Le Médiateur poursuit, avec ténacité, une affaire ancienne, relative à l'indemnisation des Français ayant dû abandonner leurs biens ou leurs fonctions dans les concessions de Chine. (75 2794)
Ces agents contractuels des concessions françaises en Chine sont les seuls Français ayant servi leur patrie Outre-Mer dont la situation n'est pas encore réglée après 35 ans d'attente.
Avant 1945, dans les concessions françaises, de Shangai, Tien-Tsin et Hankeou, des " municipalités ", personnes morales de droit privé, assuraient l'administration et la défense des intérêts des ressortissants français en Chine. Leurs agents étaient liés à elles par un contrat de travail.
Le traité de Tchong King survint, par lequel la France rétrocéda à la Chine ces trois concessions ; or, les gouvernements chinois ne tinrent pas leurs engagements, c'est-à-dire assurer la protection de tous les droits légitimes dans celles-ci, ce qui entraîna de lourdes conséquences pour nos ressortissants : perte d'emploi, difficultés de reclassement et de réinsertion en métropole.
Dès 1961, M. Frédéric Dupont, député, avait déposé une proposition de loi tendant à déterminer les mesures régularisant la situation des personnels des ex-concessions françaises en Chine, laquelle n'avait pu, malgré le rapport favorable de la Commission des lois constitutionnelles, être inscrite à l'ordre du jour du fait de la dissolution survenue à cette époque.
A la suite de multiples requêtes dont les intéressés l'avaient saisi, le Médiateur démontra dans un rapport, le 11 décembre 1979, la légitimité de leurs revendications : validation des services des fonctionnaires détachés dans les concessions, validation du rachat des cotisations sociales, rappel de solde pour perte d'emploi.
L'injustice envers les personnels des ex-concessions françaises en Chine est d'autant plus flagrante que ces derniers semblent être victimes d'une discrimination : en effet, ils sont exclus du champ d'application de la loi du 26 décembre 1961 concernant l'accueil et la réinstallation des Français d'Outre-Mer et de la loi du 15 juillet 1970 prévoyant une contribution nationale par l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.
En 1980, le Médiateur a demandé à M. Frédéric Dupont de reprendre en l'actualisant la proposition de loi qu'il avait déjà faite.
Cependant le Ministre du Budget, malgré l'avis favorable du Ministre des Affaires Etrangères, s'est opposé à ce que vienne en discussion, en invoquant l'article 40 de la constitution, ledit projet de loi.
La solution réside dans un éventuel arbitrage du Premier Ministre...
Un problème que rencontre fréquemment l'administré : le défaut de paiement par l'étranger.
Non-indemnisation de la dépossession d'une propriété. (79 1659)
M. G... avait acquis une concession dans un état africain et édifié des bâtiments à usage industriel. Avant de quitter B..., étant gravement malade, il confie ses biens en location pour cinq ans à un gérant avec lequel il signe une promesse de vente devant prendre effet à la fin des cinq ans de location.
Mais entre-temps cet état a obtenu son indépendance et a changé de politique, les dossiers administratifs ont été quelque peu égarés. Le gérant doit quitter B..., en février 1971, le Gouvernement occupe sans titre la propriété de M. G... et y installe une société. Malgré de nombreuses et coûteuses démarches la famille de M. G… décédé depuis, n'a pas été indemnisée.
Non-paiement de l'indemnité de congés payés et d'une indemnité de rapatriement par un Ministère étranger de l'Education. (79 2063)
M. M... a été nommé en 1970, par le Ministère français des Affaires étrangères en accord avec un Ministère étranger de l'Education, pour assurer les fonctions de professeur de mathématiques au Collège de M...
La convention régissant les accords culturels à l'époque, lui donnait droit à un congé payé par le gouvernement du pays d'accueil durant les vacances scolaires, ce après 2 ans d'activité dans ce pays.
Or, en 1974, c'est-à-dire après quatre années, le Gouvernement refuse de lui rembourser le congé pris au titre de cette convention.
De même, ce Gouvernement étranger a refusé à l'intéressé, nommé en Côte d'Ivoire, l'indemnité de rapatriement prévue par un article de la Convention inter étatique.
Malgré les nombreuses interventions de l'Ambassade de France, le Gouvernement en cause a maintenu son refus.
Cette réclamation mettant en cause un Etat étranger souverain, le Médiateur ne peut malheureusement intervenir qu'auprès du ministère français des Affaires Etrangères.
Réparation d'un accident de la circulation survenu à l'étranger. (79 0193)
M. H... victime d'un accident de la circulation survenu le 25 octobre 1960 à C... n'était toujours pas indemnisé en 1979. Bien que conscient du problème posé, le Médiateur ne pouvait intervenir auprès des juridictions judiciaires ou du Fonds de garantie automobile de cet état étranger.
C'est grâce à la Direction des Français de l'Etranger, dont la création avait été demandée par le Médiateur dès 1977, que M. H... s'est vu indemniser.
Il arrive que les ambassades elles-mêmes n'honorent pas leurs dettes : ainsi certaines ambassades étrangères n'ont pas réglé les frais de séjour de leurs ressortissants alors qu'elles s'y étaient engagées (80 1480). Il en est de même pour certains Etats. (79 1942)
On peut espérer que les relations des Français avec les administrations étrangères s'amélioreront grâce aux interventions de la Direction des Français de l'Etranger.
- Un progrès en matière de procédure de remembrement,
- Une difficulté certaine à mettre en oeuvre la réglementation relative à l'octroi des indemnités viagères de départ.
1. La difficile exécution des jugements en matière de remembrement. Le problème aurait-il trouvé sa solution ?
Le problème est régulièrement dénoncé : les jugements rendus en matière de remembrement ne sont pas ou sont mal exécutés. Les commissions départementales de réorganisation foncière et de remembrement, compétentes en la matière, peuvent en toute impunité faire échec aux décisions juridictionnelles.
Non seulement elles ne respectent pas le délai d'un an qui leur est imparti pour remplacer les mesures annulées par les tribunaux, mais les nouvelles décisions qu'elles prennent sont, en général, irrégulières.
Si bien qu'il n'est pas rare qu'un agriculteur engage trois, voire quatre, procédures contentieuses, sans pour autant obtenir que ses droits soient reconnus.
La situation a été décrite à maintes reprises. Les réclamations ont continué d'affluer auprès du Médiateur. Quant à l'administration, elle a vu se multiplier les demandes de dédommagement.
Bien que les commissions départementales comprennent en leur sein autant de représentants des administrés que de représentants de l'Etat, l'idée s'accréditait que l'administration en prenait à son aise, notamment avec le respect de la chose jugée.
