Mais ce sont les citoyens et non les parlementaires qui ont l'initiative en matière de saisine du Médiateur. Il faut aussi noter la qualité souvent excellente du travail effectué par les parlementaires et leurs collaborateurs dans le conseil aux administrés, la préparation des dossiers et le suivi des affaires soumises au Médiateur.
II. L'AMELIORATION DU TRAITEMENT DES DOSSIERS
La qualité de l'instruction des dossiers n'est pas sans influence sur le succès des démarches du Médiateur.
A. LES REGLES D'INSTRUCTION DES DOSSIERS
Comme dans tout débat juridique l'exigence de rigueur est primordiale pour la solution des affaires soumises au Médiateur.
La méthode du Médiateur
Dans sa mission d'assistance du citoyen face à l'Administration, le Médiateur ne saurait ni déborder son domaine de compétence, ni se comporter en adversaire des autorités publiques.
La première recherche du Médiateur consiste donc à apprécier la légalité de la position prise par l'Administration bien que le domaine de la légalité soit celui du juge.
Une analyse juridique des litiges est toujours indispensable, d'une part parce qu'une illégalité révèlerait évidemment un " mauvais fonctionnement " et, d'autre part, parce que, dans l'appréciation de l'équité, il est indispensable que le Médiateur sache si juridiquement l'Administration était tenue de prendre la décision critiquée. Ainsi le Médiateur doit préjuger une décision juridictionnelle. L'exercice est évidemment périlleux aussi le résultat de l'analyse du Médiateur n'apparaît-elle que comme une simple opinion personnelle ou un conseil toujours donné sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux. Si le litige porte uniquement sur une question de droit, le rôle du Médiateur est souvent terminé. Il appartient à l'administré, s'il s'y estime fondé, de saisir le juge compétent.
Dans certains cas très exceptionnels, si la solution retenue par les instances judiciaires avait des conséquences manifestement inéquitables, l'administré pourrait revenir vers le Médiateur qui pourrait demander à l'organisme administratif intéressé de ne pas en tirer tout le parti ou de prendre des mesures compensatoires pour atténuer les effets du jugement.
La vérification du Médiateur porte également sur les autres défaillances possibles de fonctionnement du service public notamment celles qui portent sur les modalités d'application des décisions ou celles qui se rapportent au comportement des agents.
Si la motivation de la décision ne correspond pas à l'attente de l'administré, si la décision ne lui parvient pas dans un délai raisonnable, ou si le dossier révèle un défaut de coordination des services, il y a mauvais fonctionnement de l'Administration.
Je suis intervenu en faveur d'un propriétaire à Paris dont l'immeuble est frappé d'un arrêté de péril avec interdiction d'habiter et mise en demeure d'effectuer les travaux mais qui était dans l'impossibilité d'obtempérer, car l'Administration refusait d'envisager l'expulsion et le relogement des locataires de l'immeuble.
(N°83-5902 transmise par M. Jean Rigal, député).
Enfin, le Médiateur apprécie l'équité des conséquences de la décision administrative sur la situation particulière du réclamant. Il s'agit là, d'un rôle nouveau que le législateur a assigné au Médiateur par la loi du 24 décembre 1976. C'est une appréciation délicate à porter et qui est fonction de chaque cas d'espèce. Elle est forcément subjective et dépend de la conception que le Médiateur a de l'action administrative dans le contexte social et économique où elle intervient. Mais l'expérience montre que cette appréciation n'est pas très difficile à porter puisque, en général, les suggestions du Médiateur ne sont pas jugées déraisonnables. Mais il existe évidemment des cas délicats.
Ainsi, dans le problème de la police des étrangers, tout en se gardant de porter une appréciation sur les grandes orientations de la politique gouvernementale, le Médiateur doit prendre en compte chaque problème humain. S'il ne peut refuser d'intervenir dans un domaine qui touche de près aux libertés publiques, il doit se garder de trop s'avancer sur le plan de la politique humanitaire et sociale du Gouvernement.
Dès lors, son action se borne souvent à s'efforcer de mieux plaider un dossier, à mettre en valeur certaines argumentations ou faits nouveaux concernant des personnes souhaitant obtenir le statut de réfugiés ou candidats à l'admission au séjour.
