissions locales d'aptitude ou aux commissions de réforme.
Ils ont reçu 172 578 demandes d'attribution de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation.
En 1975, le bureau central d'archives administratives militaires a fourni près de 196 000 renseignements.
22 834 dossiers de réparation de dommages causés par les armées ont été ouverts. La part des " bangs " supersoniques est de 340 dossiers (il y en avait eu 2 900 en 1966).
ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE
12 000 subventions et prêts ont été alloués aux pupilles de la Nation.
67 000 cartes du combattant ont été délivrées en 1975.
Pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :
Demandes reçues 89 381
Demandes concédées 56 363
Retraites du combattant :
Affaires traitées 97 638
Affaires concédées 96 165
Contentieux des pensions militaires d'invalidité :
13 529 dossiers ont été gérés par les tribunaux (tribunaux départementaux, cours régionales des pensions, commission spéciale de cassation des pensions).
Au total : 1 260 000 dossiers de pensionnés (militaires d'invalidité et victimes de la guerre) gérés.
QUALITE DE LA VIE
Nombre de dossiers ouverts concernant la lutte contre les nuisances et la pollution :
En 1974 1 600
En 1975 2 250
(4 p. 100 proviennent des associations, 96 p. 100 des particuliers).
EDUCATION
Les effectifs scolaires se composent de :
6 338 400 élèves dans l'enseignement public du premier degré ;
2 132 000 élèves dans l'enseignement technique.
Le nombre des boursiers de l'enseignement du second degré s'élève, pour une année, à environ 2 millions.
Les questions sociales ont, comme les autres années, constitué le thème de la grande majorité des réclamations soumises au Médiateur, l'ensemble de la législation sociale continuant à être la source de multiples mécontentements. Dans cet ensemble, le Médiateur a constaté la même prédominance des problèmes de la vieillesse mais, aussi, l'ampleur des problèmes posés par l'assurance maladie. Les autres thèmes - invalidité, octroi des différentes aides possibles, etc. n'ont guère varié, eux non plus, quant à leur importance relative.
Le secteur social est aussi celui qui a continué à fournir la matière la plus importante à l'action réformatrice du Médiateur. En effet, si les problèmes classiques de fonctionnement défectueux des services sont souvent dénoncés dans les réclamations, les questions de fond l'emportent, et de beaucoup, sur les simples difficultés liées au comportement des diverses administrations concernées.
Les plus considérables de ces problèmes ont déjà été longuement traités ci-avant dans ce rapport, et il n'en sera plus maintenant question qu'incidemment, qu'il s'agisse des difficultés relatives à l'accès à la retraite, des problèmes des délais en matière de sécurité sociale et, surtout, de l'immense matière touchée par l'application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit.
Dans cet ensemble, les réclamations mettant en cause la législation et l'organisation de l'assurance vieillesse ont continué à se placer au premier plan, qu'il s'agisse des plaintes relatives aux pensions du régime général ou à celles qui concernaient les retraites servies par les différents régimes spéciaux.
Les pensions des agents publics, bien que posant de nombreux problèmes communs avec ceux qui seront abordés ici, méritent malgré tout une place à part et seront traitées plus loin.
Quant aux réclamations tendant à l'attribution d'une retraite complémentaire, elles ne feront pas, malgré leur fréquence, l'objet ici d'un développement particulier car, en ce qui les concerne, le Médiateur est en principe incompétent [cf. ci-après, La vie de l'institution (Annexe C, p. 253, 254) et son intervention est de ce fait très limitée (Il peut malgré tout s'assurer que le régime en vigueur a été correctement appliqué ; il réussit aussi, très souvent, à hâter la liquidation du dossier)].
Les contestations ont porté, essentiellement, sur la durée d'assurance prise en compte pour le calcul de la retraite. Nombreux sont en effet les réclamants qui se plaignent de ce que le montant de leur pension ne prend pas en considération toutes les activités qu'ils disent avoir effectuées dans le cours de leur carrière.
La non-validation des services en cause résulte bien, parfois, d'une simple erreur de l'administration, cette erreur étant alors corrigée dès l'intervention du Médiateur (n° III-602).
Mais le principe d'une validation n'est pas toujours acquis d'emblée et peut exiger une consultation préalable de l'autorité de tutelle : tel a été le cas d'un retraité des mines qui, pour obtenir la validation de deux années de scolarité effectuées dans une école nationale technique, a dû obtenir l'avis favorable du ministre du travail (n° III-1091).
Des difficultés se sont élevées, aussi, au sujet de la validation de services accomplis outre-mer ; la question s'est posée spécialement pour les rapatriés d'Afrique du Nord : en effet, si des mesures exceptionnelles ont permis la validation gratuite des services effectués entre 1938 et 1953 par des Français ayant servi en Algérie (n° II-2138), les rapatriés du Maroc (n° II-1749) ou de Tunisie (n° III-711) ne peuvent par contre obtenir la validation de leurs services qu'en rachetant les cotisations correspondantes.
Mais la plus grande source de litiges provient de la difficulté de faire la preuve, et que les services dont on demande la validation ont bien été effectués, et que des cotisations ont bien été versées à leur titre. Les réclamations sur ce problème ont continué à être très nombreuses.
Les intéressés peuvent apporter la preuve du travail effectué en produisant des fiches de paie ou des attestations patronales certifiées conformes aux livres de paie et mentionnant salaires et cotisations " assurances sociales " correspondantes. A défaut de ces pièces, seul un faisceau de " sérieuses présomptions " en faveur du réclamant permettra de lui donner satisfaction (nosI-843 et II-2189 par exemple).
Assez fréquemment, la preuve du travail accompli est bien apportée, mais il apparaît qu'aucune cotisation correspondante n'a été versée par l'employeur (n° II-2053). Un décret (n° 75-465) du 9 juin 1975 a prévu cette hypothèse en donnant à l'employeur défaillant la possibilité de régulariser la situation ; si, pour des raisons évidentes, le salarié ne peut reprendre contact avec son ancien employeur - ou si ce dernier refuse d'obtempérer - l'intéressé peut verser lui-même les cotisations arriérées (décret n° 75-109 du 24 février 1975 complété par l'arrêté du 31 décembre de la même année).
Les demandes de majoration de la durée d'assurance au titre des enfants élevés par le retraité constituent, elles aussi, une source importante de litiges. Le problème sera repris dans la rubrique consacrée aux propositions de réforme émises par le Médiateur.
Les contestations relatives au calcul du salaire de base pour la détermination de la retraite ou au mécanisme de la revalorisation des retraites n'ont pas posé de question véritablement nouvelle par rapport à ce qui a été dit les années précédentes (voir plus particulièrement, pour le premier de ces problèmes, le rapport de 1975, p. 66 et suivantes ; pour le second, les rapports de 1973, p. 81 et 82 et de 1975, p. 130 et suivantes). Quant au problème de la date d'entrée en jouissance de la pension, objet fréquent de litiges, il est longuement développé ailleurs [cf. la " synergie" relative à l'accès à la retraite et ses difficultés (Annexe A, p. lia et suivantes)].
Les pensions de réversion, enfin, ont continué à constituer le thème de nombreuses réclamations, celles-ci se rapportant toujours, pour l'essentiel, au même problème : celui des règles limitant le cumul d'une telle pension avec une pension personnelle.