Le Médiateur avait suggéré une solution : le recours à une procédure accélérée devant les tribunaux, puisqu'il faut bien admettre que les commissions départementales ne sont pas mues par une obstination malsaine de faire échec à l'autorité juridictionnelle, mais qu'elles se heurtent à des difficultés matérielles réelles lorsqu'elles se voient dans l'obligation de modifier, après plusieurs années, leurs décisions initiales. Des situations se sont créées, qu'il peut être délicat de remettre en cause. Il semblait au Médiateur que ces obstacles ne seraient plus insurmontables si les délais d'annulation des décisions étaient abrégés.
La dernière loi d'orientation agricole (du 4 Juillet 1980) a opté pour une autre solution : elle prévoit le dessaisissement de la commission départementale, lorsque celle-ci se révèle incapable de remplir sa mission, et son remplacement par une commission spéciale, rattachée au ministre de l'Agriculture, et composée de personnalités d'origine juridictionnelle et administrative.
Ce n'est que dans quelques années que le bilan de l'expérience pourra être fait.
Une affaire mérite d'être signalée qui est révélatrice de l'état d'infériorité dans lequel peut se trouver l'administré dans ce domaine (n°78.3771).
En exécution d'un arrêt rendu par le tribunal administratif en avril 1973, la commission départementale de remembrement avait décidé, en mars 1976, d'allouer à l'intéressé une indemnité de 50.000 Frs.
Mais le trésorier payeur général s'opposait au versement par l'Etat de cette indemnité, au motif qu'elle devait incomber au propriétaire qui avait finalement bénéficié indûment de l'opération de remembrement.
Saisi du litige, le Médiateur a estimé que l'administration étant à l'origine responsable de cette affaire, qui durait depuis déjà 10 ans, la moindre des choses était qu'elle verse elle-même l'indemnité sans attendre, quitte à se retourner par la suite contre l'attributaire des parcelles contestées.
C'est ce qui a été fait.
2. La difficile mise en oeuvre de la réglementation relative à l'octroi des indemnités viagères de départ.
Les manifestations de cette difficulté sont diverses.
A signaler, d'abord, qu'il existe encore des lacunes dans les textes, des vides juridiques.
Par exemple, les entrepreneurs de travaux agricoles, considérés jusqu'ici davantage comme des prestataires de services que comme des chefs d'exploitation, sont dans l'état actuel de la réglementation exclus du bénéfice de l'indemnité viagère de départ (I.V.D.).
Une réforme est à l'étude au ministère de l'Agriculture sur ce point.
Dans certains cas, les textes paraissent clairs, mais les situations réelles sont difficiles à appréhender.
Comme dans cette affaire n°79.3170 :
La situation du réclamant est complexe.
Après être passé du régime agricole au régime général, et vice-versa, l'intéressé cotise aux deux régimes depuis le 1er janvier 1965 : il exerce une activité de magasinier dans une société industrielle ; il déclare, en outre, assurer l'exploitation de sa propriété.
Lorsqu'il cesse cette exploitation en 1976, il demande le bénéfice de l'I. V. D.
Ses terres sont situées dans une zone de montagne. A ce titre, l'examen de sa demande est soumis à un régime particulier. La commission départementale des structures agricoles doit se livrer à l'étude comparative de son activité agricole et de son activité non agricole.
La commission conclura que, bien que les revenus tirés de chacune des deux activités soient sensiblement équivalents, l'exploitation agricole ne constitue pas l'activité principale, compte tenu du temps que l'intéressé est censé pouvoir lui consacrer. L'I.V.D. ne sera donc pas accordée.
La position de la commission n'est pas critiquable. Mais l'examen du dossier montre que les différences étaient bien ténues, les possibilités d'interprétation difficiles.
La mission des services responsables n'est pas toujours aisée.
Dans certains cas, il est tout de même manifeste qu'ils agissent dans une grande confusion.
Deux exemples significatifs :
- Fin 1976, l'intéressée demande à bénéficier de l'indemnité viagère de départ à compter de son cinquante-cinquième anniversaire.
Cet avantage lui est refusé au motif qu'elle ne justifie que de 4 ans et 8 mois d'activités agricoles (au lieu des 5 années requises).
Par dérogation à cette exigence, l'I.V.D. lui est accordée à compter de son soixantième anniversaire.
Un réexamen de la situation de l'intéressée révèle qu'elle totalise en réalité plus de cinq années d'activités agricoles, qu'aucune dérogation n'était donc nécessaire à cet égard.
Considérant alors qu'il aurait été normal qu'elle obtienne cet avantage dès 55 ans, elle réitère sa demande initiale.
C'est pour s'entendre répondre : " l'octroi de l'I.V.D. dès l'âge de 55 ans n'est susceptible d'être accordé que dans le cas où le demandeur est reconnu inapte au travail à un taux supérieur à 50 % par un médecin-conseil de la Mutualité sociale agricole. L'examen de la demande se fait selon une procédure propre. Celle-ci doit être entamée avant la date de cessation d'activité ".
Or la réclamante avait bien, dès 1976, fait parvenir à la Mutualité sociale agricole un certificat médical attestant une invalidité de plus de 60 % mais ce service - comme il l'a d'ailleurs reconnu par la suite - n'avait pas alors estimé nécessaire de faire contrôler l'inaptitude puisqu'il pensait que de toute façon l'I.V.D. n'était pas due.
Jusqu'ici l'administration a refusé de revenir sur sa position, un jugement du tribunal administratif lui ayant donné raison.
Un tel refus qui, en droit, s'explique, dans les faits manque de régularité.
Le dossier est toujours à l'étude (affaire n° 80.1594).
- En Mai 1974, l'intéressée demande à bénéficier de l'I.V.D. Après une abondante correspondance, elle se voit, en Janvier 1977, opposer un refus, au motif qu'elle reste usufruitière d'une "parcelle de subsistance " supérieure aux 80 ares admis.
Elle régularise sa situation, transmet l'attestation du notaire dès le mois de Juillet 1977.
Sa demande restant sans réponse, elle adresse un rappel et l'administration l'invite alors à transmettre l'acte authentique d'usufruit, ce qu'elle fait.
C'est pour se voir informer, en septembre 1978, par la commission des structures agricoles, qu'il n'est pas possible de revenir sur la première décision de refus, un trop long délai séparant l'envoi des pièces justificatives de la demande initiale (formulée en mai 1974) !
Le refus étant indiscutablement abusif, le ministre de l'agriculture a accepté, dès l'intervention du Médiateur, d'accorder satisfaction à l'intéressée (n° 79.0892)
Le thème des réclamations n'a pas varié par rapport à ce qui avait été dit par le Médiateur dans son rapport de 1979.
Les demandes d'obtention de la carte de combattant et de reconnaissance du titre de déporté ou de résistant continuent à parvenir, ces titres permettant en effet, depuis 1973, de bénéficier d'une pension (civile) de retraite par anticipation.