Les prises de position du Médiateur sont facilitées par le fait qu'elles n'ont pas valeur de précédents.
La solution préconisée est avancée uniquement en fonction des circonstances particulières du cas de l'espèce.
Sur mon intervention, le ministère de l'éducation et le ministère chargé du budget ont accepté le maintien du supplément familial du traitement à une jeune femme en instance de divorce dont l'enfant avait été enlevé par son mari. Cette solution est évidemment exceptionnelle et ne pourrait être transposable qu'après examen de chaque cas particulier.
(N°86-0693 transmise par Mme Marie-Claude Beaudeau, sénateur).
En résumé, le Médiateur recherche avec l'Administration, la solution adaptée à chaque difficulté signalée par le citoyen en s'astreignant au respect de l'esprit de la loi.
Le suivi des dossiers et les délais
L'esprit de la loi veut aussi que le Médiateur soit une institution souple qui travaille rapidement en coopération avec les parlementaires.
Le législateur a voulu que le Parlement soit l'intermédiaire obligé entre le citoyen et le Médiateur. En conséquence j'évite de correspondre directement avec l'administré. Il appartient au parlementaire d'informer le citoyen de la suite donnée à son affaire. D'où découle la nécessité d'une bonne liaison avec les parlementaires.
Aussi dès qu'une réclamation parvient à la Médiature il en est accusé réception immédiatement. A cette information est jointe une mise en garde relative aux délais du recours contentieux que la saisine du Médiateur ne suspend pas. Lorsque les réclamations n'entrent pas dans le domaine de compétence du Médiateur, le parlementaire en est informé par l'accusé de réception lui-même. Ce même accusé de réception peut indiquer aussi une irrecevabilité pour défaut d'accomplissement des démarches préalables.
Lorsque la réclamation n'est pas recevable, le parlementaire transmettant ou le citoyen reçoivent une lettre explicative, un dépliant d'information sur le Médiateur et les coordonnées de son délégué départemental susceptible de les aider dans leurs démarches. En cas de besoin, une lettre plus circonstanciée est établie quelques jours après la réception de la réclamation.
Cette formule est satisfaisante. Le taux des régularisations opérées par les administrés en liaison avec les délégués départementaux est important.
Le suivi des dossiers en cours d'instruction s'améliore.
Des instructions ont été données pour déceler très rapidement, avant même l'examen au fond de l'affaire, les incompétences et les irrecevabilités qui n'auraient pas été relevées lors de l'établissement de l'accusé de réception. La plupart des secteurs de la Médiature sont maintenant en mesure de relancer régulièrement l'Administration en cas de non-réponse et d'en informer régulièrement les parlementaires, afin que ceux-ci ne restent pas plus de trois mois sans connaître l'état d'avancement des affaires transmises. Lorsque la Médiature sera dotée d'un système informatique nouveau ces relances seront effectuées automatiquement et de manière plus rigoureuse.
La réduction des délais d'instruction est une grande préoccupation du Médiateur, car une de ses raisons d'être est la rapidité d'intervention. Cela implique une capacité de travail suffisante de la Médiature et une adaptation de la mentalité des agents.
Depuis deux ans, les services de la Médiature ont traité un nombre record de dossiers : 4 547 réclamations ont été traitées en 1987. En conséquence, le stock diminue. Il est passé de 2 718 dossiers en cours d'instruction à la fin de 1986 (dont 1 060 antérieurs de plus d'un an) à 1 971 à la fin de cette année (dont 559 enregistrés avant 1987).
Parallèlement, un gros travail a été effectué au niveau des propositions de réformes.
La gestion des propositions de réforme
En liaison avec le Centre national d'information juridique (C.N.I.J.) dont la banque de données contient toutes les propositions de réforme présentées par les Médiateurs, un effort de clarification a été accompli cette année pour mieux suivre l'état d'instruction de ces propositions.
Cette clarification d'ordre terminologique a permis d'harmoniser et de préciser les solutions préconisées par les administrations aux propositions faites.
Elle a conduit aussi à faire un " toilettage " de ce qui avait été inscrit antérieurement.
Ce travail a nécessité un examen de toutes les propositions en cours pour lesquelles la situation n'était pas claire sur leur degré d'instruction.
