L'institution, en 1978, de la fonction de délégué
départemental, sous le nom de " correspondant du Médiateur
", est une mesure à laquelle le temps n'a cessé
de donner raison.
À l'époque où a été adopté
le principe de la création d'une autorité indépendante
ayant pour mission de régler les litiges par d'autres voies
que celle des tribunaux, la situation de l'administré qui
souhaitait obtenir réparation d'une erreur lui portant
préjudice était souvent aléatoire.
Cinq ans après la création du Médiateur,
ses services avaient reçu plus de 4 000 dossiers, ce qui
représentait une augmentation de près de 150 % par
rapport au premier bilan annuel de l'institution. Cette charge
devenait très lourde pour l'équipe réduite
dont disposait le Médiateur. Cela d'autant plus que, les
résultats obtenus ayant eu pour effet l'accroissement de
la notoriété de l'institution, un important développement
de son activité était prévisible.
Antérieurement à la décentralisation, la
quasi-totalité des litiges portaient sur des actes émanant
des services extérieurs de l'État. Pour l'administré
qui présentait une requête comme pour les services
de la Médiature qui s'efforçaient de la conduire
vers une solution satisfaisante, l'absence d'un relais local était
un handicap. Le requérant était dépourvu
du moyen d'obtenir sur place un éclaircissement ou un conseil
sur les moyens de résoudre ses difficultés. Pour
le Médiateur, la difficulté était de compléter
rapidement son information sur le sujet du litige.
La création d'un correspondant local répondait à
ce double besoin. Elle permettait en outre à l'administré
de trouver les voies d'un accueil attentif, facteur contribuant
de façon importante à le rassurer devant les difficultés,
voire le désarroi.
Après une courte période d'expérience, effectuée
dans quelques circonscriptions, la décision a été
prise d'installer dans chaque département un " correspondant
du Médiateur " avec une mission élargie et
qui, avec le temps, s'accroîtra progressivement.
Ainsi s'établira une collaboration permanente entre les
" correspondants " et les services centraux de la Médiature
dans le traitement des réclamations : recherche d'éléments
d'information sur des affaires ponctuelles, vérification
des déclarations présentées dans une réclamation,
et éventuellement, fourniture d'un avis motivé sur
l'objet dont la Médiature est saisie.
L'activité essentielle du " correspondant " recouvre
un espace fort étendu. Sont de son ressort tous les différends
entre le citoyen et l'administration, dans toute l'acception du
mot, se rapportant au fonctionnement organique des services locaux,
sans soulever de sujet de droit délicat, que le différend
peut être aisément aplani par un réexamen
attentif.
Lorsque le cas présenté pose des problèmes
délicats, qui ne peuvent être résolus sur
place, le " correspondant " guide le réclamant
vers le Médiateur par l'intermédiaire d'un parlementaire.
Sa contribution dans de telles circonstances est d'un intérêt
très appréciable et elle allège d'autant
la charge des services centraux.
La compétence des " délégués
départementaux " (dénomination donnée
en 1986 aux correspondants du Médiateur) leur a valu d'être
appréciés par les services déconcentrés
de l'État, également par une grande partie des collectivités
territoriales et par certaines juridictions qui souhaitaient leur
confier des tâches de conciliation judiciaire. Bien qu'une
telle charge n'entre pas dans leur statut, le Médiateur
de la République les a autorisés à apprécier
par eux-mêmes la réponse qu'il convenait d'apporter,
au cas par cas, à de telles démarches.
On peut estimer que quatre cinquièmes au bas mot des litiges
portés à la connaissance de l'institution - délégués
départementaux inclus - sont traités par ceux-ci.
Sans la création du délégué départemental,
l'institution n'aurait pas pu assumer, seule, dans des conditions
satisfaisantes, une charge d'une telle ampleur.
Il ne fait pas de doute que le nom de " délégué
départemental " substitué à celui de
" correspondant du Médiateur " a opéré,
aux yeux du public et des institutions, une image plus significative
du rôle qui lui est imparti dans le cadre de la mission
du Médiateur de la République.
La mesure nous en est donnée par le fort accroissement
(près de 24 %) du nombre des affaires reçues par
les délégués au cours de l'année qui
a suivi le changement de dénomination.
Un tel contexte est de nature à conforter l'audience du
délégué. De fait, les relations avec les
institutions locales sont facilitées et le dialogue avec
elles simplifié.