Les conditions exigées pour se voir reconnaître ces titres sont strictes et le Médiateur n'a pas toujours les moyens techniques de vérifier si ces conditions sont remplies ou non.
Un problème se pose à l'occasion de l'examen de certaines de ces réclamations : l'intervention nécessaire du ministère de la Défense pour la validation des services de résistant.
Il arrive que les deux départements ministériels concernés (Anciens Combattants et Défense) n'adoptent pas les mêmes critères d'appréciation, ce qui n'est pas toujours bien compris des administrés.
Ainsi dans une affaire où le ministère de la Défense a refusé l'homologation comme blessures de guerre, de blessures subies pendant la Résistance, alors que le secrétariat aux Anciens Combattants a pris en compte, pour la délivrance de la carte de combattant volontaire de la Résistance, la période au cours de laquelle l'intéressé avait été blessé (78 3009).
Les demandes relatives à l'attribution ou à la révision d'une pension d'invalidité constituent le second thème des réclamations transmises en cette matière. Elles posent pour beaucoup, et de manière particulièrement aiguë, le problème des preuves : preuves exigées, mais la plupart du temps impossibles à apporter.
A l'examen des requêtes, il semble que l'administration devrait faire preuve d'une plus grande souplesse en exigeant des preuves moins formelles, ce qui éviterait aux intéressés un sentiment d'amertume souvent bien compréhensible.
Un troisième problème demeure mal résolu, celui de l'appréciation de la situation des étrangers devenus Français après la dernière guerre mondiale.
L'intervention du Médiateur a permis que soient maintenant pris en compte les services accomplis dans les armées alliées pendant les campagnes de guerre 1939-1945 par les étrangers ayant par la suite acquis la nationalité française, sous réserve que les intéressés aient servi dans une unité combattante (article 16 de la loi n° 78.753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal).
Tous les problèmes sont cependant loin d'être résolus.
Par exemple :
- La modification susvisée concerne les droits à pension de retraite, mais non les pensions militaires d'invalidité, celles-ci ne pouvant être attribuées qu'aux étrangers qui ont servi dans l'armée française ou dans l'armée d'un pays allié ayant signé une convention de réciprocité avec la France (n° 79 2838).
- Pour pouvoir prétendre à une pension, il est indispensable que la victime civile directe et ses ayants cause aient la nationalité française à la date du fait dommageable et non pas seulement à la date de leur demande (80.2036).
- Il existe, aussi, des situations exceptionnelles qui ne peuvent être réglées qu'en équité. Un exemple : une réclamante qui avait été internée en France pendant la guerre de 1940 parce qu'elle était d'origine israélite, demande à être indemnisée.
De nationalité belge au moment de la guerre, elle est devenue française en 1946.
La Belgique lui refuse toute indemnité en invoquant son actuelle nationalité française. Les autorités françaises invoquent sa nationalité belge au moment des faits pour lui opposer un refus. Quant aux autorités allemandes, elles font valoir qu'elles se sont libérées de leur dette en versant aux Etats belge et français des sommes destinées à indemniser les victimes des persécutions nazies.
Le Médiateur a estimé que la France devait prendre à sa charge l'indemnisation en cause.
L'affaire est encore en cours (n° 78 1235).
RECOMMANDATION
L'affaire n° 75.1583, relative à une demande de réexamen de la pension d'une veuve, a, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet d'une recommandation.
Celle-ci, ainsi que la réponse de l'administration concernée, a été publiée au journal officiel, édition des documents administratifs n° 64, du 25 août 1980. Elle n'a pas encore reçu de solution définitive.
L'année 1980 a été marquée par un certain nombre d'évènements, manifestations, articles de presse, prises de position politiques et syndicales, dépôts de propositions de lois au Parlement mettant en lumière les conditions d'application de la loi du 21 juin 1971 sur l'objection de conscience.
Depuis plusieurs années déjà, des candidats au statut d'objecteur ont décidé d'utiliser une lettre type dite " OP20 " pour justifier leur opposition personnelle à l'usage des armes dans laquelle on peut lire : " Mes armes sont la pelle et la pioche pour l'élaboration d'un monde meilleur où tous les hommes pourront vivre en paix, libres et heureux. Je suis au service de l'humanité tout entière sans aucune distinction de race, de religion, d'éthique ".
La commission juridictionnelle chargée d'examiner la validité des demandes conformément à l'article 45 de la loi du 20 Juin 1971 refusa d'accorder à certains d'entre eux le statut d'objecteur considérant que le recours à un texte stéréotypé ne pouvait être le signe de leur sincérité et allait à l'encontre de la prise de position personnelle qui doit être la leur.
Face à ces refus, des candidats objecteurs déposèrent des recours devant le Conseil d'Etat, ces recours n'étant pas suspensifs, ceux qui les formèrent furent soit incorporés soit considérés comme insoumis au service militaire et incarcérés.
Saisi des cas de ces derniers en octobre 1979 et au cours du premier trimestre 1980, le Médiateur ne pouvait rester insensible à la situation de fait créée par la détention de onze jeunes gens contraints d'attendre en prison la décision de cassation du Conseil d'Etat. Ces incarcérations lui apparaissaient d'autant plus " inéquitables " et " abusives " que la Haute Assemblée ne manquerait pas de donner raison aux candidats objecteurs lorsqu'elle serait conduite à statuer.
En effet, selon une jurisprudence jusqu'alors constante, le Conseil d'Etat, dans le cas de demandes de statut formulées à l'aide de la lettre " OP20 ", cassait les décisions de refus de la Commission Juridictionnelle considérant que le caractère stéréotypé de cette lettre ne saurait lui retirer sa valeur de preuve (Arrêt Michalet - 26 décembre 1973) et que les termes utilisés permettaient de justifier les convictions philosophiques nécessaires à la demande de statut. Le Conseil d'Etat considérait également que la Commission devait être censurée lorsqu'il apparaissait qu'elle n'avait pas recherché si les documents du dossier qu'elle avait jugés insuffisants exprimaient, ou non des convictions sincères et personnelles (Arrêt Dollet du 27 juillet 1979) et suggérait (Arrêt Michalet précité) ou recommandait à la Commission Juridictionnelle d'utiliser toutes les mesures d'instruction en son pouvoir, notamment la comparution et l'audition du demandeur. Cette possibilité, facultative (article L 45 de la loi du 20 juin 1971), n'avait jusqu'alors jamais été utilisée.
Dans ce contexte, le Médiateur estimait " plus sage " que, dans l'attente des décisions du Conseil d'Etat, il soit sursis à l'incorporation des intéressés ou qu'à tout le moins, les Parquets militaires n'engagent pas de poursuite (notons sur ce point qu'au terme de l'article 113 du Code de Justice Militaire, le droit de mettre en mouvement l'action publique " appartient dans tous les cas au Ministre des Armées "). Une telle attitude lui paraissait de nature à dédramatiser une situation dont la dégradation pouvait devenir préjudiciable à l'armée.
