Année 1986


LE FONCTIONNEMENT DE L'INSTITUTION




Comme il a déjà été écrit le Médiateur ne peut intervenir spontanément dans les affaires de l'Etat. Il doit être sollicité de le faire. Son action doit être déclenchée par une réclamation.

I - La réclamation



Le caractère individuel et personnel de la réclamation a déjà été évoqué. Pour être recevable elle doit en outre, concerner un véritable différend entre le plaignant et l'Administration.

a) Les démarches préalables

La loi de 1973 prescrit que : " la réclamation doit être précédée des démarches nécessaires auprès des administrations intéressées ".

Cela exige que le citoyen, avant de saisir le Médiateur, ait non seulement engagé un dialogue avec l'administration et cherché avec elle un accord, mais qu'il se soit vu opposer une réponse définitive qui ne lui donne pas satisfaction.

A ce stade un véritable différend est né entre lui et l'administration. Dès lors le citoyen a généralement deux voies à sa disposition: d'abord le recours contentieux, fondé uniquement sur le plan du droit, qui peut, si un texte ou un principe général du droit a été méconnu par l'administration, aboutir à l'annulation de la décision contesté ou à l'indemnisation des préjudices subis.

L'autre voie offerte au citoyen est de se tourner vers le Médiateur pour lui demander d'intercéder en sa faveur auprès de l'administration. Mais ce recours, fondé sur un mauvais fonctionnement du service public ou sur l'existence de conséquences inéquitables de la décision administrative, ne sauvegarde pas le délai de deux mois dont dispose généralement le citoyen pour saisir la juridiction administrative. Il a donc souvent intérêt à utiliser les deux voies simultanément afin d'éviter la forclusion devant la juridiction compétente.

La présentation d'une réclamation devant le Médiateur n'est soumise, elle, a aucun délai. Comme le Médiateur n'a pas eu connaissance du différend, le citoyen doit lui en faire l'exposé succinct en lui adressant sa réclamation. Cet exposé doit être accompagné de la décision contestée et des pièces qui justifient la thèse du réclamant.

Il arrive assez fréquemment que le dossier communiqué comporte beaucoup de pièces inutiles alors que la décision administrative attaquée n'a pas été jointe. Il peut se faire aussi que le différend ne se soit pas noué au bon niveau. Pour éviter ces erreurs, sources de retard, les citoyens ont tout intérêt à demander au délégué départemental du Médiateur de les aider à présenter leur dossier.

b) La transmission par un parlementaire

La loi de 1973 stipule que : " la réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Ceux-ci la transmettent au Médiateur si elle leur paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention".

Cette disposition législative contient plusieurs obligations.

Première obligation : le citoyen doit demander expressément au parlementaire de bien vouloir transmettre sa réclamation au Médiateur. Autrement dit il ne peut pas saisir directement ce dernier. On constate cependant que le nombre des saisines directes a toujours été élevé sans que l'on puisse bien en comprendre la raison. Pour ma part j'ai donné instruction de ne pas accueillir les saisines directes mais d'en informer les réclamants, par retour de courrier, avec toutes les indications leur permettant de s'adresser à un parlementaire. Ce ne sera donc que tout à fait exceptionnellement et pour des raisons d'urgence que le Médiateur acceptera d'étudier la réclamation directe tout en demandant au citoyen de régulariser la saisine en s'adressant à un parlementaire.

En second lieu le recours à un parlementaire est une occasion de réflexion pour le réclamant. Le citoyen, au moment d'accomplir cette demande assez particulière, s'interrogera forcément sur le point de savoir si son litige avec l'administration mérite bien de faire l'effort de demander le concours d'un parlementaire. A vrai dire cet effort est minime car le citoyen peut s'adresser à n'importe quel député ou sénateur de la République. Il n'est pas obligé de recourir à un élu de son département. Mais seuls les députés ou sénateurs en exercice sont habilités à présenter une réclamation au Médiateur. Ni les ministres ni les représentants au Parlement européen ne le sont. Leur transmission ne sera pas écartée pour autant mais elle devra être régularisée.

