Année 1988

UN BILAN POSITIF

1. DES INTERVENTIONS EFFICACES


Certes, il n'est pas toujours satisfait à la demande de réclamant, en ce sens que la modification de la décision administrative souhaitée n'est pas toujours accordée.

Mais même lorsque l'affaire évoquée ne relève pas de la compétence du Médiateur, lorsque le dossier transmis n'est pas encore en Etat d'être examiné ou même lorsque les prétentions sont mal fondées, la réponse du Médiateur présente toujours un côté positif pour le réclamant par les informations et conseils qu'elle comporte. En ce sens, le citoyen tirera toujours avantage de s'être adressé au Médiateur.

Le renforcement de la capacité technique de mon équipe de collaborateurs au cours de la troisième année de mon mandat m'a permis d'accentuer l'efficacité de l'intervention du Médiateur tant en ce qui concerne le traitement des réclamations individuelles que dans le domaine des propositions de réformes.

Régler les conflits

Le nombre de dossiers reçus au siège parisien de la Médiature s'est stabilisé (3.876 en 1987; 3.746 en 1988). Ce qui s'explique fort bien.

D'une part, la procédure est de mieux en mieux comprise, ce qui entraîne la réduction du nombre de réclamations n'entrant pas dans mes compétences ou irrecevables. Cela est très net en ce qui concerne les réclamations transmises directement par les administrés (622 contre 790 en 1987).

D'autre part, les élections présidentielle et législatives ont provoqué un ralentissement bien compréhensible du flux des réclamations en mai et en juin.

Par ailleurs l'orientation fondamentale que j'ai donnée dès mon arrivée et tendant à faire régler rapidement et localement par mes délégués départementaux toutes les affaires qui pouvaient l'être, porte ses fruits. En 1988, 12 365, réclamations ont ainsi pu être traitées par un conseil approprié, une prise de rendez-vous avec un responsable, un conversation téléphonique ou une intervention écrite au niveau du chef de service départemental. Ce chiffre ne prend pas en compte les multiples conseils ou consultations donnés par téléphone par les délégués. C'est donc au total plus de 16 000 personnes qui, cette année, ont eu recours au Médiateur ou à ses délégués.

Depuis la création de l'institution, près de 120 000 affaires auront ainsi été traitées par le Médiateur et ses délégués.

La répartition des réclamations par secteurs administratifs demeure constante. En 1988, les litiges touchant au domaine social (sécurité sociale, travail, santé) sont en légère augmentation. Ils représentent près de 30 % des réclamations. En y ajoutant les affaires de prestations sociales ou de pensions de retraite transmises par les agents publics, le domaine social, au sens large, compte à lui seul près de la moitié des réclamations. C'est incontestablement le signe des difficultés de vie rencontrées par de nombreuses personnes qui ressentent comme inéquitables les décisions défavorables qui les concernent en matière d'emploi, d'indemnisation du chômage ou de calcul des retraites ou qui se plaignent de la complexité des procédures dans ces domaines sensibles.

Les répartitions des réclamations par départements d'origine et par appartenance politique des députés ou des sénateurs ne font pas apparaître d'évolution notable.

Le nombre moyen de dossiers envoyés par parlementaire reste faible, de même que le nombre de réclamations rapporté à la population de chaque département. Mais je pense que le Médiateur doit rester un recours relativement exceptionnel qui n'est mis en œuvre que pour compenser une véritable défaillance dans le fonctionnement des services-- ou l'iniquité patente d'une décision. Il n'est cependant pas établi que toutes les personnes qui auraient besoin de l'aide du Médiateur soient en mesure de connaître son existence ou ne soient pas rebutées par la procédure de saisine.

En 1988, 4 229 réclamations ont été traitées dont 2 956 dossiers reconnus recevables. 1 668 de ces dossiers ont été rejetés. 1 017 ont donné lieu à une médiation. 271 ont été classés avant la fin de l'instruction.

