LES DÉLÉGUÉS
DÉPARTEMENTAUX, COLLABORATEURS
EXTÉRIEURS DU MÉDIATEUR
L'Institution du Médiateur de la République, installée
à Paris depuis sa création en 1973, connut un succès
rapide auprès des administrés. La mise en place
de correspondants puis de délégués dans chaque
département permit de faire face au volume sans cesse croissant
de requêtes et de répondre au besoin de dialogue
et de conseil manifesté par les administrés.
Leur existence constitue aujourd'hui un élément
essentiel de l'action du Médiateur de la République.
ORIGINE
Par une circulaire du 28 juin 1978, le Premier ministre, par le
canal du ministre de l'intérieur de l'époque, Christian
BONNET, charge Aimé PAQUET - Médiateur de 1974 à
1980 - de mettre en place un réseau de correspondants départementaux.
C'est l'étape initiale de l'évolution de ces collaborateurs
personnels du Médiateur vers leur fonction actuelle de
délégués. Choisis sur proposition du préfet
de département, soit parmi des fonctionnaires de préfecture
en activité ou honoraires, soit parmi des personnalités
étrangères à la préfecture, ils remplissent
leur office à titre expérimental, dans un premier
temps dans neuf préfectures, puis dans tous les départements
à partir de 1979.
Aimé PAQUET définit clairement le champ d'action
de ces collaborateurs : " ...Il s'agit de créer de
simples correspondants qui ne recevront aucune délégation
de ma part, et n'auront pas qualité pour me saisir, le
parlementaire restant investi de ce pouvoir. [...] Leur mission
essentielle consistera donc, outre une information générale
du public, à examiner avec les intéressés
leurs difficultés, à les orienter le cas échéant
vers mes services, et au besoin à les aider à constituer
et à transmettre leur dossier.¬ " (lettre du
Médiateur aux préfets, 13-07-78).
Robert FABRE, troisième Médiateur en titre, confirme
ces instructions en 1982, et marque son intérêt pour
les rapports mensuels d'activités des correspondants qui
apportent ainsi les premiers éléments statistiques.
De plus, l'examen des réclamations étant à
l'origine de l'action " réformatrice " du Médiateur,
l'importance d'un recensement régulier des dossiers s'en
trouve encore accrue (lettre de Robert FABRE aux correspondants,
10-08-82).
Les résultats obtenus sont probants :
En 1980, 100 correspondants départementaux ont reçu
4 286 requêtes, dont un quart (24,5 %) a pu être traité
directement, sans recours au Médiateur. Cinq années
plus tard, en 1985, ce sont 9 820 dossiers, soit plus du double,
qui passent directement par leurs services.
De 1973, date de la création de l'Institution, à
1985, soit 12 ans, le volume des demandes s'est multiplié
par 9, passant de 1 773 dossiers à 16 275. Cette même
année 1985, les correspondants ont reçu plus de
la moitié des demandes globales adressées au Médiateur
de la République.
Au niveau des correspondants, les dossiers sont filtrés
et orientés selon qu'ils relèvent ou non de la compétence
du Médiateur. Par leur action, les correspondants contribuent
ainsi à éviter un trop grand afflux d'affaires vers
les bureaux parisiens de l'Institution. Par ailleurs, leur connaissance
des services administratifs leur permet de traiter certaines affaires
au niveau local par un simple appel téléphonique.
Outre le gain de temps, l'action sociale et humanitaire est indéniable.
Par le décret du 18 février 1986, le Gouvernement
donne aux correspondants le titre de délégués
et officialise ainsi l'Institution aux yeux des services administratifs
locaux. Paul LEGATTE, quatrième Médiateur, désigne
un délégué par département après
consultation du préfet, pour une période d'un an
renouvelable.
Ces responsables de haut niveau, comme les correspondants départementaux
auxquels ils ont succédé, sont des fonctionnaires
issus du cadre des préfectures ou d'autres administrations,
en activité ou retraités.