La troisième obligation concerne le parlementaire. Celui-ci, en effet, ne doit pas s'estimer tenu de transmettre toute réclamation dont il est saisi. La loi lui enjoint au contraire de vérifier au préalable, si celle-ci entre bien dans la compétence du Médiateur. Cette exigence n'est pas toujours respectée car beaucoup de litiges entre personnes privées parviennent au Médiateur, alors qu'il n'a pas compétence pour en connaître. La loi prescrit aussi au parlementaire de vérifier que la réclamation mérite l'intervention du Médiateur. Cela signifie surtout qu'il ne convient pas de transmettre au Médiateur un dossier qui, manifestement, ne peut pas aboutir à une solution favorable, ou dont l'enjeu est dérisoire eu égard au coût de l'instruction du dossier. On doit cependant reconnaître que refuser de transmettre une demande au Médiateur peut être gênant et que ceci explique certaines lettres d'envoi de parlementaires qui déclarent ne procéder " qu'à une simple transmission " de la réclamation.

En réalité la loi a voulu qu'en transmettant une réclamation au Médiateur les parlementaires en cautionnent la recevabilité et le sérieux apparent au vu du dossier qui l'accompagne.

Pour pallier ces difficultés j'ai conseillé à mes délégués départementaux de s'efforcer d'entretenir des rapports suivis avec les parlementaires et leurs assistants dans leurs départements.

Aux députés et sénateurs, qui souhaitent être éclairés sur le bien-fondé des requêtes qui leur sont adressées, je signale que les secrétariats généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat ont mis en place des cellules de juristes qui sont en mesure de les aider dans la rédaction de leur saisine du Médiateur.

C'est ainsi que le service des études et d'information de l'Assemblée nationale joue un rôle important de conseil auprès des députés qui le consultent sur l'opportunité de saisir le Médiateur. Je rends hommage à la qualité des avis rendus par ce service qui, au cours de cette années, a été consulté sur ce point environ 600 fois et a conseillé la saisine dans un peu plus de la moitié des cas. Ces fonctionnaires de l'Assemblée nationale et du Sénat concourent ainsi très efficacement au bon fonctionnement de l'institution du Médiateur.

II - L'action du Médiateur



Saisi d'une réclamation qu'il estime fondée, le Médiateur répondra à l'attente du parlementaire qui la lui a transmise en s'efforçant de faire adopter par l'administration une solution équitable.

a) Relations avec les parlementaires

Pour les dossiers anciens, j'ai veillé à ce que les parlementaires qui avaient transmis ces dossiers, dont certains avaient été implicitement abandonnés, soient informés de leur situation exacte. Concernant les dossiers nouveaux un accusé de réception immédiat est désormais adressé au parlementaire avant même le début de l'instruction du dossier. Par ailleurs je veillerai à informer le parlementaire intervenant de l'état d'avancement du dossier, au moins, chaque trimestre. Enfin je considère qu'un dossier doit être clos dans le délai maximum d'un an. J'estime, en effet, que les résultats de l'action du Médiateur doivent être appréciés rapidement.

Cela ne veut pas dire que tous les dossiers transmis seront instruits. Je refuse, par exemple, d'intervenir lorsque j'estime la réclamation non fondée ou concernant une affaire qui, en l'état actuel du droit et des moyens d'appréciations et d'action de l'administration, n'est pas susceptible de solution. Je fonde ce refus sur les termes mêmes de la loi de 1973 :

"...le Médiateur fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi... " (article 9).

Cette phrase selon moi, interdit d'engager des négociations avec l'administration lorsqu'aucune solution ne paraît envisageable pour régler la difficulté.

Mais le refus d'intervenir ne signifie pas que la réclamation a été inutile. Souvent, en effet, elle permettra au Médiateur de proposer une réforme de la loi, du règlement ou tout simplement de l'attitude d'un service.

