Il garde cependant la possibilité d'apprécier le
fonctionnement des organismes chargés de la gestion des
dossiers (caisses, commissions) et d'intervenir lorsque le principe
d'équité le justifie.
A. LE RECOURS AU BARÈME EXISTANT : UN DISPOSITIF OBSOLÈTE
ET CRITIQUABLE
L'attribution des avantages prévus par la loi d'orientation
du 30 juin 1975 ou le Code de la famille et de l'aide sociale
(carte d'invalidité, A.E.S., A.A.H., A.C.) est liée
à la reconnaissance par les commissions d'orientation d'une
incapacité au moins égale à un certain taux,
80 % dans la plupart des cas. Ce pourcentage d'incapacité
est apprécié à partir d'un barème
d'invalidité prévu par le Code des pensions militaires
d'invalidité. Cette référence a été
adoptée par le décret n° 75-1157 du 16 décembre
1975.
Le recours à un barème de ce type implique que l'attribution
des ressources dépende de la seule constatation médicale
du déficit. Or, cette démarche ne semble répondre
ni aux préoccupations du législateur en 1975, ni
à la vocation des différentes prestations de la
loi d'orientation qui font toutes intervenir, à des degrés
divers, des critères d'ordre économique et social.
Dans la plupart des cas, les réclamants, après s'être
souvent pourvus en justice, ne comprennent pas le barème
qui leur est appliqué. En effet, les barèmes appliqués
aux intéressés peuvent être différents
selon la catégorie socio-professionnelle à laquelle
ils appartiennent et l'organisme dont relève leur indemnisation.
C'est ainsi que les conséquences d'un accident peuvent
être évaluées très différemment,
comme le prouve l'exemple suivant.
Une personne se rendant à son travail est renversée
par une voiture et doit être amputée d'un rein, des
suites du traumatisme subi.
Les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits sont
telles que ce type d'accident pourra relever de la combinaison
de plusieurs mécanismes d'indemnisation : l'intéressé
fera l'objet d'une expertise médicale à la fois
par l'organisme social dont il relève et par le médecin
de la compagnie d'assurance du responsable de l'accident. L'application
de barèmes différents peut conduire à des
conclusions expertales contradictoires difficilement compréhensibles
pour les intéressés, et qui pourront nécessiter
le recours au juge pour un arbitrage. Si les experts disposaient
d'un barème unique, leurs conclusions seraient plus souvent
concordantes.
Supposons que le sujet bénéficie aussi, à
un titre ou à un autre, de la législation sur les
pensions militaires d'invalidité. Ce régime ne se
contente pas d'user d'un barème différent des précédents
: trois échelles de gravité (pas moins) sont en
usage, aucune n'étant, au demeurant, de la première
fraîcheur : celles de 1887, 1915, 1919 (les bénéficiaires
de cette législation ayant le choix du barème le
plus favorable).
Ce barème va-t-il, du moins, être retenu tel quel
pour le calcul de la pension ? Nullement. Par l'application d'un
système complexe de suffixes majorateurs, il va se transformer
en un autre taux, imprévisible, qui va dépendre
du nombre d'infirmités que présente déjà
l'intéressé et du rang de cette infirmité
par rapport aux autres.
Et si - hypothèse plausible - le patient a contracté
une police individuelle auprès d'une compagnie d'assurance,
il va se trouver confronté à un autre taux d'invalidité
qui n'a aucune chance de se superposer aux précédents.
Il n'est pas besoin de souligner combien ces divergences d'appréciation
entre les médecins experts sont la cause, non seulement
de confusion et d'incompréhension, mais aussi d'amertume
et de contentieux : il est humain que nombre de blessés
ne considèrent comme " juste " que le plus élevé
des taux qui leur ont été attribués. Il n'est
pas étonnant de les voir souvent s'engager dans des procédures
de contestation interminables et fort décevantes pour eux,
ou pire, accuser les experts de partialité, voire de connivence
ou de complicité avec les organismes payeurs.
Un tel système mérite une sérieuse modernisation,
afin d'être à la fois équitable et mieux compris
des patients, ce qui éviterait sans doute bon nombre de
litiges. Cette modernisation est en cours, heureusement; un nouveau
barème devrait être prochainement publié.
B. LES DIVERGENCES D'APPRÉCIATION DANS LE TEMPS
Plus inéquitables encore sont les décisions récognitives
d'un handicap ou d'un droit lié au handicap qui sont remises
en cause par la suite, par exemple les décisions d'attribution
d'une allocation compensatrice ou d'une carte d'invalidité.
Ces avantages sont accordés par la COTOREP pour une certaine
durée, voire à titre définitif. Lorsqu'ils
viennent à être supprimés par suite d'une
révision de l'état du handicapé, la perte
des droits est source d'incompréhension pour le handicapé.
- C'est le cas de Mme V... (dossier n° 92-2174), atteinte de cécité,
qui a bénéficié en 1981 d'une allocation
compensatrice au taux de 70 % pour une période de 5 ans.
En février 1986, l'intéressée sollicite le
renouvellement de l'attribution de cette prestation qui lui est
refusé, bien qu'elle soit toujours reconnue invalide à
100 %.
L'intéressée formule une nouvelle demande en 1989.
Le nouveau refus de la COTOREP est infirmé par la commission
régionale d'invalidité (C.R.I) qui estime que l'intéressée,
compte tenu de l'aide qui lui est nécessaire pour l'accomplissement
des actes essentiels de la vie, a droit à l'allocation
compensatrice.
Mme V... estime, à juste titre me semble-t-il, avoir été
privée à tort de cet avantage entre 1983 et 1989.
Pour l'instant, le Médiateur n'étant pas parvenu
à faire reconnaître son bon droit, a saisi le ministre
des Affaires sociales de cette situation vraiment inéquitable.
- Mme C... (dossier n° 92-3283) s'est vu elle aussi attribuer
un avantage (carte d'invalidité) par la COTOREP en 1975,
à titre définitif. Par malheur, cette carte lui
est volée le 23 octobre 1984. La demande de duplicata entraîne
une révision de ses droits et la COTOREP, estimant que
son état de santé ne justifie pas l'octroi de la
carte d'invalidité, la lui supprime.