Si l'article 11 de la loi instituant le Médiateur ne lui permet pas de remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, ce même article lui laisse néanmoins " la faculté de faire des recommandations auprès de l'organisme mis en cause ". Le Médiateur intervint donc auprès du ministère de la Défense afin d'obtenir :
- la libération des objecteurs emprisonnés ;
- la mise en place de mesures susceptibles de retarder l'incorporation dans le service armé jusqu'au prononcé de la décision finale, conformément à la résolution n° 337 (d) adoptée le 26 Janvier 1967 par l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe ;
- le renforcement des moyens de la commission juridictionnelle, afin de faciliter la comparution personnelle des candidats objecteurs.
L'arrêt Dollet du 25 Juillet 1980 allait mettre un terme à l'annulation systématique des décisions de refus du statut d'objecteur de la Commission Juridictionnelle par le Conseil d'Etat.
Pour la Haute Assemblée, la Commission en refusant en l'espèce, le statut d'objecteur au requérant n'a pas jugé que les convictions de ce dernier n'étaient pas de nature à le faire reconnaître objecteur ; elle a jugé que ces convictions n'étaient pas prouvées, leurs qualifications juridiques n'étant pas mise en cause. Dès lors, la Commission s'est livrée à une appréciation des faits qui échappe au contrôle du juge de cassation et n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que la demande " OP20 " ne suffisait pas à justifier le caractère personnel des convictions affirmées.
Dans cet arrêt important, le Conseil d'Etat en n'incitant pas la Commission Juridictionnelle à convoquer individuellement les requérants semble prendre quelques distances avec la position constante qui était la sienne sur ce point.
L'arrêt Dollet et l'interprétation qui peut en être faite permet au Ministère de la Défense de répondre au Médiateur qu'il tirera de la décision du Conseil d'Etat " toutes les conséquences selon les règles de procédure normalement applicables dans une telle manière ", précisant que " la Commission n'avait ni violé la chose jugée par le Conseil d'Etat ni commis d'erreur de droit ", évitant par ce biais de répondre aux questions du Médiateur sur les mesures envisagées pour que de telles affaires ne se reproduisent plus.
S'il est incontestable que l'application de cette jurisprudence réduira le nombre des annulations et modifiera dans la pratique les données du problème, il n'en demeure pas moins que, d'une façon générale, celui-ci reste posé. Le Médiateur ne peut, en l'état actuel du problème soulevé par les objecteurs " OP20 ", se satisfaire de la réponse du Ministre, consécutive à l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 1980.
Une réponse doit être apportée aux questions du Médiateur concernant le développement des moyens d'instruction de la Commission.
Les deux décrets du Ministère de la Défense publiés au Journal Officiel du 30 octobre 1980 peuvent-ils être considérés comme les premières mesures attendues ?
Le premier, du 26 septembre 1980, concerne les indemnités allouées au président et aux membres de la Commission Juridictionnelle.
Il n'apporte qu'une seule modification par rapport aux précédentes dispositions (décret 76.585 du 24/06/1976) ; l'indemnité est désormais allouée " pour chaque rapport définitivement instruit " et non plus pour " chaque séance de jugement ".
L'incidence de ce texte sur l'amélioration du fonctionnement de la commission reste limitée.
Le second décret n° 80.776 peut, par contre, contribuer à cette amélioration souhaitée par le Médiateur.
Des indemnités de vacation sont désormais allouées à des personnes n'appartenant pas à la Commission Juridictionnelle, " pour chaque audition d'un candidat objecteur ".
Ces rapporteurs extérieurs ne pourront intervenir que sur la demande des membres de la Commission et n'auront qu'un pouvoir consultatif.
Cette mesure positive ne doit pas conduire à dessaisir de fait les membres de la Commission de leur possibilité de convoquer personnellement les candidats mais au contraire leur permettre de commencer à y recourir.
Si le problème des onze objecteurs " OP20 " incarcérés a pu trouver partiellement des solutions favorables, il reste néanmoins globalement posé tant que des mesures allant dans le sens de l'amélioration en profondeur du fonctionnement de la Commission Juridictionnelle n'auront pas été apportées, permettant à celle-ci de s'assurer des convictions réelles des candidats objecteurs.
Cette Commission doit, à l'heure actuelle, dans des conditions délicates et difficiles " sonder les reins et les coeurs " d'un nombre croissant de jeunes gens (600 en 1973 - 900 en 1970 - 1026 en 1979).
Le juge administratif, d'une part et le Médiateur, d'autre part, ne peuvent à eux seuls résoudre ce problème.
Tant que le problème de l'application de la loi sur l'objection de conscience n'aura pas fait l'objet d'une étude exhaustive comme le souhaite le Médiateur qui l'a demandée à M. Le Theule, alors Ministre de la Défense, il est souhaitable qu'une attitude de modération soit prise par les parties en présence.
L'objection de conscience ne doit pas être considérée comme un acte d'hostilité délibéré envers l'armée, mais comme l'expression d'une conviction respectable, comme un droit reconnu par le législateur.
Dossiers concernés :
F ... 79 3065
D ... 80 0355
D ... 80 0356
A ... 80 0646
D ... 80 2604
RECOMMANDATION
L'affaire n° 77 0244 relatée dans le rapport de 1979 (page 99) a, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet d'une recommandation.
Celle-ci, ainsi que la réponse de l'administration, a été publiée au Journal Officiel, édition des documents administratifs n°64 du 25 août 1980.
On l'a dit et redit, la tâche de l'Administration fiscale n'est pas aisée, qu'il s'agisse des services de l'établissement de l'impôt ou des services de recouvrement.
Dans un souci d'égalité des citoyens devant les charges publiques, la lutte contre la fraude est un élément de cette mission. Or les fraudeurs, les malins, n'hésitent pas à utiliser tous les recours possibles, Médiateur y compris.
C'est certainement ce devoir de lutter contre les risques d'abus - bien réels ! - qui peut expliquer que la réglementation soit souvent tatillonne et laisse peu de part à l'imagination et à la souplesse.
Mais les contribuables scrupuleux existent aussi, et il n'est pas sain de laisser se créer des situations inéquitables par simple peur de l'abus, cette crainte exagérée entraînant une suspicion a priori de l'administration vis-à-vis du contribuable.
Cette méfiance, qui incite souvent les services à interpréter la réglementation dans le sens le plus restrictif, aboutit alors à des résultats qui n'ont sûrement pas été voulus par le législateur, dans la mesure où si la lettre du texte est bien respectée, l'esprit en est certainement déformé.
Il serait inexact de dire que ce réflexe est systématique. Les cas sont cependant fréquents où le Médiateur a pu constater que la première réaction avait été celle de la rigidité.