Ce travail commencé à la fin de 1986, a été effectué pour l'essentiel durant le premier trimestre de 1987.
A l'issue de cette opération le nombre des propositions en cours d'étude a été ramené de 78 (92 au 1er janvier 1986) à 41. Parmi celles-ci 4 sont antérieures à 1986, 10 ont été formulées en 1986, et 27 en 1987.
Ces résultats sont à rapprocher de l'objectif que je m'étais fixé de terminer l'instruction des propositions de réforme dans un délai inférieur à un an. Pour les propositions dont l'instruction a été close depuis ma nomination, le délai moyen d'instruction aura été de 12,8 mois, mais il faut tenir compte du fait que certaines propositions étaient en cours d'instruction depuis plusieurs années (I supérieure à 4 ans, I supérieure à 3 ans et 4 supérieures à 2 ans).
B. LES BONNES RELATIONS AVEC L 'ADMINISTRATION
Les relations du Médiateur avec l'administration ont toujours été excellentes. Je me suis attaché à développer cette relation de confiance dans un climat de franchise et de recherche de l'efficacité.
Les contacts avec les responsables
Les administrations ou les collectivités mises en cause par les réclamants ne sont saisies par le Médiateur que si les affaires méritent un réexamen. C'est-à-dire s'il existe une chance d'aboutir à un résultat pratique pour le réclamant ou d'avancer une proposition de réforme.
Le Médiateur est très généralement bien soutenu auprès des services administratifs par les correspondants ministériels. Ceux-ci jouent un rôle déterminant dans l'instruction des réclamations. Des rencontres et de nombreux contacts informels permettent de faire le point régulièrement des affaires en cours et de conjuguer les efforts.
Ainsi, des contacts réguliers avec la direction des affaires commerciales et télématiques de la direction générale des télécommunications ont permis de faire aboutir une proposition de réforme (P.T.T. 86-02) destinée à l'amélioration de l'instruction des réclamations en matière de facturation téléphonique, de mesurer l'amélioration de la qualité du service rendu et de préciser certaines règles en cas de litige.
Par exemple, il est apparu utile de conseiller aux usagers le recours préalable auprès de la direction opérationnelle des télécommunications. De même, le Médiateur a pu avoir accès aux dossiers d'enquête et discuter de leur instruction avec les services chargés de préparer les réponses au Médiateur.
Dans le même ordre d'idée, des rencontres ont eu lieu avec les responsables de plusieurs services à propos des maladies professionnelles qui posent des problèmes difficiles à résoudre. En effet, des cas tout à fait dramatiques donnent l'impression que le système dit des tableaux des maladies reconnues professionnelles destiné à faciliter la recherche de la preuve, est parfois utilisé sans discernement et qu'il va à l'encontre du but recherché. Les explications recueillies, si elles n'ont pas encore permis de formuler une proposition de réforme, ont néanmoins fourni des renseignements utiles pour la solution de cas particuliers.
Parfois les contacts ont un objectif précis. C'est ainsi que des dossiers particulièrement délicats ont été directement plaidés auprès des directeurs de cabinet de ministres afin de surmonter les résistances des services.
L'instruction des propositions de réforme au cours des réunions interministérielles d'instruction et d'arbitrage permet également des échanges de vue, et, souvent, des confrontations fructueuses. S'il apparaît que les difficultés qui avaient suscité la proposition de réforme résultent moins d'une difficulté d'interprétation de texte ou d'un défaut d'organisation que d'une erreur d'exécution ou d'appréciation, la proposition est retirée mais la solution du cas particulier en cours d'instruction et des cas ultérieurs en est évidemment facilitée. Dans d'autres cas, au contraire, il apparaît, dès la première étude interministérielle, que le problème soulevé par le Médiateur a une portée plus vaste que celle qui avait été envisagée et qu'il convient d'élargir le champ des études.
Ainsi la proposition relative aux formalités liées à la preuve de la nationalité en matière de pensions (FIN 86-02), d'accès à la fonction publique (PRM 87-04) ou des délais de délivrance de certificats de nationalité (MAE 87-01) posent en réalité de délicats problèmes qui tiennent soit au code de la nationalité lui-même, soit à la valeur des différents documents officiels.