Une réclamation sur ce sujet (n° III-1659) a permis de faire le point sur la question :
Le Gouvernement, conscient des difficultés auxquelles se heurtent les veuves qui, au décès de leur mari, doivent assumer seules les charges du ménage, a estimé devoir donner, dans la mesure des possibilités financières du régime général, une priorité à l'assouplissement de l'ensemble des conditions d'ouverture du droit à pension de réversion, afin de permettre aux veuves de condition modeste d'en obtenir le bénéfice.
C'est ainsi que le décret du 11 décembre 1972 a fixé à cinquante-cinq ans, au lieu de soixante-cinq ans ou soixante ans en cas d'inaptitude au travail, l'âge d'attribution de la pension de réversion.
De même, le décret du 24 février 1975 a apporté de nouveaux assouplissements à la condition de la durée du mariage et à celle des ressources personnelles du conjoint survivant.
Enfin, la loi du 3 janvier 1975 permet désormais, dans certaines limites, le cumul de la pension de réversion et de la pension personnelle de vieillesse ou d'invalidité, alors que les dispositions antérieures privaient le conjoint survivant, titulaire de l'un des avantages personnels susvisés, de tout droit à pension de réversion : il est confirmé que le cumul est autorisé, selon la formule la plus avantageuse, jusqu'à concurrence soit de la moitié du total de ces avantages personnels et de la pension dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré, soit d'une somme forfaitaire calculée par référence au minimum en vigueur à la date d'entrée en jouissance du deuxième avantage servi au conjoint survivant (8 500 F à compter du 11 juillet 1976).
Ces récentes réformes ont amélioré, de façon sensible, la situation d'un grand nombre de veuves et vont dans le sens des mesures souhaitées par le Médiateur.
Les pouvoirs publics continuent néanmoins à se préoccuper de l'ensemble des problèmes sociaux posés par le veuvage et s'efforcent de les résoudre par étapes, mais une nouvelle amélioration de la réglementation relative au cumul est cependant difficilement envisageable actuellement, en raison des charges financières importantes qui en résulteraient pour le régime général.
Dans la rubrique des affaires sociales, d'assurance maladie mérite une place à part, aussi bien par l'importance numérique des plaintes reçues par le Médiateur en ce domaine que par l'importance des questions de fond soulevées par ces réclamations. Outre les problèmes de remboursement des différents actes de prévention ou de conservation de la santé, plusieurs affaires ont permis de rappeler, là encore, que les administrés eux aussi ont un certain nombre d'obligations à remplir.
Le remboursement des actes de santé, outre le rappel de la nécessité, pour ces actes, de respecter la nomenclature établie par les administrations concernées et leur remboursement sur la base d'un tarif de responsabilité (n° II-2047), mérite, à trois égards, un développement particulier.
- En ce qui concerne, d'abord, le remboursement des actes de la médecine préventive.
Ce problème a déjà été évoqué dans les précédents rapports du Médiateur (Voir les rapports de 1973, p. 85 et 1974, p. 78).
Par la suite, le Médiateur a été saisi de plusieurs réclamations relatives au non remboursement des séro-diagnostics de la rubéole et de la toxoplasmose.
On connaît les conséquences graves qui peuvent résulter, pour une femme enceinte et son enfant, de ces deux affections et, dans ce domaine, une protection toute particulière et accessible à tous s'imposait.
Le Médiateur a été saisi à plusieurs reprises de ce problème :
- dossier III-835 : une femme récemment enceinte s'était trouvée en contact avec une personne atteinte de la rubéole et se plaignait de n'avoir pu obtenir le remboursement des frais d'analyse engagés ;
- le dossier d'une femme qui s'étonnait de ce que le remboursement de ces analyses ne soit pas de droit alors même que la loi autorise maintenant le remboursement de la pilule ;
- dossier n° II-2750 d'une femme enceinte ayant subi, sur prescription médicale, les tests de rubéole et de toxoplasmose non remboursés.
Aussi a-t-il jugé nécessaire d'intervenir auprès du ministère intéressé afin que des mesures soient prises en ce domaine.
Les pouvoirs publics, sensibles au problème soulevé, ont, en définitive, décidé de l'inscription, dans la liste des actes spécialisés soumis à entente préalable, des séro-diagnostics de la rubéole et de la toxoplasmose (loi du 11 août 1976).
Toutefois, et dans le but d'atténuer les charges financières de l'assurance maladie, des limites ont été fixées au remboursement de ces examens : la prise en charge peut intervenir pour les examens prescrits depuis le 2 septembre 1976 ; pour les examens prescrits antérieurement à cette date, les caisses conservent la faculté d'accorder aux intéressés une participation sur les fonds d'action sanitaire et sociale, à condition que les assurés justifient de la modicité de leurs ressources.
- La seconde catégorie de difficultés provient des contraintes créées par l'obligation de respecter les limites de la carte hospitalière.
Plusieurs réclamants se sont plaints en effet de ne pouvoir obtenir la prise en charge par l'Etat de frais d'hospitalisation ou de soins médicaux, ou même de frais de transport engagés pour se rendre dans un établissement de soins, lorsque les frais litigieux ont été engagés ailleurs que dans la région d'origine de l'intéressé.
Ainsi par exemple des affaires :
N° I-861 : le réclamant avait obtenu le remboursement de son séjour en clinique spécialisée sur la base du prix de journée d'un établissement similaire de sa ville d'origine, et celui des frais de transport avait été calculé sur la base de ceux engagés pour un séjour dans la région. Le médecin-conseil avait en effet estimé que le traitement était nécessaire, mais qu'il pourrait être dispensé avec autant d'efficacité dans un établissement similaire situé dans la région d'origine de l'intéressé, et avec un prix de journée moins élevé. Dans la mesure où l'intéressé avait été informé de ces décisions préalablement à son départ, aucun mauvais fonctionnement de l'administration ne pouvait être dénoncé.
N° II-2845 : la requérante, victime d'un accident, se plaignait de ne pouvoir obtenir le remboursement des frais de son transport en ambulance ainsi que des lenteurs apportées au remboursement de la facture qui lui était réclamée par l'hôpital qui l'avait reçue. Le refus de remboursement du transport en ambulance avait été opposé par la caisse après avis du contrôle médical, celui-ci ayant estimé que les soins auraient pu être dispensés sur place et que, par conséquent, ledit transport avait été effectué pour raisons de convenances personnelles.
De telles décisions sont conformes à la réglementation qui prévoit (cf. le décret n° 73-183 du 22 février 1973) que lorsqu'un assuré social choisit pour des raisons de convenances personnelles un établissement privé d'hospitalisation dont le tarif de responsabilité est supérieur à celui de l'établissement hospitalier soit public, soit privé, le plus proche, dans lequel il aurait, sous réserve de l'avis du médecin chargé du contrôle médical, pu recevoir les soins appropriés à son état, l'organisme d'assurance maladie auquel il est affilié ne participe aux frais de séjour exposés par l'assuré que dans la limite du tarif de responsabilité applicable à ce dernier établissement.