Le ministère des Affaires sociales saisi par le Médiateur
des difficultés de Mme C... a précisé en
réponse que les droits reconnus à une personne handicapée
ne sont jamais acquis de façon définitive, mais
peuvent être révisés à tout moment
à la faveur de l'amélioration de son état
de santé. La perte de la carte d'invalidité entraîne
le réexamen médical de l'intéressée
et éventuellement la remise en cause de ses droits, notamment
lorsqu'il est manifeste qu'une erreur est à l'origine de
la décision initiale (circulaire du 3 juillet 1979).
La situation de Mme C... a donc été correctement
appréciée en droit. Cependant elle demeure inéquitable.
En tout état de cause, l'administration est en contradiction
avec elle-même lorsqu'elle reconnaît ce type d'avantage
à titre définitif, et une plus grande information
devrait être donnée aux handicapés sur l'appréciation
de leurs droits.
C'est ainsi qu'on éviterait également qu'une jeune
fille, quasiment aveugle s'interroge sur l'appréciation
médicale de son handicap, différente suivant la
commission qui l'examine ! En effet, l'intéressée
avait été reconnue bénéficiaire de
l'A.E.S. par la Commission d'éducation spéciale.
Par contre, à l'âge de 20 ans, l'A.A.H lui avait
été refusée par la COTOREP. L'administration,
saisie, a précisé en réponse les différences
de critères utilisées par les deux commissions.
Encore, faudrait-il que ces différences soient mieux expliquées
à la personne handicapée qui ne comprend pas toujours
pourquoi le même handicap n'est pas évalué
de la même façon.
Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour qu'une
information complète soit donnée aux handicapés
sur leurs droits, et que l'administration cesse de se réfugier
derrière des règles plus ou moins ésotériques.
La nécessaire transparence administrative n'est pas encore
de règle dans tous les cas, loin s'en faut !
C. DES CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE DROITS TROP RESTRICTIVES
Le dispositif d'aides aux handicapés est, il faut le reconnaître,
complet, si l'on tient compte des diverses allocations (A.E.S.,
A.A.H.) et de leurs compléments. Il a d'ailleurs été
encore récemment amélioré (création
de l'allocation d'autonomie). Cependant, dans certains cas, les
critères d'attribution de ces aides sont encore bien restrictifs
au regard des difficultés que rencontrent, dans leur vie
quotidienne, les handicapés et leur famille.
Il en est ainsi de l'attribution du complément de 3e catégorie
de l'allocation d'éducation spéciale.
Un décret de septembre 1991 et une circulaire du 18 décembre
de la même année sont à l'origine de ce "
troisième complément d'allocation d'éducation
spécialisée ". Depuis fin 1991, les parents
d'enfants lourdement handicapés peuvent bénéficier
d'une aide financière s'élevant à un peu
plus de 5.000 F par mois, à condition, selon les termes
mêmes du décret, que l'enfant soit atteint d'un handicap
particulièrement grave " justifiant des soins continus
de haute technicité ". C'est seulement dans ces circonstances
que les C.D.E.S. peuvent en autoriser le versement. En clair,
il s'agit de soins requérant non seulement une présence
constante auprès de l'enfant, mais aussi l'acquisition
d'un savoir-faire technique.
Outre ce critère relatif aux soins de haute technicité,
le décret précise que " le versement du complément
est subordonné à la cessation d'activité
d'un des parents ou au recours effectif à une tierce personne
rémunérée ". Un critère supplémentaire,
une difficulté de plus : l'aide, en effet, est refusée
aux personnes qui ne cessent pas leur activité, et a fortiori
à celles qui n'ont jamais travaillé.
Certaines C.D.E.S. accordent ce complément de 3e catégorie
de façon assez large, mais la plupart du temps, l'attitude
est très restrictive, et les dossiers qui sont transmis
au Médiateur le prouvent :
Mme X... est la mère d'un petit garçon polyhandicapé
âgé de 8 ans. Pour pouvoir s'occuper pleinement de
son enfant, elle démissionne de son travail. Elle perçoit
l'A.E.S., mais par deux fois la C.D.E.S. rejette sa demande de
complément 3ème catégorie aux motifs que
les décrets n° 91-967 et 91-968 du 23 septembre 1991 n'ont
prévu ce complément que pour les enfants polyhandicapés
très lourds, nécessitant des soins de haute technicité.
Une circulaire additive n° 92-25 du 16 septembre 1992 est venue
élargir les conditions d'octroi de ce complément
aux enfants en dépendance totale pour tous les actes de
la vie quotidienne. Malgré cette possibilité offerte
par la circulaire, Mme X... se voit toujours refuser l'attribution
du complément (dossier n° 93-1637).
D'autres dossiers du même type (n° 92-5035; n° 93-0329;
n° 93-2339) ont conduit le Médiateur à intervenir
sur le plan de l'équité car il lui semble qu'il
faut comprendre, dans sa réalité pratique, la situation
des parents de ces enfants très gravement handicapés
et apporter à chaque cas la meilleure solution. Des réponses
positives ont déjà été données
à certaines interventions.
Le Médiateur constate une attitude également restrictive
en matière d'octroi de la majoration pour tierce personne
en fonction de l'âge de l'intéressé :
Titulaire depuis le 1er décembre 1986 d'une pension de
vieillesse pour inaptitude au travail, M. F... se plaint que sa
demande de majoration pour tierce personne déposée
le 1er juin 1989 ait été rejetée au motif
que, conformément aux dispositions de l'article L.355-1
du Code de la sécurité sociale, son état
de santé ne nécessitait pas, avant son 65e anniversaire,
l'assistance d'une tierce personne. La C.R.I. de Paris a, par
décision du 2 octobre 1991, confirmé la décision
de la C.N.A.V.T.S. (dossier n° 92-3099; cf. également dossier
n° 93-1219).
En l'état actuel, la législation d'interprétation
stricte interdit en effet toute dérogation au principe
selon lequel la majoration pour tierce personne n'est attribuée
qu'aux personnes dont l'état de santé nécessite
le recours à une tierce personne avant l'âge de 65
ans. Le principe posé par les articles L.351-1 et R.355-1
du Code de la sécurité sociale apparaît comme
inéquitable et discriminatoire. Mais seule une modification
de la législation existante permettrait aux assurés
âgés de plus de 65 ans de bénéficier
de la majoration pour tierce personne.
Dans les deux cas évoqués, une évolution
de la réglementation, ou de son application dans un sens
moins restrictif par les commissions, est encore nécessaire.