Ils sont dotés d'un champ de compétences plus large.
Outre le statut de collaborateurs personnels du
Médiateur, les délégués agissent en
son nom et dans le cadre de la délégation de pouvoir
qu'il leur accorde. Alors que le rôle des correspondants
était davantage un rôle de coordination, d'aide et
de conseil, ils peuvent désormais tenter de résoudre
des litiges à l'échelon départemental. Un
nombre non négligeable de problèmes locaux sont
ainsi réglés directement. Par ailleurs, ils continuent
à recevoir, à orienter les réclamants, les
aident à constituer leur dossier, lequel doit parvenir
au Médiateur par l'intermédiaire d'un parlementaire.
Les délégués établissent un rapport
trimestriel d'activités et sont en liaison constante avec
la Médiature qui s'attache à privilégier
au maximum les contacts Paris-province.
Actuellement, les délégués sont au nombre
de 119, dont 18 femmes. L'âge moyen est de 60 ans. 37 %
de ces collaborateurs sont en fonction, pour la plupart dans le
cadre des préfectures. 63 % sont retraités, pour
moitié issus du corps préfectoral et pour la deuxième
moitié provenant d'autres administrations.
La charge des délégués départementaux
ne cesse de croître. Outre le contact direct avec les demandeurs,
ils font connaître localement l'Institution du Médiateur
par des initiatives médiatiques diverses : articles de
presse, interviews radiophoniques ou télévisées,
conférences, etc.
Les statistiques montrent la progression constante de leur activité.
Au premier semestre 1995, 21 761 dossiers ont ainsi été
traités, ce qui représente une augmentation de 32
% en quatre ans.
Dans 17 départements, la nomination d'un deuxième
délégué a été nécessaire.
Bientôt, il est à prévoir que dans certaines
préfectures - c'est déjà le cas pour le Rhône
- la mise en place d'un troisième délégué
devra être envisagée.
Actuellement, après plusieurs années de forte progression,
ces chiffres semblent se stabiliser. Plusieurs explications peuvent
être avancées : d'abord, l'administration, par une
meilleure communication, une plus large information du public,
génère moins de conflits avec les administrés;
d'autre part, la mise en place de procédures diverses,
de médiations internes (médiateur de La Poste, de
la SNCF, de la CNAF...) que le Médiateur de la République
a encouragées et parfois soutenues, permet de régler
certains problèmes en amont. La mise en uvre de réformes
que le Médiateur avait proposées pour remédier
à certains dysfonctionnements, ou encore la pression qu'il
exerce ici ou là sur les services publics peut également
expliquer cette stabilisation quantitative.
1er cas - Mme C... a quitté son emploi pour s'occuper de
son fils, tombé dans le coma à la suite d'un accident
de la circulation.
L'ASSEDIC de sa région lui refuse le bénéfice
de l'allocation chômage au motif qu'elle a quitté
volontairement son poste et qu'elle a également négligé
de rechercher un travail.
Elle fait appel au délégué départemental,
qui rappelle à l'ASSEDIC que :
- En raison des circonstances, Mme C... s'est trouvée dans
un contexte assimilable à un cas de force majeure;
- Divorcée et ayant la charge de trois enfants, elle a
subi, par l'accident dont son fils a été victime,
un grave handicap dans la recherche d'un emploi;
- Dès qu'elle a pu disposer d'un peu de temps, elle a été
admise en " stage de recherche active d'emploi " auprès
de l'IRFA.
Tenant compte de ces observations, la commission paritaire de
l'ASSEDIC a attribué à Mme C..., à titre
de rappel, une somme de 28 000 F.
2e cas - En avril 1994, Mme X... a appelé l'attention du
délégué départemental sur une proposition
de la commission départementale de l'éducation spéciale
qui envisageait de scolariser l'un de ses enfants dans un établisse
ment adapté à sa situation médicale mais
situé hors du département.
