Année 1988

DES REFORMES ET DES THEMES DE REFLEXION

1. POUR UNE ADMINISTRATION PLUS ACCESSIBLE

a) L'anonymat des fonctionnaires

Les dossiers qui accompagnent les réclamations que je reçois montrent trop fréquemment que les correspondances administratives ne font pas apparaître le nom du signataire de la lettre. Le nom de la personne chargée du dossier figure encore plus rarement. Or, l'absence du nom du signataire ne favorise pas le dialogue entre l'administration et l'administré et peut être à l'origine de contentieux qui auraient pu être facilement évités.

Pourtant, une circulaire du Premier ministre, n 1995/SG du 30 janvier 1985 donnait aux administrations des instructions pour lever l'anonymat. Ces dispositions semblant trop largement ignorées ou perdues de vue, j'ai demandé au ministre de la fonction publique et des réformes administratives d'en rappeler solennellement les termes à ses collègues du Gouvernement (proposition de réforme PRM 88-05).

La difficulté étant identique en ce qui concerne les organismes à vocation sociale (allocations familiales, assurance vieillesse, assurance maladie, assurance chômage), j'ai demandé au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale d'entreprendre la même démarche auprès de ces organismes (proposition de réforme STR 88-08).

La même observation a été faite à l'E.D.F.

La liste des signataires de correspondances qui se cachent ainsi derrière l'anonymat serait trop longue pour être publiée dans ce rapport. Ainsi ai-je puisé au hasard des dossiers pour en donner un premier florilège. J'aimerais bien sûr ne pas avoir à le compléter lors du rapport que je présenterai pour l'année 1989:

- le chef du service des pensions au ministère de l'économie, des finances et du budget

- le juge chargé du service du tribunal d'instance du 4e arrondissement de Paris

- le chef du bureau n 3 (sous-direction des naturalisations) au ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale;

- l'agent comptable de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés

- le comptable de la perception d'Hesdin;

- les agents de la caisse du bâtiment et des travaux publics

- les agents de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France

- le délégué du directeur général de l'U.R.S.S.A.F. de Paris

- le secrétaire du tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy

- le greffier en chef du tribunal de grande instance de Bobigny

- les agents de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne

- le secrétaire du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry

- le délégué du directeur de la caisse d'allocations familiales du Var

- les agents de la caisse d'allocations familiales de Montpellier-le-VieuxÊ;

- les agents du Crédit foncier de France

- le délégué de l'agent comptable des caisses centrales de mutualité sociale agricole.

b) Des textes plus lisibles et plus compréhensibles

La lecture des textes publiés au Journal officiel me laisse parfois perplexe. Très fréquemment, il est impossible de saisir la portée des mesures nouvelles, soit qu'elles s'intercalent dans un texte antérieur, soit qu'elles le remplacent. Le lecteur se trouve généralement dans l'impossibilité de replacer la modification dans son contexte et d'en saisir l'objectif lorsque seuls des changements de mots sont introduits.

Alerté, par un décret dont un article avait remplacé, dans un texte de 1909, le mot " la " par " le' "... j'avais présenté une proposition de réforme PRM 87.06 sur la présentation des textes législatifs et réglementaires modifiant des textes antérieurs (rapport 1987), je proposais d'explorer deux axes de réflexion:

1° remplacer des phrases ou des alinéas complets plutôt que des mots ou des membres de phrases

2° publier les rapports de présentation, en particulier lorsqu'il s'agit de textes qui créent directement des droits ou des obligations pour le public. A titre d'exemple, je précisais que cette procédure utilisée de façon systématique pour les ordonnances, avait été mise en oeuvre lors de la publication du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers.

Cette proposition adressée au ministre chargé de la réforme administrative fut en fait instruite par le secrétaire général du Gouvernement. Elle s'est concrétisée par la circulaire du 18 avril 1988 relative à la présentation des dispositions modificatives (Journal officiel du 21 avril 1988, p. 5266) qui répond tout à fait à mes préoccupations. Cette circulaire publiée au Journal officiel faisait expressément référence aux démarches que j'avais entreprises. Elle a déjà reçu au moins une application avec la publication du rapport de présentation du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 portant diverses mesures relatives à la procédure administrative contentieuse.

Cette proposition de réforme se situe à la fois dans la continuité et dans l'actualité.

Dans la continuité tout d'abord, puisque ce problème de la lisibilité et de la compréhension des textes était déjà évoqué par M. Robert Fabre dans sa proposition de réforme PRM 84-03 " un regard sur nos législations et réglementations " (rapport 1984).

Dans l'actualité ensuite, puisque le Premier ministre a abordé cette question dans sa circulaire du 25 mai 1988 relative à la méthode de travail du Gouvernement (Journal officiel du 27 mai 1988, p.7381 et suivantes). Dans le chapitre traitant du respect de la société civile, le Premier ministre dénonce " ...les dispositions nouvelles se superposant, sans s'y insérer de façon claire, aux dispositions existantes (les) textes obscurs suscitant toutes sortes de difficultés d'interprétation ou d'application les dispositions sans contenu normatif n'ayant leur place que dans les exposés des motifs ou les débats enfin le recours à un langage codé connu des seuls initiés, donnant à l'administration et à quelques spécialistes un monopole d'interprétation... ".

c) Des informations mieux adaptées. Des annexes introuvables

Le Journal officiel du 21 septembre 1988 publiait un arrêté du ministre de l'éducation nationale concernant l'organisation des concours internes de l'agrégation. La liste des épreuves des concours qui pour les candidats représente un intérêt essentiel a fait l'objet d'une annexe à cet arrêté. Pourquoi fallait-il que cette annexe soit publiée dans une édition spéciale du Journal officiel habituellement consacrée à des avis aux importateurs et aux exportateurs et vendue trois francs ? Il serait instructif de connaître le montant de la recette procurée par cette édition spéciale. Il faudrait, bien entendu, mettre en face la dépense occasionnée par le temps consacré par le ministère de l'éducation nationale pour répondre aux questions qui lui ont été posées par les candidats intéressés par la connaissance de la liste des épreuves !

Il aurait, à mon avis, été beaucoup plus simple, à défaut de publier l'annexe avec l'arrêté, de renvoyer le lecteur au Bulletin officiel de l'éducation nationale. Ce document est suffisamment connu pour que les candidats, déjà fonctionnaires du ministère, puissent s'y reporter utilement.

En signalant cette affaire aux autorités compétentes, je souhaitais qu'à l'avenir les éventuelles annexes à des textes réglementaires publiés au Journal officiel ne soient pas, pour des raisons mercantiles aux résultats incertains, soustraites à l'attention des lecteurs concernés.

Réponse favorable du secrétaire général du Gouvernement moins d un mois après mon intervention: les mentions relatives aux annexes des textes publiés au Journal officiel indiqueront la nature du document où ces annexes sont insérées, la date de publication, l'adresse où il est disponible et son prix de vente.

Réaliser une réforme en moins d'un mois est une performance remarquable à l'actif du secrétaire général du Gouvernement qui mérite d'être signalée !

Une circulaire difficile à rédiger.

A la fin de l'année 1987, je remarquais un arrêté du 20 novembre 1987 que le ministère des finances avait pris pour améliorer la situation des victimes d'accidents de la circulation et accélérer les procédures d'indemnisation. La clarté et la simplicité de l'expression, le souci de guider et d'aider la victime dans ses démarches m'avaient paru exemplaires dans un domaine à forte tradition ésotérique, celui de l'assurance.

J'ai aussitôt proposé que les procédures applicables entre particuliers soient également retenues par les administrations dans leurs relations avec les victimes d'accidents (FIN 87-os, rapport 1987)

La mise en oeuvre de cette proposition a été acceptée dans son principe par le ministère des finances. Celui-ci a donc préparé une circulaire à adresser aux administrations.

Je ne suis pas certain qu'une réécriture du texte ministériel était nécessaire. Peut-être eût-il seulement fallu demander en quelques lignes, voire quelques mots, aux administrations de faire application des textes récents ?