La mission du Médiateur s'est exercée en 1987 en étroite collaboration avec l'administration. Les réponses fournies montrent que l'intervention du Médiateur est bien comprise.
Lorsque l'administration modifie sa décision initiale à la demande du Médiateur, il y aurait intérêt, tant pour bien situer les responsabilités respectives que pour ne pas créer de précédent à ce que l'avis du Médiateur soit indiqué.
A titre d'exemple heureux, le cas suivant peut être cité :
Le Directeur de l'École Polytechnique a annulé un état exécutoire, délivré à l'encontre d'un ancien élève pour qu'il rembourse des frais de scolarité, en s'appuyant sur les considérations d'équité évoquées par le Médiateur. La décision mentionne expressément dans ses visas "Vu le rapport du Médiateur ".
(N°87-0363 transmise par M. Tavernier, député).
La recherche du bon interlocuteur
Il est parfois difficile d'atteindre l'autorité qui aura à la fois la volonté et les pouvoirs de faire réexaminer les dossiers du point de vue du bon fonctionnement des services publics et de l'équité.
Il arrive que les administrations trouvent commode de préjuger une opposition du ministre des finances pour différer une réponse favorable à une réclamation ou à une proposition de réforme, alors que l'attitude négative du ministre des finances n'est pas systématique. Elle s'est d'ailleurs révélée parfois très coopérative comme pour réexaminer les conditions d'octroi d'une bourse d'enseignement supérieur, pour autoriser la réparation du préjudice subi par la victime présumée d'une maladie professionnelle ou pour admettre, le maintien du supplément familial à une femme dont les enfants avaient été enlevés par leur père. D'une manière plus générale, le directeur du budget a, à la demande du Médiateur, chargé un de ses services d'examiner l'assouplissement des règles du contrôle financier pour des cas exceptionnels et en fonction des circonstances particulières.
De même, en matière de propositions de réforme, la position des représentants du ministre du budget est souvent déterminante et elle n'est pas systématiquement négative.
Je dois souligner, en revanche, les difficultés rencontrées parfois avec les organismes sociaux dont la gestion est très décentralisée et sur lesquels les pouvoirs d'intervention du ministère des affaires sociales sont limités. L'Inspection générale des affaires sociales, qui est le correspondant actif et coopératif du Médiateur, est parfois fâcheusement contrainte de s'en remettre à l'opinion du " service central compétent " ou à la " libre appréciation des organismes de sécurité sociale " sans pouvoir rechercher plus activement des solutions équitables.
Il conviendra probablement que le Médiateur procède à la demande d'enquête expresse prévue à l'article 12 de la loi du 3 janvier 1973 pour vaincre les réticences.
Dans les dossiers d'urbanisme, l'autorité responsable n'est pas toujours aisée à déterminer. La décentralisation des compétences peut créer quelques difficultés quand, par exemple, l'autorité qui a délivré un certificat d'urbanisme est différente de celle qui est habilitée à accorder le permis de construire. L'application de la règle de constructibilité limitée en milieu rural pose toujours des problèmes de détermination des responsabilités entre l'autorité préfectorale et le conseil municipal. Enfin, il existe parfois des contradictions entre les autorités habilitées à accorder les autorisations de construire et les organismes chargés d'implanter les réseaux, notamment E.D.F.
En ce qui concerne les services déconcentrés de l'Etat, il était permis d'hésiter sur l'autorité locale à saisir. Le Médiateur devait-il s'adresser directement aux chefs des services techniques pour gagner du temps ou écrire au correspondant ministériel ou au préfet coordonnateur de tous les services publics départementaux pour respecter les règles de la hiérarchie ?
Finalement, il est apparu préférable de saisir systématiquement les correspondants ministériels et les commissaires de la République, dans la mesure évidemment où ce passage par ces autorités ne retarde pas trop l'instruction des affaires.
Mais, trouver le bon interlocuteur ne suffit pas, il faut parfois se montrer particulièrement convaincant.
L'utilisation des pouvoirs exceptionnels
Bien qu'il ne soit jamais agréable pour le Médiateur de faire pression sur les administrations pour faire triompher une juste cause, le recours modéré aux moyens de contrainte ne peut être totalement évité.