Cette règle se justifie dans la mesure où il est indispensable de tout mettre en oeuvre pour que les capacités médicales et hospitalières d'une région soient utilisées à plein ; permettre dans tous les cas aux assurés d'aller là où ils veulent risquerait d'entraîner une mauvaise utilisation des possibilités de certains établissements [cf, plus loin l'affaire n° II-861]. Elle peut cependant, dans certains cas, paraître bien sévère - ainsi lorsqu'il s'agit, comme dans l'affaire n° II-56, de l'opération " à coeur ouvert " d'un enfant (Le litige n'a pas été tranché définitivement car les frais restés à la charge de la famille avaient été couverts par une collecte publique ; le directeur régional de la sécurité sociale a toutefois donné des instructions pour que le problème soit tranché par la voie de l'expertise.) - ou, même, engendrer des conséquences injustes.
Dans la réclamation n° II-80, par exemple, l'intéressée se plaignait de ce que la caisse refuse de prendre totalement en charge les frais d'hospitalisation de sa mère, qu'elle avait fait transférer dans un établissement proche de son propre domicile ; elle faisait valoir en effet que si elle n'avait pas pris sa mère en charge, l'administration aurait été amenée à engager des frais autrement plus élevés que ceux dont elle demandait le remboursement.
Au vu de telles réclamations, le Médiateur se demande si certains aménagements susceptibles d'assouplir la règle de principe, telle qu'elle a été définie ci-dessus, ne seraient pas souhaitables.
- Une troisième source de litiges, enfin, est apparue de l'examen de nombreuses réclamations émanant de personnes âgées et relatives au remboursement des frais d'hospice.
Le Médiateur a en effet été saisi à plusieurs reprises (affaires n°b 1292, II-3055, II-2860, I-523, II-1129, II-103, II-2470, II-734) de réclamations émanant de personnes âgées, assurées sociales, qui, transférées d'un hôpital dans un hospice, ou, bien souvent, de la section hôpital à la section hospice d'un même établissement, se plaignaient de ne pouvoir obtenir le remboursement des frais alors mis à leur charge. Les hospices étant considérés comme des établissements d'hébergement et non de soins, la sécurité sociale n'assure pas la prise en charge des dépenses engagées pour les personnes qui y sont hébergées.
Ainsi, un pensionnaire d'une maison de retraite section " hospice valide ", bien que bénéficiant en sa qualité de pensionné de guerre de soins gratuits, avait dû, au titre de l'obligation alimentaire, faire participer ses enfants à la couverture des prix de journée, le total des pensions qu'il percevait n'atteignant pas le montant des frais de séjour.
Un autre réclamant s'étonnait de ce que les frais d'hospitalisation de son frère dans un hôpital rural fassent, après le décès de ce dernier, l'objet d'une récupération sur succession de la part de la direction de l'action sanitaire et sociale.
A l'occasion de l'instruction de multiples affaires similaires, les autorités compétentes, conscientes de la difficulté qu'ont les personnes âgées et leurs enfants à admettre que les frais de soins médicaux soient inclus dans les prix de journée des hospices et que de ce fait, elles doivent s'en acquitter sans avoir la possibilité de se les faire rembourser, avaient envisagé de mettre à l'étude une formule qui permettrait de rembourser les soins dispensés aux pensionnaires d'hospices dans des conditions comparables à celles qui seraient admises si les intéressés étaient soignés à leur domicile.
Dans un premier temps, il a donc été envisagé d'appliquer un double prix de journée, dont la fraction " hébergement " serait assurée par les intéressés ou par l'aide sociale et dont la fraction correspondant au coût des soins serait prise en charge par l'assurance maladie. Des expériences en ce sens ont d'ailleurs été tentées dans plusieurs départements.
Il semble cependant que l'on s'oriente actuellement vers une autre solution. Ce serait, d'après les informations que le Médiateur a recueillies à ce sujet, l'adoption d'un " forfait soins ", de préférence au double prix de journée " hébergement-soins ".
D'ailleurs, un décret prévu pour l'application de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 et plus particulièrement de son article 27, 2e alinéa, relative aux institutions sociales et médico-sociales est en cours de préparation. Ce décret devrait permettre de résoudre ce problème des conditions de prise en charge des dépenses afférentes aux soins médicaux par les organismes d'assurance maladie, mais le Médiateur déplore le retard apporté à son élaboration [cf. rapport de synthèse ]. Il faut reconnaître que son élaboration est rendue difficile en raison de la concertation et de la coordination des différents ministères concernés qu'elle nécessite.
On peut ajouter que, dès à présent, des études allant dans le sens de la politique de maintien à domicile des personnes âgées ont été faites en vue notamment d'une suppression de la référence à l'obligation alimentaire pour certaines prestations d'aide sociale. Elle concernerait entre autres les frais de foyer restaurant et l'aide ménagère.
Le Médiateur reste particulièrement attentif au développement de la question.
L'obligation pesant sur certains débiteurs d'aliments - et instituée par le code civil - est, précisément, un devoir souvent mal compris des administrés et bon nombre de réclamants s'en plaignent auprès du Médiateur. Il faut dire cependant que si certaines améliorations peuvent effectivement être apportées à la question, une suppression totale de la référence à l'obligation alimentaire ne semble certainement pas souhaitable.
Les administrés ont quelquefois tendance, aussi, à oublier une autre obligation qui leur incombe, et qui paraît pourtant évidente : c'est celle qui consiste à payer leurs cotisations sociales en temps voulu s'ils veulent pouvoir bénéficier des prestations correspondantes.
En effet, si un simple retard dans le versement des cotisations n'est sanctionné que par une majoration des sommes dues - cette majoration ne pouvant faire l'objet d'une remise gracieuse que si l'intéressé est de bonne foi -, le mauvais payeur se verra, lui, refuser le remboursement des soins qu'il se sera trouvé devoir engager (n° II-1882).
Dans un cas, l'intervention du Médiateur a permis de donner satisfaction au réclamant, mais la solution adoptée ne se justifiait que par des raisons d'humanité et doit très certainement rester exceptionnelle.
L'intéressé avait subi en 1970 une intervention chirurgicale suivie d'un traitement au cobalt. L'organisme débiteur des prestations dues avait réglé directement à la clinique les frais entraînés par l'intervention mais, après vérification du dossier, il était apparu que cet assuré n'était pas à jour de ses cotisations à l'égard du régime obligatoire de sécurité sociale des travailleurs non salariés. Aussi l'organisme en cause avait-il alors demandé le remboursement des sommes versées indûment.
Le réclamant qui, à la suite d'une décision de la commission de première instance, s'était trouvé obligé de régler les cotisations échues, demandait à être rétabli dans ses droits aux prestations.
Un texte, le décret n° 75-1109 du 2 décembre 1975, vient en effet assouplir les dispositions de la loi du 12 juillet 1966 - dont l'article 5 stipule que l'assuré doit être à jour de ses cotisations à la date des soins dont le remboursement est demandé -, en prévoyant que " l'assuré qui n'a pas acquitté la cotisation dont il est redevable dans le délai de trois mois suivant la date d'échéance peut, en cas de force majeure ou de bonne foi dûment prouvée, être rétabli dans ses droits aux prestations ".