Ce souci de perfectionnisme a retardé d'un an l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions dans les relations de l'administration et des particuliers.

Une administration qui s'engage

Dans mon rapport pour l'année 1986, j'évoquais la situation des personnes qui se mettent à la disposition de parents malades ayant droit à l'assistance d'un tiers. Ces personnes qui ont fréquemment quitté un emploi pour rendre ce service sont rémunérées. Elles cotisent, ainsi que leurs parents assistés à la sécurité sociale (maladie, vieillesse, ASSEDIC, retraite complémentaire). Or, lors du décès du parent assisté, elles sont fréquemment privées des prestations de chômage en l'absence de preuve d'un contrat de travail.

Cette situation fit l'objet de la proposition de réforme STR 86-02 qui a trouvé son épilogue avec la réalisation d'un questionnaire UNEDIC-ASSEDIC. Ce document est rempli par les intéressés au moment où les parents fixent leurs relations d'assistance. Sur la base des réponses fournies, l'organisme indique ce que sera la position du salarié vis-à-vis des droits aux allocations de chômage. C'est un engagement précis pris par un organisme à partir de la description d'une situation de fait, qui évitera un contentieux mal vécu par les particuliers qui n'admettent pas que l'encaissement des cotisations par les organismes n'entraîne pas corrélativement le versement de prestations.

Le bon numéro

Les factures établies par France Télécom se présentent de façon différente selon les agences commerciales des télécommunications. Il s'agit en particulier des coordonnées téléphoniques de l'agence à laquelle l'abonné est invité à s'adresser pour obtenir des renseignements. Dans certains cas, le numéro national d'appel téléphonique à huit chiffres est effectivement donné. En revanche, dans de nombreux cas, cette indication ne figure pas: le 14 seul est rappelé, un numéro abrégé de quatre chiffres pouvant y être ajouté.

S'il est vrai que ces indications abrégées peuvent suffire en cas d'appel à l'intérieur de la circonscription, en revanche, ces mentions sont insuffisantes pour un abonné qui se trouve en dehors de celle-ci, soit de façon temporaire (déplacement), soit de façon permanente (résidence secondaire). Il ne dispose pas alors immédiatement du numéro qui lui permet d'établir le contact qu'il souhaite au moment où il désire le faire et quel que soit le lieu où il se trouve.

C'est pourquoi, il serait souhaitable de généraliser l'indication du numéro national d'appel téléphonique des agences commerciales des télécommunications sur les factures adressées à ses abonnés par France Télécom (proposition de réforme PTT 88-02).

Les conséquences des grèves

L'automne 1988 a été fertile en conflits sociaux ayant affecté le secteur public. Cela m'a aussi permis de relever certains comportements regrettables.

J'ai ainsi demandé aux services nationaux d'Électricité de France et de Gaz de France, pour l'avenir, de ne plus envoyer de rappels aux abonnés pour les factures prétendument impayées lorsqu'il est évident que les perturbations du service postal ont empêché la transmission de ces factures ou des payements. J'ai également saisi cette occasion pour demander que les correspondances comportent en clair le nom patronymique de leurs signataires afin de lever, dans ce secteur aussi, l'anonymat (proposition de réforme IND 88-01 et par ailleurs propositions PRM 88-05 et STR 88-08).

d) La difficulté de donner des informations pratiques

En 1986, j'avais appelé l'attention du ministre chargé de la réforme administrative sur les problèmes posés par les délais de conservation des documents de la vie courante (proposition de réforme PRM 86-04 rapport 1986).

Une solution partielle a été apportée à ces difficultés: le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (C.E.R.F.A.) fera mentionner sur les documents qui sont soumis à son examen, chaque fois que cela lui paraîtra possible et utile, les délais de conservation de ces documents ou des pièces justificatives correspondant aux procédures en cause. Afin de m'assurer que cette décision était bien appliquée, j'ai demandé à recevoir un exemplaire des formulaires portant cette mention qui seraient mis en service.

Les difficultés les plus fréquentes mais les plus importantes aussi par leurs conséquences, résultent de la perte des bulletins de salaire. Depuis longtemps de très nombreuses réclamations ont fait apparaître les difficultés rencontrées par des salariés pour faire valider des périodes de travail au regard de leurs droits à pension. Dans certains cas, il apparaît en effet difficile, voire impossible, de reconstituer l'historique professionnel qu'il s'agisse de périodes troubles de notre histoire ou simplement de la disparition des employeurs, de leur changement de dénomination ou de leur fusion dans d'autres groupes. C'est la raison pour laquelle j'ai également présenté au ministre des affaires sociales et de l'emploi une proposition de réforme STR 87-10 (rapport 1987) tendant à ce que la nécessité de conserver les bulletins de paie sans limitation de durée soit l'une des mentions devant obligatoirement figurer sur le bulletin lui-même.

Fort heureusement, cette proposition arrivait précisément à un moment où d'autres réformes étaient à l'ordre du jour et où une réécriture complète de l'article R 143-2 du Code du travail était envisagée. Ma proposition put donc s'inscrire tout naturellement dans ce train de modifications et aboutir dans le cadre du décret n 88-889 du 22 août 1988 relatif au bulletin de paie (Journal officiel du 24 août 1988, p. 10748). Le Code du travail est en effet complété par un alinéa ainsi rédigé " le bulletin de paie doit comporter en caractères apparents une mention incitant le salarié à le conserver sans limitation de durée ".Cette mesure est applicable depuis le 1er janvier 1989. Elle est intervenue à l'initiative du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

J'ai demandé au ministre de la fonction publique et des réformes administratives de prendre les mesures nécessaires pour qu'elle s'applique dans les mêmes conditions aux agents publics des fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière et de la fonction militaire.

J'ai noté au passage, à la lecture de ce décret comparée à la précédente version, une qualité de rédaction qui mérite d'être soulignée, qu'il s'agisse de la terminologie ou de la suppression des sigles. Cela répond aussi à une préoccupation que j'avais exprimée à propos de la lisibilité des textes officiels (proposition de réforme PRM 87-06 sur la présentation des textes législatifs et réglementaires modifiant des textes antérieurs; et rapport 1987).

J'avais également souhaité que le Service d'information et de diffusion (S.I.D.) du Premier ministre actualise et valide les informations qui figurent sur le guide des droits et démarches qu'il publie. Je ne suis pas sûr, en effet, que toutes les informations données soient pertinentes en ce qui concerne les délais de conservation des documents. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des extraits de compte et des souches de chéquier des chèques postaux:

- le guide des droits et démarches indique un délai de deux ans: c'est celui pendant lequel une réclamation peut être adressée aux P.T.T.

- il serait cependant préférable que le délai recommandé soit celui pendant lequel le titulaire du compte peut avoir à répondre à un contrôle fiscal (délai ramené récemment de 4 à 3 années civiles complètes);

- le titulaire du compte peut d'ailleurs avoir intérêt à conserver les extraits de compte et les souches de chéquier le plus longtemps possible pour le cas où un créancier viendrait, à un moment quelconque, réclamer le paiement de sa créance.

Les informations à donner aux particuliers doivent donc être soigneusement pesées afin de ne pas les inciter à détruire leurs propres archives en se privant ainsi de moyens de preuve ou de recours.

J'avais également noté que des collectivités locales et des magazines ont pris l'initiative de publier des documents d'information qui comportent parfois des indications relatives au délai de conservation des documents de la vie courante. Une liaison aurait pu être instituée pour que le guide des droits et démarches constitue une référence unique et fiable.

A défaut de trouver la solution pratique à ce problème, l'instruction de ce dossier en a, au moins, révélé la grande complexité. En conclusion, les administrés ont intérêt à ne pas détruire trop hâtivement des documents dont la conservation pourrait, sur le moment, leur paraître superflue.

e) Un accès plus facile a la justice administrative

La prise en charge des frais du demandeur

L'article 700 du nouveau Code de procédure civile dispose que " lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine ". Cette disposition a été étendue à la procédure pénale par une loi du 2 février I98I.