Les inconvénients de ce réflexe sont d'autant plus grands qu'une certaine solidarité administrative ne permettra pas qu'une affaire à laquelle a d'abord été appliquée une solution contestable soit reconsidérée dans un sens plus équitable.
Il ne faut pas oublier non plus qu'une fois le redressement décidé et le rôle émis, toutes les procédures s'enclenchent. Les mesures simplement conservatoires prises par les services à titre de sûretés pourront se révéler lourdes de conséquences pour le contribuable, pouvant aller jusqu'à ruiner le crédit de son entreprise et, à la limite, entraîner sa perte. Plus grave encore, même s'il apparaît finalement qu'une erreur s'est glissée dans l'imposition, les effets économiques et sociaux des premières impositions ne seront pas réparables.
C'est très probablement ce durcissement inévitable qui est à l'origine de la plupart des " bavures " constatées à l'occasion des réclamations soumises au Médiateur. La gravité de ces bavures atteint des degrés très différents. Certaines sont réparées très facilement. Il se trouve, par contre, des cas où l'on se heurte à un refus acharné et difficilement explicable de la part des services.
Les rubriques dans lesquelles elles peuvent se classer restent celles qui ont déjà été décrites à maintes reprises. A titre d'exemples, on citera quelques cas.
La charge de la preuve incombe toujours à l'administré.
Sous peine de perdre le bénéfice des exonérations temporaires de taxe foncière, les propriétaires ont 90 jours pour informer l'administration de l'achèvement d'une construction nouvelle (réclamation n° 80.1929).
En l'espèce, un contribuable affirmait que la déclaration modèle H1 avait bien été transmise dans les temps au service du Cadastre. Celui-ci affirmait n'avoir rien reçu.
Comment prouver que ce n'était pas l'administration qui avait égaré le document en cause ?
Finalement, l'administration a admis qu'il y avait présomption favorable au réclamant, du fait que le promoteur de la construction avait fourni au tribunal administratif une correspondance dans laquelle il indiquait avoir envoyé ce document en même temps que trois autres déclarations qui, elles, étaient bien parvenues.
Cette affaire ici a pu être satisfaite. Il n'empêche qu'il n'est pas tout à fait normal que lorsqu'un dossier est perdu, l'administré soit d'emblée suspecté de ne pas l'avoir envoyé, et subisse les conséquences de cette perte s'il ne parvient pas à apporter la preuve de l'envoi.
Le problème n'est pas propre aux services fiscaux, mais il demeurera entier tant que l'Administration n'acceptera pas de reconnaître que, elle aussi, est faillible.
En l'espèce également, un pourvoi devant les tribunaux avait dû être engagé, et nous retrouvons là un abus déjà plusieurs fois dénoncé.
L'abus de procédure.
Dans le rapport de 1979, le Médiateur avait spécialement dénoncé le refus de l'administration fiscale de suivre l'avis de la Commission Départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans un litige qui l'opposait à une société d'éditions pour enfants. Ce refus, incompréhensible, obligeait la société à engager un recours contentieux (réclamation n° 78 0972 ; rapport 1979 p. 110).
Malgré de nouvelles interventions du Médiateur, l'administration n'a pas accepté d'infléchir sa position et l'affaire n'a pas avancé.
L'exemple d'une telle obstination n'est pas unique.
- Ainsi cette affaire (n° 77 1243) :
Le code général des impôts prévoit un abattement spécial de 10% pour le calcul de l'impôt sur les plus-values dégagées à l'occasion de la cession à titre onéreux de terrains non bâtis (article 150 ter ancien).
Le texte ne vise de manière expresse que les cessions intervenues au profit de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un établissement public administratif. Une interprétation littérale du texte permet donc d'en refuser le bénéfice aux contribuables expropriés par un établissement industriel et commercial.
C'est cette position que dénonçait en l'espèce le réclamant, exproprié par l'établissement (à caractère industriel et commercial) d'aménagement d'une ville.
Les services fiscaux, s'en tenant à une interprétation stricte, justifiaient leur position en affirmant que le législateur avait certainement voulu " écarter l'ensemble des organismes publics ou semi-publics dont la vocation principalement commerçante est étrangère à la poursuite de stricts objectifs d'intérêt général ".
On conçoit pourtant mal qu'une telle argumentation puisse prévaloir lorsque des organismes - même si leur nature juridique est différente - agissent au nom d'une même autorité expropriante et ont exactement les mêmes attributions.
Malgré cette apparente évidence, et en dépit de diverses relances du Médiateur auprès des services du Budget, ceux-ci n'ont accepté de rectifier leur position qu'après qu'une décision du Conseil d'Etat eût infirmé leur position.
- Autre exemple (n° 78 3025) :
Considérant qu'il y avait dissimulation d'actif dans la déclaration d'une succession dont avait bénéficié une redevable, les services fiscaux lui avaient, en application de l'article 752 du C.G.I., imposé des redressements importants.
Le Tribunal de Grande Instance, saisi du litige, avait rendu un jugement défavorable à l'Administration. Celle-ci avait estimé devoir former un pourvoi en Cassation contre cette décision.
C'est alors que la requérante s'est adressée au Médiateur : elle se plaignait des frais que ce procès allait lui imposer alors que sa situation financière était difficile et qu'elle avait un fils infirme.
Malgré l'intervention du Médiateur pour qu'elle accepte de se désister, les motifs qui avaient entraîné la décision du Tribunal semblant solidement fondés, l'Administration a tenu à aller jusqu'au bout de la procédure et la requérante a dû " suivre ". Le pourvoi a été rejeté par la Cour de Cassation.
A partir de ces affaires, le Médiateur doit, semble-t-il :
- poser la question de son insertion dans l'ensemble des institutions, principalement juridictionnelles, et du rôle précis qu'il doit y tenir.
- tirer un motif de satisfaction, car il est notoire qu'il n'est pas seulement là pour rétablir l'équité, mais aussi pour aider à définir le droit.
L'application littérale des textes engendre trop souvent des situations peu satisfaisantes.
- Un contribuable a déduit du montant de ses revenus imposables les intérêts de l'emprunt qu'il a souscrit pour la construction d'une maison.
Mais cette déduction lui est refusée, et les sommes correspondantes sont réintégrées dans son revenu imposable, parce qu'il a omis de prendre, par écrit, dans une lettre jointe à sa déclaration de revenus, l'engagement d'affecter cette construction à son habitation principale.
Il a pourtant habité effectivement cette maison en tant que résidence principale avant la fin des délais traditionnellement requis en la matière.
Le pénaliser pour le seul non-respect d'une simple formalité au demeurant non substantielle aurait relevé d'un formalisme excessif.
Les services fiscaux ont accepté de se ranger à la position du Médiateur (n° 80 1512).