Saisie de l'affaire, la commission de recours gracieux avait décidé de faire bénéficier le réclamant des dispositions de ce texte, mais l'autorité de tutelle, considérant que le dossier de l'assuré faisait apparaître plusieurs retards dans le versement des cotisations, avait annulé cette décision et obligé l'intéressé à rembourser les frais engagés. Elle a, par la suite, pour des raisons d'humanité, accepté que les sommes litigieuses soient reversées au plaignant (n° II-160).
Le problème de la mise en oeuvre de l'harmonisation clos régimes de sécurité sociale sera repris sous la rubrique des propositions de réforme du Médiateur [cf. la syn. n° 4].
Dans les quelques affaires relatives à l'assurance invalidité, le réclamant :
- demandait à être classé dans une autre catégorie que celle qui avait été retenue (nos II-2914 et III-1151) ;
- aurait souhaité que son état d'invalidité soit reconnu imputable au service (n° II-2809) ;
- contestait le montant de la pension d'invalidité (n° II-1147) ;
- se plaignait de ce que son inaptitude n'ait pas été reconnue au moment de prendre sa retraite (n° II-2502) : il lui a été rappelé que l'inaptitude doit être totale et définitive, et reconnue après examen médical ; la décision de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, qui relève d'une pure appréciation médicale, ne peut être contestée que devant la commission technique régionale.
Une dernière réclamation (n° II-3033) mérite d'être signalée, dans la mesure où elle a permis de rappeler que certaines règles limitent les possibilités de cumuler une pension d'invalidité avec d'autres avantages : en l'espèce, il était précisé que la pension d'invalidité ne peut se cumuler avec la pension acquise au titre d'un régime spécial que dans la limite du salaire perçu par un travailleur de la même catégorie.
Il y a peu à dire des réclamations, relativement rares, concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles. Une seule (n° II-2861) mérite d'être signalée, dans la mesure où elle rappelle que les administrés, eux aussi, ont certaines obligations :
Atteinte d'un mal de Pott, l'intéressée a subi, en 1950, une intervention chirurgicale nécessitant une greffe. Le 12 mai 1967, elle est victime d'un accident du travail (chute) qui rompt cette greffe. Mais aucune déclaration réglementaire d'accident n'est alors établie, ni par elle, ni par son employeur, et le médecin traitant n'a pas non plus exigé la production des " feuillets jaunes ", indispensables, en cas d'accident, pour obtenir les soins et les médicaments gratuits prescrits par ce dernier. Or, après huit années de silence, l'intéressée vient pourtant solliciter le bénéfice d'une rente d'accident du travail.
Tout accident du travail doit être déclaré, même lorsque ses conséquences apparaissent tout d'abord bénignes. La cour de cassation a confirmé le caractère général et absolu de cette obligation dont l'inobservation est, en ce qui concerne l'employeur, sanctionnée par les peines prévues à l'article L. 504 du code du travail.
La victime, en ce qui la concerne, dispose d'un délai de deux ans pour faire elle-même la déclaration d'accident à la caisse. Ce délai paraît suffisant ; en effet, en permettre l'extension rendrait plus malaisées les constatations auxquelles la caisse de sécurité sociale est tenue de faire procéder dès qu'elle est avertie de l'accident et risquerait d'accroître les difficultés d'application de la loi et d'engendrer des abus.
En l'espèce, ce délai de deux ans étant largement dépassé, la réclamante se trouvait forclose. La seule solution à son problème pouvait consister à demander, sur le terrain du droit commun, réparation du préjudice subi en se fondant sur la faute de l'employeur qui n'avait pas procédé à la déclaration de l'accident en cause (ce droit a en effet été reconnu à la victime par la jurisprudence), mais le Médiateur, quant à lui, ne pouvait intervenir en sa faveur.
L'octroi des aides diverses dont les administrés sont en droit de bénéficier peut être, enfin, l'objet fréquent de litiges.
En matière de droits aux prestations familiales, les problèmes essentiels ont été soulevés :
- d'une part, par des travailleurs non salariés non agricoles qui s'étaient vus retirer le bénéfice de ces prestations en raison de l'insuffisance de leur activité professionnelle (affaires nos II-2183 et II-2938) ; cette question a fait l'objet d'une proposition de réforme de la part du Médiateur (n° STR. 76.21) ;
- d'autre part, par des administrés qui s'étonnaient de se voir refuser le bénéfice de ces allocations en raison du caractère de stricte territorialité de la législation sur les prestations familiales.
En effet, les prestations du régime français (allocations familiales, de salaire unique et prestations) ne peuvent être accordées qu'aux personnes résidant en France métropolitaine. Il ne peut être dérogé exceptionnellement à cette condition qu'en faveur des seuls travailleurs détachés par leur employeur dans un pays lié par une convention de sécurité sociale avec la France ; par contre, les travailleurs détachés dans un pays sans convention ne bénéficient pas des prestations familiales lorsque les familles les accompagnent dans le pays de détachement. Quant au Français qui travaille à l'étranger, sans être détaché, il ne peut prétendre qu'aux allocations servies dans le pays d'exercice de l'activité, si du moins celui-ci est lié par une convention de sécurité sociale avec la France ou accorde aux étrangers les mêmes droits qu'à ses nationaux en vertu de son droit interne (réclamation n° II-1923).
De même, lorsqu'un enfant effectue à l'étranger un séjour d'une durée supérieure à trois mois, est exigée la preuve que le séjour est rendu nécessaire par la nature des études poursuivies. Lorsque cette condition n'est pas remplie, les allocations familiales sont supprimées (affaire n° II-1784).
Les principales difficultés concernant l'aide aux handicapés sont résultées du retard intervenu dans la publication des textes d'application des mesures envisagées par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 en faveur de cette catégorie d'administrés.
Il en est ainsi, par exemple, pour ce qui concerne la prise en charge, par les régimes d'assurance maladie, des frais d'hébergement et de traitement dans des établissements d'éducation spéciale et professionnelle, des enfants ou adolescents handicapés, ainsi que des frais du traitement concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements (affaire n° II-2899 ).
Le Médiateur souhaite que le bénéfice des dispositions prévues par cette loi puisse intervenir maintenant dans les meilleurs délais.
Une autre affaire (n° III-431) a permis de faire le point des aides susceptibles d'être versées aux handicapés :
Déficient visuel depuis sa naissance et invalide à 100 p. 100, l'intéressé se plaignait de ne percevoir que l'allocation de compensation.
La réglementation en matière d'aide sociale aux aveugles et grands infirmes, dont relève l'intéressé puisqu'il est titulaire de la carte d'invalidité prévue par cette réglementation, prévoit le versement d'une allocation principale assortie d'une majoration pour aide constante d'une tierce personne et d'une allocation de compensation réservée aux grands infirmes travailleurs. Mais le versement de ces allocations n'est toutefois pas fait automatiquement et est essentiellement fonction des ressources dont disposent les intéressés ; notamment, il est tenu compte de l'aide susceptible d'être apportée par les personnes tenues à la dette alimentaire envers le grand infirme. La situation des grands infirmes au regard de leurs ressources est appréciée par un magistrat et les allocations sont versées par l'intermédiaire de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale.
