Au moment d'achever ce bilan de cinq ans d'activité de Médiateur, je dois me pencher sur l'Institution elle-même, et poser les questions: doit-elle évoluer ?
Tient-elle dans notre société la place qui lui convient ?
Et, surtout, peut-elle heureusement influer sur l'évolution de notre société ?
J'ai déjà affirmé qu'il m'apparaissait impossible de remettre en cause l'existence de l'Institution. Personne, d'ailleurs, ne le propose.
Mais il n'est pas exclu d'en adapter les structures et le fonctionnement à l'évolution récente de la législation de notre pays.
Les lois de Décentralisation ont profondément modifié les comportements politiques et administratifs en déplaçant les Centres de décision vers les Régions, les Départements, les Communes.
Dans le but de rapprocher davantage encore le Médiateur du Citoyen, et de donner ainsi à a une base plus ouverte, j'ai soumis au Gouvernement un ensemble de propositions méritant une étude approfondie.
Les circonstances n'ont pas permis que cette réflexion soit menée à son terme avant la fin de cette législature.
Il me paraît souhaitable que les prochains Gouvernements et les prochaines assemblées se penchent sur ces suggestions, en particulier en ce qui concerne l'éventualité de la création de Médiateurs régionaux. Peut-être aussi ces débats feront-il apparaître l'intérêt d'élargir les possibilités de saisine de l'Institution, et d'accroître ses moyens d'intervention.
J'ai pensé qu'il n'était pas indispensable d'attendre ces futurs aménagements pour prendre, dans le cadre des pouvoirs qui me sont attribués, des décisions concernant les Correspondants Départementaux du Médiateur.
Ceux-ci effectuent un considérable travail d'accueil et d'orientation, dans des conditions de temps partiel parfois difficiles. Leur responsabilité, et les moyens dont ils disposent devront être accrus; à leurs actuels pouvoirs de contact, de conseil, devront s'ajouter des pouvoirs d'instruction lorsque la solution d'un litige pourra être obtenue au plan local.
Le Médiateur de la République conservant, bien entendu, l'entière responsabilité de l'ensemble des dossiers et de leur traitement au niveau des Directions Nationales et des Ministères.
Cette délégation allégera la tâche des services nationaux du Médiateur, qui pourront ainsi faire face à l'accroissement des requêtes et se consacrer davantage à une tâche que je considère comme essentielle: les propositions de réforme.
Il est évident qu'une telle mise en oeuvre ne pourra se faire que si les délégués départementaux obtiennent des aides, émanant des Commissaires de la République, pour que leur travail soit facilité: en activité, ils devraient pouvoir se consacrer à mi-temps à leur mission de représentant du Médiateur; leurs moyens en locaux et secrétariat devraient être améliorés, ainsi que leur trop modeste indemnisation. Ainsi s'affermirait mieux encore leur collaboration avec les Parlementaires du Département et avec les Administrations Départementales.
Plus proche du public, l'institution du Médiateur serait mise à la portée de tous; plus connue, plus accessible, elle participerait mieux au combat contre les inéquités.
Par l'action que j'ai initiée et développée en faveur du civisme, je crois avoir donné à l'institution une dimension nouvelle. Celle d'une autorité morale appelant l'ensemble des citoyens (et non pas seulement les fonctionnaires) à respecter droits et devoirs, à assumer leurs responsabilités.
C'est pourquoi ma conclusion revêt la forme d'un appel, qui s'adresse à l'ensemble de nos concitoyens, mais surtout à nos responsables politiques.
Notre pays connaît une crise persistante. A côté d'une prospérité largement répandue, parfois même provocante, existent, pour trop de nos compatriotes, l'insécurité, l'angoisse du lendemain, parfois la misère.
Certes, commencent à apparaître des résultats encourageants. Mais, quel que soit l'issue de la consultation de mars 86, tous les problèmes économiques, sociaux et humains ne seront pas aussitôt résolus.
Il faudra bien que la France continue à être gouvernée, et que se poursuivent les efforts entrepris dans la lutte contre le chômage, les difficultés de logement, l'intolérance, la violence.
Il faudra qu'aux tensions inévitables de la campagne électorale que je souhaite voir se dérouler au niveau du débat d'idées et non au niveau des passions, des querelles personnelles - succède une période constructive.
Les affrontements permanents seraient préjudiciables à notre redressement national.
Que nos dirigeants, qui ont le respect du bien commun et le sens de l'Etat, prennent pleinement conscience de leur responsabilité et donnent l'exemple.
Que nos concitoyens se souviennent que leur sort est lié, que nul n'a le droit de se soustraire à l'effort de solidarité qui s'impose. Solidarité entre Français, certes, mais aussi solidarité entre Européens, et solidarité avec tous ceux qui souffrent dans le Monde.
Réalisons la chance que nous avons de vivre dans un pays en paix, où ne règne pas la famine, où les catastrophes naturelles sont rares.
Ne soyons pas, en nous divisant inutilement, les artisans de notre décadence.
Notre peuple recèle des trésors de bon sens, de dévouement, et un profond attachement aux valeurs essentielles.
Surmontons nos égoïsmes, nos particularismes, pensons à tous ceux, qui, en deçà ou au delà de nos frontières ont besoin de nous: nous pourrons alors, au sentiment de nécessaire solidarité qu'appelle la raison, ajouter le sentiment de fraternité qu'appelle le coeur.
Médiateur ou simple citoyen, je m'efforcerai de faire entendre ce message, renouvelant sans cesse cet appel à l'Union et à la Concorde.
Il a déjà été partiellement entendu.
C'est un encouragement. Continuons à avoir confiance dans l'avenir.