- Un requérant a recueilli chez lui sa belle-soeur, invalide à 100%, et demande de ce fait le bénéfice d'une part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de son impôt sur le revenu.
Les services fiscaux refusent, son cas n'entrant pas dans le cadre précis prévu par l'article 196 du Code Général des Impôts tel qu'il a été interprété par l'administration et la jurisprudence.
En réalité, il aurait droit au régime fiscal qu'il réclame si les parents de cette personne invalide étaient morts.
Or elle a été recueillie parce que ses parents âgés, respectivement de 70 et 80 ans, et titulaires d'une retraite mensuelle de 1.300 francs, n'étaient plus ni physiquement, ni financièrement, capables de s'en occuper.
Les services fiscaux craignent qu'en admettant le transfert du bénéfice de la part supplémentaire accordée aux parents de la personne handicapée à celui qui aura recueilli volontairement cette personne, mais sans avoir expressément droit au régime fiscal dérogatoire, on permette ainsi à un contribuable lourdement imposé d'alléger sa charge fiscale.
Le risque semble pourtant bien mince de voir un contribuable accepter dans ce seul but une charge qui serait autrement plus lourde !
- Un jugement du tribunal administratif a donné raison à l'administration. Mais le Médiateur a estimé que ni l'esprit de la loi, ni l'équité, n'étaient ici respectés.
Le dossier est toujours à l'étude (n° 79 1219).
Ce n'est pas au contribuable de supporter les conséquences des erreurs commises ou des décisions prises par des administrations autres que financières mais ayant des incidences sur sa situation fiscale.
- Un réclamant contestait le redressement qui lui était imposé au titre des droits de mutation d'un terrain à bâtir au motif qu'il n'avait pas construit dans le délai légal.
En réalité, l'achèvement des travaux était bien intervenu dans les délais ; le retard apporté par l'intéressé à produire le certificat de conformité exigible pour bénéficier définitivement de l'exonération des droits de mutation provenait d'un retard des services de l'Equipement.
La bonne foi de l'intéressé ne faisait aucun doute. Aussi le Médiateur a-t-il estimé qu'il serait inéquitable qu'une administration lui fasse subir les conséquences d'un retard dont était responsable une autre administration.
Se rangeant à cette considération, les services fiscaux ont accepté de revenir sur leur position. (n° 79 2771)
- Après avoir loti un terrain qu'elle a reçu par succession, une redevable vend les trois lots ainsi constitués.
Les modalités d'imposition des profits étaient, à l'époque (en 1974), différents selon que le lotisseur avait ou non bénéficié d'une procédure simplifiée existant alors en matière d'urbanisme.
L'arrêté préfectoral autorisant le lotissement n'ayant rien précisé, l'intéressée se voit du même coup appliquer le régime fiscal (moins favorable) prévu pour les lotissements réalisés suivant la procédure normale.
Elle se trouve de ce fait pénalisée pour une omission dont sont responsables les services de l'Equipement, qui eux-mêmes reconnaissent que " si en droit, il n'est pas possible d'assimiler le lotissement en cause aux opérations susceptibles de bénéficier de la procédure simplifiée, une telle assimilation, dans ce cas particulier, leur paraît équitable de fait ".
Saisie du refus des services départementaux de revoir la situation, l'administration centrale a accepté d'adopter une décision équitable (n° 78 1095).
Une autre anomalie se doit d'être dénoncée ; elle se situe en réalité à un autre niveau, mais procède d'un même principe : celui de l'irresponsabilité de l'administration prise dans son ensemble :
Une commission spéciale, chargée de statuer en dernier ressort sur les demandes d'exonération en matière de taxe d'apprentissage, a été prévue par la loi du 16 juillet 1971 ; elle n'a pas encore vu le jour, du fait d'un blocage de l'un des ministères chargés de la mettre en place ! En attendant, c'est le contribuable qui fait les frais de cette absence. (n° 78 2209 et 79 3336).
Une affaire, qui oppose une commune à l'administration centrale, mérite d'être citée.
Une société obtient le permis de construire d'un hypermarché. Mais elle renonce, en cours de chantier, à son projet, et demande le remboursement des 2/3 de la taxe locale d'équipement qu'elle a déjà versé, et l'exonération du 3ème tiers.
Informé de cette demande par les services de l'Equipement, et invité à donner son avis, le Maire de la commune où devait s'implanter l'hypermarché fait savoir que la totalité de la taxe a été utilisée pour financer des opérations d'ailleurs liées à cette implantation.
Deux mois et demi après qu'il eût fait cette réponse, le Maire est informé, téléphoniquement, par le receveur municipal, que la somme de 306.000 Frs correspondant à la taxe versée a été prélevée d'office sur le budget de la commune.
Cette manière de procéder, imputable tant aux services de l'Equipement qu'aux services fiscaux - car la décision a été prise conjointement -, était pour le moins cavalière, et mettait le budget de la commune en grave difficulté.
Le Médiateur a été saisi du litige par le Maire concerné.
Celui-ci ayant également engagé une procédure contentieuse, s'est vu donner gain de cause par le tribunal administratif : la décision du directeur des services fiscaux a, en effet, été annulée au motif que la société avait interrompu ses travaux sans donner de justifications.
L'affaire n'est cependant pas close, car la société a déposé une requête en tierce opposition tendant à rejeter le recours qui a permis d'annuler la décision du directeur des services fiscaux.
Le Médiateur est sans doute tout à fait impuissant dans cette affaire, car on voit mal comment il pourrait demander à la société de renoncer à ses prétentions.
On conçoit cependant difficilement les motifs qui ont pu conduire les services responsables à agir de la sorte (n° 79 2423).
RECOMMANDATION
Les deux affaires, n° 76.2198 relative à la situation des bénéficiaires de rentes d'accident du travail, et n° 79.0060 concernant l'indemnisation d'entreprises de travaux publics, ont, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet de recommandations.
Celles-ci, ainsi que les réponses des administrations concernées, ont été publiées au Journal Officiel, édition des documents administratifs n° 64, du 25 août 1980. Elles n'ont pas encore reçu de solution définitive.
Un refus de visa inéquitable par un contrôleur financier.
L'école J... avait bien fait toutes les démarches afin de bénéficier des allocations de scolarité attribuées par l'Etat aux établissements privés, sous certaines conditions.
Certes, le dossier n'avait-il pas été remis dans les délais au comité national de conciliation. Mais le préfet était le seul responsable de ce retard.
Le contrôleur financier du Ministère de l'Education avait usé de ses prérogatives en refusant de viser le virement du montant de l'allocation au motif que le département étant seul créancier de l'allocation scolaire -à l'exclusion de l'établissement concerné-, la prescription ne pouvait être interrompue que par une démarche écrite du préfet, représentant de cette collectivité.
Il avait raison en droit, mais non en équité.