Pour apprécier la valeur de ces chiffres, on doit avoir conscience du travail minimum effectué sur chaque dossier: analyse sommaire accusé de réception adressé au parlementaire étude approfondie sous l'angle de la compétence et de la recevabilité analyse du problème recherche de textes saisine de l'administration en cause; analyse de la réponse proposition de solutions. Ainsi, on peut calculer qu'un dossier moyen, ne présentant pas de difficulté particulière, coûte à la collectivité environ 2 000 F.

Lorsque l'examen à la Médiature révèle que l'administré se plaint à tort d'un mauvais fonctionnement du service public ou d'une iniquité, la réclamation est directement rejetée sans intervention auprès de l'administration. Ces rejets directs sont assez nombreux (1 668 sur 2 956 dossiers recevables) car les administrés sont très naturellement portés à critiquer et à contester les décisions qui ne leur sont pas favorables. Si l'administration avait le temps de mieux expliquer les raisons de droit et de fait qui motivent ses décisions, si des informations sûres et pertinentes étaient données aux administrés, si les dossiers étaient quelquefois entrouverts ou réouverts.... beaucoup de réclamations seraient évitées. Le Médiateur supplée souvent à ce manque de disponibilité des services administratifs. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que certains réclamants demandent l'intervention du Médiateur pour des causes qu'ils savent eux-mêmes indéfendables. Ces rejets comportent d'ailleurs toujours un renseignement utile pour le réclamant: analyse juridique de l'affaire, explications sur la motivation de la décision administrative, indication des voies de recours les plus appropriées.

La médiation est recherchée dans 1 O17 autres affaires. Par exemple lorsque l'administration a méconnu un droit en n'exécutant pas une décision de justice, en ne se conformant pas à la jurisprudence, en exigeant une condition non expressément prévue par les textes ou lorsqu'il y a eu erreur ou impéritie des services. Le Médiateur intervient aussi pour faire triompher l'équité lorsqu'elle a été méconnue, par exemple, en ne tenant pas compte du manque d'information de l'usager ou d'une situation particulière justifiant une mesure gracieuse, en refusant la juste réparation d'une erreur administrative ou du préjudice causé par la lenteur des décisions.

Dans 887 cas, soit 87 % des affaires ayant justifié ma médiation, la décision initiale a pu être révisée.

Mais, le succès de l'intervention n'est jamais assuré à l'avance.

La médiation peut échouer par inertie de l'administration ou des services de la collectivité intéressée, par mauvaise volonté ou par incompréhension. Parfois aussi, il s'avère que la cause du réclamant était moins défendable qu'il n'avait paru de prime abord. Grâce au progrès continu des relations entre le Médiateur et les administrations, le nombre de demandes du Médiateur non satisfaites, qui s'élève cette année à 130, soit 13 %. Il faut aussi prendre en considération les 271 dossiers qui ont été classés alors que l'instruction n'était pas arrivée à son terme, soit à cause du désistement du réclamant, soit à cause de l'inertie du service intéressé.

Par ailleurs, l'effort d'amélioration de l'organisation interne de la médiature a permis de réduire le nombre de dossiers restant en cours d'instance en fin d'exercice. Ce stock s'élève à 1 463 affaires ce qui représente environ 6 mois de traitement de dossiers. Il a été notablement réduit (1 971 en 1987) et, surtout, il a été rajeuni: il ne reste actuellement que I04 affaires antérieures au Ier janvier 1988 qui sont toutes en cours de discussion et laissent espérer un résultat positif.

Un effort réel pour accélérer l'instruction des dossiers est en cours. Il sera aussi demandé à l'administration, puisque les délais d'instruction ne peuvent être réduits qu'en la persuadant de répondre plus vite aux interventions. Il est certain que, dans bien des cas, les délais pourraient être notablement réduits si, dès le premier échange de correspondances, le réexamen souhaité dans le sens de l'équité était entrepris par l'administration sans que se déclenche un réflexe de justification à tout prix de la position contestée par le Médiateur.