Il reste que le réclamant n'est pas l'interlocuteur direct du Médiateur. Le Médiateur n'a comme correspondant que le parlementaire qui l'a saisi. C'est à lui que le Médiateur aura recours pour obtenir du réclamant les éventuels compléments de dossier et c'est à lui qu'il adressera ses conclusions lui laissant le soin d'en faire l'usage qu'il estimera approprié. On voit que, dans l'esprit même de la loi, le parlementaire doit être, pour le Médiateur, un partenaire actif dont la mission n'est pas limitée à une transmission automatique de la réclamation du citoyen.

b) L'instruction des dossiers

Lorsqu'une réclamation a été transmise au Médiateur par le truchement d'un parlementaire et que ce dernier a été dûment informé de la bonne réception du dossier, l'instruction de celui-ci commence aussitôt.

III - Les moyens du Médiateur

Si les moyens en personnel dont dispose le Médiateur suffisent actuellement à peu près aux besoins de sa mission, il n'en va pas de même pour les locaux,. le matériel et la dotation budgétaire.

a) Les moyens en personnel

J'ai rappelé que la loi de 1973 précise que " les collaborateurs du Médiateur sont nommés par celui-ci pour la durée de sa mission " et qu'il n'existe pas d'administration du Médiateur.

Une entorse apparente a été apportée à ce principe par le décret qui a intégré dans le corps des agents de l'Etat les collaborateurs des catégories C et D. En réalité l'entorse n'est qu'apparente car ces agents devront être considérés comme relevant des services du Premier ministre et mis par celui-ci à la disposition du Médiateur sur sa demande. C'est donc le Médiateur qui, lors de sa prise de fonction, choisit les personnes qu'il garde, dont il se sépare ou qu'il recrute. La nomination de tous les collaborateurs du Médiateur fait l'objet d'une décision individuelle de sa part.

Le départ volontaire d'un certain nombre d'agents qui avaient servi sous mon prédécesseur, coïncidant avec la fin des cabinets ministériels du précédent Gouvernement, m'a permis de m'attacher la collaboration de hauts fonctionnaires de grande qualité qui, tous, ont souhaité servir sous mon autorité.

La seule personnalité que j'aie sollicitée de m'apporter son concours est M. Maurice Grimaud.

Je lui suis reconnaissant d'avoir aussitôt accepté d'être mon délégué général.

Je tiens à souligner que le travail à la Médiature est tout aussi apolitique que celui qui s'effectue dans les juridictions administratives. La confiance que nous font les parlementaires de tous horizons commanderait cette ligne de conduite si l'exigence même de la fonction ne suffisait à l'imposer.

La Médiature

L'ensemble des agents en fonction à la Médiature est de l'ordre de cinquante-cinq personnes.

Ce groupe aurait seulement besoin actuellement d'être renforcé par deux secrétaires-dactylographes. Il ne doit pas être notablement agrandi pour constituer une équipe dont la qualité de travail soit homogène.

Lorsque ce rapport sera diffusé il est probable que le retard accumulé dans le traitement des dossiers aura été réduit d'une manière significative. Naturellement ce progrès a nécessité un très grand travail de tous.

Depuis 1973, le nombre des dossiers traités par le Médiateur a doublé tous les cinq ans. Si cette tendance devait se maintenir, je ne demanderais pas davantage de moyens en personnel à la Médiature, mais je déléguerais une partie de mes pouvoirs aux délégués départementaux du Médiateur.

Les délégués départementaux

Le décret du 18 février 1986 dispose que "le Médiateur nomme un délégué dans chaque département ". Le délégué a pour mission d'assister localement le Médiateur. Il succède au correspondant du Médiateur.

Le Médiateur était assisté depuis 1978 d'un correspondant dans chaque département.

