Le Médiateur a été saisi de 4 008 réclamations en 1986. Comme cela apparaît dans le tableau figurant en annexe, le nombre de dossiers nouveaux est légèrement inférieur à celui de l'année dernière. Le ralentissement s'étant amorcé en avril, il est probable qu'il résulte principalement du renouvellement partiel de l'Assemblée nationale et qu'il ne présente qu'un caractère conjoncturel.
b) Suite donnée
Parmi les dossiers recevables dont l'instruction a été terminée en 1986 (quelle que soit la date de saisine), une première catégorie regroupe les dossiers rejetés. Il s'agit de ceux pour lesquels, à l'issue d'un examen approfondi ou après avoir sollicité un examen par l'administration, j'estime que la décision administrative n'est pas critiquable. La réclamation doit donc être rejetée même si le particulier n'est pas satisfait, dès lors que le Médiateur ne relève ni mauvais fonctionnement du service public, ni iniquité. En 1986, 1 341 réclamations ont été ainsi rejetées, soit 37 % des dossiers recevables. Ce taux légèrement plus élevé que celui constaté les années précédentes peut s'expliquer par une conception plus rigoureuse des fonctions du Médiateur.
Les requêtes satisfaites constituent bien évidemment l'autre catégorie importante. Une requête est satisfaite quand, après avoir estimé que le service n'a pas fonctionné correctement, le Médiateur a obtenu une révision totale ou partielle de la décision qui rétablit l'équité entre l'administration et l'administré. En 1986, nous avons ainsi comptabilisé 961 dossiers satisfaits, soit 26,3% des dossiers recevables transmis au Médiateur.
Ce chiffre reste à mon sens insuffisant. En effet, dès lors que le Médiateur a estimé que la décision doit être révisée, il souhaite amener plus souvent l'administration à partager son point de vue.
J'ai maintenu une catégorie utilisée par mon prédécesseur qui vise les réclamations non satisfaites, c'est-à-dire celles pour lesquelles, malgré les suggestions du Médiateur, il a été impossible de trouver une issue favorable. Cette catégorie devrait tendre à diminuer puisque, dans ma conception, soit le Médiateur rejette la réclamation comme non fondée, ou impossible à satisfaire, soit il obtient une décision favorable à l'intervenant. En 1986, 497 réclamations sont demeurées insatisfaites, soit 14 %, et j'espère bien réduire ces chiffres l'année prochaine.
Enfin, certaines affaires ont été abandonnées. Il s'agit de réclamations très anciennes qui ne pouvaient plus prétendre obtenir une solution satisfaisante de mon point de vue ou de réclamations n'ayant pas fait l'objet depuis plusieurs années de rappels du parlementaire ou des intéressés. J'ai été amené en 1986 à clore dans ces conditions 810 dossiers soit 22,5 % du stock.
Je tiens à souligner que cette procédure exceptionnelle trouve sa justification dans ma volonté de réduire, d'une part, le stock de dossiers trop élevé qui existait à mon arrivée, et d'autre part d'accélérer les délais d'instruction.
Par contre sur l'ensemble des dossiers reçus et clos en 1986 (1173 j'ai pu constater avec satisfaction que seulement 80 d'entre eux, soit 7 % avaient été clos en cours d'instruction ce qui correspond le plus souvent à un désistement volontaire de la part du parlementaire ou de l'intéressé.
c) Evolution du stock d'affaires en cours
Le nombre de dossiers en cours d'instruction au Ier janvier 1986 était de 3 789.
Ce chiffre a encore augmenté par la suite et jusqu'au 1er septembre, puisqu'il atteignait alors 4 167.
C'est à partir de cette date que les nouvelles structures que j'ai créées et les directives que j'ai données ont commencé à porter leur fruit après une période nécessaire de rodage.
En effet, le stock au 31 décembre 1986 est de 2 718 dossiers, ce qui m'apparaît déjà comme un progrès et encourage à poursuivre dans cette voie. Cependant, sur ce chiffre, le nombre de dossiers reçus en 1986 et en attente de solutions définitives (1 658 soit 61%) est encore trop élevé.
2 - Du point de vue des parlementaires
Du point de vue comparatif l'origine des transmissions n'a guère varié par rapport aux années précédentes.
Près de 60 % des saisines sont le fait des députés contre 15 % pour les sénateurs.