D. LES ALÉAS DE L'EXPERTISE MÉDICALE
En matière d'assurance invalidité (article L.341-1
à L.342-6 du Code de la sécurité sociale),
l'assuré, pour bénéficier d'une pension,
doit présenter une invalidité réduisant au
moins de deux tiers sa capacité de travail et de gain.
La décision de reconnaissance de l'invalidité est
prise par le contrôle médical de la Caisse dans les
deux mois suivant la date de réception de la demande de
l'assuré : elle reconnaît ou non l'état d'invalidité
et le classe dans l'une des trois catégories suivantes
:
- 1re catégorie : invalides capables d'exercer une activité
économique;
- 2e catégorie : invalides incapables d'exercer une activité
quelconque;
- 3e catégorie : invalides incapables d'exercer une activité
professionnelle quelconque et qui se trouvent dans la nécessité
d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour
l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante.
Des révisions d'ordre médical peuvent avoir lieu,
soit en réduction soit en augmentation suivant l'évolution
de l'invalidité.
En cas de contentieux médical, l'assuré dispose
d'un délai de deux mois pour contester la catégorie
dans laquelle il est classé auprès de la C.R.I.
(art. R.143-1 et suivants du Code de la sécurité
sociale); il peut faire appel de sa décision devant la
Commission nationale technique (art. R.143-15 et suivants du Code
de la sécurité sociale).
En cas d'accident du travail, une feuille d'accident est remise
par la victime à son médecin traitant et celui-ci
adresse directement à la Caisse un certificat médical
constatant l'état de la victime et les conséquences
immédiates et prévisibles. Si la Caisse conteste
le contenu du certificat médical, un médecin expert
examine la victime. L'avis du contrôle médical est
nécessaire dès qu'il y a décès ou
incapacité permanente préalable. Le médecin
du travail peut donner un avis sur les conséquences éventuelles
de l'incapacité permanente : possibilité de reprendre
son ancien emploi, nécessité d'une réadaptation
ou inaptitude totale au travail.
Le taux d'incapacité permanente est déterminé
d'après un " barème indicatif d'invalidité
accidents du travail " prévu par l'article R.434-35
et annexé au Code de la sécurité sociale.
Un nouveau barème a été établi par
un décret du 23 décembre 1982.
Pour fixer le taux d'incapacité d'accident du travail,
le médecin tient compte de la nature de l'infirmité,
de l'état général de santé de la victime
avec ses facultés physiques et mentales, de son âge,
de ses aptitudes et qualifications professionnelles.
Il faut noter que des " révisions " périodiques
sont prévues par l'article L.443-1 du Code de la sécurité
sociale qui permettent de fixer de nouveaux taux d'incapacité
si l'état de la victime s'est modifié.
Les contestations d'ordre médical relatives à l'état
du malade ou à l'état de la victime, et notamment
à la date de consolidation en cas d'accident du travail
ou de maladie professionnelle, donnent lieu à la procédure
d'expertise médicale, prévue à l'article
L.141-1 du Code de la sécurité sociale.
Or, ces procédures de contestation médicales et
d'expertises sont souvent sources de lenteurs et de difficultés
pour les assurés. A la suite d'une étude réalisée
à partir des dossiers reçus à la Médiature
et des affaires traitées par les délégués
départementaux, plusieurs griefs sont souvent formulés
:
- Les droits de la victime ne sont pas toujours respectés
: les assurés se plaignent d'être examinés
trop rapidement, trop souvent sans la possibilité de l'assistance
de leur médecin traitant. La procédure n'est donc
pas dans tous les cas contradictoire.
Certaines expertises se soldent par l'envoi obligatoire du rapport
médical au patient. Mais, dans d'autres cas, c'est en vain
que la victime, qui s'est pourtant prêtée sans réserve
aux investigations expertales, sollicite un compte rendu des constatations
faites sur sa personne : un refus lui est opposé car les
textes ne prévoient pas cette communication.
Par ailleurs, pour les mêmes lésions, les rapports
sont rédigés d'une manière fort différente
selon les cas : quelques lignes - habituellement - dans le cadre
des organismes sociaux ou des juridictions sociales; de cinq à
dix pages - en moyenne - pour les rapports des experts judiciairement
désignés, même pour les séquelles les
plus anodines.
- Les conditions de désignation des experts sont parfois
mises en cause, de même que leur impartialité.
De fait, les experts désignés proviennent, suivant
les régimes de réparation applicables, d'horizons
différents : le système comporte des experts civils,
des experts militaires, des experts en sécurité
sociale, en accidents du travail, en accidents de la voie publique,
près des tribunaux, etc. La liste n'étant pas close.
Leur formation est par ailleurs hétérogène.
Le médecin expert apprécie les séquelles
d'une invalidité ou d'une incapacité après
un examen clinique et un dossier médical (radiologique
et biologique) fourni par l'intéressé ou par la
CPAM et la COTOREP ou les deux. On peut imaginer, a priori, que
les conclusions sont établies de bonne foi. Pour éviter,
toutefois, l'accusation de connivence, voire d'incompétence,
souvent avancée par les handicapés qui font appel
(et qui n'ont pas satisfaction), il serait souhaitable que les
experts figurant sur la liste arrêtée par la CPAM
ou la COTOREP soient désignés par une autorité
neutre (Conseil de l'Ordre des médecins, tribunal, D.D.A.S.S.).
Par ailleurs, le nom de l'expert ayant déjà eu à
statuer ne devrait pas apparaître dans le dossier médical
communiqué au nouvel expert.
La qualité " humaine " de l'expert est également
critiquée : " examen sommaire ou parodie d'examen,
méconnaissance du dossier " reviennent souvent dans
les plaintes des requérants. Il est délicat d'affirmer
que ces derniers ont toujours raison, tant il est vrai que le
handicapé qui souffre incontestablement de sa diminution
physique ou intellectuelle se sent " abandonné, incompris
" quand le taux de la pension d'invalidité auquel
il prétend avoir droit est diminué, et il est tout
aussi difficile de dire que les médecins font mal leur
travail. Le choix des médecins experts s'avère donc
très important; au critère de compétence
doit s'ajouter celui de qualités humaines incontestables.
Une sensibilisation de ceux-ci, qui ont à juger des handicapés,
doit pouvoir être menée.
- Enfin, les méthodes d'examen sont contestées :
autant d'experts, autant de méthodes différentes.