Trois recommandations et dix injonctions ont été formulées en 1987. Elles ont été généralement suivies d'effet.
J'avais cité l'année dernière sous le titre " Un abus de position dominante " une affaire d'exécution de décision de justice en matière de remembrement rural. A l'issue d'une longue instruction, j'ai décidé de formuler une injonction que le commissaire de la République a immédiatement décidé de mettre à exécution.
(N°85-5338 transmise par M. Le Gars, ancien député)
Les injonctions, formulées pour des cas d'inexécution de décisions de justice, ont permis de faire cesser des situations inacceptables et ont joué certainement un rôle préventif en rappelant aux services intéressés quelques règles élémentaires, comme l'effet non suspensif d'un appel au Conseil d'Etat à l'égard d'un jugement d'un tribunal administratif ou le caractère de dépenses obligatoires des allocations pour perte d'emploi.
A propos des affaires citées dans le rapport de 1986, il n'est pas sans intérêt de rendre compte de l'état actuel de l'affaire G*, qui avait donné lieu à une recommandation afin d'obtenir du ministre de la défense le versement d'une pension à un ouvrier de laboratoire dont le Médiateur avait l'intime conviction qu'il avait été victime d'une maladie professionnelle (rapport 1986). L'action du Médiateur avait abouti à la reconnaissance de principe d'un dommage subi par M. G*. L'octroi d'une indemnité compensatrice avait été admis. Mais l'application faite de cet engagement est loin de répondre aux espérances de l'intéressé.
Tout en regrettant que le ministre de la défense n'ait pas été suffisamment généreux, j'estime avoir épuisé mon pouvoir d'intervention, puisque je ne peux me substituer à l'Administration dans la détermination du quantum de l'indemnité, dès lors qu'il a été fixé dans le cadre d'un arrangement amiable.
En matière de réforme il a été recouru à deux procédures, qui n'avaient pas été utilisées depuis longtemps: devant le retard persistant et inexplicable qui m'était opposé au ministère des affaires sociales pour concrétiser la proposition STR 86-01 relative à la simplification des formalités de délivrance de la vignette automobile gratuite à certains handicapés, j'ai décidé de convoquer les deux directeurs d'administration centrale concernés. La circulaire a été signée dans les deux jours qui ont suivi l'annonce de cette décision.
Par ailleurs, et toujours dans le domaine social, la position particulière du ministère des affaires sociales à propos de la proposition STR 86-07 relative aux conditions de cessation des droits à l'allocation de logement, m'a conduit à demander au Conseil d'Etat une étude sur l'interprétation des textes qui m'était opposée. Le Conseil d'Etat, ayant confirmé mon interprétation le Premier Ministre a demandé en réunion d'arbitrage qu'elle soit rapidement mise en application.
Ce dosage de collaboration et de fermeté me paraît une des conditions de l'efficacité du Médiateur. Mais celui-ci doit impérativement s'appuyer sur des moyens adaptés.
C. L'ADAPTATION DES MOYENS
Dès mon entrée en fonction, je me suis attaché à renforcer les moyens d'action de l'Institution.
Le budget et les moyens
Il y a cette année, peu de chose à dire sur le budget. Un effort de rattrapage accompli en 1986 et l'actualisation des crédits en 1987 ont permis le maintien des activités dans le cadre de strictes économies fixées par le Médiateur.
L'essentiel de ces crédits est absorbé par les frais de personnel.
Les frais de fonctionnement sont réduits. La renonciation à des projets utiles, mais non prioritaires pour la bonne marche de l'Institution, a été maintenue.
Par souci d'économie, le 15e anniversaire de l'Institution n'aura donné lieu à aucune manifestation de prestige bien qu'elle eût eu l'avantage de faire connaître le Médiateur au public. Malgré cette rigueur, il ne me reste que 3 % de mon budget à consacrer à des actions nouvelles. Comme l'Institution est trop petite pour envisager des redéploiements importants, encore que j'aie restructuré le secrétariat en allégeant le service informatique et que j'aie augmenté la densité d'occupation des locaux, il m'est impossible de financer la moindre innovation, notamment d'augmenter l'indemnité des délégués départementaux dont l'activité se développe rapidement.