C'est pourquoi j'ai décidé de tirer les conséquences de l'inertie de certains services en clôturant systématiquement les dossiers antérieurs au 1er janvier 1988. Il appartiendra aux administrations d'en poursuivre l'instruction. Mais pour ma part, j'ai dû constater que la médiation avait échoué. Je tiens désormais à ce qu'un délai d'instruction d'un an soit considéré comme un maximum et je mentionnerai systématiquement dans mes rapports les administrations qui m'auront empêché de mener à bien ma mission dans ce délai. On ne peut, en effet, passer sous silence certains cas de désinvolture particulièrement choquants à l'égard du Médiateur. Une appréciation systématique de la bonne organisation et de la bonne volonté des services à répondre correctement aux demandes du Médiateur figurera dans le rapport de l'année prochaine.

Prévenir les difficultés

Les deux premières années de mon mandat avaient permis d'enregistrer des progrès très significatifs en matière de réformes: l'instruction des propositions par les administrations s'était notablement accélérée et les réponses formulées étaient plus nombreuses. L'année, 1988 fait apparaître une certaine stabilisation de ces résultats. Les échéances électorales y ont une large part. Bien que les propositions que je présente ne relèvent pas de l'ordre du politique, les administrations ont eu une tendance fâcheuse à stopper l'instruction des propositions de réformes dès le début des campagnes électorales du printemps. Ensuite, les réunions interministérielles n'ont repris qu'à l'automne après une suspension d'environ six mois.

Cet engourdissement administratif m'a conduit à ralentir le rythme de mes propositions. Au total, 34 propositions nouvelles ont été présentées. Les réunions d'instruction ayant repris en fin d'année et certains ministres, comme celui de l'éducation nationale, ayant fait un effort particulier pour se mettre à jour, la situation d'ensemble a pu être redressée.

En ce qui concerne l'instruction, 44 dossiers de proposition ont été clôturés. Le délai moyen d'instruction, qui s'était fâcheusement allongé en cours d'année a été en définitive conforme à l'objectif (12,4 mois). Il en est de même du stock de propositions en cours d'instruction qui, en fin d'exercice, s'établit à 29.

Je dois d'ailleurs signaler un exemple particulier de célérité à propos de la proposition PRM 88-02 présentée au Premier ministre le 18 juillet 1988 et qui s'est concrétisée par une circulaire du 13 octobre 1988, soit après deux mois et vingt-cinq jours seulement. Pourtant, il ne s'agissait pas d'une mince affaire puisqu'elle concerne l'attitude de l'administration en matière de contentieux.

D'une manière générale, mes propositions ont reçu un bon accueil. Sur 44 propositions conclues cette année, 27 soit 62 % ont reçu un accueil favorable. En revanche, 17 soit 38 % n'ont pas été acceptées. Le taux de satisfaction se maintient donc à un niveau très élevé, dans la ligne des précédentes années. Depuis le début de mon mandat, 97 propositions ont été présentées et deux sur trois ont été suivies d'effets positifs.

Leur répartition par secteurs est assez constante et conforme à l'origine des réclamations individuelles: plus de la moitié provenaient du secteur social et du secteur fiscal. On trouve ensuite par ordre décroissant, les secteurs " agents publics ", " urbanisme ", " administration générale ", " justice ", " éducation nationale " et " P.T.T ". Les taux de succès et d'échecs selon les secteurs ne montrent pas d'écarts spectaculaires par rapport à la moyenne.

Pour augmenter l'efficacité de cette fonction réformatrice du Médiateur, je souhaiterais que les ministres veillent personnellement à l'étude rapide, complète et systématique de mes propositions par leurs services. Leurs représentants aux réunions interministérielles devraient être moins nombreux et capables d'engager effectivement leur département ministériel. Enfin, je voudrais être assuré que les réponses définitives qui me sont faites ne reflètent pas seulement l'opinion des bureaux et de leurs propres contraintes, mais bien celles des responsables au plus haut niveau dans le souci de concilier le bon fonctionnement de leur administration avec l'amélioration de la qualité du service rendu à l'usager.