Surtout, la trop grande rapidité de l'examen médical
est mise en cause.
En cas de contestation concernant la consolidation de l'état
de santé, ou la fixation de la date de reprise du travail,
les conclusions de l'expert sont rendues trop tardivement et les
handicapés estiment, avec raison semble-t-il, que le nouvel
expert désigné ne peut valablement apprécier
un état de santé ou une date de consolidation 4
à 5 mois après la première décision
et le premier examen médical.
Comme la fixation d'une date de consolidation entraîne pour
l'intéressé la suppression de certains avantages
financiers ou, en cas de licenciement, l'attribution d'allocations
de chômage, il est indispensable que l'expertise, dans ces
cas particuliers, soit faite très rapidement.
Ces dysfonctionnements constatés dans la procédure
d'expertise, tant au niveau des dossiers reçus à
la Médiature que des dossiers traités par les délégués
départementaux conduisent à penser qu'il conviendrait
d'engager sans délai, avec les autorités administratives,
une réforme de la procédure sur les points contestés.
E. LE FONCTIONNEMENT DES COTOREP
Les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel,
créées par la loi du 30 juin 1975, sont compétentes
:
- d'une part :
.pour reconnaître la qualité de travailleur handicapé;
.pour le reclassement professionnel;
.pour l'orientation de l'intéressé;
- d'autre part :
.pour évaluer le taux d'invalidité;
.pour apprécier si l'état de l'intéressé
justifie l'octroi de l'A.A.H. ou de l'A.C.;
. pour orienter la personne inapte au travail et prononcer son
admission éventuelle dans un établissement ou service
spécialisé.
Outre les dysfonctionnements soulignés dans certains rapports
du Conseil économique et social, de l'Association des paralysés
de France, le Médiateur de la République a eu à
connaître de cas particuliers inéquitables, ainsi
que de critiques plus générales de la part de certains
parlementaires. Sont ainsi critiqués :
.les délais excessifs de traitement des dossiers
Certaines COTOREP ont des rôles très encombrés
et ne rendent leur décision qu'au bout d'un an, voire davantage
(dossier n° 93-0487). Or, les personnes handicapées sont
souvent en situation précaire et souhaitent être
très rapidement fixées sur leurs droits.
.la composition de la Commission et les conditions de l'examen
Il apparaît, à l'analyse des dossiers, que le partage
des COTOREP en deux sections ne permet pas toujours de parvenir
à une approche globale et cohérente du cas de chaque
handicapé et ainsi lui apporter une aide et une orientation
appropriée.
Enfin, les représentants des personnes handicapées
en COTOREP stigmatisent l'influence et la pression des services
départementaux dans les décisions prises par les
commissions (dans certains cas, la Commission ne ferait qu'entériner
les propositions de l'équipe technique, réduite
parfois à un médecin dépendant de l'aide
sociale départementale); et la présence de nombreux
conseillers généraux en COTOREP pourrait questionner
la neutralité des décisions prises en ce qui concerne
le versement de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
.la motivation des décisions
En théorie, les décisions - positives ou négatives
- prises par les COTOREP doivent être motivées, comme
l'ensemble des actes administratifs, cette motivation permettant
de faire connaître aux demandeurs,aux établissements
ainsi qu'aux organismes de prise en charge les raisons qui ont
conduit la commission à adopter l'une des solutions prévues
par la loi.
Dans la réalité, il semble que l'obligation légale
faite aux administrations de motiver leurs actes est encore trop
souvent inappliquée par les COTOREP.
Certes, en matière de handicap, la motivation est limitée
par les règles du secret médical; mais un défaut
d'information subsiste, et davantage d'explications permettrait
de mieux faire comprendre le bien-fondé d'une décision
de refus d'une allocation.
Mme H... (dossier n° 92-1522), âgée de 55 ans, mariée,
sans enfant à charge, a subi, en 1972, une intervention
chirurgicale à l'oreille gauche. L'audition, déjà
faible, est devenue nulle après l'opération, tandis
que persistaient des symptômes invalidants. C'est pourquoi,
plusieurs avantages sociaux lui ont été accordés,
au titre de son infirmité : carte d'invalidité,
en 1974, au taux de 100 %; A.A.H. en 1983, au taux de 100 %; pension
d'invalidité (2ème catégorie); Fonds national
de solidarité.
A l'occasion d'un nouvel examen de son dossier par la COTOREP
du Var, le 28 juin 1990, le taux d'incapacité a été
jugé inférieur à 80 %. La C.R.I. puis la
C.N.T. ont même ramené, en 1991, le taux d'incapacité
à 50 %. Ne comprenant pas cette modification substantielle
du taux d'incapacité, 16 ans après sa reconnaissance,
la requérante demandait à être éclairée
sur ces décisions défavorables.
Dans cette affaire, il est apparu que :
* l'attribution des avantages sociaux a été relativement
libérale durant la période de prospérité
économique des " 30 Glorieuses "; ce qui, correspondant
à une croissance réelle, était légitime.
A ce titre, de nombreux malades, quoique ne remplissant pas exactement
toutes les conditions pour bénéficier de ces avantages,
ont pu toutefois en bénéficier. Le taux de 100 %
correspond aux infirmités les plus graves. A ce titre,
en matière de lésions auditives, les barèmes
prévoient que le taux de 100 % ne peut être attribué
qu'en cas de surdité totale des deux oreilles, ce qui n'était
pas le cas de la requérante.
* l'expert consulté par le Médiateur a conclu que
Mme H... disposait de larges capacités restantes et n'était
heureusement pas totalement invalide, puisque l'audition du côté
droit restait correcte. Ainsi, en lui attribuant un taux inférieur
à 80 %, la COTOREP a fait une exacte application des principes
médicaux qui président à l'évaluation
des handicaps. Mais, le déficit d'explication de la décision
justifiait l'incompréhension de Mme H... à qui le
Médiateur a pu préciser les raisons de la décision
et ainsi la faire mieux accepter.
Cependant, quelques décisions demeurent encore parfois
incohérentes et le Médiateur parvient ainsi à
corriger des erreurs de droit (dossier n° 93-0166).
Ainsi, M. B..., âgé de 65 ans et invalide à
90 %, s'est vu refuser le renouvellement de l'insigne de grand
invalide civil par la COTOREP qui avait pris l'avis d'un expert
alors que son état de santé n'avait pas subi d'amélioration.