En l'espèce, l'intéressé avait indiqué que la situation de ses parents s'était modifiée - ils avaient été mis à la retraite -, il s'agissait là d'un élément nouveau susceptible de justifier un réexamen de sa demande. Il a donc été conseillé à l'intéressé de s'adresser à la mairie de son domicile pour solliciter la révision de son dossier d'aide sociale.
En matière d'aide sociale, en dehors du problème de la récupération par l'Etat, après le décès du bénéficiaire, de certaines aides qui lui avaient été versées de son vivant (problème dont il sera question un peu plus loin), une affaire mérite d'être signalée, car elle illustre la collaboration qui s'établit dans bien des cas entre le Médiateur et les administrations concernées :
Le réclamant se plaignait de ce que les frais de séjour de sa mère, de nationalité portugaise, placée dans un centre héliomarin, se trouvent mis à sa charge au titre de l'obligation alimentaire. Il faisait valoir, en effet, qu'il n'avait jamais demandé cet hébergement et que c'était sur l'intervention d'une assistante sociale que sa mère avait été admise dans l'établissement en cause. Mais la prise en charge des frais était refusée par le service d'aide sociale du département concerné.
La position de l'administration ayant semblé très rigoureuse au Médiateur, ce dernier a demandé à l'inspection générale des affaires sociales de procéder à une enquête sur les conditions d'entrée au centre hélio-marin de la mère du réclamant et d'examiner les possibilités de lui accorder une remise de sa dette.
La situation examinée par l'inspection générale soulevait pour l'essentiel trois catégories de problèmes :
- une première difficulté provenait du fait qu'au moment de son hospitalisation (en 1972), l'intéressée, de nationalité portugaise, n'était titulaire que d'un récépissé provisoire de carte de séjour (datant de 1970). C'était d'ailleurs le motif qui, dans un premier temps, avait été invoqué pour lui refuser l'aide sociale.
Mais les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 concernant l'entrée et le droit de séjour des étrangers, pourtant d'ordre public, peuvent ne pas être invoquées lorsque l'on se trouve, comme en l'espèce, en présence d'un cas social (personne très malade, illettrée, etc...). Aussi, après intervention de l'inspection générale, c'est une interprétation libérale des dispositions applicables qui, dans cette affaire, a pu prévaloir.
- se posait, ensuite, la question de la situation de la famille de l'intéressée au regard de l'aide sociale : il fallait savoir si, en l'espèce, l'octroi d'une telle aide était justifié.
L'enquête effectuée sur ce point a montré que la situation financière du réclamant - dont l'activité professionnelle était peu rentable et très aléatoire - était, en fait, des plus critiques. De plus, aucune autre ressource que ce revenu professionnel n'entrait dans le foyer. Quant à la mère de l'intéressé, elle ne bénéficiait d'aucune pension ni d'aucune aide particulière ;
- mais si, sans nul doute, la situation de cette famille justifiait l'octroi de l'aide sociale, restait le problème le plus difficile à régler : celui de la détermination de la collectivité publique à qui incombait la charge des dépenses en cause.
Les dépenses d'aide sociale au titre de l'hospitalisation et du séjour en maison de retraite sont partagées à raison de un tiers pour l'Etat, un tiers pour le département et un tiers pour la commune dans laquelle le demandeur a son domicile de secours. Ce domicile de secours s'acquiert notamment " par une résidence habituelle de trois mois postérieurement à la majorité... ".
La mère du réclamant était tombée malade et avait dû être hospitalisée (avant d'être dirigée vers le centre hélio-marin) alors qu'elle avait quitté - pour un séjour qui devait être bref - son département d'origine pour aller se recueillir sur la tombe d'un autre fils.
Bien que l'intéressée ait finalement du fait de sa maladie - séjourné plus de trois mois dans le département d'accueil, ce dernier refusait de prendre en charge les frais occasionnés par son séjour au centre hélio-marin. Craignant en effet que par son climat et la qualité de ses établissements, ce département n'attire de nombreux postulants et ne se voie obligé de supporter des dépenses très lourdes pour des personnes ayant toujours eu leur domicile dans une autre localité, le directeur de l'action sanitaire et sociale concerné avait décidé que les chefs d'établissement ne devraient plus désormais accepter de pensionnaires venant d'un autre département, à moins qu'ils ne soient porteurs d'une prise en charge illimitée de leur département d'origine. Cette décision était d'ailleurs conforme aux circulaires prises par le ministre de la santé en ce qui concerne l'aide sociale .
Le département d'origine, quant lui, considérant que le départ de l'intéressé était volontaire, avait bien donné son accord pour une prise en charge de trois mois, mais refusait une prise en charge illimitée.
Il était, en l'espèce, difficile de reprocher à une personne très âgée, malade, parlant à peine le français et pratiquement illettrée, d'avoir négligé d'accomplir les formalités nécessaires à sa prise en charge illimitée avant d'être admise au centre héliomarin. La faute initiale incombait en fait à cet établissement qui n'aurait pas dû accepter l'intéressée sans connaître les conditions de prise en charge de son séjour.
Mais il était encore plus difficile de considérer que la réclamante avait délibérément choisi de quitter son département d'origine pour aller élire domicile ailleurs. Aussi a-t-il finalement paru équitable de maintenir le domicile de secours de l'intéressée dans son département d'attache et de faire supporter les frais litigieux au service des personnes âgées de ce département. C'est la solution qui a été retenue (affaire n° II-861).
L'objet fréquent des litiges soumis au Médiateur et relatifs à l'aide sociale ou, plus encore, aux aides aux personnes âgées - et plus spécialement à l'allocation du fonds national de solidarité - concerne la possibilité pour l'Etat de récupérer, après le décès du bénéficiaire et sur sa succession, le montant des aides qui lui ont été versées de son vivant.
Très nombreux sont les héritiers qui, à la mort de l'intéressé, viennent faire part de leur surprise... (nos II-1635, III-186, III-503, etc.).
Mais il est arrivé, même, que ce soit la personne susceptible de recevoir l'aide en cause qui la refuse, pour ce motif :
La réclamante avait saisi le Médiateur pour demander que soient prises en compte, dans le calcul de sa retraite, les activités salariales qu'elle avait effectuées de 1941 à 1948 comme femme de ménage chez des particuliers. Mais l'administration concernée ne pouvait accéder à cette demande, l'intéressée n'étant pas en mesure d'apporter la preuve que des cotisations avaient été versées au titre de l'emploi en cause. De plus, aucune présomption sérieuse ne pouvait, en l'espèce, être prise en considération. Le refus de la caisse avait d'ailleurs été confirmé par des décisions juridictionnelles.
Le Médiateur a toutefois recherché, avec l'aide de l'administration, s'il n'existait aucune possibilité d'améliorer la situation de la réclamante ; celle-ci a notamment été invitée à demander l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité.
L'affaire a pris, alors, un tour un peu inattendu : le Médiateur a en effet été informé que la réclamante s'insurgeait contre les diverses demandes de renseignements - notamment sur le montant de ses ressources - que lui avait adressées l'administration pour permettre l'examen de ses droits éventuels : elle estimait que la caisse incriminée " n'avait pas à l'obliger à accepter l'allocation supplémentaire ".