Le fondement de ces dispositions repose sur la notion d'équité, à laquelle la loi ayant institué le Médiateur se réfère très explicitement.

C'est pourquoi, j'avais proposé que cette règle de procédure soit rendue applicable aux juridictions administratives (proposition de réforme JUS 87-02, relative à la prise en charge des frais d'assistance et de représentation dans le contentieux administratif rapport 1987).

Cette prise en charge totale ou partielle des frais d'assistance ou de représentation devait faciliter l'accès à la justice des administrés aux moyens modestes qui hésitent à intenter des recours, voire y renoncent purement et simplement en raison de son coût.

J'ajoute que l'adoption de cette proposition aurait mis un terme à certaines des conséquences fâcheuses qui résultent parfois de la séparation du contentieux entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de pleine juridiction. Je pense notamment au contentieux des facturations téléphoniques qui, en l'Etat actuel des choses, n'est pas susceptible du recours pour excès de pouvoir et, pour cette raison, n'est pas dispensée du ministère d'avocat.

Cette proposition, après une étude par le Conseil d'Etat, a été acceptée et mise en oeuvre dans le cadre du décret n 88-907 du 2 septembre 1988 portant diverses mesures relatives à la procédure administrative contentieuse (Journal officiel du 3 septembre 1988, pp.II252 et II253).

A ma demande, le secrétaire général du Gouvernement a accepté de publier le rapport de présentation de ce décret. Ainsi apparaît-il de façon très explicite que les sommes ainsi versées à la demande des juges pourront notamment compenser les honoraires d'avocats si le concours de ceux-ci est obligatoire. Il convient aussi d'observer que ce rapport précise que cette modification résulte d'une proposition présentée par le Médiateur.

Cette publication du rapport de présentation au Journal officiel encore trop rare à mon avis, s'inscrit comme je l'ai rappelé plus haut dans le cadre des préoccupations que j'exprimais à travers ma proposition de réforme PRM 87-06, sur la présentation des textes législatifs et réglementaires modifiant des textes antérieurs (rapport 1987 et rapport 1988).

Une meilleure information en cas d'appel

Lorsqu'au cours d'une procédure contentieuse, un administré ou un usager du service public obtient gain de cause, l'exécution immédiate de la décision peut se traduire par la création d'une situation juridique nouvelle ou par l'allocation de sommes d'argent correspondant soit à l'indemnisation de dommages soit à la reconnaissance d'un droit à prestations. Cette exécution immédiate est une chose excellente en soi. Elle peut cependant comporter des effets extrêmement pervers lorsque l'administration ayant fait appel et ayant obtenu une décision définitive qui lui est favorable, demande la restitution des sommes versées accompagnées des intérêts correspondants. Ces situations sont à l'origine de plusieurs réclamations et les difficultés que rencontrent les particuliers peuvent être très importants: dans une affaire, les sommes en jeu étaient de l'ordre de 650 000 F.

Je crois cependant qu'une amélioration de la situation est possible par une information claire des administrés lorsqu'ils obtiennent en première instance une décision favorable. Cette information consisterait, d'une part, à faire connaître au bénéficiaire de la décision que le service a l'intention de faire appel et, d'autre part, que l'obtention d'une décision contraire entraînera le reversement des sommes allouées. Elle devrait ainsi inciter les bénéficiaires d'un premier jugement à conserver la disponibilité des sommes encaissées en prévision d'un appel qui pourrait leur être défavorable.

Mais il faudrait aussi que les administrations et les services ne fassent pas systématiquement appel lorsque les décisions rendues leur sont défavorables. Les décisions de faire appel devraient tenir compte de l'intérêt juridique du litige, des sommes en jeu et de leur incidence sur le budget des organismes concernés, des exigences des compagnies d'assurance mais aussi... de l'équité. Il paraît également inutile de poursuivre l'action contentieuse, dès lors que des cours d'appel se sont déjà prononcées et que ces arrêts ont acquis l'autorité de la chose jugée. Cela signifie en effet, faute de pourvoi en cassation pour erreur de droit, que l'Etat admet le bien-fondé de l'interprétation retenue par la jurisprudence.

J'avais exprimé ces préoccupations au Premier ministre à travers une proposition de réforme PRM 88-02. Elles se sont traduites par une circulaire du 13 octobre 1988 relative au respect des décisions du juge administratif Journal officiel du 15 octobre 1988, pp.13008 et 13009). Qu'il me soit permis à cette occasion de souligner à nouveau la rapidité avec laquelle cette proposition de réforme s'est concrétisée: à peine trois mois se sont en effet écoulés entre ma démarche et la publication de la circulaire.

2. UNE ADMINISTRATION PLUS SIMPLE

a) Des conséquences du décès

J'ai observé qu'un nombre très important de réclamations concernaient les difficultés rencontrées par des personnes lors du décès d'un membre de leur famille. Si la plupart des questions qui sont posées touchent au règlement de la succession, d'autres, de natures assez diverses d'ailleurs, ont trait soit à des procédures soit à la reconnaissance de droits. J'ai donc été amené à présenter plusieurs propositions de réforme au cours de ces deux dernières années. Il m'a paru utile de les rassembler cette année sous une même rubrique.

Application des droits de succession aux sommes retirées d un compte courant du défunt dans l'année précédant le décès (FIN 87-04 rapport 1987)

Je rappelle qu'en application de l'article 752 du Code général des impôts, les créances dont le défunt a eu la propriété moins d'un an avant son décès sont présumées faire partie de la succession et sont passibles des droits de mutation. La Cour de Cassation a par ailleurs précisé que les sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire, et par conséquent d'un compte courant postal ou d'un livret de Caisse d'épargne, constituent une créance au sens de cette disposition. Dès lors, les retraits opérés dans l'année précédant le décès par le titulaire ou par une personne quelconque bénéficiant d'une procuration entrent dans l'actif taxable de la succession si aucune justification de leur emploi ne peut être apportée.

Cette position est critiquable car les héritiers sont rarement en mesure d'apporter la preuve, sur une aussi longue période, de l'utilisation des fonds par le défunt. Elle est particulièrement sévère et peu admissible lorsque les retraits correspondent aux consommations courantes du contribuable et de sa famille.

C'est pourquoi, j'avais suggéré l'adoption d'une franchise non taxable dans l'actif successoral. J'avais même un temps espéré la suppression pure et simple de la présomption de l'article 752 au moment où la Commission Aicardi faisait des propositions sur la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Il semble finalement que, face à des situations aussi difficiles pour les héritiers, l'administration s'attache à apporter, cas par cas, des réponses plus équitables. Elle s'est orientée vers un examen approfondi des circonstances de fait après une demande amiable d'éclaircissements ou de justifications. C'est le sens de l'instruction donnée par le ministre du budget à ses services.

Remboursement aux héritiers du solde des comptes courants postaux (PTT 87- 01; rapport 1987)

Une réglementation propre aux P. T, T. veut que les archives de cette administration ne soient pas conservées plus de dix ans. Or, dans le cas où le règlement d'une succession se heurte à des difficultés particulières, la procédure engagée peut durer plus de dix ans. Au terme de cette procédure, les héritiers ne peuvent plus récupérer les sommes figurant au crédit du compte courant postal du défunt. L'administration des P.T.T. et celle des finances sont d'accord pour présenter la modification législative nécessaire pour que le régime applicable aux soldes des comptes tenus par les services financiers de la Poste soit aligné sur celui des établissements de crédit qui sont soumis à une prescription de trente ans.

Le ministre des postes et télécommunications a concrétisé cette proposition par une instruction. La régularisation législative interviendra ultérieurement.