Une décision du Premier ministre reprise dans la circulaire n• 78-250 du 29 juin 1978 du ministre de l'intérieur, avait permis au Médiateur de nommer des correspondants départementaux. Les premières nominations sont intervenues à partir du 4e trimestre 1978 dans 9 circonscriptions pilotes. Dans ce contexte le correspondant du Médiateur, lorsqu'il était en activité dans une administration de l'Etat, exerçait simultanément deux fonctions. Il était d'une part sous l'autorité administrative dont il dépendait professionnellement pour l'essentiel de son travail. Il était d'autre part sous l'autorité exclusive du Médiateur lorsqu'il agissait en qualité de correspondant de celui-ci.

Cette expérience s'étant révélée heureuse les nominations se sont achevées à la fin de l'année 1979. Les correspondants étaient nommés par le Médiateur après consultation du préfet.

Il s'agissait généralement d'agents de haut rang de préfecture, en activité ou à la retraite, rompus aux rouages de l'administration départementale et aux mécanismes des multiples procédures et surtout volontaires pour assumer la charge.

Ils assuraient leur permanence généralement en préfecture mais aussi, pour certains, au Conseil général. Cette mise en place des correspondants a été très bien accueillie par les parlementaires.

Aucune délégation de pouvoir permanente n'a été donnée par le Médiateur à ses correspondants. Ce n'est qu'à l'occasion d'affaires particulières que le Médiateur a demandé à son correspondant de le représenter, de recueilli des éléments d'information ou de lui donner un avis.

Le recours au correspondant du Médiateur ne constituait d'ailleurs pas une obligation pour les réclamants. La vocation du correspondant était de rendre l'institution plus accessible et d'aider les réclamants à constituer le dossier qu'ils devraient faire transmettre au Médiateur.

Les correspondants étaient aussi invités à participer à l'action réformatrice du Médiateur, soit en lui fournissant des éléments d'information, soit en lui présentant des suggestions à partir des difficultés qu'ils avaient eu à connaître.

La plupart des correspondants départementaux en place ont été nommés dans les fonctions de délégués. Celles-ci restant d'ailleurs actuellement identiques à celles qu'ils exerçaient en qualité de correspondant.

Mais je considère l'existence des délégués du Médiateur comme potentiellement très importante.

D'abord le Gouvernement a marqué l'intérêt qu'il attachait à ce que le Médiateur ait les moyens d'accomplir sa mission en officialisant l'existence de ses collaborateurs départementaux.

En outre, M. Jacques Chirac a invité les commissaires de la République, par une circulaire du 23 avril 1986, à aider les délégués départementaux à accomplir leur mission tant aux points de vue installation, secrétariat, mise à disposition d'agents que par la collaboration que doivent leur apporter les services extérieurs de l'Etat.

La reconnaissance officielle de l'existence des délégués départementaux et l'accroissement de leurs moyens d'action permettra au Médiateur, en cas de besoin, d'élargir leur mission.

Dans le but de connaître les délégués départementaux et de compléter leur information, des séances de travail se sont tenues au cours du 2e trimestre 1986 à Paris, Bordeaux et Marseille qui ont réuni la quasi-totalité des délégués.

Le Médiateur a nommé les délégués départementaux, toujours après consultation des commissaires de la République, le 1er octobre 1986 pour une durée de I an renouvelable.

Les délégués départementaux accrédités sont au nombre de 98. Ils perçoivent une indemnité symbolique et forfaitaire. Ils constituent un véritable " service extérieur " de la Médiature et imposent un resserrement des liens et des rapports.

b) Les moyens matériels

Les moyens matériels dont dispose le Médiateur sont ceux d'un autre âge. On ne peut pas dire que le Médiateur ait à sa disposition des moyens adaptés aux techniques nouvelles de travail et de communication. Je puis même affirmer, sans risque de dément`, qu'ils sont peu dignes de la fonction et de la hiérarchie du Médiateur parmi les autorités de la République.

Les locaux

Lors de sa création, en 1973, le Médiateur s'était installé dans des locaux fonctionnels, bien situés géographiquement et adaptés alors aux besoins limités d'une institution naissante.

Il disposait en effet à cette époque, dans le 16e arrondissement de Paris, d'une superficie de 300 m2 répartis en une douzaine de bureaux pour loger 17 collaborateurs.