Ventilation du budget du Médiateur
Frais de personnel : 64 %
Délégués départementaux : 15 %
Dépenses de fonctionnement : 15 %
Remplacement du mobilier et du matériel amortis : 3 %
Solde : 3 %
Deux projets importants devront cependant être réalisés. Le projet prioritaire est le déménagement. Les raisons en ont été exposées l'année dernière. Elles demeurent plus que jamais valables. Cette opération est essentielle.
Le second projet concerne le renouvellement du système informatique. Après avoir constaté l'impossibilité de moderniser le système existant, les applications ont été allégées et assurent encore le service de la constitution et de l'enregistrement des dossiers. Cet outil informatique a cessé d'être opérationnel pour la gestion de l'Institution Il ne permet plus de réaliser le suivi et les relances et surtout, il risque à tous moments d'être définitivement hors d'usage alors que ni le constructeur, ni les sociétés de services ne seraient en mesure de le remettre en état de marche.
Des espoirs d'obtenir les crédits nécessaires à chacune de ces opérations m'ont été donnés, dès que des locaux auront été trouvés.
Les rédacteurs et les consultants
Il a été dit que, bien que le Médiateur ne soit pas compétent pour départager le citoyen et l'Administration lorsqu'ils s'opposent sur le plan du droit, il était nécessaire que le Médiateur sache néanmoins qui a raison en droit.
Une telle connaissance relève parfois de la haute technicité, c'est-à-dire de celle qui ne peut être trouvée qu'auprès de Conseillers d'Etat ou de fonctionnaires du même niveau. Cette constatation m'a conduit à rechercher le concours de consultants retraités.
Mais le travail courant requiert aussi une très bonne formation juridique et technique. Seuls des agents très qualifiés peuvent rendre des services à la Médiature. Certains ministres ont bien voulu mettre des agents de ce type à ma disposition. Ils ont droit à ma reconnaissance.
Ces mises à la disposition sont d'ailleurs à l'avantage des agents et de leur administration, en raison de la formation particulière acquise à la Médiature, surtout au contact des très grands juristes qui ont bien voulu me prêter leur concours en qualité de consultants.
Les collaborateurs du Médiateur
Consultants : 7 ;
Délégués et Chargés de mission : 12 ;
Assistants : 21 ;
Secrétariat, documentation et gestion : 19
Cet appel à des consultants de très haut niveau, a été la principale innovation en matière de personnel. Pour le traitement des dossiers difficiles leur contribution est d'ailleurs indispensable. Cette formule souple et efficace accroît l'efficacité de mes interventions et rend les rédacteurs plus disponibles pour le traitement rapide des dossiers courants.
Enfin, j'ai poursuivi l'orientation vers le renforcement du rôle des délégués départementaux. Cette politique s'est révélée très positive.
Les délégués départementaux
Après avoir consulté les commissaires de la République, j'ai nommé mes délégués départementaux à la fin de l'année 1986. La moitié d'entre eux sont des retraités que leurs fonctions antérieures, leur sens du service public et leur disponibilité prédisposent tout particulièrement à l'exercice de ces fonctions. En majorité il s'agit d'agents issus du cadre national des préfectures, mais je suis favorable à une certaine diversification et huit délégués sont issus des services fiscaux, de l'éducation nationale, de la police ou du ministère de l'équipement. Les autres délégués sont encore en fonction dans les préfectures et avec l'accord de leurs supérieurs, consacrent une partie de leur temps à la réception des réclamants et à l'étude des dossiers.
Ils se répartissent comme suit :
50 en activité (cadre national des préfectures) ;
42 en retraite (cadre national des préfectures) ;
8 en retraite (autres origines).
Ces délégués ont procédé à de très nombreuses actions d'information des citoyens sur la mission du Médiateur. En conséquence, les administrés ont fait davantage appel aux délégués du Médiateur. Ceux-ci ont reçu cette année 10 373 affaires, soit une augmentation de 30 % par rapport à 1986.
Certes, 32 % de ces litiges ne relèvent pas de la compétence du Médiateur. Mais à l'occasion de ces affaires, le délégué conseille et oriente l'intéressé pour l'aider à trouver la voie qui conduira à la solution de son problème.
Dans les 7 050 affaires qui relèvent de la compétence du Médiateur, les litiges les plus nombreux ressortissent, comme au niveau national, aux domaines social et fiscal.