Revalorisation du montant maximum pouvant être admis en déduction dans l'évaluation de l'actif d'une succession au titre des frais funéraires (FIN 88-03)

En application de l'article 775 du Code général des impôts, tel qu'il résulte de l'article 58 de la loi du 28 décembre 1959, les frais funéraires peuvent être déduits de l'actif d'une succession dans la limite de 3 000 F. Par frais funéraires, le ministère des finances entend les frais d'inhumation et de cérémonie, les avis d'obsèques, les billets d'invitation et de remerciements, les emblèmes religieux sur la tombe, l'acquisition d'une concession dans un cimetière, la construction d'un caveau et les frais de transport du corps. Quelle qu'ait été l'adéquation de cette somme de 3 000 F par rapport au prix des diverses prestations en 1959, il apparaît aujourd'hui très clairement que les frais funéraires ne peuvent plus se situer dans un tel ordre de grandeur. Trente années se sont écoulées sans qu'aucune réévaluation soit intervenue.

Dans ces conditions, une revalorisation significative de cette somme a été demandée.

Cette proposition a reçu des réponses négatives diversement motivées. Il était impossible, me disait-on, de s'occuper des droits de succession au moment de la discussion de l'impôt de solidarité sur sa fortune. En dernier lieu, il m'a été répondu que ma demande était injustifiée car les frais funéraires constituent une dépense incombant normalement aux héritiers et non au défunt. Leur déduction de l'actif successoral résulterait d'une faveur discrétionnaire de l'administration !

J'ai demandé l'arbitrage du Premier ministre sur cette proposition qui se rattache à l'idée générale d'un réexamen périodique des seuils exprimés en valeur absolue.

Amélioration de l'information des héritiers en ce qui concerne les déclarations à souscrire (JUS 88-03)

Je suis très fréquemment saisi de réclamations émanant de personnes qui sont soumises à de lourdes pénalités de l'administration des finances en raison des retards relevés dans le dépôt des déclarations qu'elles ont à souscrire (déclaration de succession, déclaration de revenus après le décès) ou dans la réponse aux demandes de justifications.

Comme l'établissement de ces documents se fait généralement par l'intermédiaire du notaire, j'ai proposé qu'une lettre soit adressée par le Garde des sceaux et le ministre du budget aux chambres des notaires pour leur rappeler tout l'intérêt qu'il y a à veiller au respect de ces délais et leur demander, dans le cadre de leur mission de conseils naturels des familles, d'appeler l'attention des héritiers sur la diligence et sur la vigilance dont ils doivent faire preuve pour répondre aux questionnaires de l'administration et transmettre à temps les documents demandés. J'ai également suggéré que la notice éditée par l'administration des finances à propos des successions soit distribuée à l'initiative des mairies lorsqu'elles enregistrent les décès ou lorsqu'elles envoient les extraits du registre des décès.

Peut-être faudrait-il également se poser la question de savoir si le délai actuel de six mois pour faire les déclarations n'est pas trop court.

Problèmes posés aux héritiers par les conséquences du contrôle tardif de l'évaluation de l'actif immobilier d'une succession (FIN 8804)

Les contrôles effectués par l'administration sur l'évaluation de l'actif immobilier d'une succession interviennent en pratique deux ans après le dépôt de la déclaration de succession. L'administration justifie les redressements qui en résultent en se référant au prix moyen de l'immobilier à la date du décès tel qu'elle le constate lors des ventes qu'elle enregistre.

Or, l'évaluation faite par les héritiers se base sur l'Etat et la situation réels de l'immeuble et ne peut s'appuyer sur aucune référence officielle. Les appréciations d'un agent immobilier ou d'un notaire et la lecture de quelques indices dans une revue sont des bases bien fragiles et difficiles à conserver. J'ai donc proposé qu'à la demande des héritiers, l'administration fasse connaître un prix moyen de référence en fonction du marché de l'immobilier à la date du décès.

Les héritiers procéderaient alors à l'évaluation à partir des données réelles concernant l'immeuble. Si leur estimation est inférieure au prix moyen indiqué par l'administration des finances, ils savent qu'ils risquent un redressement. Il leur appartiendrait donc de conserver toutes les preuves nécessaires pour justifier l'évaluation qu'ils ont faite. Ils pourraient par exemple faire procéder à un constat d'huissier. Les pénalités seraient alors calculées sur la différence entre le prix calculé à partir des indications données par l'administration au moment de la déclaration et l'évaluation déclarée par les héritiers.

L'administration n'envisage pas de faire le moindre pas dans le sens de ma demande. Elle estime que la procédure contradictoire et la faculté de saisir une commission de conciliation sont suffisantes. Plus fondamentalement, elle ne souhaite pas modifier l'économie générale du système déclaratif actuel qui laisse à l'administration un rôle de contrôle a posteriori sans lui imposer d'obligations positives d'information et de conseil qui lui créeraient des charges supplémentaires.

Suites réservées aux informations ouvertes pour rechercher les causes de la mort (JUS 88-01)

Lorsque des personnes sont trouvées mortes à leur domicile, une enquête est ouverte à l'initiative du procureur de la République en application de l'article 74 du Code de procédure pénale.

Or, les familles éprouvent les plus grandes difficultés pour obtenir les conclusions de l'enquête sur les circonstances du décès. Elles ont également le plus grand mal à se faire restituer certains objets familiers ou certaines pièces, soit qu'ils fassent partie des éléments de l'enquête, soit que la restitution ne puisse se faire que dans le cadre du règlement de la succession, c'est-à-dire après un long délai. Ce silence et cette résistance de l'administration sont souvent psychologiquement très pénibles pour les familles et ils ne peuvent pas être surmontés par une constitution de partie civile, puisque cette procédure est impossible dans le cadre de l'article 74. Pour avoir accès au dossier, les familles devraient déposer une plainte ce qui semble une complication bien lourde et bien inutile. Selon les premières informations données par la Chancellerie, la famille peut, en application de l'article R 156 du Code de procédure pénale, obtenir copie des pièces d'une enquête terminée par une décision de classement sans suite. Au-delà de cette possibilité, il faudrait obtenir que le procureur prenne l'initiative de faire savoir à la famille que l'enquête est terminée afin qu'elle puisse alors réclamer copie des pièces qu'elle souhaite obtenir.

Modification du libellé des ordres de paiement établis par la paierie générale du Trésor (FIN 88-01)

Les ordres de paiement établis par la paierie générale du Trésor, Comportent une mention ainsi libellée à l'intention du créancier. " ATTENTION: la validité de cet ordre de paiement est limitée. En cas de retard apporté à son encaissement par le créancier, ce dernier court le risque de se voir opposer la prescription à l'expiration du délai de déchéance prévu par les articles 9 et 10 de la loi du 29 janvier 1831 modifiés". Une telle formulation est plus de nature à troubler l'esprit du lecteur qu'à l'éclairer dans son comportement. Il est d'abord singulier de faire référence à un texte vieux de plus d'un siècle et demi sans en donner le contenu. En second lieu, dire que la validité de cet ordre est limitée est insuffisant. Encore faudrait-il en précisait la durée. Au cas particulier, il s'agirait d'une déchéance quadriennale. Cette simple précision pourrait déjà donner un début d'explication même si cette déchéance quadriennale est d'un maniement parfois délicat. Par ailleurs, la terminologie employée dans ces trois lignes n'est pas forcément accessible au lecteur moyen: validité, ordre, créancier, prescription, déchéance. Enfin la tonalité même de la formulation est telle que le lecteur ressent beaucoup plus une menace qu'un conseil.

Ces remarques ont toute leur valeur lorsque ce document est destiné, non à une personne nommément désignée, mais à une succession. Dans ce cas particulier en effet, l'encaissement n'est possible que dans le cadre du règlement de la succession. C'est dire que la personne qui reçoit le document a de légitimes raisons d'inquiétude sachant que le règlement de la succession ne pourra se faire avant plusieurs mois.

Telles sont les raisons qui m'ont conduit à souhaiter la recherche d'une formulation à la fois plus précise et mieux adaptée. Le ministre du budget m'a fait savoir que les anciens imprimés avait été retirés de la circulation (j'aimerais en être certain...) et qu'une rédaction plus claire était désormais retenue.

Prise en compte des enfants nés sans vie pour le calcul de la pension de retraite des fonctionnaires (PRM88-01)

Aux termes de l'article L 18 du Code des pensions civiles et militaires de retraite une majoration de pension est accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants à condition que les enfants aient été élevés pendant au moins neuf ans. Sur la base de ce texte, l'administration du budget refuse de prendre en compte un enfant né sans vie pour le droit à majoration.