Les députés de la majorité gouvernementale - de fait les plus nombreux - continuent d'adresser un nombre de dossiers plus élevé que leurs collègues de l'opposition (6e législature 59 % contre 38 % - 7e législature 64,5 % contre 35 % et depuis avril 1986 53 % contre 45 %).
La réduction de l'écart provient pour une large part de l'arrivée de nouveaux parlementaires moins connus des citoyens.
En 1986, et depuis le début de la 8e législature, 63 % des députés (et 55 % de ceux élus pour la première fois le 16 mars) se sont adressés au moins une fois au Médiateur alors qu'au terme de la législature précédente ce pourcentage avait atteint 99 %.
La moyenne annuelle de saisine par députés est actuellement de 3,4 dossiers contre 5,5 sous la 7e, et 4,3 sous la 6e.
Toutefois il ne s'agit que d'une moyenne, le taux de recours au Médiateur étant très variable. Cette année 35 % des députés ont transmis un nombre de dossiers supérieur à la moyenne de transmission.
Les parlementaires semblent satisfaits de leur collaboration avec le Médiateur. Beaucoup le lui ont dit oralement ou par écrit.
Il est vrai que je me suis efforcé de répondre à leur attente en les tenant informés systématiquement depuis le début du mois de décembre de la situation de leur dossier sans attendre de lettre de rappel de leur part. L'envoi d'un accusé de réception dès l'arrivée de leur dossier a été également considéré comme une grande amélioration.
Le soin avec lequel les lettres du Médiateur aux parlementaires sont rédigées à la fois à leur intention et à celle du réclamant a été apprécié.
Je pense aussi que le présent rapport qui comporte une partie doctrinale et une explication du rôle du Médiateur sera utile aux parlementaires et à leurs assistants dans leurs relations aussi bien avec le Médiateur qu'avec leurs concitoyens.
J'ai eu également l'occasion de m'entretenir de mes fonctions avec de nombreux députés ou sénateurs soit à Paris, soit à l'occasion de mes déplacements en province. Enfin, j'ai désigné un conseiller technique chargé des relations avec le Parlement et les contacts directs entre mes services et le service des études et de la documentation de l'Assemblée nationale sont très fréquents. Il m'est arrivé en outre d'écrire à tel ou tel député, en marge de l'affaire dont il m'avait saisi, une lettre à but " pédagogique " rappelant mes conceptions sur certains points particuliers qui me paraissaient avoir été perdus de vue. Je constate en effet que l'exacte portée du rôle de coopérant à la mission du Médiateur qui a été dévolu par la loi aux parlementaires est parfois oubliée.
Ces multiples liens confirment le fait que le Médiateur n'est pas une autorité administrative. Ils peuvent être renforcés. Aussi je suis très attentif aux initiatives qui vont dans ce sens. Notamment à celle de M. Jean-Louis Masson, député de la Moselle, qui a proposé la création d'une délégation parlementaire pour établir le bilan des suites données aux propositions du Médiateur.
Je me suis efforcé, au cours de cette années, de développer les échanges. J'ai rendu visite aux présidents de chacune des assemblées, ceux-ci ont bien voulu adresser à chaque parlementaire une lettre lui rappelant les compétences du Médiateur et ses limites.
3 - Du point de vue des administrations
Comme mes prédécesseurs, je dois souligner l'excellence des rapports du Médiateur avec l'administration à tous les niveaux.
Dès la nomination du nouveau Gouvernement en mars 1986, je me suis mis en rapport par lettre avec le Premier ministre et chacun des membres du Gouvernement pour leur rappeler le sens de ma mission. Ceux-ci ont très rapidement désigné des correspondants chargés de recevoir mes propositions et d'en suivre l'étude.
a) Relations avec les administrations centrales
Comme par le passé, ces correspondants appartiennent soit au Cabinet du ministre, chef de Cabinet ou conseiller technique pour la plupart, soit à l'Inspection générale du ministère. Parfois, la tâche est partagée entre le chef de Cabinet et le chef de l'Inspection générale. Quelle que soit la formule retenue - et je n'exprime aucune préférence - il est important que mon correspondant soit situé à un niveau très élevé de la hiérarchie administrative. Il doit disposer des moyens nécessaires pour s'assurer effectivement que les affaires sont instruites dans les délais les plus brefs et font l'objet de réponses qui ne se contentent pas de reproduire la position des services, mais procèdent d'un examen équitable conformément à la logique de mes interventions. Il doit avoir surtout la possibilité le cas échéant d'en référer au ministre sans attendre " la recommandation " solennelle du Médiateur.
b) Relations avec les services extérieurs
Bien qu'en principe le correspondant ministériel soit l'interlocuteur privilégié du Médiateur, celui-ci s'adresse parfois aux services extérieurs lorsque la déconcentration est bien organisée.