Titulaire de ce macaron depuis 1987, il en demandait le renouvellement
en 1992. Or, il était bénéficiaire d'une
carte d'invalidité valable jusqu'en 1995, et, en application
du décret n° 90.1083 du 3 décembre 1990, le macaron
devait être attribué " pour la durée
de validité restante de sa carte d'invalidité ".
Le renouvellement du macaron G.I.C. n'aurait donc jamais dû
être refusé à M. B... et les responsables
de la COTOREP ont reconnu cette erreur qui a pu être rectifiée.
- Les problèmes de compétence territoriale
La COTOREP compétente peut, en principe, être celle
du département où le handicapé est placé.
Cette exception au principe de la règle de compétence
territoriale de la COTOREP en fonction du lieu de résidence
de la personne, lorsque le handicapé est placé dans
un foyer de vie se trouvant hors du département où
il réside, a pour objet d'assurer un meilleur suivi et
une prise en compte la plus complète possible des besoins.
Dans la pratique, certains directeurs de foyers signalent les
difficultés à faire examiner par la COTOREP du département
sur lequel est implanté le foyer, les demandes de renouvellement
de placement, d'A.C.T.P., etc. Les commissions renvoient, le plus
fréquemment, l'examen des demandes vers la COTOREP du département
où se situe le domicile de secours, ce qui crée
des complications.
Par ailleurs, la règle veut que, dans le cas où
le handicapé change de département de résidence,
la décision prise par la COTOREP du département
d'origine continue à s'appliquer jusqu'à son terme.
Le département dans lequel vient s'installer la personne
handicapée doit donc liquider l'aide ou l'allocation, compte
tenu du taux déterminé par la commission du département
d'origine.
Dans la réalité, la plupart des départements
font réexaminer par leur propre COTOREP les décisions
prises par celles des autres départements, lorsque le bénéficiaire
vient s'installer sur leur territoire, quelle que soit la date
d'échéance de la décision. Bien entendu,
ces réexamens sont, le plus souvent, orientés vers
des abaissements de taux.
- Des difficultés au niveau du contentieux
De nouvelles difficultés ont également été
signalées au Médiateur de la République dans
les dossiers et au cours de l'enquête, notamment en matière
de frais d'expertise. En effet, en cas de contestation en matière
de refus d'attribution du macaron G.I.C., la personne handicapée
peut saisir le tribunal administratif. Or, les médecins
experts, qui traitent la part médicale du contentieux,
doivent être rétribués par le requérant
(pour une somme qui varie de 1.500 F à 2.000 F). Ce prix
peut être un obstacle pour beaucoup et il s'oppose au principe
de gratuité d'accès à la justice administrative.
Les dysfonctionnements constatés des COTOREP appellent
d'urgentes réformes et les pouvoirs publics en sont saisis.
Ces commissions doivent être renforcées dans leurs
moyens, notamment en personnel. Les responsables de la COTOREP
des Hauts-de-Seine qui se sont volontiers prêtés
aux investigations du Médiateur pour une enquête
sur le fonctionnement de ces commissions l'ont souligné
: le nombre de demandes augmente, mais les moyens et, par exemple,
le nombre de vacations des médecins n'augmentent pas en
proportion. Pourtant
cette COTOREP parvient à examiner les dossiers dans un
délai de 3 mois seulement, au prix d'efforts importants
dans l'organisation du service. Par ailleurs, ses responsables
ont également le souci de l'accueil et de l'information,
qu'on ne trouve pas partout.
Les réformes à envisager, qu'elles soient de fond
ou ponctuelles, représentent un travail de longue haleine,
pour que les principes de la loi d'orientation de 1975 ne restent
pas lettre morte, et que l'aide aux personnes handicapées
demeure, comme elle doit l'être, une obligation nationale,
présente à l'esprit et dans les faits.
IV. L'INTÉGRATION
SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE DES JEUNES HANDICAPÉS
La promotion de l'autonomie personnelle et de l'intégration
sociale des personnes handicapées, quels que soient la
nature et le degré du handicap, constitue l'objectif principal
de la loi d'orientation du 30 juin 1975. L'éducation, la
formation et l'orientation professionnelle constituent, aux termes
de l'article 1er de la loi, une obligation nationale.
A cet effet, l'article 4 de la loi énonce le principe de
l'obligation éducative qui concrétise au profit
des jeunes handicapés leur droit à l'éducation
compte tenu de la nature du handicap dont ils souffrent.
L'article 4 prévoit qu'" ils satisfont à cette
obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit
à défaut, une éducation spéciale,
déterminée en fonction des besoins particuliers
de chacun d'eux par la commission instituée à l'article
6 (ndlr : CDES).
L'éducation spéciale associe des actions pédagogiques,
psychologiques, sociales, médicales et paramédicales;
elle est assurée soit dans des établissements ordinaires,
soit dans des établissements ou par des services spécialisés.
Elle peut être entreprise avant et poursuivie après
l'âge de la scolarité obligatoire ".
S'agissant de la formation et de l'orientation professionnelles,
la loi du 30 juin 1975 rappelle dans son article 5-II que : "
l'État participe à la formation professionnelle
et à l'apprentissage des jeunes handicapés :
1°) Soit en passant les conventions prévues par le titre
II du livre IX du Code du travail relatif à la formation
professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente
et par le chapitre VI du titre 1er du livre 1er du code du travail
relatif aux centres de formation d'apprentis;
2°) Soit en attribuant des aides spéciales au titre de leurs
dépenses complémentaires de fonctionnement aux établissements
spécialisés reconnus par le ministre chargé
de l'agriculture ".
On observera qu'à aucun moment, la loi du 30 juin 1975
ne mentionne l'enseignement supérieur qui pourtant, en
raison même du principe de non discrimination, a l'obligation
d'accueillir tous les jeunes handicapés qui ont la vocation
et la capacité à poursuivre des études supérieures.
Actuellement, plus de 20 % des enfants d'âge scolaire hébergés
en établissement ou suivis par un service médico-social,
ne peuvent du fait de leur handicap, satisfaire à l'obligation
scolaire. Il en est de même d'enfants vivant dans leur famille,
sans que leur nombre soit pour autant recensé.