Sur intervention du Médiateur l'Ecole J... s'est enfin vue allouer les allocations dues. (78 2142)
Les conséquences néfastes de la loi d'orientation du 12 septembre 1968.
Cette loi permet au président d'une université d'examiner chaque demande d'inscription en première année du premier cycle, lorsqu'elle est formulée par un étudiant titulaire d'un baccalauréat ou d'un titre admis en équivalence antérieure à l'année d'inscription, et quand le demandeur n'a pas validé l'année d'études qu'il termine.
C'est ainsi que Mlle S... n'a pu entreprendre des études à l'U.E.R. d'éducation physique et sportive de L... bien qu'elle ait réussi son examen d'entrée.
Le président de l'Université lui a, en effet, refusé le transfert de son dossier de l'U.E.R. de médecine à l'U.E.R. d'éducation physique et sportive.
Certes Mlle S.... qui avait suivi les cours de médecine dans le but de mieux se préparer pour la seconde fois à l'examen d'entrée à l'U.E.R. d'éducation physique, sans interrompre ses études, avait obtenu des notes très faibles dans certaines matières du P.C.E.M.
Elle avait, cependant, réussi le difficile examen d'entrée à l'U.E.R. d'éducation physique ; ainsi lui était ouverte la voie vers une activité conforme à ses aspirations et ses aptitudes.
L'affaire est en cours (n° 79 3052).
Le manque de coordination entre deux Universités
Alors que la convention liant l'Université de M... II et l'Université de N... avait été suspendue par les autorités de tutelle le 11 février 1980, les responsables de l'Université de N... ont pris le risque d'organiser, le 29 mai, un concours de recrutement, laissant croire aux étudiants que la décision de ne pas autoriser des étudiants à s'inscrire en première année de la section sciences et techniques d'activités physiques et sportives de N... avait été rapportée. Or la suspension de la convention susmentionnée enlevait à l'Université de N... toute possibilité d'organiser un tel concours.
Ce n'est qu'une fois les épreuves passées et les résultats affichés qu'a été notifiée aux candidats la décision de suppression de la formation en cause à N...
L'affaire n'est pas encore réglée (n° 80 3193).
Une ambiguïté dont profite l'administration : la nature périodique des allocations de recherche.
M. M... a passé un contrat avec le Rectorat R... et a bénéficié sous forme de bourse d'une allocation de recherche d'un montant de 2 000 francs par mois. Cette allocation semblait, toutefois, présenter toutes les caractéristiques d'un salaire puisqu'elle devait être déclarée au titre de l'impôt sur le revenu et donner lieu à précompte des cotisations du régime général de sécurité sociale et de l'IRCANTEC, mises à la charge de l'intéressé.
Cependant le rectorat refuse de voir dans cette bourse un salaire quand M.M... lui demande une attestation d'emploi dont il a besoin pour constituer un dossier de demandeur d'emploi auprès de l'A.N.P.E.
Il n'est pas équitable que la nature de l'allocation diffère selon les intérêts en cause. C'est pourquoi le Médiateur a demandé au rectorat sur quelles bases juridiques il s'appuyait pour qualifier de " bourse " l'allocation d'étude versée aux étudiants, alors qu'elle réunit toutes les caractéristiques d'un salaire (n° 78 3321).
Une fois de plus le Médiateur intervient en matière d'organisation scolaire :
A l'avant-veille de la rentrée, le Maire de S... était informé par l'Inspecteur d'Académie de son intention de ne pas pourvoir le poste de l'Ecole à classe unique de M..., devenu vacant du fait de la mutation de l'institutrice.
Malgré toutes les interventions des organisations syndicales de la municipalité de S.... et surtout des parents et de la population de M.... le poste n'était toujours pas pourvu...
Or la procédure réglementaire n'avait pas été respectée puisqu'à aucun moment, ni au Comité technique paritaire départemental, ni au Conseil départemental des écoles primaires, la fermeture de l'école de M… n'avait été envisagée et aucune proposition de fermeture n'avait été adressée au Recteur de l'Académie.
Sur l'intervention du Médiateur l'école a été réouverte.
Les fluctuations et l'incertitude des décisions de l'administration en matière d'urbanisme risquent de lui faire perdre de sa crédibilité.
La mise en oeuvre de la politique de l'urbanisme par l'administration cause parfois préjudice ; que le mal soit dû au flou du cadre juridique ou au comportement arbitraire de l'Administration, les remèdes semblent résider dans l'information des intéressés et dans une motivation plus précise des décisions administratives ; peut-être aussi dans un accroissement des responsabilités des Maires en la matière.
Du flou à l'arbitraire.
1. Le flou des textes.
Bien souvent, les textes sont à l'origine du flou des décisions de l'Administration. Certaines réglementations sont si vagues qu'elles peuvent donner lieu à des interprétations assez divergentes.
L'article R 111. 14. 1. (Décret n° 77 755 du 7 juillet 1977) en est un exemple : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature, par leur localisation ou leur destination :
a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ;
b) A remettre en cause l'aménagement des périmètres d'action forestière et des zones dégradées visées aux 2° et 3° de l'article 52.1 du Code rural ;
c) A compromettre les activités agricoles ou forestières notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains produisant des denrées de qualité supérieure, ou comportant des équipements spéciaux importants ;
C'est sur cet article que le préfet s'appuie pour refuser d'accorder à M. L... un certificat d'urbanisme. Le préfet considère en effet que bien que le terrain en cause ne soit pas actuellement cultivé, toute construction à cet endroit " serait de nature à compromettre les activités agricoles " (n° 80 0639).
C'est toujours selon ce même article et au motif que " son terrain étant situé à l'écart de l'agglomération et dans une zone à vocation agricole, la construction prévue serait de nature à favoriser une urbanisation excessivement dispersée ", qu'un préfet estime que M. C... ne peut construire, ceci malgré l'avis favorable du maire qui, pour sa part, avait fait une application moins restrictive de l'article R 111. 14.1. (80.0293).
Parfois la loi n'est pas assez précise : l'arrivée d'un second enfant dans un foyer constitue-t-elle un motif social suffisant pour donner droit à l'agrandissement du pavillon des intéressés nonobstant un dépassement du COS ? Si le maire et les services de l'Equipement ont donné leur accord, le préfet refuse quant à lui d'octroyer le permis de construire à la famille C.... Il semble pourtant bien s'agir d'un cas d'amélioration de l'hygiène des locaux par leur agrandissement, susceptible d'entrer dans le cadre de l'article R 112.2 du Code de l'Urbanisme. (80.0104)
Enfin, il n'est pas rare de rencontrer des contradictions entre différentes législations. C'est ainsi que la réglementation relative au classement des sites ne tient pas forcément compte des dispositions d'urbanisme : M. R... s'est vu accorder, le 21 juillet 1976, un permis de construire approuvé tant par le ministère de l'Equipement que par la Commission des sites.