Ces locaux s'avérèrent très rapidement trop exigus face à l'accroissement considérable et progressif du nombre des saisines dont le rythme de progression est le doublement tous les cinq ans.

De 17 en 1973, le nombre des collaborateurs employés à plein temps est en effet passé à 37 dès 1974 puis à 42 en 1980.

La recherche de locaux plus spacieux s'imposa donc dès les premières années de fonctionnement de l'Institution afin de permettre à l'ensemble du personnel de travailler dans des conditions tout simplement efficaces et décentes.

C'est dans cette perspective que les services du Premier ministre se portèrent acquéreur en 1978, pour le compte du Médiateur, des bureaux actuels situés dans le XVe arrondissement, avenue de Suffren.

L'installation dans ces nouveaux locaux, préalablement remis en état, eut lieu en mars 1979.

D'une surface utile de 525 m2 divisée en 21 bureaux, le siège de la Médiature représenta indiscutablement une amélioration relative. Mais, même au moment où M. Paquet y emménagea ils s'avéraient insuffisants.

Aussi, il y a presque dix ans que ces locaux ne répondent plus aux besoins d'une institution qui s'est développée et imposée au fil des ans. La situation est maintenant intenable.

Insuffisants, les bureaux du Médiateur le sont à double titre.

Tout d'abord, parce qu'ils ne permettent pas une répartition rationnelle des personnels et ont dépassé le taux d'occupation maximum.

J'ai d'ailleurs dû faire procéder, dès mon arrivée, au cloisonnement de l'unique salle de réunion pour la transformer en trois minuscules bureaux afin de permettre à tous mes collaborateurs d'être logés. Or, une salle de réunion est d'une grande utilité.

Mon prédécesseur avait, lui, dû résoudre en partie ce problème de logement en n'abritant pas sur place tous les personnels concourant à la marche de la Médiature.

C'est ainsi qu'il avait recouru à des conseillers techniques (entre 7 et 10) qui travaillaient à l'extérieur.

Il reste que la structure que j'ai mise en place ne permet pas ce palliatif et qu'un transfert dans les meilleurs délais dans des locaux mieux adaptés est indispensable au bon fonctionnement de l'institution.

Par ailleurs, les locaux actuels sont si loin de correspondre non seulement au rang protocolaire du Médiateur, mais encore à un minimum de standing, que j'hésite à y recevoir certaines personnalités, notamment mes homologues étrangers.

J'ajoute que plusieurs " emplacements " sont abusivement considérés comme des bureaux alors qu'il s'agit en réalité de boxes de verre sans ouverture vers l'extérieur dont la conformité aux règles d'utilisation est d'ailleurs douteuse.

A cet égard, une comparaison avec les bâtiments qui accueillent les institutions similaires à l'étranger ne serait évidemment pas flatteuse pour notre pays.

Enfin, comme cela sera exposé plus avant, une gestion à courte vue avait fait différer tous les travaux d'entretien, entraînant une dégradation inévitable et importante de tous les équipements mobiliers (électricité, téléphone, système informatique, machines à écrire) et du cadre de vie quotidien du personnel (peintures et tapisseries complètement défraîchies, moquettes usées, volets et rideaux défectueux, mauvais état des sanitaires).

L'équipement informatique

Je ne saurais poursuivre ce chapitre sur les moyens du Médiateur sans évoquer les problèmes que j'ai rencontrés à mon arrivée avec le système informatique de gestion des dossiers et qui m'ont conduit en définitive à l'abandonner, au moins provisoirement.

Imaginé en 1979, de manière originale pour l'époque, le système informatique de la Médiature est aujourd'hui obsolète. Cet équipement qui avait été basé sur un ordinateur Bull DPS 61 avec des logiciels spécialement conçus pour l'institution, est devenu totalement défaillant après sept années de fonctionnement (logiciels mis à jour de manière anarchique ou devenus progressivement périmés, tableaux de bord inutilisables).