Le régime général des retraites obéit à une règle différente. Les articles L 351- 12 et R 351-30 du Code de la sécurité sociale prévoient une majoration pour tout assuré ayant eu au moins trois enfants y compris un enfant né sans vie comme l'a jugé la Cour de Cassation. Cette législation applicable au régime général des pensions résulte d'une évolution favorable au retraité: les anciens textes exigeaient, en effet, comme l'article L 18 actuel du Code des pensions civiles et militaires de retraite, que le retraité ait eu à charge trois enfants.

Certes, ces deux ordres de législation sont indépendants. Cependant, des situations individuelles ou familiales totalement identiques sont traitées de façon différente, moins pour des raisons de fond que pour des raisons historiques.

Tels sont les motifs qui m'avaient conduit à proposer d'inviter le Parlement à modifier l'article L 18 et de retenir la même notion dans le régime général de retraite.

J'ai dû retirer cette proposition compte tenu de l'opposition du ministre de l'économie, des finances et du budget. Je regrette cependant que deux législations parallèles ne soient pas harmonisées dans de telles situations. Il est évidemment très difficile de faire comprendre aux administrés que les mêmes circonstances de fait produisent des effets différents selon l'ordre de réglementation dans lequel on se situe.

Versement du capital-décès aux ayants droit d'un fonctionnaire décédé dans les jours suivant sa mise à la retraite (FIN 88-02)

Mon attention a été appelée à plusieurs reprises sur les difficultés que rencontrent les ayants droit d'un fonctionnaire décédé dans les jours suivant sa mise à la retraite pour percevoir le capital-décès. Ces difficultés viennent de ce que le ministère des finances n'applique pas auxdits fonctionnaires les dispositions de l'article L 712-2 du Code de la sécurité sociale qui dispose que les fonctionnaires en retraite, ainsi que leur famille, bénéficient des prestations qui sont accordées aux titulaires de pensions de vieillesse des assurances sociales. Or, l'article L 313-1 du Code de la sécurité sociale dispose que les prestations sociales sont servies aux assurés sociaux qui justifient d'un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé au cours d'une période de référence. Le droit au capital-décès est donc ouvert dans le régime général dès lors que la personne décédée avait accompli deux cents heures au cours du trimestre civil ou des trois mois précédant le décès (art. R. 313 du Code de la sécurité sociale) même si le décès est survenu après le départ en retraite. Ce régime semblait devoir s'appliquer aux fonctionnaires.

La direction du budget estime, quant à elle, que le capital décès n'est dû que si le fonctionnaire décède avant sa mise à la retraite. Elle fonde sa position sur l'article 8 du décret du 20 octobre 1947, modifié par l'article 2 du décret du 26 septembre 1949 qui prévoit, au titre de la sécurité sociale des fonctionnaires, le versement d'un capital décès aux ayants droit d'un agent décédé avant sa mise à la retraite.

Les tribunaux ont eu à connaître de ce problème et ont rejeté la thèse du ministère des finances (cour d'appel de Besançon le 25 février 1986 et cour d'appel de Montpellier le 10 juin 1987). L'Etat n'ayant pas invoqué l'erreur de droit devant la Cour de Cassation, il faut donc considérer que cette jurisprudence est tenue pour établie.

Sur le plan de l'incidence financière de l'application de cette jurisprudence, on observe que le nombre de fonctionnaires décédés dans les trois mois suivant leur admission à la retraite par limite d'âge a été de 6 en 1984, 14 en 1985 et 11 en 1986. Or, le montant du capital-décès correspond, semble-t-il, en général à trois mois de rémunération. Le coût de la réforme est par conséquent d'un niveau assez limité. Pour les bénéficiaires en revanche, l'impact de cette mesure est très important.

Pourtant, le ministre du budget est resté insensible à ces arguments. L'administration reste inflexible sur ses interprétations. Elle a d'ailleurs reçu le renfort de celle de la sécurité sociale qui considère que l'octroi du capital- décès aux ayants droit de personnes décédées après leur admission à la retraite procède d'une interprétation trop " laxiste " des textes.

b) Les problèmes liés a l'indemnisation du chômage des agents publics

Les réclamations reçues par le Médiateur touchant au problème de l'indemnisation pour perte d'emploi des agents publics non titulaires sont relativement nombreuses. Elles reflètent les difficultés que ces personnels rencontrent auprès de leurs employeurs (Etat, collectivités locales, établissements et organismes publics tels qu'hôpitaux, offices publics d'habitations à loyers modérés, chambres consulaires) pour faire valoir leurs droits.

La réglementation est évolutive et complexe. Ses très nombreux textes submergent et déconcertent les collectivités publiques. Depuis l'intervention de l'ordonnance du 21 mars 1984, les conventions (du 24 février 1984, du 19 novembre 1985, du 6 juillet 1988) conclues entre les partenaires sociaux et les délibérations et circulaires de 1' UNEDIC s'y rapportant sont applicables de plein droit aux agents du secteur public. Des circulaires interministérielles ou particulières à chaque ministère, voire même à certaines directions s'y ajoutent.

Pour des raisons diverses, les collectivités éprouvent des difficultés à appliquer cette réglementation complexe. En outre, les petites communes ont du mal à dégager des fonds pour assurer l'indemnisation. Les communes importantes, qui ont moins de problèmes financiers, prennent parfois une plus grande liberté avec les textes. Une information et une clarification restent donc à faire pour une meilleure connaissance du droit applicable (y compris dans les juridictions administratives où le Médiateur a pu constater certaines carences).

Le Conseil d'Etat a décidé (arrêt Commune de Mouroux du 5 février 1988) que le régime d'indemnisation adopté pour le secteur privé est applicable de plein droit au secteur public. Mais les employeurs publics ne sont pas habitués à intégrer la logique des règles de type conventionnel et de l'assurance lors de l'appréciation des droits de leurs agents. Leur attitude reste imprégnée des solutions du droit public et témoigne souvent d'un juridisme étroit.

Sur le plan pratique, en matière d'assurance chômage, l'Etat employeur est également son propre assureur, donc le payeur. Soucieux du bon emploi des deniers publics, on comprend mieux sa réticence à attribuer des allocations pour perte d'emploi à ses anciens agents et sa difficulté à suivre jusqu'au bout la logique del'indemnisation.

Ceci se traduit par des difficultés diverses. Des difficultés d'ordre juridique résultent de l'interprétation des règles d'ouverture des droits aux vacataires, de l'application des règles relatives au contrôle de la recherche d'emploi, de l'appréciation de la légitimité des motifs de démission ou de l'application des règles de cumul entre une pension d'invalidité et les allocations de base. Les employeurs publics refusent souvent de payer en invoquant également des difficultés d'ordre budgétaire ou technique. Enfin, les administrations, notamment les collectivités locales ou les services extérieurs de l'Etat, ont tendance à multiplier en ce domaine illégalités et abus de pouvoir: refus délibéré d'indemniser, contestation de la durée d'affiliation quand il y a un emploi précédent, circulaires invitant l'administration à embaucher pour moins de trois mois pour éviter les risques d'indemnisation, refus d'indemnisation à la fin d'un contrat à durée déterminée, alors que l'indemnisation due est couramment acceptée dans le secteur privé.

Les interventions du Médiateur en faveur de l'indemnisation des agents ayant perdu leur emploi aboutissent généralement. Mais il faut parfois une bonne dose de persévérance et d'obstination pour amener l'administration à reconnaître les droits de ses anciens agents.

L'étude juridique des dossiers se fait en liaison avec les ministères de tutelle ou les services spécialisés (fonction publique, affaires sociales, travail, UNEDIC, intérieur). Les préfets aident souvent le Médiateur par le recours à la procédure d'inscription d'office, ou ils rappellent la collectivité locale récalcitrante à ses obligations. Les autorités de tutelle des organismes mis en cause (l'équipement pour les O.P.H.L.M., l'éducation nationale pour les rectorats et les universités, les affaires sociales pour les hôpitaux) participent à l'effort du Médiateur. En règle générale, cette collaboration s'avère efficace et aboutit assez rapidement au paiement des allocations dues.