En fait, la réclamante avait été informée par la caisse que, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, lorsque la valeur des biens immobiliers est au moins égale à 100 000 F, il peut être pris une inscription hypothécaire destinée à garantir la récupération des sommes servies au titre de l'allocation du fonds national de solidarité sur la succession de son bénéficiaire, et elle ne voulait en aucun cas que l'attribution de cette allocation conduise l'administration à récupérer, après son décès, " sa petite propriété ", au détriment de la personne qui la soignerait pendant sa vieillesse. Le Médiateur, dès lors, ne pouvait que s'incliner (affaire n° II-2772).
Sur un plan général, le Médiateur ne pense pas, malgré la fréquence des réclamations sur ce thème, devoir remettre en cause la possibilité ainsi laissée à l'administration.
Les réclamations mettant directement en cause le département de la santé (demandes de création d'officines, d'ouverture d'établissements de soins, plaintes concernant l'organisation des études médicales ou pharmaceutiques, etc.) n'ont rien apporté de bien nouveau par rapport aux années antérieures.
Dans toutes ces matières, les principales bavures qui ont été dénoncées, concernant le strict comportement des services, ont consisté, essentiellement, en des problèmes de mauvaise coordination de l'action administrative et, surtout, de lenteur de cette action.
Quelques exemples de mauvaise coordination de l'action des services valent la peine d'être retracés ici.
N° I-416. - Directeur général d'un laboratoire, l'intéressé avait, dans un premier temps, cotisé aux assurances sociales en tant que salarié. Mais un inspecteur de la sécurité sociale l'ayant considéré comme le " gérant de fait " de la société, il avait dû, à partir de 1946, payer des cotisations en tant que patron. Il avait d'ailleurs obtenu à ce titre son immatriculation à une caisse patronale de retraite ; mais cet organisme avait, en 1953, annulé rétroactivement son affiliation au motif qu'il n'était pas " le gérant légal " de la société, et lui avait remboursé les cotisations versées.
Victime de ces décisions contradictoires, le réclamant perdait non seulement le bénéfice d'une retraite complète de la sécurité sociale, mais aussi et surtout celui de la retraite des cadres pour laquelle il aurait normalement dû cotiser s'il avait gardé sa qualité de salarié. Dans la mesure où l'intéressé avait toujours travaillé régulièrement, cette situation était tout à fait anormale.
Saisie de l'affaire par le Médiateur, la direction régionale de la sécurité sociale a, au vu du rapport d'enquête établi par un agent de contrôle, demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de se prononcer sur l'assujettissement du réclamant au régime général pour la période litigieuse. L'accord de la caisse a été notifié à l'intéressé lui-même, ainsi qu'à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
En même temps, il a été conseillé au réclamant de régulariser sa situation en rachetant ses cotisations assurance vieillesse, cette formule pouvant lui permettre de voir ses cotisations imputées sur les arrérages de sa pension et, également, de bénéficier de délais de paiement.
N° III-139. - Le réclamant, titulaire d'une pension de vieillesse établie en coordination avec le régime général et le régime artisanal, se plaignait de ne pouvoir obtenir la prise en compte, pour le calcul de sa retraite, de la période d'août 1939 à novembre 1942, pendant laquelle il était mobilisé.
La caisse du régime général rejetait la demande de l'intéressé au motif qu'il était artisan à la date de sa mobilisation ; la caisse de prévoyance artisanale fondait son refus sur le fait qu'il était devenu salarié juste après sa démobilisation.
En fait, la prise en compte de la période considérée (cette période représentant un supplément de cinquante-deux points de retraite) incombait à la caisse interprofessionnelle de prévoyance artisanale.
Une fois de plus, un administré se trouvait placé dans une situation bloquée alors que son affaire ne présentait en réalité aucune difficulté particulière.
Ce type de bavures est, en réalité, quasi inévitable ; tandis que le manque d'organisation qui apparaît dans l'organisation des services est sans doute plus grave, mais en même temps plus facilement remédiable.
Dans le rapport de 1975, le Médiateur avait dénoncé la pratique fréquemment suivie par les directeurs départementaux ou régionaux du travail en matière de transmission au parquet des procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail et susceptibles de motiver des poursuites pénales (cf. p. 120 et 121).
L'examen d'une réclamation n° II-1686 soumise en 1975 au Médiateur a mis en lumière l'insuffisance de la coordination de l'action administrative en ce domaine.
Dans l'affaire en cause, le réclamant se plaignait des poursuites que l'inspecteur du travail avait engagées à son encontre à la suite du licenciement de l'un de ses employés et au motif que ce licenciement " pour cause économique " n'avait pas été, comme l'exigeait la réglementation en vigueur, précédé de l'autorisation de cette administration.
Lorsque le Médiateur, saisi du litige, s'est informé auprès de l'inspection du travail, il lui a été répondu que dès lors que l'infraction constatée avait fait l'objet d'un procès-verbal, seuls les tribunaux pouvaient trancher le différend.
Il est apparu par la suite que les services ignoraient qu'au moment où ils faisaient cette réponse, l'intéressé avait été déjà condamné à une amende par un jugement rendu six mois auparavant par le tribunal correctionnel.
Déplorant le retard apporté par les parquets à informer le ministère du travail des décisions juridictionnelles rendues en la matière et constatant, par là même un manque évident de liaison entre les différents services concernés, le Médiateur a signalé cette lacune au ministre de la justice : ce dernier a assuré que la question a été examinée lors de la préparation du projet de loi relative à la prévention des accidents du travail.
Cette loi est maintenant publiée (dans le Journal officiel du 7 décembre 1976, sous le n° 76-1106). Dès lors devrait être établie une circulaire comportant de nouvelles instructions sur cette question. Le Médiateur suit le problème.
En réalité, le reproche essentiel fait, au travers des réclamations relatives au secteur social, aux administrations concernées, est, très certainement, la lenteur avec laquelle sont examinés et réglés les dossiers. Et il est certain qu'il ne sera pas égal à un retraité que sa pension soit liquidée quelques mois plus tôt ou plus tard - c'est en ce domaine que les intéressés ont le plus souvent l'impression que l'administration manque de diligence à leur égard ; les exemples pourraient être, ici, multipliés - ; qu'il ne sera pas non plus indifférent à une personne dont les ressources sont limitées de voir l'aide à laquelle elle peut prétendre lui être versée un peu plus tôt ou un peu plus tard ; qu'il est fondamental, pour un accidenté du travail, que la rente qui lui sera due soit déterminée au plus tôt...
Les causes des retards peuvent être diverses : complexité du dossier, surcharge des services, parfois aussi, il faut le reconnaître, manque de diligence du fonctionnaire chargé d'examiner la question. Dans la plupart des cas, l'action du Médiateur permet de " débloquer " l'affaire et, sinon de donner satisfaction à l'intéressé, du moins de l'informer de sa situation. Cette tâche constitue l'action quotidienne du Médiateur et toutes les constatations faites précédemment sont demeurées valables (Voir spécialement, le rapport de 1975, p. 39 et suivantes : L'Action quotidienne du Médiateur).
- Une recommandation était relative au délai de paiement imparti aux entreprises pour verser les cotisations de sécurité sociale qui leur incombent (affaire n° II-2446).