En fait j'ai découvert, quand j'ai pris mes fonctions, un système inadapté aux besoins de la Médiature. Il était très contraignant, occupait quatre personnes à plein temps autour desquelles s'organisait une procédure très lourde de circulation des dossiers. De plus, personne ne maîtrisait ce système au sein de la Médiature, et la société de services qui l'avait mis en œuvre ne disposait plus des ingénieurs qui auraient pu m'aider à le sauver.

Il faut préciser ici que ce matériel n'étant plus fabriqué depuis t 1983, le coût de sa maintenance était devenu si élevé que j'ai dû résilier le contrat. Si j'ajoute que cet outil n'assurait aucune tâche de gestion (comptabilité paie) et ne permettait ni de gérer finement le stock des dossiers en cours d'instruction, ni de connaître en temps réel le nombre des dossiers effectivement traités, on comprendra mieux les raisons pour lesquelles j'ai refusé d'engager des crédits pour sa rénovation.

Au demeurant, on le verra ci-après, mon budget ne me permettait pas de m'engager dans une telle aventure à laquelle avait d'ailleurs renoncé mon prédécesseur malgré l'allocation d'une enveloppe de 200 000 F qui lui avait été dévolue à cette fin en 1985.

Dans ces conditions, j'ai donc été contraint de revenir à un enregistrement et à un suivi manuels des dossiers. Cette procédure, pour l'instant, assume les stricts besoins du fonctionnement de la Médiature. Mais elle n'est évidemment pas en mesure de répondre à toutes les questions particulières posées souvent par des parlementaires.

Par conséquent, ce n'est que dans la mesure où je bénéficierais de crédits supplémentaires et suffisants que je pourrais envisager ultérieurement de recourir à nouveau à un système informatique évidemment plus moderne, plus simple et mieux adapté que celui conçu et réalisé il y a sept ans.

La dotation budgétaire

Comme dans toute structure, le budget est bien entendu l'instrument qui commande tout le reste.

A cet égard, partis de très bas (en 1973 la dotation budgétaire allouée au Médiateur s'élevait à 1 200 000 F), et malgré une augmentation annuelle toujours supérieure à l'évolution de l'indice des prix, les crédits mis à la disposition du Médiateur ne lui permettent toujours pas de répondre dans des conditions satisfaisantes à l'attente des citoyens qui s'adressent à lui.

En effet, comme l'a constaté M. Couve de Murville dans son rapport sénatorial consacré aux crédits des services généraux du Premier ministre, prévus dans le projet de loi de finances pour 1987, si le nombre de requêtes adressées au Médiateur a globalement doublé tous les cinq ans, il est manifeste que les crédits disponibles n'ont pas suivi la même courbe. Corrélativement, ajoute-t-il, les délais de réponses aux réclamations ont atteint un niveau alarmant: l'objectif prioritaire du Médiateur est en conséquence de les ramener à un niveau plus acceptable. Et de conclure :

" A cette fin, l'institution a besoin d'être renforcée en personnel et en matériel. Compte tenu de l'état actuel des finances publiques, l'évolution somme toute modeste des dotations allouées au Médiateur ne lui permettra que très difficilement d'assumer ses missions essentielles. Cette situation est préjudiciable à une institution jeune donc évolutive et qui bénéficie d'un large consensus, car elle remet en cause ce qui la justifie, c'est-à-dire l'aptitude à répondre et à résoudre rapidement des situations générées par les lourdeurs et les lenteurs du système administratif. "

Toute la misère de la Médiature est en fait contenue dans ces quelques lignes...

Il faut bien se rendre compte en effet que près de 80 % de la dotation correspond aux divers frais de personnels, donc que cette dépense est incompressible. Dès lors, une fois imputés les autres frais de fonctionnement, la marge de manœuvre demeure fort limitée quand elle n'est pas nulle. Elle permet tout juste de faire face aux aléas de la marche de l'Institution. Elle ne laisse aucune possibilité pour l'amélioration des conditions de travail. Mieux même il a fallu que le Médiateur se dégage de certaines obligations pourtant utiles.