2. DE BONNES RELATIONS AVEC MES INTERLOCUTEURS


Le Médiateur est en relation directe avec les parlementaires qui lui transmettent les réclamations dont ils estiment qu'elles entrent dans le domaine de ses compétences et méritent son intervention. Chaque réclamation sérieuse provoque une intervention auprès des services mis en cause.

Inspirer confiance

Le Médiateur s'est efforcé de développer ses relations avec les parlementaires pour mieux faire connaître et renforcer la coopération que la loi a voulu instaurer.

Des réunions régulières ont été tenues avec les fonctionnaires des assemblées parlementaires que leurs présidents ont désignés pour conseiller les députés ou les sénateurs dans les saisines du Médiateur.

De leur côté, les parlementaires ont manifesté l'intérêt qu'ils portaient à la Médiature, notamment par les questions écrites qu'ils ont adressées au Gouvernement. Plusieurs d'entre elles se faisant l'écho de mon rapport pour 1987 portaient sur les moyens matériels attribués au Médiateur. Certaines rappelaient des propositions de modification de la loi instituant ma fonction, pour élargir les règles de saisine à certains élus locaux (proposition de M. Houssin) ou pour organiser le suivi des propositions de réforme par une délégation parlementaire (proposition de M. Masson).

Les relations avec les parlementaires pourraient utilement être renforcées en matière de suivi des propositions de réforme. Traditionnellement, ces propositions sont présentées d'abord au ministre concerné tandis que leur instruction est suivie par le ministre chargé des réformes administratives en liaison avec le secrétariat général du Gouvernement. Simultanément, le parlementaire qui m'a saisi du cas à l'origine de ma proposition de réforme ou qui a manifesté un intérêt particulier pour le sujet considéré à travers une question écrite est informé de l'évolution de l'instruction.

Certains parlementaires ont souhaité aller plus loin. M. Masson, qui avait proposé la constitution d'une délégation parlementaire spéciale, a rappelé, à plusieurs reprises, sa proposition au Gouvernement. Pour ma part, j'ai pensé qu'il était utile d'améliorer dès maintenant le suivi par les assemblées des propositions de réforme qui ressortissent au domaine de la loi ou qui portent sur des dossiers sensibles. J'ai donc proposé au président du Sénat et au président de l'Assemblée nationale de leur adresser une copie de ces propositions, leur laissant le soin de leur donner la diffusion qui leur paraîtrait la mieux adaptée, par exemple, auprès des commissions permanentes, des groupes parlementaires et des services intéressés dans chaque assemblée. M. Alain Poher, M. Laurent Fabius et plusieurs présidents de groupe ont manifesté leur intérêt pour cette proposition.

C'est ainsi qu'en 1988, les propositions de réforme suivantes ont été communiquées au Parlement:

- le traitement du contentieux relatif à la facturation téléphonique (PTT 88-01)

- l'information pour recherche des causes de la mort (JUS 88-01)

- l'indemnisation du risque thérapeutique (STR 88-02)

- l'introduction d'un système mixte dans le régime des maladies professionnelles (STR 88e)

- la francisation des noms et prénoms (JUS 88-02)

- l'harmonisation des délais en matière de prescription et de remboursement des cotisations de sécurité sociale et l'information des cotisants (STR 88-05)

- la prise en compte des enfants nés sans vie pour l'attribution de la pension de retraite (PRM 88 -O I)

- le capital décès dû aux ayants droit d'un fonctionnaire décédé dans les jours suivant sa mise à la retraite (FIN 88-02)

- la prise en compte des frais funéraires pour la détermination de l'actif d'une succession (FIN 88-03)

- le maintien des indemnités journalières en cas d'expertise médicale (STR 88-09).

