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traduction juridique anglais-français
Ces mots et expressions qui font la loi...
Bulletin sur la terminologie juridique anglais-français
par Frédéric Houbert, traducteur
Janvier - Février 2001
Liste des bulletins
Le présent bulletin, destiné initialement aux traducteurs juridiques, intéressera également toute personne désireuse de se familiariser avec la terminologie juridique anglo-saxonne et de mieux comprendre certaines expressions propres au droit français dont le sens est souvent méconnu. Les auteurs étant spécialisés dans le droit commercial et le droit civil, les termes et expressions abordés dans le bulletin relèvent principalement de ces deux domaines, ce qui n'exclut toutefois pas la présence ponctuelle de termes émanant d'autres spécialités.
To procure (that)
Ce verbe, très fréquent dans les contrats, doit
être traduit avec la plus grande prudence. To procure a en
effet plusieurs acceptions et peut parfois prendre le sens, dans certains
contextes, de " se livrer au proxénétisme " (le procurer
étant le " proxénète " et non le " procureur " !),
ce qui, bien évidemment, ne correspond pas au sens que prend le plus
souvent le verbe dans le contexte juridique.
Dans les contrats et autres documents juridiques, to procure a
en fait deux sens principaux. Il peut d'abord signifier " se procurer ", "
obtenir ", ou encore " fournir " ou " assurer la fourniture de ". Ainsi,
le procurement department, dans une entreprise, correspond au "
service achats ". Dans un deuxième cas de figure, to procure
peut être accompagné de la conjonction that et devient
alors synonyme de l'expression to see to it that, que l'on pourra
traduire en français par " faire en sorte que " ou " veiller
à ce que ", comme dans la phrase suivante, extraite d'un accord de
consortium : " The parties shall procure that the Consortium is
terminated in accordance with the procedures set out in Article 21. " : "
Les parties veilleront à ce que le Consortium soit dissous
conformément aux procédures définies à
l'Article 21 ".
Dans les contrats, le verbe gagnera aussi souvent à
être traduit par " obtenir de quelqu'un qu'il fasse quelque chose "
lorsque to procure est associé à un autre verbe au
sein d'une expression qui permet d'introduire une nuance dans les
engagements pris par telle ou telle partie. Par exemple, " The Company
agrees to provide or to procure the provision to Customer of hardware
maintenance... " (extrait d'un contrat de maintenance de matériel
informatique) pourra être rendu de la manière suivante : " La
Société accepte de fournir au Client, ou d'obtenir d'un tiers
qu'il fournisse au Client, un service de maintenance... ". Cette traduction
permet de respecter la nuance que sert à introduire to
procure : en effet, elle sous-entend que si la société
choisit de faire intervenir un tiers pour fournir le service, sa
responsabilité se limitera à trouver ce tiers et ne
s'étendra pas au service lui-même (celui qui fournit le
service en est théoriquement responsable), sauf disposition
contraire dans le reste du contrat. Il n'en serait pas de même si la
clause était rédigée par exemple de la manière
suivante : " La Société accepte de fournir au Client,
directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, un service de
maintenance... ". En effet, dans cette deuxième traduction, la
Société restera dans tous les cas responsable du service
fourni (c'est elle qui " fournit " le service dans les deux cas, même
si c'est par l'intermédiaire d'un tiers) et sa responsabilité
pourra notamment être recherchée en cas de service
défectueux, là encore sauf disposition contractuelle
contraire.
D'une part, d'autre
part
La traduction des contrats ne se limite pas à la
restitution de l'énoncé original dans la langue cible : le
traducteur doit en effet tenir compte des usages propres à chaque
culture juridique et peut être amené à modifier le
texte cible en conséquence. Ainsi, il convient parfois de supprimer,
dans la traduction, des éléments qui apparaissaient dans le
texte original ou, dans le cas inverse, d'ajouter dans le texte cible des
éléments absents du texte source, bien entendu en s'assurant
que cela ne change absolument rien au sens de ce dernier.
Un exemple classique d'ajout dans les textes traduits de
l'anglais vers le français est celui que constitue le couple " d'une
part, d'autre part ", propre aux contrats français. Dans ces
derniers, il est en effet d'usage d'établir clairement la
distinction entre les parties contractantes en introduisant les locutions "
d'une part " et " d'autre part " après la présentation de
chacune des parties, comme dans l'exemple qui suit :
" Le présent contrat de maintenance est conclu entre
La société ...
ci-après dénommée " Le Client ", d'une part,
et
La société ...
ci-après dénommée " Le Fournisseur ", d'autre
part. "
Cette mise en parallèle est propre aux contrats
rédigés en français et le couple " d'une part, d'autre
part " n'a pas son équivalent dans les contrats anglo-saxons. Dans
ces derniers, le parallélisme est en effet établi de
manière beaucoup plus simple, sans que le rédacteur insiste
sur la distinction qui doit être faite entre les parties :
"This Agreement is made on...
Between
..., a company..., hereinafter...
and
..., a company..., hereinafter...".