Parmi les jeunes qui suivent une scolarité, environ 27
000 enfants sont inscrits dans une classe ordinaire d'un établissement
de l'Éducation nationale. Les deux tiers sont des handicapés
physiques. L'intégration des déficients intellectuels
ne concerne pratiquement que le premier degré. Plus de
285 000 élèves sont scolarisés dans une classe
d'enseignement spécial, à raison de 70 % dans un
établissement public ou privé sous tutelle de l'Éducation
nationale et 30 % dans un établissement médico-social
ou médical.
Dans les établissements publics de l'enseignement supérieur,
on recensait lors de la dernière année universitaire,
3 049 étudiants répartis à raison de 83,50
% dans les universités, 4,43 % dans les écoles d'ingénieurs
et 12,07 % dans les sections postbaccalauréat des lycées.
Affirmée dans son principe en 1975, la politique d'intégration
scolaire des jeunes handicapés a été encouragée
par les pouvoirs publics notamment à partir des années
1980.
Pour tous les enfants susceptibles d'accéder à l'école
eu égard à la nature de leur handicap, l'intégration
scolaire apparaît en effet, comme une voie particulièrement
adaptée à la formation d'un adulte moins dépendant.
Comme le relevait Henri LAFAY en introduction à son rapport
sur l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés
(publié en 1986), l'idée est désormais acquise
qu'" une incorporation davantage poussée du jeune
handicapé à la société des autres
enfants et adolescents, telle qu'elle se constitue ordinairement
à l'école (lieu et moyen d'apprentissage à
la fois scolaire et social) est d'un grand profit pour la construction
et le développement de sa personnalité ".
S'agissant de l'enseignement du premier et du second degré,
les circulaires des 29 janvier 1982 et 29 janvier 1983 ont marqué
un véritable tournant en permettant la mise en place concrète
des actions d'intégration.
Plus récemment, la loi d'orientation sur l'éducation
du 10 juillet 1989 a rappelé le rôle de l'institution
scolaire en ce qui concerne les élèves handicapés.
Le développement des actions d'intégration est désormais
clairement inscrit dans les missions de l'école, comme
le montre la circulaire interministérielle n° 91-302 du
18 novembre 1991.
Indépendamment de l'épanouissement du jeune handicapé,
la politique d'intégration répond à un second
objectif aujourd'hui clairement affiché qui tient au développement
des échanges entre les jeunes et la reconnaissance réciproque
des différences. " L'intégration d'un élève
handicapé est, selon les auteurs de la circulaire du 18
novembre 1991, un enrichissement pour la communauté éducative
et elle apporte, dans l'éducation à la citoyenneté,
une dimension irremplaçable ".
Dans l'enseignement supérieur, les politiques en faveur
de l'accueil des étudiants handicapés ont longtemps
été plus diffuses , mais ont connu un net développement
au cours des cinq dernières années sous l'impulsion
des services ministériels qui ont incité les universités
à définir une politique vis à vis des étudiants
handicapés.
Les réclamations qui sont soumises au Médiateur
en ce domaine traduisent à la fois les difficultés
que rencontrent les familles face à des interlocuteurs
quelquefois peu sensibilisés aux démarches d'intégration,
mais aussi les difficultés inhérentes à la
démarche elle-même qui repose sur la nécessité
d'élaborer avec un ensemble de partenaires pour chaque
enfant concerné, un projet individuel adapté à
ses besoins, compte tenu de la nature de son handicap, de ses
capacités à suivre un enseignement, de son environnement.
A.L'OBLIGATION D'ACCUEIL DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES
ET UNIVERSITAIRES
Dans l'enseignement primaire et secondaire, le principe énoncé
par la circulaire du 18 novembre 1991 est que l'école,
le collège, le lycée de la commune, du quartier,
du secteur ont, a priori, la mission d'accueillir en intégration
scolaire les élèves handicapés qui relèvent
de leur secteur de recrutement.
En l'absence de difficultés réelles, un refus de
principe ne saurait être opposé à l'intégration
scolaire d'un élève handicapé, que la demande
émane directement de sa famille ou qu'elle se fasse par
l'intermédiaire d'un établissement ou d'un service
spécialisé.
La circulaire distingue deux catégories de situations :
a) Lorsque l'équipe pédagogique, réunie par
le directeur d'école ou le chef d'établissement,
estime remplies les conditions d'une intégration scolaire,
l'accueil immédiat est proposé à la commission
d'éducation spéciale compétente. Il appartient
à la commission de notifier cette intégration, d'être
le garant de l'action engagée et de veiller à la
mise en place d'un projet pédagogique, éducatif
et thérapeutique, en liaison avec les intervenants éventuels
qu'ils relèvent de l'éducation nationale, d'un établissement
ou service d'éducation spéciale, du secteur de psychiatrie
infanto-juvénile ou du secteur libéral.
b) Lorsque l'équipe pédagogique, réunie par
le directeur d'école ou le chef d'établissement,
estime que les conditions de cette intégration ne sont
pas effectives, le directeur d'école ou le chef d'établissement
doit expliquer le refus d'accueil au demandeur puis saisir sans
délai la commission d'éducation spéciale
compétente à qui il revient de proposer à
la famille une réponse adaptée aux besoins de l'enfant
ou de l'adolescent :
- accueil dans l'école ou l'établissement du quartier,
après que les conditions d'une intégration réussie
auront pu être réunies;
- accueil dans une autre école ou un autre établissement
scolaire, avec les mesures dérogatoires éventuellement
indispensables (secteur scolaire, transports...);
- accueil dans un établissement spécialisé
avec, éventuellement, une intégration à temps
partiel en milieu scolaire ordinaire.
En aucun cas, la responsabilité de rechercher une solution
à la scolarisation ou à l'éducation de l'enfant
ou de l'adolescent ne peut être laissée à
la famille seule, ce que certaines d'entre elles ignorent comme
le montre la réclamation n° 92-5194.
Un professeur qui adopte deux enfants trisomiques, Bertrand âgé
de 5 ans et Catherine âgée de 3 ans 1/2, a souhaité
les scolariser en milieu ordinaire.
Bertrand est ainsi entré à l'école maternelle
en septembre 1991, avec l'accord de l'institutrice. Lors de la
rentrée scolaire 1992, l'intéressée demande
à inscrire sa fille en maternelle en choisissant un autre
établissement, après avoir obtenu l'accord de l'institutrice
et de la directrice.
Quelques jours plus tard, elle reçoit de l'inspecteur primaire
un courrier l'informant que l'inscription d'un enfant trisomique
dans une école est soumise au préalable à
la procédure de l'intégration et lui suggère
de se conformer à ce cadre.