A cet égard j'ai restreint et même supprimé un certain nombre de participations aux différents colloques et symposiums internationaux auxquels le Médiateur est convié avec ses collègues ombudsmen étrangers.

Cela dit, je reconnais qu'une augmentation de crédits a été obtenue en 1986 et en 1987 grâce à la compréhension des gouvernements de M. Laurent Fabius et de M. Jacques Chirac.

Mais l'amélioration intervenue n'est guère que comptable. En effet, elle est liée pour une grande partie à la fiscalisation de L l'indemnité du Médiateur (ce qui entraîne pour l'Institution la prise en charge des cotisations sociales) et au doublement de l'indemnité versée aux correspondants départementaux, élevés au rang de délégués départementaux par un décret du 18 février 1986.

J'ajoute que la circonstance qu'il ait existé un décalage entre l'ouverture des crédits et la nomination des délégués départementaux m'a permis de débuter dès cette année différentes actions dont la réalisation s'est avérée très urgente, tels que le renforcement de l'installation téléphonique, la révision des installations électriques et le renouvellement du parc de machines à écrire.

Pour le surplus, c'est-à-dire les travaux d'amélioration de l'environnement (réfection des peintures, tapisseries et moquettes, remise à neuf des sanitaires, aménagement de locaux incommodes pour le personnel, sans compter l'acquisition d'instruments de travail aussi indispensables que le juriclasseur de droit administratif), ils ne pourront être entrepris que dans le cadre d'une programmation pluriannuelle compte tenu de leur coût très élevé, et grâce à une gestion rigoureuse de mon budget nécessitant des économies sur plusieurs postes (relations internationales et maintenance informatique déjà citées, mais aussi suppression d'abonnements à diverses revues et journaux techniques).

Cela dit, même améliorés et rénovés, les locaux actuels ne grandiront pas pour autant et je ne disposerai pas de bureaux supplémentaires pour mes collaborateurs.

Or, comme je l'ai déjà exposé, cette situation ne peut être maintenue sans nuire au fonctionnement de la Médiature.

J'ai besoin de la compréhension de mes interlocuteurs gouvernementaux pour permettre de transférer l'Institution dans des locaux plus vastes et plus fonctionnels et de lui accorder une allocation budgétaire suffisante.

IV - Activités internationales du Médiateur

Depuis quelques années deux sortes de réunions internationales ont permis aux " ombudsmen " de se rencontrer, d'échanger leur expérience et d'étudier les améliorations à apporter à leurs institutions respectives : les réunions dans le cadre européen et les réunions au niveau mondial.

Sur le plan européen c'est d'abord le Conseil de l'Europe, par son secrétariat général et sa direction des droits de l'Homme, qui a pris l'initiative d'associer les ombudsmen des pays de la Communauté à des réunions traitant de sujets proches de leurs préoccupations : à Sienne en 1982 sur les moyens non judiciaires de protection et de promotion des droits de l'Homme ; à Madrid en 1985 sur le renouvellement de la conscience civique en Europe et sur la formation permanente des citoyens. De hauts fonctionnaires européens, des hommes politiques, des universitaires étaient associés à ces travaux.

Le Conseil de l'Europe envisage de tenir une 3e session avec les ombudsmen à Strasbourg, en 1987, sur le thème des droits des étrangers en Europe.

De son côté, le Parlement européen, par sa Commission du règlement et des pétitions, a provoqué une première réunion avec les ombudsmen européens à Bruxelles en 1985, sur le thème du droit des citoyens de présenter des pétitions au Parlement européen. Le président de cette Commission, M. Amadei, avait lancé en juillet 1986 une invitation à tous les ombudsmen pour se retrouver à Bruxelles en novembre 1986, en vue de faire progresser le projet d'une extension des compétences du Parlement européen en matière de pétition. Cette réunion a été reportée en attendant que soient redéfinies les responsabilités de la Commission il est envisagé, en effet, de créer une commission spéciale pour le seul examen des pétitions, distincte de la Commission du règlement.