" Je n'ignore pas les difficultés, en termes de charge
de travail, qu'induit une plus grande notoriété
", déclarait le Médiateur de la République
devant les délégués départementaux
lors de la journée de rencontre organisée dans les
locaux du Sénat, le 8 juin 1994 (voir en fin du chapitre
le programme de cette journée).
À l'égard des délégués, une
première étape d'un plan défini, visant à
atténuer le poids de leurs charges, a été
arrêtée. Elle porte sur l'installation d'un système
d'accès, par voie minitel, à des sources d'informations
sur l'évolution des dossiers en cours que suivent les délégués,
comme aussi sur les questions, généralement écrites,
qu'ils posent à propos de cas de caractère complexe.
De ces contacts rapprochés, on peut escompter des conditions
meilleures de travail de nature à faciliter davantage leurs
rapports avec les organismes auteurs de la mesure contestée.
En effet, même si les agents et représentants de
la collectivité s'accoutument aux interventions et visites
des délégués du Médiateur et, dans
l'ensemble, leur réservent progressivement un meilleur
accueil, certaines difficultés demeurent. Probablement
ces difficultés proviennent-elles du sentiment qui habite
l'agent du service public d'assurer le règne " de
l'ordre et de la loi ". Les frustrations de l'administré,
son sentiment de révolte sont alors réduits à
un absolu incontournable.
Dans ce déroulement des choses, le délégué
s'est défini une démarche qui tend, au-delà
de l'analyse juridique du fait, à déterminer la
compréhension du problème évoqué en
termes d'équité, permettant ainsi à l'interlocuteur
de mesurer objectivement la nécessité et la portée
de la décision qu'il est appelé à prendre.
Les progrès qui naissent de ces choix ont permis de parvenir
à des résultats appréciables, comme en attestent
quelques-uns des cas traités par les délégués
dans leurs ressorts respectifs, présentés par nature
de sujets.
1er cas - Après dix-sept ans de services, une employée
dans un centre de vacances est congédiée.
L'employeur, qui est la Caisse des écoles, confie à
une association la gestion du centre. Disposée à
verser à l'intéressée une indemnité
de licenciement, la caisse refuse cependant de lui allouer les
allocations de chômage, en se fondant, à tort semble-t-il,
sur les dispositions d'une convention conclue relative à
l'assurance-chômage.
L'ASSEDIC, de son côté, refuse la prise en charge
en raison du statut de droit public de l'établissement
employeur.
Il a fallu l'intervention du délégué pour
amener l'employeur, au bout de plusieurs mois d'atermoiements,
à accepter de servir les allocations demandées.
2e cas - Un ressortissant sénégalais, de nationalité
française, installé en France, a contracté
mariage dans son pays d'origine.
Pour son épouse qui l'a rejoint quelque temps après,
il sollicite la délivrance d'un titre de séjour.
Dans le dossier présenté, manquait l'attestation
d'une couverture sociale valable pour une année. La demande
n'a donc pas eu de suite.
Par ailleurs, cette femme, faute de posséder un titre de
séjour ne sera pas admise à adhérer à
l'assurance personnelle.
Ces difficultés conduiront le délégué
à intervenir auprès de la préfecture. Il
obtiendra de celle-ci qu'elle renonce à exiger l'attestation
de couverture sociale. De plus, l'intéressée bénéficiera
de la couverture avec rétroactivité.
3e cas - Accaparé par ses activités professionnelles
de prestataire de nettoyage industriel, M. X... n'avait déposé
ni sa déclaration professionnelle de résultats,
ni sa déclaration de revenu global, malgré l'envoi
de mises en demeure par les services fiscaux.
Cette inattention de sa part lui vaut d'être l'objet d'une
taxation d'office de près de 450 000 F.
Peu de temps après, son entreprise fait faillite et M.
X... sombre dans le chômage.
Les services fiscaux persistent dans leur action, jusqu'à
entreprendre des saisies sur le salaire de l'épouse.
L'intervention du délégué auprès des
services fiscaux conduit à une issue favorable. Grâce
aux justificatifs et aux précisions fournis, l'intéressé
bénéficiera d'un dégrèvement de la
quasi-totalité du rappel en principal et en pénalités.