Dans la mesure où les administrations centrales ne s'y opposent pas, il est préférable en effet de s'adresser à l'échelon de responsabilité le plus proche de l'autorité qui a pris la décision dès lors que le litige est bien localisé et qu'il ne pose pas de questions de principe. D'autant plus que dans la logique d'un examen rapide de propositions de solution faisant appel à l'équité, les échelons départementaux sont souvent les mieux placés pour porter une appréciation en prenant en considération tous les aspects spécifiques d'un litige.
Il en est de même d'ailleurs des services sous tutelle. L'expérience montre qu'il est, dans la plupart des cas, plus commode de saisir les organismes dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière (tels que les caisses d'assurance maladie, E.D.F. ou la S.N.C.F.) que les administrations de tutelle qui risqueraient de s'en tenir à des positions de principe gênantes pour l'examen en équité de cas particuliers.
c) Relations avec les collectivités locales
Cette remarque est a fortiori justifiée à l'égard des autorités responsables de l'administration des collectivités locales qui sont désormais saisies directement avec, exceptionnellement, l'envoi simultané d'une correspondance à l'autorité chargée du contrôle de légalité. Je remarque au passage que la décentralisation n'a pas entraîné chez le Médiateur - pas plus que dans les juridictions administratives - un afflux de réclamations. Les transferts de compétence ont fait apparaître de nouveaux interlocuteurs mais n'ont qu'exceptionnellement provoqué de nouveaux contentieux. Il m'arrive ainsi de saisir le président du Conseil régional d'une question relative à la formation professionnelle, le président d'un
Conseil général d'une question relative à l'aide sociale ou, très souvent, le maire de la commune de litiges relatifs aux permis de construire. Dans l'ensemble la qualité des rapports avec les autorités décentralisées est bonne, car les élus sont naturellement portés à assurer la conciliation entre les impératifs d'intérêt général et les intérêts particuliers qui peuvent s'exprimer directement à l'échelon local. Toutefois, il arrive que l'intervention du Médiateur soit ressentie comme une ingérence désagréable. Cette attitude s'améliore lorsque les élus acceptent d'informer le Médiateur de l'ensemble des circonstances de l'affaire qui permettent de formuler des propositions en toute connaissance de cause. De mon côté, j'ai l'intention de faire un effort tout particulier d'information en direction des élus locaux sur le sens et la portée de mes interventions.
4 - Du point de vue du Médiateur
Je souhaiterais saisir les administrations moins souvent mais plus efficacement.
En effet l'intervention du Médiateur est toujours un facteur de trouble dans la marche normale du service public: elle oblige les fonctionnaires à procéder à une nouvelle instruction d'un dossier considéré comme clos et à rédiger de nouvelles correspondances. Aussi je me refuse à saisir systématiquement l'administration dans des conflits qui sont évoqués devant moi. Je m'efforce d'écarter d'emblée les litiges qui ne peuvent être résolus dans le sens que souhaite le réclamant. Soit qu'il suffise simplement de lui expliquer une réglementation incomprise, soit qu'il soit impossible de lui donner satisfaction en l'état de la législation et de la conjoncture politico-administrative.
Lorsque, au contraire, j'estime nécessaire de saisir l'administration, je fais en sorte de lui faciliter le travail d'une part, en mettant en évidence le problème posé et l'argumentation du réclamant et, d'autre part, en lui suggérant une solution équitable aux problèmes posés. Il est de l'intérêt commun d'éviter des relations parajuridictionnelles.
De mon point de vue, l'orientation nouvelle du travail de la Médiature parait prometteuse. Des résultats très significatifs sont déjà apparus. Le retard a commencé à se résorber d'une manière très encourageante. Comparativement à la situation d'autres Institutions de l'État, je devrais m'estimer comblé. Mais les exigences de ma formation antérieure me conduisent à demander encore un délai d'un an avant de pouvoir me dire simplement satisfait.
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