En conséquence de quoi, l'institutrice n'a plus accueilli
Bertrand en classe.
Devant cette attitude, qu'elle considère comme un blocage
délibéré, l'intéressée saisit
le Médiateur de la République.
Cette réclamation illustre bien les difficultés
du dialogue susceptibles de se faire jour lorsque ni les familles,
ni les enseignants ne sont suffisamment informés des procédures
à mettre en úuvre. L'intégration de Bertrand
en maternelle sur la seule acceptation de son institutrice correspond
à l'hypothèse d'intégration " sauvage
" évoquée dans les rapports officiels relatifs
à l'intégration scolaire. En l'espèce, il
ne pouvait être reproché à l'inspecteur primaire
de vouloir engager tant la famille que les enseignants, le psychologue
scolaire et l'établissement spécialisé, dans
la définition d'un projet d'intégration correspondant
aux besoins de Bertrand et Catherine. En revanche, il faut regretter
la démarche suivie pour le réexamen de la situation
de Bertrand et, notamment, l'absence dans un premier temps de
toute mesure d'information vis-à-vis de la famille et dénoncée
par celle-ci.
Dans l'enseignement supérieur, diverses mesures témoignent
de la volonté des pouvoirs publics de faciliter l'insertion
des étudiants handicapés. C'est ainsi que depuis
1992, les services ministériels diffusent une liste des
personnes chargées, dans chaque université, d'assurer
la coordination des différentes actions en faveur des étudiants
handicapés et d'être leur interlocuteur privilégié
pour aplanir leurs difficultés. Par ailleurs, la direction
des enseignements supérieurs a édité en mai
1993, une brochure intitulée " l'accueil des étudiants
handicapés dans l'enseignement supérieur ",
destinée au grand public, qui outre le nom de la personne responsable de l'accueil, énumère,
université par université ainsi que pour chacune
des écoles publiques d'ingénieurs, les facilités
que celles-ci offrent aux étudiants handicapés en
ce qui concerne l'accessibilité des locaux, les conditions
de logement, de restauration, de transport, la possibilité
de bénéficier d'un enseignement adapté, d'une
aide à l'insertion professionnelle, etc. On relèvera
que dans plusieurs universités et écoles d'ingénieurs,
il existe, grâce à des associations ou grâce
à l'affectation de jeunes objecteurs de conscience, une
structure d'accueil spécialisée susceptible d'apporter
son concours aux jeunes handicapés qui souhaitent intégrer
les établissements.
S'agissant des grandes écoles, un certain nombre d'établissements
restaient jusqu'à présent fermés aux étudiants
handicapés, faute d'un aménagement des concours
d'entrée comme le montre la réclamation n° 92-2498.
Xavier est devenu très malvoyant en classe de seconde.
Il a appris le braille, qui est maintenant pour lui un outil indispensable
dans la poursuite de sa scolarité et a pu être admis
dans une classe de mathématiques supérieures ayant
l'intention de préparer le concours d'entrée à
l'École Centrale.
Au cours de l'année scolaire, son père a interrogé
les services des concours des différentes grandes écoles
pour savoir si les aménagements prévus par les circulaires
des 30 août 1985 et 24 avril 1986 en ce qui concerne les
examens universitaires, étaient mis en place pour les épreuves
écrites des concours. A sa grande surprise, il a reçu,
le 10 décembre 1991, une réponse négative
de la part du responsable du service concours de l'École
Centrale de Paris, qui lui précisait que :
" Les candidats handicapés subiraient les épreuves
du concours session 1992 dans les mêmes conditions que les
autres candidats. En particulier, aucun temps supplémentaire,
ou assistance spécifique, durant les compositions écrites
ou orales ne pourrait leur être accordé ".
Le secrétaire du jury de cette même école
devait confirmer explicitement dans une lettre du 13 décembre
1991, qu'il n'était " pas possible au fils de l'intéressé
d'écrire sa copie en braille ou d'utiliser un ordinateur
avec matériel d'impression pour la rédiger ".
Depuis lors, les conditions d'admission à l'École
Centrale ont été modifiées par un arrêté
du 1er décembre 1992, publié au Journal Officiel
du 9 décembre 1992. Maintenant, les candidats handicapés
physiques, moteurs ou sensoriels, qui se présentent au
concours de l'École Centrale ont la possibilité
de composer dans des conditions conformes à la loi de 1975.
L'arrêté prévoit en effet que " sur la
demande des handicapés, le président du jury, sur
proposition du jury et après avis du médecin rattaché
à l'école, fixera pour chacun des candidats concernés
les dispositions particulières, pouvant aller jusqu'à
la dispense d'une épreuve, de telle sorte qu'ils puissent
concourir dans des conditions équitables compte tenu de
leur handicap ".
Cette réforme relève du train de mesures annoncées
par le secrétaire d'État aux Handicapés en
juin 1992, lors des assises nationales consacrées à
l'intégration des étudiants handicapés à
l'université. Celui-ci avait alors proposé de modifier
les concours d'entrée de plusieurs grandes écoles
afin d'accorder aux étudiants handicapés les facilités
accordées pour les examens organisés par les universités.
B. LE PROJET INDIVIDUEL
Chaque intégration, pour être réussie, doit
répondre aux besoins particuliers du jeune handicapé.
Dans l'enseignement primaire et secondaire, les formes de l'intégration
sont précisées par le projet individuel tandis que
les projets d'écoles ou d'établissements prennent
en compte les actions conduites ou à conduire au niveau
de l'établissement pour favoriser les politiques d'accueil
vis à vis des handicapés.
Dans l'enseignement supérieur, la démarche relative
au projet individuel n'est pas expressément formalisée.
Elle existe implicitement à travers les structures d'accueil
mises à disposition des étudiants. Aussi, les développements
qui suivent seront consacrés au premier et second degré.
L'intégration en milieu scolaire ordinaire peut être
individuelle ou collective, à temps partiel ou à
temps plein, mise en úuvre dans une classe ordinaire ou
spécialisée. Elle peut faire l'objet d'actions de
soutien extérieur.