Les délégués ont été incités à intervenir eux-mêmes officieusement lorsqu'il leur apparaît que le litige peut trouver rapidement une solution locale. 40 % environ des litiges qui leur sont soumis révèlent le plus souvent une mauvaise information des administrés et peuvent trouver ainsi une solution immédiate sur place. Les conseils et actions du délégué départemental contribuent très souvent à la solution du litige de sorte qu'ils évitent la saisine du Médiateur pour un nombre important d'affaires. Pour les autres dossiers de la compétence du Médiateur, le délégué conseille la saisine du Médiateur, aide l'administré à constituer son dossier, lui donne, si nécessaire, l'adresse des parlementaires.
Pour améliorer l'efficacité de ce véritable " service extérieur " la liaison des délégués avec la Médiature a été renforcée.
Les délégués m'adressent des rapports trimestriels. En retour, je leur envoie la copie des réponses définitives adressées aux parlementaires de leur département.
Un bulletin d'information sera créé pour mieux informer le délégué sur le plan doctrinal et pour faire connaître à l'ensemble du réseau les initiatives heureuses de certains. Les déplacements du Médiateur en province, sont évidemment mis à profit pour rencontrer les délégués de la région et rappeler leur existence aux administrés.
Parmi les initiatives prises par les délégués départementaux, on peut citer la participation au Comité de pilotage d'un centre " Administration à votre service ", des conférences-débats, la nomination d'un délégué comme conciliateur de justice, la tenue des réunions de travail avec les chefs de services départementaux...
Enfin, les délégués sont invités à participer à la détection des réformes.
La proposition INT 86-01 relative au fonctionnement des commissions de suspension de permis de conduire, présentée l'année dernière (Rapport 1986) a été faite sur la suggestion d'un délégué départemental.
A partir du constat des mauvaises conditions d'accueil des usagers devant comparaître devant la commission, une enquête nationale a été réalisée par le ministère de l'Intérieur. Un groupe de travail a ensuite élaboré une circulaire qui préconise notamment la généralisation des délégations de signature aux sous-préfets d'arrondissement, l'augmentation du nombre de commissions restreintes spécialisées, la personnalisation des horaires de convocation et l'amélioration des locaux d'accueil....
Allant plus loin, je souhaite dès maintenant soumettre à mes délégués départementaux quelques thèmes de réflexions qui pourraient faire l'objet d'études et de propositions de réforme l'année prochaine :
- le fonctionnement des COTOREP ;
- les emplois réservés et l'embauche des handicapés ;
- les maladies professionnelles et l'inaptitude au travail ;
- les incidences de la décentralisation des compétences ;
- la récupération par les administrations des sommes trop perçues ;
- les blocages résultant du recours à des textes limitatifs.
III. LA RECHERCHE DE L'EFFICACITE
L'efficacité de l'action du Médiateur dépend de son autorité morale.
L'intérêt que suscite l'Institution est un indice réconfortant à cet égard.
A. LE MEDIATEUR EST UNE INSTITUTION RECONNUE
L'Institution du Médiateur est devenue un sujet de réflexion et d'analyse pour les théoriciens des institutions publiques.
L'intérêt des spécialistes
Des colloques et des articles de la presse spécialisée ont été consacrés au Médiateur. Même si la majorité de la doctrine n'admet pas le caractère " sui generis " de l'Institution, sa spécificité est reconnue.
Articles de doctrine sur le Médiateur en 1987
Le Médiateur est-il autre chose qu'une autorité administrative ? ]Jean-Paul Costa A.J.D.A. mai 1987 p.341
Une institution originale: Le Médiateur Maurice Grimaud. Les Echos de la Fondation Publique juin-juillet 1987
Toujours à propos du Médiateur Yves Gaudemet A.].D.A. septembre 1987 p. 520
Le rapport du Médiateur pour 1986 Michel Le Clainche Revue Administrative septembre-octobre 1987 p. 271
Une institution au service de l'équité : le Médiateur de la République Michel Le Clainche Les Cahiers de la Fonction Publique octobre 1987
Parallèlement plusieurs questions écrites ont été posées par des parlementaires concernant le rôle des délégués départementaux et le renforcement des moyens de l'Institution.