A partir des trop nombreuses affaires individuelles dont je suis saisi, j'ai engagé une réflexion pour clarifier la réglementation. A cette fin, des réunions fréquentes avec les instances compétentes et en particulier l'UNEDIC, la délégation à l'emploi et le secrétariat général du Gouvernement pour le suivi de la proposition de réforme STR 87-13 (rapport 1987) ont eu lieu. Elles ont permis au Médiateur de demander aux ministres concernés de clarifier les règles applicables par une circulaire interministérielle unique.

La loi du 30 juillet 1987 (article 65) permet désormais l'adhésion des collectivités publiques au régime de l'UNEDIC. Au 30 juin 1988, 6 632 collectivités parmi lesquelles 4 330 collectivités territoriales (communes, départements, régions) et 2 202 établissements publics locaux (maisons de retraite, bureaux d'aide sociale, caisses des écoles, centres communaux d'action sociale, services d'incendie, etc.) avaient adhéré à ce régime. Le nombre d'adhésions est donc encore faible et s'explique peut-être par le coût de l'assurance (cotisation de 4,58 % sur l'ensemble des rémunérations brutes), sans doute trop élevé pour les communes petites ou moyennes.

Une mutualisation du risque inter-services publics serait-elle possible ? En tout Etat de cause une solution financière est encore à trouver pour amener le secteur public à mieux se plier à la logique de l'indemnisation. Faute de quoi, les recours au Médiateur risquent fort de continuer à affluer...

c) Un contentieux dédramatisé : les contestations de factures téléphoniques

Le développement spectaculaire de l'équipement des télécommunications en France a engendré un flux régulier de réclamations en matière de facturation téléphonique. Il était impossible au Médiateur d'attendre sans réagir que des nouvelles techniques plus fiables en matière de facturation soient mises en place étant donné le nombre des erreurs relevées et le privilège dont jouissait l'administration des télécommunications en matière de charge de la preuve de la consommation alors que la preuve de non consommation est impossible à rapporter par l'usager. D'un autre côté, il convenait d'inciter les télécommunications à régler elles- mêmes amiablement les litiges.

En 1986, j'avais tenté d'obtenir une amélioration de l'instruction des réclamations adressées par les usagers aux agences commerciales ou aux directions opérationnelles des télécommunications. C'était l'objet de ma proposition de réforme PTT 86-02 (rapports 1986 et 1987).

En 1986, je dus faire une nouvelle proposition de réforme PTT 88-0I qui avait un double objectif:

- rendre obligatoire un examen contradictoire de la réclamation entre les services de l'administration et l'usager avant que celui-ci puisse saisir le juge. Ce contact préalable aurait permis d'obtenir une réponse à toutes les observations faites à propos du fonctionnement de la ligne. De même, l'administration aurait eu à communiquer tous les éléments dont elle disposait et qui justifiaient le montant des consommations facturées. C'est seulement sur ces bases que le juge aurait pu ensuite être saisi;

- obliger l'administration à prouver la réalité des communications facturées.

Cette proposition résulte de l'impossibilité dans laquelle se trouve la plupart du temps l'usager d'apporter la preuve qu'il n'a pas téléphoné. Elle se justifie d'autant plus que seule l'administration dispose, dans ses centraux téléphoniques, de moyens d'enregistrement des communications.

J'appuyais cette demande en me référant, d'une part, aux décisions prises en matière fiscale durant l'année 1987 à la suite des propositions faites par la " Commission Aicardi " pour améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale et, d'autre part, aux dispositions de l'article 1315 du Code civil selon lesquelles " celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver>>. Or, qu'est-ce que l'envoi d'une facture sinon la demande d'exécution d'une obligation ?

J'ajoute que, quel que soit le statut juridique de l'administration des P. T. T. et, à l'intérieur de celle-ci, le statut de France Télécom, ses activités sont de nature très largement commerciales et ne diffèrent pas de celles d'un établissement comme Électricité de France, par exemple.

L'adoption de ces réformes n'aurait pas manqué d'avoir un retentissement très positif sur l'image de marque des P. T. T auprès d'un public très sensibilisé et très attentif à tout ce qui touche à cette question de la facturation téléphonique. Mes arguments n'ont pas convaincu les deux ministres qui ont eu en charge les P.T.T. au cours de l'année 1988. Le premier subordonnait le renversement de la charge de la preuve au changement de statut de son administration. Quant à son successeur, il a estimé que ma proposition était sans objet parce que les usagers ont maintenant accès à toutes les informations concernant le fonctionnement de leur installation et parce que les voies de recours sont mieux organisées.

Devant une position aussi ferme, j'ai dû me résigner, à regret, à retirer ma proposition de réforme. J'ai toutefois demandé au ministre de rappeler constamment aux directeurs d'agences commerciales qu'ils doivent se comporter comme si, en fait, la charge de la preuve leur incombait. Ce qui signifie, au moins, que les réclamants soient invités à venir discuter de leur différend au siège de l'agence. Ce contact devrait permettre presque toujours de différencier la bonne foi de la tentative de fraude et d'accorder, à bon escient, le bénéfice du doute.

Lorsque des réclamations me sont adressées, je vérifie donc toujours que ce dialogue a eu lieu. Je rejette comme irrecevables pour défaut de démarches préalables les réclamations qui n'ont pas été initialement adressées à l'agence commerciale des télécommunications et à la direction opérationnelle des télécommunications. De même, je demande fermement au ministre de faire reprendre l'instruction des contestations chaque fois qu'il ne ressort pas du dossier que l'abonné ait été invité à rencontrer les agents du service et à débattre avec eux du désaccord.

Par ailleurs, je maintiens avec les services des télécommunications des contacts périodiques pour m'entretenir des cas les plus sérieux, pour mieux connaître l'évolution de la situation et pour envisager des solutions de fond.

J'espère que le climat de confiance instauré avec les hauts responsables de France Télécom m'évitera d'avoir à présenter d'autres propositions de réforme.

D'ailleurs dès 1988, une importante réforme a abouti. Il s'agit de ma proposition JUS 87-02 relative à la prise en charge des frais d'assistance et de représentation dans le contentieux administratif (rapport 1987). Les sommes qui pourront ainsi être allouées au plaignant pourront notamment comporter les honoraires d'avocats dont le concours est obligatoire, en matière de contestation de la facturation téléphonique.

Allant plus loin et dans le souci de préserver au mieux les droits des abonnés, j'ai proposé la suppression de l'obligation du ministère d'avocat pour ce contentieux (JUS 88-04).

Mais je reste convaincu qu'un débat contradictoire préalable reste la meilleure orientation. Un tel dialogue et, dans des cas exceptionnels, un recours contentieux plus accessible ne devraient pas créer de difficultés insurmontables à l'administration des P.T.T., car elle maîtrise de mieux en mieux les progrès techniques applicables aux relations avec les abonnés.

Dans les centraux électromécaniques, le nombre d'unités consommées s'affiche sur un compteur classique, apparemment identique au compteur à eau ou à gaz. Ces compteurs sont photographiés hebdomadairement. Ces photographies sont désormais conservées au moins six mois et sont accessibles en cas de contestation. L'administration peut ainsi reconstituer pour l'abonné les variations hebdomadaires de sa consommation pendant la période litigieuse. Les centraux électroniques sont capables de fournir des renseignements plus nombreux et plus précis. Ils indiquent en effet l'évolution quotidienne, et non plus hebdomadaire, de la consommation de chaque usager. Ils enregistrent en outre les appels de coût élevé c'est-à-dire ceux qui sont destinés à l'international, au Minitel sur le 36. 15, ainsi que les appels facturés à raison d'une unité télécom toutes les 15 secondes ou toutes les 24 secondes. Au surplus, ces centrales électroniques autorisent la facturation détaillée qui indique pour chaque appel sa date, l'heure de début et de fin de communication, la durée de la communication, le nombre d'unités télécom pour l'appel. La généralisation de ce type de centraux téléphoniques devrait donc conduire à un traitement plus satisfaisant des désaccords sur le montant des factures.