Convaincre

Comme à chaque changement de Gouvernement et afin de sensibiliser les nouveaux ministres à sa mission, le Médiateur a pris contact avec la plupart d'entre eux. L'accueil du Premier ministre a été très favorable. Les préoccupations qu'il a exprimées dans sa circulaire du 25 mai 1988, adressée aux membres du Gouvernement et publiée au Journal officiel (1), rejoignent largement celles qui sont exprimées par le Médiateur notamment dans son chapitre sur le respect de la société civile où le Premier ministre demande aux membres du Gouvernement de " pousser les administrations.... à se rendre plus disponible aux citoyens, qu'il s'agisse de faciliter aux usagers l'accès aux services publics, ou, de façon PIMS ambitieuse, d'identifier, d'analyser et de prévenir le mécontentement social " et où il s'engage " à combattre dans son principe même, l'excès de législation ou de réglementation, tout particulièrement lorsqu'il apparaîtra qu'un allégement des contraintes de droit écrit permettrait, grâce à la négociation sociale et à la responsabilité individuelle, d'obtenir des résultats an total plus satisfaisants pour la collectivité ".

(1) J.O. du 27 mai 1988 pp. 7381 et s.

Le ministre chargé de la fonction publique et des réformes administratives a marqué dès son entrée en fonctions son intérêt pour l'action du Médiateur. Le décret fixant ses attributions lui confie d'ailleurs expressément la mission d'assurer le suivi des propositions de réforme du Médiateur et il a bien voulu désigner pour cette tâche le directeur adjoint de son cabinet et un chargé de mission. Les réunions d'instruction et d'arbitrage nécessaires à l'étude de mes propositions ont d'ailleurs repris avec efficacité. La procédure interministérielle organisée par la lettre du Premier ministre du 7 octobre 1986 avait donné satisfaction. En souhaitant qu'elle soit reconduite, j'ai cependant insisté pour que soit confirmée la distinction entre les réunions d'instruction présidées par un représentant du ministre chargé des réformes administratives et faisant l'objet d'un compte-rendu, et les réunions d'arbitrage présidées par un représentant du Premier ministre et faisant l'objet d'un relevé de décisions. J'avais également insisté pour les raisons que j'ai rappelées plus haut pour que ces réunions rassemblent des représentants qualifiés, capables d'engager effectivement leur département ministériel, pour qu'elles soient mieux préparées par les administrations concernées et pour que la représentation de celles-ci soit plus légère.

J'ai pu constater lors de mes entretiens personnels avec les ministres qu'ils comprenaient parfaitement le sens de la mission du Médiateur et l'esprit dans lequel je m'efforçais de l'exercer.

Dans le même esprit de bonne continuité, les ministres ont rapidement désigné des correspondants pour être, au sein de leurs départements respectifs, les interlocuteurs de mes collaborateurs afin de veiller à la fois à une bonne instruction des réclamations individuelles et au suivi de mes propositions de réforme. J'avais insisté pour que le haut niveau de ces correspondants soit maintenu afin, notamment, qu'ils puissent valablement engager leur ministère dans les réunions interministérielles. J'ai également suggéré que cette fonction de correspondant soit de préférence attribuée à de hauts fonctionnaires, notamment des membres des inspections générales avec qui les contacts directs sont généralement plus aisés qu'avec les membres des cabinets, souvent trop occupés par leurs fonctions. C'est ainsi que dans de nombreux ministères, le chef de l'inspection générale a été nommé ou confirmé comme correspondant du Médiateur (affaires sociales, agriculture, équipement, industrie, intérieur, justice...). D'autres ministres ont préféré désigner des membres de leur cabinet (finances). Certains ont choisi une formule mixte. De nombreux contacts ont été rapidement pris et les méthodes de travail ont été précisées dans l'intérêt de tous.

Mes collaborateurs ont ainsi eu de nombreuses réunions avec les correspondants ou avec les directions des ministères pour éclairer la doctrine, mieux connaître certaines réglementations, organiser les contacts ou faire le point régulier des dossiers en cours. Ce fut le cas avec la direction des bourses de l'enseignement secondaire au ministère de l'éducation, la sous-direction de la réinsertion sociale au secrétariat d'Etat chargé des anciens combattants, la direction de l'action commerciale et télématique du ministère des P. T. T. la direction de l'agence pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, le cabinet du ministre délégué au budget, les inspections générales des ministères de l'intérieur, de l'agriculture et de l'éducation nationale... Ces réunions se sont révélées extrêmement positives et je souhaite qu'elles se multiplient.