D'autre part, le Trésor public adressera à l'employeur
de l'épouse une mainlevée sur les salaires de celle-ci.
4e cas - À la suite de travaux sur des lignes électriques
traversant son champ, un agriculteur a subi des dommages provoqués
par les déchets métalliques et les restes d'un pylone
abandonnés au sol. Il demande à la société
EDF de l'indemniser pour la destruction du pneu de son tracteur
et de la perte de la récolte de luzerne viciée par
le mélange de cuivre, broyé par la machine à
ensiler, rendant impropre sa consommation par les animaux.
La société EDF s'y refuse du fait que les travaux,
à la suite desquels ces dégâts se sont produits,
ont été effectués par un sous-traitant.
Le délégué, sollicité par l'agriculteur,
s'est adressé au service du contentieux EDF. Il obtient
la reconnaissance de la responsabilité de
cet organisme dans cet incident. Une expertise est engagée
pour l'évaluation de l'indemnisation.
5e cas - Une assurée à la CPAM, en état de
maternité, s'est vu rejeter sa demande de versement des
indemnités journalières au motif qu'elle ne réunissait
pas, au cours de la période de référence
(1.07.91-30.09.91), les 200 heures de travail nécessaires
pour l'allocation de ces indemnités.
Le litige portait sur l'absence de prise en considération
de périodes non travaillées.
Le délégué démontrera que l'assurée
n'avait jamais cessé de cotiser depuis le mois de juin
1989 jusqu'au mois de novembre 1991. Au cours de cette période,
la CPAM et la CNAF avaient eu à verser à l'intéressée
des allocations, soit de maladie ou de pré et de post-natalité,
soit de congé parental d'éducation.
Ces congés ou ces maladies devaient donc être assimilés
à des périodes d'activité.
Satisfaction a fini par être donnée aux réclamation
de cette personne.
6e cas - Mme X..., ingénieur en informatique dans une importante
société, est licenciée économique
depuis le mois de mars 1993, à l'âge de 60 ans.
Ne totalisant que 137 trimestres, elle ne pouvait bénéficier
de sa pension de retraite. Elle n'atteindra le nombre de trimestres
requis qu'en 1997.
Ses ressources se réduisent aux allocations de chômage
servies par l'ASSEDIC.
Cependant, depuis la date de son licenciement, l'intéressée,
faute d'aide, n'a pas su faire aboutir ses démarches et
s'est donc trouvée démunie de toutes ressources.
Sa situation est portée à la connaissance du délégué
qui, grâce à ses interventions auprès des
organismes concernés, obtient une meilleure prise en considération
du problème posé.
Ainsi Mme X... a pu, tout récemment, obtenir ses indemnités
de chômeur.
RÉUNION DES DÉLÉGUÉS DÉPARTEMENTAUX
La réunion s'est tenue au Sénat, salle Clemenceau,
le mercredi 8 juin 1994
Accueil par Monsieur René MONORY, Président du Sénat
Interventions :
Jacques PELLETIER
Jean LE COZ
Évolution de la mission des délégués
Françoise MEFFRE
Transmission et constitution des dossiers par les parlementaires
Régine SAINT-CRIQ
Rappel des conditions d'intervention auprès des médias
locaux et retombées médiatiques du rapport 1993
Béatrice LEMAIRE
Présentation du service Minitel
Maxime ATTYASSE
Informations sur le point de départ du régime de
retraite
L'activité réduite et les ASSEDIC
Le décret du 27 mars 1993 relatif aux conditions d'ouverture
des droits des assurés sociaux
Jean-Michel ROUGIÉ
Nouveau régime de déduction des frais réels
professionnels de déplacement pour les salariés
La procédure de saisie-vente
Sabine FAIVRE
Le Médiateur et les juridictions
Sabine MONCHAMBERT
L'exécution des décisions de justice
Simon-Louis FORMERY
Présentation des réformes en cours et rappels des
recommandations en matière de propositions de réforme
Philippe BARDIAUX
Le Médiateur européen
Les débats qui ont suivi ces interventions ont porté
sur :
- les problèmes posés par le recours à la
force publique dans les cas de saisie-vente;
- l'augmentation du prix de l'eau dans de fortes proportions;
- le risque thérapeutique;
- úuvre de médiation à la demande d'autorités
locales.
17 h 00 : Réception offerte par le Premier Ministre à
l'hôtel Matignon.