Un usage judicieux de ces instruments performants que l'électronique met à la disposition de France Télécom rend par ailleurs possible une prévention du contentieux. L'agence commerciale relève chaque jour, à partir de renseignements qui lui sont fournis par le centre d'exploitation, les présomptions d'anomalie dans la consommation des abonnés. Ces présomptions existent par exemple lorsque la consommation d'un usager augmente, soit de façon progressive mais régulière sur une certaine durée, soit de façon brutale ou encore lorsqu'un abonné consomme plus de 5 000 unités dans une seule journée. Les services commerciaux de France Télécom ont alors la possibilité d'alerter l'usager sur le phénomène constaté et de rechercher avec lui si ce phénomène trouve une explication rationnelle dans des modifications de l'usage qu'il fait de sa ligne.

Il serait toutefois illusoire d'imaginer que l'affinement des méthodes de contrôle de la consommation téléphonique fera disparaître la totalité des réclamations. Il restera au Médiateur à exercer sa véritable mission en intervenant lorsqu'un litige qui n'aura pas pu être résolu au stade de la procédure interne à l'administration révélera un mauvais fonctionnement du service ou une iniquité dont l'usager aurait été victime.

d) La déduction des frais réels pour le calcul de l'impôt sur le revenu

Le problème de la déduction du revenu imposable des frais de déplacement entre le domicile et le travail suscite beaucoup de réclamations.

Pour compenser les frais professionnels, donc ceux de déplacement, les salariés ont le choix entre une déduction forfaitaire ou la déduction de leurs dépenses réelles. En général, les contribuables choisissent la déduction forfaitaire de 10 % de leur revenu brut. Dans ce cas, l'administration des impôts ne demande aucune justification. En outre, certaines catégories de contribuables ont droit à une déduction supplémentaire dont le taux varie entre 5 et 40 % (art. 5 de l'annexe 4 au Code général des impôts).

Cependant, si le montant des dépenses effectuées " en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu " (art. 13.1 C.G.I.) est supérieur à la déduction forfaitaire normale de 10 % augmentée éventuellement de la déduction forfaitaire supplémentaire, les contribuables peuvent retrancher de leurs salaires le montant des frais professionnels réels. Mais pour cela, il faut que ces dépenses aient été justifiées et effectuées dans des conditions réglementées.

Bien que l'analyse récente de la jurisprudence du Conseil d'Etat comme de la position de l'administration fiscale démontrent une évolution toujours plus favorable au contribuable, les conditions imposées demeurent souvent encore trop rigides, inadaptées aux réalités sociales et économiques et, surtout, mal comprises par les administrés.

En application, des dispositions combinées des article 83-3 et 13-1 du Code général des impôts, les frais déductibles doivent avoir un caractère professionnel, être justifiés et ne pas présenter un caractère " anormal ".

C'est cette dernière condition, appréciée par les services fiscaux sous le contrôle du juge de l'impôt, qui suscite le plus de critiques. En effet, la définition des notions utilisées pour rejeter les déductions opérées par les contribuables sont imprécises: " motifs de convenances personnelles "ou " caractère anormal des dépenses ". La définition retenue par l'administration pour justifier un redressement est donc souvent ressentie comme arbitraire par l'assujetti.

La jurisprudence du Conseil d'Etat fixe la distance " normale " entre le domicile et le lieu de travail à 30 km. Sur la base de cette jurisprudence, la direction générale des impôts précise dans une note du 10 mars 1988, que " la règle pratique définie par la Haute Assemblée ne pourra être écartée que dans des cas très particuliers et est applicable pour le règlement des dossiers en cours ". Cette solution constitue un progrès. Elle met fin à un important contentieux. Cependant, la déduction des frais réels ne présente véritablement un intérêt pratique que si la distance séparant le domicile du lieu de travail est importante (dans le cas contraire, la déduction forfaitaire est plus avantageuse).

Or, le problème demeure entier lorsque la distance est supérieure à 30 km. Ce qui est de plus en plus fréquent par le fait de l'étendue des grandes agglomérations et des problèmes liés au logement dont le prix est très élevé dans une ville comme Paris. Le juge de l'impôt utilise alors un faisceau d'indices pour accorder ou refuser la déduction; il prend notamment en compte la configuration et l'étendue de l'agglomération où se trouve le domicile et le lieu de travail, les conditions d'existence du contribuable et de sa famille en relation avec les ressources du foyer, l'Etat de santé des membres de la famille, le problème de scolarisation des enfants, le lieu de travail des époux, la durée comparée des différents moyens de transport, le coût du logement, les conséquences d'un changement d'emploi, la précarité de l'emploi, les conditions d'exercice de l'activité salariée....

Cependant, les services locaux des impôts sont loin de tenir compte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation et rejettent souvent les frais déduits par le déclarant après une analyse sommaire de la situation.

En outre, la position de l'administration, et parfois celle de la jurisprudence, n'apparaissent pas toujours parfaitement adaptées à l'évolution des réalités économiques et sociales. Ainsi, il est très restrictivement tenu compte de la précarité de l'emploi qui peut justifier un éloignement temporaire important du domicile. L'union libre n'est pas prise en considération: les trajets pour rejoindre un concubin sont toujours qualifiés de déplacements "pour convenances personnelles ". Enfin, les difficultés de logement en ville sont rarement retenues comme un motif de nature à justifier des frais de transport élevés.

Ces appréciations présentent un autre inconvénient. Elles amènent l'administration à porter des jugements de valeur sur la vie privée des contribuables et limitent leur liberté de choix. La position de l'administration est donc souvent contestée.

Cependant, il ne m'a pas paru possible de proposer une réforme d'ordre général. La nature " professionnelle " ou " privée " de dépenses résultant de la distance entre le domicile et le travail est nécessairement une affaire d'appréciation au cas par cas.

Je souhaite simplement que l'administration prenne soin de tenir compte de l'ensemble des circonstances de chaque dossier sans rejeter, par principe ou commodité, les déductions de frais réels. Je demande aussi que les redressements en la matière soient suffisamment motivés pour que les contribuables puissent en connaître les raisons et, le cas échéant, les discuter. D'une manière générale, il n'est pas bon que les décisions administratives puissent laisser croire que pour faire rentrer un peu plus d'argent dans les caisses de l'Etat ou des collectivités, les réalités et surtout les difficultés de la vie quotidienne soient perdues de vue.

e) Le problème de l'emploi des travailleurs handicapés

Le Médiateur est saisi par les parlementaires de réclamations très significatives (14 en 1987, 10 en 1988) concernant l'application de la législation relative aux emplois réservés et à l'emploi des handicapes.

Il apparaît globalement que la procédure traditionnelle d'attribution des emplois réservés est inadaptée et que l'application de la nouvelle législation issue de la loi du 10 juillet 1987 requiert une grande vigilance.

Jusqu'au XXe siècle les secours aux personnes handicapées relevaient de la charité ou de l'assistance.

Puis a été mis en place un système des emplois réservés qui avait pour objet de faciliter l'accès aux emplois publics (catégories B, C, D) et aux emplois du secteur privé de certains bénéficiaires. Ceux-ci ressortissaient d'abord aux catégories énumérées dans le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (lois des 31 mars 1923, 26 avril 1924 et 18 juillet 1924): les mutilés, les veuves de guerre, les anciens militaires. Ensuite les lois sociales y ajoutèrent les personnes reconnues travailleurs handicapés par les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) (loi du 23 novembre 1957 et loi d'orientation du 30 juin 1975).

Ce système était complexe et peu efficace car il combinait, dans le secteur privé, l'obligation d'emploi des mutilés de guerre avec une simple priorité d'emploi des handicapés, dans le cadre d'un quota global égal à 10 % des effectifs de l'organisme employeur et, dans le secteur public, l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (à hauteur de 3 % de l'effectif de chaque corps) avec la législation sur les emplois réservés codifiée dans le Code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre.