D'une manière générale, mes collaborateurs se sont efforcés de recourir plus souvent au contact par téléphone avec les personnes chargées des dossiers. Cette façon de travailler permet en effet d'échapper à la lenteur et au formalisme difficilement évitable dans les relations écrites.

Les relations avec les collectivités territoriales méritent, une fois encore, un développement particulier. De nombreuses réclamations les concernent en matière d'urbanisme, de police municipale, de fonctionnement, des services publics locaux, et d'exécution de décisions de justice. Je constate parfois une certaine réticence à fournir au Médiateur les éléments d'information nécessaires à l'appréciation des litiges. Il s'agit en réalité d'une certaine défiance envers la médiation, qui est trop souvent perçue comme une ingérence inacceptable dans des affaires qui relèveraient de la compétence exclusive de la collectivité territoriale.

Cette situation peut avoir des causes diverses: une méconnaissance du droit, une mauvaise information sur la fonction du Médiateur, un rejet de toute forme de tutelle, l'idée que la compétence technique des services municipaux ne peut être prise en défaut.

Ces attitudes me conduisent souvent à expliquer le sens de l'action du Médiateur, dont la compétence prévue par la loi n'a nullement été supprimée par la décentralisation car il n'est pas une autorité de tutelle. J'ai donc à user de persuasion pour convaincre mes interlocuteurs qu'une intervention en équité est souvent la bonne solution pour des affaires bloquées au niveau local. En cas de mauvaise volonté, j'utilise les prérogatives qui me sont conférées par la loi: recommandations ou injonctions et citations dans ce rapport. Par ailleurs je vais procéder à une étude approfondie de ce problème afin de fournir aux responsables des collectivités locales une image exacte et complète des problèmes qui me sont soumis et de la manière dont ils ont été traités. Enfin, je poursuis mon action d'information spécifique et je demande à mes délégués départementaux d'y participer activement.

3. DÉVELOPPER LES RELATIONS PUBLIQUES


La Médiature est une entreprise qui se veut dynamique et ouverte sans pour autant se disperser. Dans la mesure de mes moyens, je m'attache à faire mieux connaître l'institution et ses spécificités.

Se faire connaître

Le Médiateur n'aspire nullement au vedettariat. Il regrette cependant de n'être pas connu des citoyens qui pourraient avoir recours à lui. Par connu, il faut naturellement entendre, une information non seulement sur son existence mais aussi sur ses compétences et les limites de ses pouvoirs sous peine d'engendrer de vains espoirs chez les administrés. Il faut également éviter de projeter une image déformée de l'institution qui serait, en définitive, nuisible à sa crédibilité.

La publication du rapport de l'année 1987 a été l'occasion d'une conférence de presse tenue dans les locaux du Sénat grâce à l'amabilité de son président. Elle a suscité de nombreux échos dans la presse quotidienne. A côté de quelques commentaires humoristiques, on pourrait y relever un intérêt certain pour la relation de cas significatifs extraits du rapport et pour les conditions de fonctionnement concret de l'institution. C'est une preuve que le Médiateur est pris au sérieux.

J'ai participé à l'émission " Médiations " de François de Closets à T. F.1 sur le thème de l'indemnisation des préjudices causés par l'Etat et les collectivités publiques. Le Médiateur aurait souhaité des débats plus nuancés. Mais il se félicite que l'écho de cette émission l'ait aidé à résoudre sur le plan de l'équité le dossier extrêmement délicat d'une personne qui était juridiquement contrainte de rembourser l'indemnité qui lui avait été versée par une compagnie d'assurances en réparation d'un très grave préjudice survenu à la suite de soins négligents lors de son hospitalisation.

Ainsi, une collaboration ponctuelle entre les médias et le Médiateur peut certainement être fructueuse, mais à chacun son rôle. Celui du Médiateur est d'agir dans la discrétion et sur le grand nombre. La collaboration avec les médias se situe plus au niveau de l'information du citoyen qu'à celui de la solution d'un problème particulier.