L'extension des compétences du Médiateur a été suggérée (intervention du sénateur Dreyfus Schmidt lors du débat sur le projet de loi portant réforme du contentieux administratif (J.0. débat du Sénat du 10 novembre 1987, p. 3796).
De même l'attribution du pouvoir de saisine aux présidents de conseils régionaux et généraux a fait l'objet d'une proposition de loi n°990 présentée par M. Pierre-Rémy Houssin, député.
Le rôle du Médiateur a été rappelé dans l'exposé des motifs de la proposition de loi tendant à la création d'un Commissariat général permanent à la modernisation administrative présentée par MM. Raymond Marcellin et André Rossi (projet de loi n° 949).
Les plus hauts responsables administratifs sont attentifs au fonctionnement de l'Institution. Notamment, le ministre délégué chargé de la réforme administrative reconnaît la contribution du Médiateur dans le domaine de la réforme administrative dont il a la charge et soutient son action.
Plusieurs ouvrages de doctrine consacrés à l'Administration s'y sont référés en 1987.
Livres parus en 1987 et évoquant le Médiateur
La transparence administrative de 0. Stirn, N. Lenoir, B. Lasserre (P.U.F.).
Le Rapport Lambda de Agnès Gerhards (Seuil).
Le Mal Administratif de Pierre Milloz (Dunod).
État Moderne, état modeste de Michel Crozier (Fayard).
Le rôle et la place du Médiateur ont été aussi évoqués dans des colloques sur les procédures de règlement non contentieux des litiges administratifs, sur la déréglementation, sur les autorités administratives indépendantes et au congrès de la ligue des droits de l'homme.
Cet intérêt du juriste et du politique pour le Médiateur reflète l'importance croissante de l'Institution. Evolution qui explique à son tour l'attitude de la presse et des autres moyens de communication.
La presse et les médias
La publication du rapport de 1986 a été l'occasion de séquences aux informations télévisées. Une émission de radio et divers articles de la presse écrite y ont été consacrés.
Chaque déplacement du Médiateur en province est une occasion de sensibiliser la presse et de s'entretenir avec les radios et télévision locales.
Ces voyages permettent aussi au Médiateur de faire connaître l'Institution plus en profondeur à des auditoires très divers : étudiants de l'I.R.A. de Nantes, professionnels du droit et de l'administration à Lyon, responsables d'associations à Villeneuve d'Ascq, personnalités réunies par la Jeune chambre économique à Laon. Ils sont aussi une occasion de rencontres avec des fonctionnaires, tels ceux de la Direction départementale de l'équipement et de la Préfecture de Chartres, de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne à Créteil, du Centre interministériel de renseignements administratifs à Lille. Dans cette même ville et à Villeneuve-d'Ascq, des entretiens ont eu lieu avec les agents et les responsables du service " Médiation " et du " Service public conseil " qui, eux aussi sont organisés pour aider les citoyens dans leurs démarches administratives.
Les déplacements du Médiateur en 1987
28/1: Nantes (conférence à l'I.R.A.).
8/3: Paris (conférence de Presse rapport 1986).
8/4: Lyon (conférence au tribunal administratif).
29/4:: Créteil (visite de la C.P.A.M.).
6/5 : Chartres (mairie, préfecture, D.D.E).
11/6: Paris (colloque sur les autorités administratives indépendantes).
29/6: Paris (conférence à l'Assemblée nationale).
5/10: Lille (mairie, C.I.R.A., préfecture). Villeneuve-d'Ascq (Service Public Conseil).
4/11: Laon (mairie, conférence organisée par la Jeune chambre économique).
15/12: Paris (conférence au Sénat).
Des entretiens ont été accordés pour des organismes d'information aussi divers que les cahiers d'un centre communal d'action sociale, une revue de critique littéraire, le journal de circonscription d'un député, une revue spécialisée dans les programmes de télévision ou un manuel d'éducation civique pour des élèves de 4e.
Deux émissions " Inter-service " ont permis à mes collaborateurs de renseigner en direct plusieurs centaines d'auditeurs.
Le concours du Médiateur a été envisagé à l'occasion de la préparation de l'émission Antenne 2 " Médiations ".