Le réclamant, petit entrepreneur de maçonnerie - il employait dix salariés - était en litige avec l'U. R. S. S. A. F. en raison d'un versement de cotisations réputé tardif et de l'application - abusive aux yeux de l'intéressé - de la majoration de retard de 10 p. 100.
L'intéressé avait fait son chèque de virement postal le samedi 13 octobre 1973 mais, au lieu de l'adresser directement à l'union de recouvrement avec son bordereau, il l'avait envoyé à son C. C. P. Il avait été débité le 17 octobre. Mais le compte de l'U. R. S. S. A. F., tenu par le C. C. P. d'une autre ville, ne fut crédité que le 18 (en fait, dans toute la procédure, l'U. R. S. S. A. F. indiquera qu'elle avait été créditée le 17).
L'intéressé refusant de payer les pénalités, l'administration engagea une procédure contentieuse : le réclamant se vit, le 6 janvier 1975, assigné devant le tribunal d'instance ; puis le directeur de l'U. R. S. S. A. F. rejeta sa demande de remise de pénalité, formulée le 28 janvier 1975.
Après un examen approfondi de l'affaire, le Médiateur estima que la décision de l'U. R. S. S. A. F. était en contradiction avec les termes mêmes d'une lettre-circulaire du 5 avril 1968 du ministre des affaires sociales relative à la détermination de la date de versement des cotisations. Cette circulaire indiquait, en effet, que " compte tenu des délais d'exécution entre deux centres de chèques postaux différents, doit être considéré comme effectué dans le délai légal de paiement de l'impôt, le versement du contribuable qui a été porté au crédit du compte du percepteur le surlendemain de la date limite de paiement".
Le président de l'U.R.S.S.A.F. rétorqua que cette lettre-circulaire n'avait pas force de loi et rappela que, conformément au décret n° 72-230 du 24 mars 1972, " les cotisations devaient être versées dans les quinze premiers jours du mois ".
Diverses interventions du Médiateur amenèrent cependant l'U. R. S. S. A. F. à abandonner les pénalités précédemment exigées, laissant toutefois les frais de procédure à la charge du réclamant.
Mais le Médiateur, estimant que ce compromis ne pouvait constituer une solution acceptable, adressa une recommandation au directeur de l'U. R. S. S. A. F., lui demandant d'indemniser l'intéressé pour le préjudice qui lui avait été causé, du fait notamment de son exclusion - consécutive à cette affaire - des marchés publics.
Cette recommandation fut rejetée. Mais le Médiateur, ne pouvant laisser subsister une divergence d'appréciation sur le caractère juridique de la lettre circulaire évoquée - ambiguïté sur laquelle le directeur de l'U.R.S.S.A.F. se fondait pour s'opposer à l'avis du Médiateur - celui-ci s'est alors adressé au Conseil d'Etat en lui demandant de procéder à une étude tendant à déterminer la nature juridique de ce texte, ainsi que d'une lettre ministérielle du 27 octobre 1975 destinée au directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, traitant d'un même objet.
Les conclusions de cette étude devraient permettre au Médiateur d'orienter de manière efficace sa démarche auprès des pouvoirs publics, en vue de porter remède à la situation dénoncée.
Le Médiateur a en outre proposé une réforme (n° STR 76-29) susceptible d'éviter à l'avenir ce type de litiges.
- Une autre recommandation, destinée à réparer les fautes commises par les responsables d'une caisse de sécurité sociale et d'un hôpital psychiatrique (affaire n° 771) a été déjà longuement analysée dans le rapport de synthèse, comme affaire témoin (P. 5 et 6).
La dernière recommandation, enfin, tend à réparer le préjudice subi par une réclamante qui, admissible à un concours, n'a pu se présenter aux épreuves orales, sa convocation ne lui étant pas parvenue en temps utile (n° II. 229).
Admissible aux épreuves écrites du concours de recrutement des inspecteurs de la sécurité sociale, ouvert pour 1974, l'intéressée n'a pu participer aux épreuves orales d'admission, sa convocation, bien qu'envoyée en temps utile, lui étant parvenue après la date fixée pour les oraux - et ce, en raison sans doute des perturbations engendrées par une grève des postes et télécommunications de peu antérieure à l'affaire.
En saisissant le Médiateur, la candidate espérait pouvoir conserver le bénéfice de l'admissibilité pour le concours de l'année suivante. Mais une telle solution n'était pas envisageable.
En effet, les mérites des différents candidats à un même concours ne peuvent être appréciés que d'après des épreuves subies dans des conditions rigoureusement identiques et, notamment, sur des sujets communs choisis par un jury unique, celui-là même qui est par ailleurs seul qualifié pour faire subir les épreuves orales aux candidats dont il a prononcé l'admissibilité. De nature impérative, ces règles, qui visent à assurer une stricte égalité entre les candidats, ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation ; le juge administratif veille attentivement à leur application et en sanctionne strictement la violation.
Cela étant acquis, il a cependant semblé au Médiateur qu'une autre issue au litige pouvait être trouvée, grâce au versement à l'intéressée d'une indemnité destinée à réparer le préjudice qu'elle avait subi. Il a estimé, en effet, que la responsabilité de l'administration pouvait être engagée dans cette affaire, et ce, du fait que les perturbations dans la distribution du courrier étaient, pour l'époque où le litige est né, parfaitement prévisibles.
Le Médiateur a adressé au ministre du travail, compétent en l'espèce, une recommandation tendant à l'octroi d'une indemnité en faveur de la réclamante. La toute récente réponse du ministre conteste l'argumentation du Médiateur ; elle fait actuellement l'objet d'une étude.
Les plus importantes ont été les quatre synergies - déjà signalées - concernant tout spécialement le secteur social, mais dont la mise en oeuvre dépend de l'ensemble des départements ministériels.
Deux - " l'accès à la retraite et ses difficultés " et l'" application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit en matière de législation sociale " - ont été analysées ci-avant dans ce rapport ; une troisième tend à la " mise en oeuvre de l'harmonisation des divers régimes de sécurité sociale " ; la dernière, enfin, à la " proratisation en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux ".
- La mise en oeuvre de l'harmonisation des régimes de sécurité sociale ; examen de quelques dysharmonies subsistantes ou nouvellement introduites (syn. n° 4).
Cette proposition a été adressée : au Premier Ministre, au ministre du travail, au ministre de l'agriculture, au ministre du commerce et de l'artisanat, au ministre de l'industrie et de la recherche, au secrétaire d'Etat aux transports, au ministre de la justice, au ministre de l'économie et des finances.
La loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 dispose qu'un système de protection sociale commun à tous les Français sera institué, au plus tard le 11 janvier 1978, dans les trois branches : assurance maladie-maternité, vieillesse, prestations familiales. Cet objectif doit être atteint par l'harmonisation progressive des régimes de base obligatoires légaux, et par l'admission au bénéfice d'une protection sociale de tous les Français non encore affiliés à l'un de ces régimes.
Le Médiateur n'a pas eu connaissance du calendrier qui a pu être établi pour réaliser cette harmonisation. Il faut remarquer, d'ailleurs, que la loi ne comporte de dispositions planificatrices qu'en ce qui concerne l'appareil de mesures financières qui doit sous-tendre le processus d'harmonisation.