La loi n 87-517 du 10 juillet 1987 remplaça cette législation largement inadaptée. Tout en conservant aux mutilés de guerre et assimilés le bénéfice d'une obligation d'emploi, les nouvelles dispositions tendent à créer une dynamique en faveur de l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés.

Cette loi substitue aux obligations de procédure antérieure, une obligation de résultat concernant les entreprises publiques ou privées de 20 salariés ou plus. Au terme d'une période transitoire de trois ans, ces entreprises devront employer 6 % de travailleurs handicapés ou assimilés. Cependant, la loi offre aux mêmes employeurs diverses solutions leur permettant de s'acquitter, partiellement ou totalement, de cette obligation d'emploi en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services avec des établissements de travail protégé. Le secteur privé peut en outre conclure un accord collectif sur un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés, ou payer, pour chaque emploi non pourvu, une contribution forfaitaire et annuelle de 500 fois le montant du S.M.I.C. horaire. Cette contribution sera versée à un fonds de développement pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

Les modalités prévues pour l'accès aux emplois sont différentes dans le secteur privé et dans le secteur public. Dans le secteur privé, les travailleurs handicapés et assimilés doivent s'enquérir des offres d'emploi directement auprès des entreprises employant plus de 20 personnes et des établissements publics à caractère industriel et commercial (E.D.F.-G.D.F., S.N.C.F., R.A.T.P., T.D.F., etc.). Dans le secteur public, deux procédures coexistent. La procédure d'attribution des emplois réservés aux bénéficiaires du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, reste en vigueur. Pour accéder à ces emplois, les intéressés doivent passer un examen d'aptitude professionnelle à l'issue duquel ils sont inscrits sur des listes de classement établies par le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, par type d'emploi et par département. Les candidats sont ensuite désignés puis nommés dans l'ordre de ce classement, compte tenu des vacances de postes déclarées par les administrations. L'accès direct aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière a été facilité par la loi du 10 juillet 1987 aux travailleurs handicapés et assimilés qui n'ont à subir aucun concours ni examen. Depuis le 12 juillet 1987, ceux-ci peuvent être recrutés comme contractuels dans les emplois de catégorie C et D, pour une période d'un an renouvelable, à l'issue de laquelle ils sont titularisés dès lors qu'ils remplissent les conditions d'aptitude requises.

Les réclamations parvenues à la Médiature traduisent l'échec de la procédure de nomination aux emplois réservés et de l'emploi des handicapés dans l'administration. Il y a peu de débouchés possibles à court terme. Les listes d'attente sont très longues et créent souvent de faux espoirs. L'administration n'adapte pas son comportement aux besoins spécifiques des handicapés. Elle continue à organiser des examens d'aptitude et à procéder au classement sur la liste d'aptitude bien qu'il n'existe pas de possibilité pratique d'embauche.

Quelques exemples de dossiers sont significatifs de ce phénomène de dysfonctionnement: 8 ans d'attente dans le Morbihan pour un emploi d'agent de bureau dactylographe des services extérieurs des administrations 9 ans dans le Territoire de Belfort pour un emploi d'agent spécialiste de l'éducation nationale 8 ans en Loire-Atlantique et en Vendée pour un emploi d'agent des services internes des établissements sanitaires et sociaux. Certains candidats, pourtant désignés pour un poste, ne parviennent cependant pas à être nommés, du fait de la lenteur de la procédure ou du peu d'empressement des entreprises d'accueil.

Pour essayer de venir en aide aux réclamants, plusieurs actions ont été menées de concert.

Dans le domaine local, certains délégués départementaux du Médiateur, solidaires de cette population défavorisée, ont pris à coeur ces problèmes. Ils ont agi sur trois plans: d'abord informer l'échelon central de la Médiature sur les difficultés particulières des handicapés qu'ils aident dans leurs démarches, ensuite effectuer directement ou à la demande du Médiateur des recherches d'emplois auprès des collectivités locales (Conseil régional, Conseil général, communes et leurs établissements publics locaux, services extérieurs de l'Etat), enfin concourir par leur expérience et leur réflexion à l'amélioration des procédures. Mais force est de reconnaître que malgré la générosité et la ténacité des délégués, ces efforts ont eu des résultats décevants du fait de la rigueur de la procédure et du peu de débouchés.

Dans certains cas évidents de maladministration, le Médiateur a usé de son pouvoir de recommandation pour obtenir satisfaction (v. rapport 1987). Malheureusement, la solution proposée par l'administration n'est pas toujours agréée par l'intéressé. Le Médiateur et ses collaborateurs ont pris contact avec les services concernés et organisé des réunions, notamment avec le bureau des emplois réservés et le cabinet du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, pour essayer de trouver une solution aux problèmes posés. Compte tenu de la réduction du nombre de recrutements dans la fonction publique depuis 1984 et, par voie de conséquence, de ceux effectués au titre des emplois réservés, trop peu de réclamants ont obtenu satisfaction.

Toutefois, quelques succès méritent d'être signalés ainsi que quelques services publics qui font preuve d'une attitude très positive.

Certaines entreprises publiques (S.N.C.F.) signalent qu'elles reclassent elles- mêmes un grand nombre de travailleurs handicapés et assimilés sans exiger leur passage devant la CO TOREP et une reconnaissance officielle de leur handicap par cet organisme. D'autres, tel E.D.F.-G.D.F., affirment avoir dépassé le quota d'emploi des travailleurs handicapés et assimilés. Les postes et télécommunications, qui ont mené avec succès depuis 1982 une expérience pilote en matière de recrutement de travailleurs handicapés par voie contractuelle, ont embauché 2 080 handicapés de 1982 à 1985 dont 760 pour la seule année 1983.

Les difficultés qu'éprouvent les travailleurs handicapés et assimilés pour trouver un emploi sont d'origines diverses: conjoncture défavorable en matière d'emploi réductions des recrutements dans la fonction publique depuis 1984; inadéquation de l'offre et de la demande d'emploi déséquilibre géographique: 61 % des candidats sont inscrits sur une liste de classement en Bretagne, en Pays de la Loire et dans les quatre régions méridionales (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Provence-Côte d'Azur). Compte tenu de leur faible mobilité géographique due à leur handicap, les intéressés sont amenés à refuser l'affectation proposée. En 1985, pour 2 86I postes offerts au titre des emplois réservés, seuls 1 775 ont pu être pourvus.

Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, soucieux d'éviter les grippages actuels, envisage d'ores et déjà de modifier la procédure d'accès aux emplois réservés par un blocage et une épuration des listes de classement et en évitant d'organiser des examens pour des emplois et dans les départements où les perspectives d'embauche sont quasi-inexistantes.

Cette mesure de bonne administration permettrait de ne pas allonger la liste d'attente et de ne pas donner de faux espoirs aux futurs candidats. Une concertation avec l'ensemble des administrations permettrait de reconsidérer la priorité absolue donnée aux demandes de mutations de fonctionnaires qui désavantage les candidats aux emplois réservés. Des textes permettant de procéder à ces réformes de première urgence sont d'ores et déjà en cours de préparation.

A moyen terme, une évaluation de la politique gouvernementale en matière d'emploi des travailleurs handicapés semble devoir s'imposer compte tenu de la réforme récente mise en oeuvre par la loi du 10 juillet 1987.

En effet, le nombre de réclamations qui continuent de parvenir dans mes services prouve que la bonne volonté des administrations pour faciliter l'emploi des handicapés, même si elle est sensible dans certains secteurs (entreprises publiques, P. T. T.) est loin d'être généralisée.

Lorsque l'on sait que les employeurs publics ou privés peuvent s'acquitter par une contribution financière des quotas d'emplois de travailleurs handicapés qui leur sont imposés, on peut encore se demander si l'ardente obligation voulue par le législateur ne va pas, une fois de plus, demeurer un voeu pieux au détriment d'une catégorie de citoyens qui restent parmi les plus défavorisés.



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