Le besoin de faire connaître l'institution me conduit à répondre positivement aux demandes d'articles ou d'entretiens qui me sont proposées. Ainsi le " Figaro Magazine ", le " Particulier ", " Le Moniteur du commerce et de l'industrie ", " Maxi ", " Aujourd'hui Madame ", " Le Dossier Familial " ainsi que de très nombreux journaux de province ont parlé du Médiateur en 1988. J'ai eu accès à la presse parlée et télévisée à diverses reprises.

Des dialogues téléphoniques avec les auditeurs de France Inter ou les lectrices d'"Aujourd'hui Madame " ont été l'occasion de contacts plus directs.

Bien entendu la presse quotidienne régionale, à l'initiative de mes délégués ou à l'occasion de mes déplacements à Poitiers, Grenoble, Toulouse et Rennes, a publié également de nombreux articles sur le Médiateur.

Une de mes collaboratrices est d'ailleurs chargée désormais spécialement de ces relations avec tous les organismes d'information qui voudraient trouver dans mes dossiers des données utiles pour leurs articles et souhaiteraient informer leurs lecteurs sur ma fonction.

Se faire reconnaître

Le Médiateur a été reconnu comme un expert qualifié pour analyser les rapports entre l'administration et ses usagers dans plusieurs instances: il a été consulté par le Conseil économique et social dans le cadre de la préparation d'un rapport sur la " Modernisation de l'Etat ". Il est représenté à la commission " Efficacité de l'Etat " réunie pour l'élaboration du Xe Plan. Il est également associé aux travaux d'un comité institué au sein de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat sur l'inexécution des décisions de justice.

Comme chaque année, l'institution du Médiateur a été évoquée au cours de nombreux colloques ou conférences auxquels ont participé mes collaborateurs: à la journée d'étude sur les autorités administratives indépendantes organisée par l'Université de Montpellier (26 février 1988), à la journée d'études sur la transparence administrative organisée par l'Université de Picardie (11 mars 1988), au colloque sur la médiation qui s'est tenue à Paris le 6 octobre 1988 et à la journée de l'Institut français des sciences administratives sur la transformation des relations entre l'administration et les administrés (9 décembre 1988). Certaines de ces interventions ont fait l'objet ou donneront lieu à publication.

Cette année, diverses publications universitaires ont comporté d'intéressants développements sur l'institution:

- La maladministration, sous la direction de Michel Le Clainche. Revue française d'administration publique, 1988, n° 45

- Les autorités administratives indépendantes, actes du colloque organisé par l'université de Paris I. Les voies du Droit, éd. Seuil;

- L'information et la transparence administrative, actes du colloque organisé par le C.U.R.A.P. de Picardie, éd. P.U.F.

-L'indemnisation publique des victimes d'attentats, Thierry Renoux, éd. Economica (1).

(I) A ces ouvrages, il convient d'ajouter d'intéressants articles consacrés aux " autorités administratives indépendantes ":

La Médiature a été comme chaque année ouverte à de nombreux stagiaires de l'Institut d'études politiques, de l'École nationale de la magistrature, de plusieurs universités, de l'École française des attachés de presse et à des visiteurs étrangers envoyés par l'Institut international d'administration publique.

Mes collaborateurs ont dispensé des formations à l'École nationale d'administration (à l'intention des sous-directeurs d'administration centrale), dans les instituts régionaux d'administration, au Centre de formation permanente de l'éducation nationale.

Ils ont également participé à des visites de travail au Centre interministériel de renseignements administratifs de Paris et au tribunal administratif de Versailles.

Les relations internationales

Au cours de l'année 1988, le Médiateur a eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de ses collègues étrangers ou de personnalités intéressées à mieux connaître l'institution française. C'est ainsi qu'il a reçu MM. Rajbhandari et R. R. Singh de la commission sur la prévention des abus d'autorité du Népal;

- Le retour des sages, Évelyne Pisier et Pierre Bouretz. La France en politique, éd. Esprit, Fayard, Seuil Les autorités administratives indépendantes et la constitution, Jean-Louis Autin. Revue administrative, p. 333 Du juge administratif autorités administratives indépendant: Un autre modèle de régulation, Jean-Louis Autin. Revue de droit public, p. 1213 Les "Sages", Évelyne Pisier. Pouvoirs n°46 et les nombreux articles de commentaires du rapport 1987.