L'intéressée, pour des considérations affectives
et familiales, souhaitait que l'enfant ne soit pas trop éloigné
du milieu familial.
Dès le 10 mai 1994, l'inspecteur d'académie, président
de la commission départementale de l'éducation spéciale,
saisi par le délégué départemental,
a décidé que l'orientation de l'enfant serait effectuée
en fonction de ses intérêts, tout en tenant compte
des préférences géographiques exprimées
par ses parents dont les souhaits se sont ainsi trouvés
exaucés.
3e cas - Mme L... est au chômage et perçoit de l'ASSEDIC
les indemnités correspondantes.
Elle reçoit un jour de cet organisme un avis lui ordonnant
de rembourser la somme de 17 585F.
Vivant seule et ayant la charge d'un enfant de 12 ans, elle se
trouve alors dans une situation délicate.
S'étant adressée à l'ASSEDIC, elle apprend
qu'il lui est reproché de cumuler les allocations chômage
avec le revenu d'un travail dans une école. Il s'agit en
fait d'une inter-classe - de 11 h 45 à 12 h - par jour
pendant trois ans, activité que, sur les conseils erronés
de l'ANPE, elle n'avait pas signalée à l'ASSEDIC.
Elle en appelle donc au délégué départemental
du Médiateur qui se voit confirmer par l'ASSEDIC et le
directeur départemental du travail et de l'emploi que Mme
L... aurait dû déclarer toute période d'activité,
quelle qu'en soit la durée, ainsi que le taux de la rémunération.
Le délégué saisit alors le trésorier-payeur
général qui a émis l'ordre de reversement,
et lui explique les circonstances de l'affaire, en insistant sur
la bonne foi de Mme L...
Après avoir examiné sa requête, le trésorier-payeur
général accorde à Mme L... la remise gracieuse
de la totalité de la somme qui lui était réclamée.
4e cas - M. et Mme Y... ont un fils majeur handicapé (100
% à titre définitif) qui ne vit pas sous leur toit,
mais reste intégralement à leur charge.
Pensant bien faire, M. et Mme Y... ont établi une déclaration
distincte de revenus pour leur fils (revenu néant car l'allocation
adulte handicapé n'est pas imposable) et l'ont fait signer
par leur fils.
Si cet imprimé n'avait pas été établi,
le foyer fiscal aurait bénéficié d'une part
supplémentaire car il est reconnu que, quel que soit son
âge, l'enfant répondant à ce critère
est considéré comme étant à charge
des parents, même s'il ne vit pas sous leur toit. L'administration
fiscale considère que le fait d'établir une déclaration
distincte ne permet pas aux parents de bénéficier
de cette disposition.
Saisi du problème, le délégué départemental
du Médiateur a rendu visite au responsable du centre des
impôts concerné, qui a bien voulu admettre la bonne
foi de M. et Mme Y... et a accepté que ce foyer fiscal
bénéficie d'une part supplémentaire pour
les trois dernières années.
5e cas - M. S..., licencié économique à la
fin du mois de juin 1993, a été admis à bénéficier
de l'allocation spécifique de conversion pendant 6 mois
par l'ASSEDIC.
À l'expiration du délai de conversion fin 1993,
l'intéressé a été invité à
s'inscrire à l'ANPE comme demandeur d'emploi.
M. S... se rend dès le 3 janvier 1994 à l'antenne
de l'ANPE de son domicile qui lui confirme, sans autres précisions,
son inscription.
N'ayant rien reçu au bout de deux mois, il interroge sans
succès l'ASSEDIC et l'ANPE. Après neuf mois d'attente,
il saisit le délégué départemental,
qui finit par obtenir de l'ASSEDIC le versement de la somme de
20 973 F représentant les 10 mois de retard.
Après un an d'attente, l'intéressé a donc
enfin récupéré son dû.