La position du Médiateur est de reconnaître la compétence de la Commission pour accueillir et traiter les pétitions visant les instances elles-mêmes de la Communauté puisqu'elles constituent une véritable administration sujette aux mêmes défaillances qu'une administration nationale. En revanche, s'agissant de requêtes traitant d'affaires qui sont normalement du ressort d'un ombudsman national ou du Médiateur en France, il paraîtrait plus normal que la Commission les renvoie pour traitement à l'instance nationale compétente, à charge pour celle-ci de tenir la Commission informée de la suite donnée à l'affaire. La Commission pourrait également avoir compétence pour traiter des affaires qui dépassent le cadre d'un seul pays de la Communauté et dont la solution exige la consultation de plusieurs administrations nationales, tel serait le cas d'un ressortissant français travaillant en Allemagne pour le compte d'une société luxembourgeoise et ayant un litige pour accident du travail.

Du 10 au 13 juin 1986, s'est tenue à Vienne (Autriche) la première Conférence européenne des ombudsmen (celles rappelées plus haut n'étaient pas propres aux seuls ombudsmen). La décision en avait été prise en juin 1984 à Stockholm lors de la je Conférence internationale qui, elle réunit tous les quatre ans les ombudsmen du monde entier. La Conférence de Vienne a consacré ces trois journées à l'examen des plaintes visant l'administration locale, de celles concernant le fonctionnement de la justice et enfin de celles relatives aux affaires sociales. Dix-huit Etats étaient représentés. Les débats ont fait apparaître une convergence certaine dans les problèmes soumis aux divers ombudsmen et dans la façon dont ils sont amenés à les traiter avec leurs administrations respectives. On peut cependant relever quelques particularités intéressantes des missions assignées à certains d'entre eux. C'est ainsi que le Defensor del Pueblo (Espagne) peut procéder à la visite inopinée de tous I les services de l'Etat ou des collectivités locales (prisons, hôpitaux, locaux de police, etc.). Il est le seul, avec bien entendu les parlementaires, à pouvoir saisir le Tribunal constitutionnel de toute loi dont il estime qu'elle peut avoir des conséquences négatives sur les droits des citoyens qu'il est habilité à défendre, etc. En Suède, l'ombudsman de justice veille, au nom du Parlement, au bon fonctionnement de la justice. Il contrôle avec vigilance les délais des procédures. Il intervient en cas d'erreur évidente dans un jugement. Il peut même infliger des amendes aux magistrats pour négligence fautive et, à cette fin, il peut procéder à l interrogatoire d'un juge qui ne peut se retrancher derrière l'obligation du secret de l'instruction.

En dehors du seul cadre européen s'est instauré depuis 1976 l'usage de conférences internationales des ombudsmen. La première se tint à Edmonton (Canada) en 1976, la seconde à Jérusalem, en 1980, la troisième à Stockholm en 1984. Le Médiateur français a fait partie, depuis l'origine, du Comité consultatif chargé de la préparation de ces réunions. Cet organisme doit se réunir à Edmonton en 1987, en vue de préparer la IVe Conférence internationale, prévue à Canberra (Australie) en 1988. La modicité du budget alloué au Médiateur et l'obligation où il se trouve de faire face à des dépenses prioritaires de fonctionnement et d'équipement, ne lui permettra sans doute pas d'envisager l'envoi d'une délégation, même très limitée, à ces deux rencontres. Il ne peut s'empêcher de le regretter. Non seulement, en effet, cette absence prive l'Institution d'une utile confrontation avec l'expérience enrichissante des autres ombudsmen, mais le Médiateur français a conscience d'apporter dans ces instances, où domine le point de vue nordique ou anglo-saxon, le contrepoint apprécié de notre propre tradition qui rencontre un bon écho auprès de beaucoup de ses collègues. Pour toutes ces raisons, il serait très souhaitable que le Médiateur ne soit pas empêché, par un budget trop étroit, soit de participer aux plus intéressantes de ces rencontres, soit d'accueillir, à son tour, ses collègues en France.

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