Il est fort surpris lorsqu'il apprend, le 1er août 1977, que le Ministère de la Culture a ouvert, par décision du 21 juillet de la même année, une instance de classement sur son terrain. De ce fait, il est obligé d'interrompre immédiatement les travaux commencés quelques mois plus tôt, car l'article 9 de la loi modifiée du 2 mai 1930 relative au classement des sites stipule :
" A compter du jour où l'Administration des Affaires Culturelles notifie au propriétaire d'un monument naturel ou d'un site son intention d'en poursuivre le classement, aucune modification ne peut être apportée à l'état des lieux ou à leur aspect pendant un délai de deux à douze mois, sans autorisation spéciale du Ministre des Affaires Culturelles "...
Cette autorisation lui est refusée ce qui est tout à fait légal, mais l'administration, loin d'adoucir la rigueur et l'incohérence des textes, les a aggravé par un comportement des plus critiquables : en effet, le préfet ainsi que le Ministre des Affaires Culturelles ont négligé de répondre aux premières lettres de l'intéressé ainsi que de motiver la décision de rejet de la demande d'autorisation spéciale.
Ces négligences étaient d'autant plus regrettables qu'une erreur matérielle avait été commise par les services de la Direction Départementale de l'Equipement lors de l'élaboration des documents graphiques du projet de plan d'occupation des sols de ladite commune : ces documents ne respectaient pas les conclusions auxquelles était parvenu le groupe de travail, lequel avait décidé le classement en zone N.D. de l'ensemble des terrains inclus dans le périmètre du site à protéger.
Le décret du 2 novembre 1978 classant le site autorise finalement M. R... à poursuivre ses travaux sous réserve du respect de certaines conditions conciliant la sauvegarde du site et la prise en considération de droits définitivement acquis.
Néanmoins ce dernier demande à l'Administration la réparation du préjudice subi du fait de l'interruption des travaux. Devant le refus d'accord amiable de celle-ci, il dépose un recours contentieux devant le tribunal administratif en juillet 1979. Il devra déposer à nouveau un recours devant le juge de l'expropriation car c'est la juridiction judiciaire qui est, ici, compétente. (n° 77.2813)
C'est souvent la volonté du législateur que de voter des textes imprécis de façon à laisser une marge de manoeuvre à l'administration qui, malheureusement, ne l'utilise pas toujours dans l'intérêt de l'administré.
Il faudrait, aussi, que les services adaptent leur action aux textes lorsque ceux-ci posent certaines prescriptions précises.
Ainsi dans cette affaire où le réclamant, obtempérant aux injonctions qui lui ont été signifiées par le préfet de Police, a fait commencer, dans le délai qui lui était imparti, les travaux de ravalement de son immeuble. C'est pour se voir par la suite refuser la subvention d'investissements qu'il avait sollicité, au motif que les travaux étaient déjà commencés, un décret du 10 mars 1972 posant en effet le principe de l'antériorité de la décision attributive de subvention au commencement de réalisation des travaux (n° 76 2013).
2. Le comportement arbitraire de l'administration.
Parfois, les décisions des services sont empreintes d'arbitraire.
Cela peut être dû aux hésitations de l'administration dans ses options, à des contradictions, imprévisibles, bien sûr, pour l'administré mais qui lui porteront préjudice.
Ainsi M. B... s'était bien préoccupé, avant d'acquérir son immeuble, de savoir si l'établissement public chargé de l'aménagement d'une région entendait exercer son droit de préemption : ce dernier lui avait confirmé par lettre qu'il y renonçait ; les services de l'Equipement avaient eux aussi certifié que l'immeuble n'était frappé d'aucune servitude administrative.
C'est donc avec la certitude d'une renonciation au droit de préemption, laquelle donnait légitimement à penser qu'il ne pouvait y avoir d'expropriation ultérieure, que Monsieur B... achetait sa propriété.
Mais aussitôt après, l'établissement public décide d'exproprier une partie de cet immeuble pour l'aménagement d'une ville nouvelle située dans la région en cause.
Notons qu'en juin 1980, après l'intervention du Médiateur, le préfet a annoncé que l'établissement public ne procéderait finalement pas à l'expropriation des parcelles de M. B... moyennant l'engagement de ce dernier de maintenir en l'état d'espace vert l'une des parcelles (79 3202).
Il arrive que l'administration se lance dans des opérations sans s'assurer qu'elle en a bien les moyens, ou change de politique et doive abandonner son projet, au détriment de l'administré :
Une société d'économie mixte n'a pu indemniser Mme T... après l'avoir exproprié en 1973, car elle n'a pas poursuivi le projet d'aménagement de la zone d'habitation faute de crédits.
Lorsque l'intéressée demande à être payée, elle reçoit une lettre de la société dont voici un extrait : " J'ai le regret de vous faire savoir que la situation n'a pas évolué et que nous sommes toujours dans l'impossibilité de vous faire connaître la date à laquelle nous pensons vous indemniser pour cette expropriation ".
En janvier 1980 la requérante adresse une mise en demeure à la société d'économie mixte de notifier ses offres, selon l'article R. 13.20 du code de l'expropriation.
La société ne répond pas et lorsque la justice est saisie, elle propose, dans son mémoire d'offres, le même prix que celui proposé 7 ans auparavant ! (n° 78 2699).
Enfin il arrive malheureusement que l'arbitraire soit pur et simple. Dans les deux affaires suivantes, l'administration use délibérément d'un pouvoir discrétionnaire pour refuser ou attribuer un permis de construire, pouvoir qui ne lui est pas reconnu par les textes.
- Dans le premier cas, un maire se fonde sur trois motifs différents pour faire échec aux annulations successives par le tribunal administratif des refus de permis de construire opposés à Monsieur M... : sont ainsi invoqués d'abord l'atteinte au site, puis la vocation hôtelière de la région, enfin le dépassement de COS, celui-ci venant d'être modifié par le maire. Le permis est enfin accordé par le préfet après plusieurs jugements du tribunal en faveur de l'intéressé et l'intervention du Médiateur (n° 75 1516).
- Pour M. P…, par contre, le permis de construire a été accordé un peu facilement par l'administration. M. B..., son voisin, qui souffre d'un trouble de jouissance occasionné par la construction de l'immeuble en question, ne peut obtenir la démolition de celui-ci alors même que les cinq permis de construire octroyés successivement à M. P... ont fait l'objet d'un sursis à exécution ou ont été annulés par le tribunal administratif.
Enfin le préfet prend un arrêté faisant sommation à M. P... d'interrompre immédiatement les travaux or ceux-ci sont terminés, l'immeuble habité... (80 1598).
Cette maladministration pourrait souvent être évitée, encore plus en matière d'Environnement que dans d'autres secteurs :