M. Eugen Muhr de l'institution autrichienne de l'Avocat du Peuple; M. Alvaro Gil- Robles, nouveau Defensor Del Pueblo d'Espagne; M. Julio Robalo Veador (Veilleur) de Colombie. Enfin, une importante délégation de hauts fonctionnaires japonais a souhaité s'informer du fonctionnement de l'institution française, tandis qu'un chef de service du Parlement de Belgique, l'un des rares pays européens à n'avoir pas encore d'ombudsman, est venu étudier le fonctionnement de la Médiature dans le cadre d'études prospectives Intéressant son pays.

Le Médiateur n'a pas manqué également de répondre aux invitations de différents organismes, tels l'école nationale d'administration et l'institut international d'administration publique qui ont tenu à l'associer aux cycles de formation de leurs stagiaires étrangers, ou encore l'institut international de sciences administratives qui avait invité le délégué du Médiateur à une table ronde réunie à Budapest au mois d'août, sur le thème de " l'administration sans bureaucratie ". Il s'est également rendu à l'invitation de divers organismes privés dans le but de mieux faire connaître l'institution.

Comme l'année précédente à Thessalonique, le Conseil de l'Europe a pris l'initiative de réunir les ombudsmans européens en table ronde à Strasbourg, les 27 et 28 juin 1988, à la fois pour faciliter leur propre coopération et pour les associer à une réflexion sur la protection des droits de l'homme, dans le cadre de la convention européenne de 1953 ratifiée par la plupart des pays européens.

Cette rencontre a permis un intéressant échange de vues sur le traitement des cas de non respect des droits de l'homme, qu'il s'agisse de ressortissants du pays concerné ou d'étrangers.

Bien qu'en France le Médiateur n'ait pas reçu de la loi mission formelle de veiller au respect des droits de l'homme tels qu'ils sont définis dans la Constitution (c'est en effet au Parlement, d'une part, et à l'autorité judiciaire, de l'autre, qu'incombe cette responsabilité) il n'en reste pas moins que toute son action s'inspire de ces droits fondamentaux. Son représentant aux rencontres de Strasbourg ne manqua pas de le souligner par quelques cas concrets dont on ne retiendra que deux exemples ici. Dans l'un, le Médiateur est intervenu pour obtenir des services de police que soit supprimée la mention " aliénée " dans le dossier d'une personne inscrite sur le fichier des malades mentaux alors que les examens médicaux prescrits pour de tels cas n'avaient pas été effectués. Dans l'autre cas, le statut de réfugié avait été refusé à une personne de nationalité laotienne qui n'avait pas été en mesure de prouver sa nationalité en raison de la perte de ses papiers, ni la réalité des persécutions ou des menaces qu'elle redoutait en cas de retour dans son pays. Le Médiateur avait pu, sur ces deux points, faire valoir de fortes présomptions en faveur de la sincérité de la requérante et obtenir la révision de son dossier.

Comme le souligna dans son intervention à la table ronde, le représentant du Médiateur, celui-ci " ne se réfère pas aux textes fondateurs des droits de l'homme mais son action tend toujours à obtenir des pouvoirs publics un respect plus strict des droits des citoyens. Qu'il invoque les exigences de l'équité ou qu'il propose de réformer quelques dispositions législatives ou réglementaires sources d'injustice, il est bien, dans les faits, ce " défenseur des droits et des libertés " qu'avait souhaité le rapporteur de la loi de 1973 ".

Une des conclusions de la table ronde de Strasbourg fut que le Conseil de l'Europe d'un côté, le Parlement européen de l'autre, envisagent d'associer régulièrement les ombudsmans européens à toute réflexion sur les problèmes liés à l'application de la Convention européenne des droits de l'homme, en considérant le caractère convergent et complémentaire de leur mission et de celle de ces hautes instances internationales.

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