Le Médiateur ne peut donc que signaler, au gré des réclamations qui lui parviennent, les dysharmonies que l'on peut encore constater dans notre système de sécurité sociale et que l'équité, compte tenu du bref délai imparti par le législateur à l'opération d'harmonisation, commanderait de faire disparaître au plus vite.
Ces dysharmonies sont d'ailleurs de plusieurs espèces :
1° Les plus explicables, sinon les plus justifiables, se rencontrent dans le domaine légalement assigné à l'harmonisation : les régimes de base obligatoire légaux. Il y aura disparité, par exemple, entre le traitement d'une même situation dans le régime général, et dans le ou les régimes applicables aux travailleurs non salariés ;
2° Mais il existe aussi des dysharmonies que l'on peut appeler " de répercussion " : lorsqu'un avantage nouveau, par exemple, est accordé aux ressortissants d'un régime de base obligatoire légal, sans être étendu aux tributaires des régimes " spéciaux ", ne réalise-t-on pas par là une remise en cause des avantages acquis par ces derniers régimes, opération pourtant expressément prohibée par la loi de 1974 ?
3° Enfin, bien que le champ de l'harmonisation ait été limité, comme on l'a rappelé, aux régimes de base (art. 1, alinéa 2, de la loi), il ne paraît pas possible de laisser à l'écart les disparités constatées en matière de droits au bénéfice d'un régime complémentaire de retraite - surtout si l'on remarque que les " régimes spéciaux " à certaines catégories socio-professionnelles sont à eux-mêmes leur propre régime complémentaire, et que dans certains régimes de base les risques d'invalidité et de décès n'ont pu être couverts que par l'institution d'un régime complémentaire - qui est en réalité un régime de base...
C'est pour cette dernière raison qu'en dépit du silence gardé par le législateur de 1974 sur les risques invalidité et décès, il ne paraît pas non plus possible d'ignorer les problèmes que pose, d'un régime à l'autre, la couverture de ces risques.
Le rapport du Médiateur pour 1975 (p. 108 à 115) traite d'un certain nombre de ces dysharmonies. La présente synergie les a reprise, en leur ajoutant d'autres situations, qu'il est apparu nécessaire d'englober dans l'ensemble des problèmes posés par la mise en oeuvre de l'harmonisation.
Chaque dysharmonie constatée par le Médiateur a donné lieu à des propositions concrètes. Mais il semble prématuré d'en faire état ici : la question d'ensemble devra en effet, lorsqu'elle aura suffisamment évolué, faire l'objet d'un développement dans un rapport ultérieur.
Les mêmes observations valent en ce qui concerne la synergie n° 6, relative à la " proratisation " en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux, l'étude de ces deux dernières synergies ne pouvant d'ailleurs être dissociée.
La " proratisation " se définit comme la prise en charge, par chaque organisme gestionnaire d'un régime de protection sociale, de la part de la pension de vieillesse correspondant aux cotisations versées par un assuré de ce régime, et calculée au prorata de son temps d'affiliation.
Pour les régimes de base obligatoires légaux, cette proratisation est assurée, depuis la loi n° 75-3 du 3 janvier 1975, dans le régime général de la sécurité sociale et dans le régime applicable aux salariés agricoles. Le Médiateur estime sa mise en oeuvre souhaitable aussi bien pour tous les régimes de base obligatoires légaux qu'à l'intérieur de chaque régime spécial.
Un certain nombre d'entre elles ont déjà été signalées dans le cours de ce rapport ; il n'en sera plus question sous cette rubrique.
- Proposition n° STR 76-23 : relative aux majorations des pensions de retraite au titre des enfants issus du ménage ou élevés par le titulaire.
L'article L. 338 du code de la sécurité sociale prévoit que la pension de retraite est augmentée d'un dixième pour tout assuré de l'un ou de l'autre sexe ayant eu au moins trois enfants. Il est précisé au deuxième alinéa du même article qu'" ouvrent également droit à cette bonification les enfants élevés dans les conditions prévues à l'article L. 327, deuxième alinéa ", c'est-à-dire, selon ce dernier texte, " ayant été, pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire, élevés par le titulaire de la pension et à sa charge ou à celle de son conjoint ".
Ainsi, en ce qui concerne ses propres enfants, l'assuré peut prétendre à la majoration d'un dixième dès le moment où trois de ceux-ci sont nés viables. Mais s'il s'agit d'enfants adoptés ou à charge, par suite, notamment, du mariage avec une veuve mère de famille, une condition est exigée : à savoir que ces enfants aient été élevés par le titulaire de la pension pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire. C'est dire qu'il faut, en pratique, que l'adoption ou le mariage avec la veuve mère de famille intervienne alors que trois enfants ont encore moins de sept ans.
Cette législation soulève deux critiques :
- la première concerne la limite de seize ans. En effet, il est exigé des jeunes, au moment de l'entrée dans la vie active, une formation de plus en plus complète, laquelle implique que ceux-ci restent à la charge de leur famille pendant de nombreuses années encore, au-delà de leur seizième anniversaire.
Il a d'ailleurs déjà été tenu compte de cet état de choses dans la partie " prestations familiales " du code de la sécurité sociale. Ainsi, selon les dispositions de l'article L. 527 dudit code et de ses textes d'application, les enfants sont considérés comme étant à charge et ouvrent droit au versement des allocations familiales :
a) Tant que dure l'obligation scolaire, et six mois au-delà s'ils ne sont pas salariés, ou un an au-delà s'ils recherchent une première activité professionnelle et sont inscrits comme demandeurs d'emploi à l'agence nationale pour l'emploi ;
b) Jusqu'à l'âge de dix-huit ans s'ils sont placés en apprentissage ;
c) Jusqu'à l'âge de vingt ans s'ils poursuivent des études ou s'ils sont, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, dans l'impossibilité constatée de se livrer à une activité professionnelle, ou s'ils ouvrent droit à l'allocation d'éducation spéciale.
Il serait donc plus conforme à la réalité économique et sociale de remplacer la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 327 du code de la sécurité sociale par le texte suivant : " ouvrent droit également à cette bonification les enfants ayant été, pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire ou avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens de l'article L. 527, élevés par le titulaire de la pension et à sa charge ou à celle de son conjoint ".
- la deuxième critique montre combien il est inéquitable que soit refusée la majoration d'un dixième dans certains cas illustrés par l'exemple suivant :
Le titulaire d'une pension ayant adopté cinq enfants (ou ayant épousé une veuve mère de cinq enfants) âgés respectivement de trois ans, cinq ans, huit ans, dix ans, douze ans, n'a droit à aucune majoration, puisque deux seulement de ces enfants (les deux premiers) ont été à charge pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire, le temps total (8 + 6 + 4 = 18 ans) pendant lequel les trois autres ont été à charge avant leur seizième anniversaire ne pouvant être pris en compte. Il aurait, par contre, bénéficié de la majoration du dixième s'il avait adopté trois enfants (ou épousé une veuve mère de trois enfants) âgés de moins de sept ans.
Une situation semblable apparaît également lorsque plusieurs enfants à charge décèdent en bas âge.