L'intégration étant un processus dynamique, la formule
à temps partiel peut constituer une étape vers une
intégration à temps plein. De la même façon,
l'intégration collective en classe spéciale peut
conduire à une intégration en classe ordinaire,
même à temps partiel. Dans la circulaire du 18 novembre
1991, il est rappelé qu'il convient d'éviter que
les classes spécialisées qui ont une mission d'intégration
deviennent, de fait, des structures ségrégatives.
Sur ce point, on rappellera que l'objectif des classes d'intégration
scolaire, créées par la circulaire n° 91-304 du
18 novembre 1991, est de permettre aux élèves qui
y sont admis de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire
ordinaire. Ces classes se substituent à toutes les classes
spéciales : classes de perfectionnement, classes pour handicapés
sensoriels, classes pour handicapés moteurs, etc.
De 1982 à 1991, on a pu observer une diminution des effectifs
d'enfants scolarisés en classe de perfectionnement de 27
% en raison de plusieurs facteurs liés aux actions de prévention
(GAPP et réseaux d'aides spécialisées), à
une meilleure prise en charge de la difficulté scolaire
dans les classes ordinaires ainsi qu'à la mise en úuvre
récente de la classification internationale des handicaps
qui ne reconnaît pas la déficience intellectuelle
légère et qui retire aux classes de perfectionnement
leur public défini.
Les CLIS permettent de rompre avec la notion classique de classe
spéciale en intégrant à la fois les fortes
demandes de scolarisation en milieu ordinaire qui émanent
des parents tout en tenant compte du handicap de l'enfant. Les
classes d'intégration scolaire accueillent de façon
différenciée, dans certaines écoles élémentaires
ou, exceptionnellement, maternelles, des élèves
handicapés physiques ou handicapés sensoriels ou
handicapés mentaux qui peuvent tirer profit, en milieu
scolaire ordinaire, d'une scolarité adaptée à
leur âge et à leurs capacités, à la
nature et à l'importance de leur handicap. Ces classes
accueillent des enfants dont le handicap a été reconnu
par une commission de l'éducation spéciale. L'admission
est subordonnée à la décision de l'une de
ces commission. Un effectif est limité à 12 élèves.
Leur mise en place est en cours de réalisation progressive
en fonction des réalités locales et des initiatives
impulsées par les services académiques de chaque
département.
Quelles que soient les modalités de scolarisation retenues,
la démarche d'intégration est le résultat
d'une action concertée qui se matérialise par l'élaboration
d'un projet individuel qui de par sa dimension à la fois
pédagogique, éducative et thérapeutique,
permet d'organiser la vie quotidienne de l'enfant au sein de l'établissement
scolaire, en définissant les moyens mis en úuvre.
C'est dans ce cadre que sont définies les méthodes,
la fréquence des interventions, les matériels pédagogiques
nécessaires, les modes de rééducation prévus,
l'adaptation du rythme scolaire, les modalités de collaboration
entre les enseignants et les personnels spécialisés
non-enseignants, les modalités de participation des parents,
etc. C'est dans le projet que peuvent être arrêtées
les dérogations aux limites d'âge généralement
opposables pour l'accès aux différents niveaux d'enseignement,
aux conditions habituelles de déroulement de la scolarité.
D'une façon générale, les dérogations
doivent être admises chaque fois qu'elles ne sont pas préjudiciables
au fonctionnement de l'établissement scolaire. Leur limite
étant que l'élève doit être capable
d'assumer les contraintes et exigences minimales qu'implique la
vie scolaire. Il doit, par ailleurs, avoir acquis ou être
en voie d'acquérir une capacité de communication
et de relation aux autres compatible avec les enseignements scolaires
et les situations de vie et d'éducation collective.
Dans la pratique, la mise en úuvre de ce projet individuel
apparaît un préalable nécessaire de nature
à éviter des difficultés dans l'intégration
du jeune handicapé comme le montre la réclamation
n° 91-3796.
Le jeune Éric, âgé de 18 ans, est atteint
d'un handicap lié à sa surdité nécessitant
un soutien pédagogique, dans le cadre de sa scolarisation
au lycée.
Depuis 1989, sa mère avait saisi différents services
dépendants du ministère de l'Éducation nationale,
sans pouvoir obtenir satisfaction. A l'occasion du renouvellement
de sa demande d'allocation spéciale, la commission départementale
d'éducation spéciale a rappelé en observation
à sa décision du 7 juin 1991, la nécessité
d'un soutien pédagogique en faveur d'Éric.
Aucune suite n'ayant été donnée aux diverses
demandes présentées, cet appui pédagogique
n'a pu être concrétisé à la rentrée
scolaire 1991 et la mère d'Eric a donc été
obligée de pallier par ses propres moyens, l'absence de
soutien et a, en définitive, sollicité l'intervention
du Médiateur de la République.
A l'occasion d'une première démarche, le Médiateur
de la République, s'appuyant sur la loi de 1975, les circulaires
des 29 janvier 1982 et 1983, a demandé au ministre de l'Education
nationale, la mise en place des actions de soutien pédagogique
recommandées au bénéfice du jeune Eric ou
à défaut la prise en charge par l'État des
frais engagés pour organiser un tel soutien. Contre toute
attente, cette demande s'est heurtée à un refus
motivé par le fait que ni la DDASS ni la CDES ne peuvent
prescrire des actions de soutien scolaire assurées par
ces enseignants et par le fait que dans le secteur géographique
concerné, il existait dans un autre lycée, une structure
d'enseignement adaptée à l'accueil des malentendants.
Le Médiateur de la République ne pouvait, à
l'évidence, se satisfaire d'une réponse se faisant
l'écho des prérogatives respectives de deux administrations
alors même qu'elles ont pour mission de travailler en concertation
et qu'en l'occurrence, la mère d'Eric s'était initialement
adressée aux autorités éducatives pour solliciter
le soutien pédagogique dont avait besoin son fils. De la
même façon, l'argument relatif au choix de l'établissement
apparaissait contraire aux modalités mêmes définies
par la circulaire du 18 novembre 1991. C'est donc par une recommandation,
fondée sur les dispositions de la circulaire du 29 janvier
1983, selon laquelle il appartient au chef d'établissement,
dès lors que l'accueil suscite un besoin particulier, de
rechercher avec les autorités académiques les solutions
et les moyens susceptibles d'y répondre. À la suite
de cette seconde démarche, un quota d'heures supplémentaires
a été accordé en mars 1993 à l'établissement
pour permettre la mise en úuvre du soutien nécessaire
à la réussite de cette intégration individuelle.