Le traducteur francophone ne devra donc pas oublier
d'introduire l'expression " d'une part, d'autre part " dans sa traduction,
afin de rendre le texte tout à fait conforme à l'usage en
vigueur dans la culture juridique française. Inversement, dans les
traductions vers l'anglais, il conviendra tout simplement de supprimer
l'expression.
D'autres ajouts pourront être envisagés dans la
traduction, selon ce que le traducteur, et son client, jugent
approprié. Dans la mesure où elle est absente du texte
original, une précision pourra ainsi être apportée, le
cas échéant, sur l'utilisation qui sera faite du terme "
partie(s) " dans le contrat, sous l'une des formes suivantes : " Les
Parties pouvant également être dénommées, en
tant que de besoin, "Partie" individuellement ou "Parties" conjointement.",
ou " La Société... d'une part, et la
Société..., d'autre part, ci-après désignées collectivement "les Parties".".
Invalid
Pour des raisons diverses, la validité d'une clause
contractuelle peut parfois être remise en cause par les parties au
contrat : on dit alors de cette clause qu'elle est void ou
invalid. En français, il convient de parler de clause " nulle
", " frappée de nullité ", " sans effet " (ou " privée
d'effet "), ou " non valable ". " Invalide " ne s'emploie que pour
désigner une personne frappée d'invalidité et est donc
à proscrire dans le cas présent, même si Le Robert
définit notamment l'invalidité comme le " défaut de
validité entraînant la nullité (d'un acte) " (cette
acception y est qualifiée de " vieillie ") et même si on
trouve parfois ce terme dans certaines traductions : " No registration
shall be expunged or amended or held invalid on the ground of... " :
" Aucun enregistrement ne peut être radié, modifié
oujugé invalide du fait de... " (traduction d'une loi
canadienne).
On pourra en revanche dire que la clause a été "
invalidée " (invalider : rendre non valable).
Terms and conditions
Cette expression, qui constitue l'un des plus
célèbres " doublets " de l'anglais juridique, suscite depuis
longtemps des débats passionnés qui ne semblent pas
prêts de s'apaiser. Comme toujours, deux points de vue
fondamentalement différents s'opposent : certains, dont parfois les
juristes eux-mêmes, affirment qu'il faut traduire l'expression, en
français, par " termes et conditions ", arguant qu'une nuance de
sens réelle existe entre les deux termes. D'autres, persuadés
que l'expression anglaise constitue une redondance tout à fait
inutile, préconisent une certaine simplification dans la traduction
: " termes ", conditions ", ou encore " modalités " sont autant de
solutions qui, à leur dire, suffiraient amplement à rendre le
concept véhiculé par l'original.
Sans vouloir à tout prix donner raison à l'un ou
l'autre camp, force est de constater, dans la pratique, que l'expression "
termes et conditions " est très fréquente dans les textes
juridiques rédigés en français, que ceux-ci soient ou
non issus d'une traduction. Pour preuve, la clause suivante, extraite d'un
contrat de concession de vente et de distribution directement
rédigé par des juristes francophones (et donc, a priori, non
déformé par la traduction) : " Par le présent contrat,
le concédant concède, aux termes et conditions
ci-après définis, au concessionnaire, qui accepte, la
concession de vente exclusive des produits pour le territoire
français ". Cet autre exemple, extrait d'un accord de
confidentialité, amène à la même constatation :
" Dans le cadre de cet Accord, les termes "Informations à
caractère confidentiel" recouvrent tous documents, informations et
matériels divulgués par l'une ou l'autre des Parties [...]
aux termes et conditions du présent Accord ". Dans ce
troisième exemple, extrait lui d'une traduction (contrat de
maintenance de logiciel informatique), on se rend compte que le traducteur
a également eu recours au doublet " termes et conditions " en
français : " The Company agrees to provide the Customer with
software support on the terms and conditions set out in this
Agreement." : " La Société accepte de fournir au Client
un service de maintenance pour le logiciel selon les termes et
conditions ci-après définis ".
Avant de s'interroger sur l'opportunité de rendre
terms and conditions par " termes et conditions " ou par une traduction
simplifiée, et en gardant bien à l'esprit les risques
qu'impliquent nécessairement, en traduction juridique,
d'éventuelles simplifications du texte original, il peut sembler
intéressant de s'interroger sur le bien-fondé même de
l'expression originale. D'après Bryan A. Garner, ce " doublet " n'a
aucune raison d'être : " This phrase is among the most common
redundancies in legal drafting [...]. The OED defines terms as 'conditions
or stipulations limiting what is proposed to be granted or done' [...].
Hence terms is sufficient " (Dictionary of modern legal usage, Oxford
University Press, p. 872). Il est en effet incontestable que le sens de "
term " et de " condition ", pris séparément, est très
proche et qu'il serait vain de chercher entre les deux termes une
réelle nuance de sens. Les auteurs du Dictionnaire de l'anglais
économique et juridique (Livre de Poche), des Mots du droit
et du Guide anglais-français de la traduction semblent
être partis du même postulat, à en croire les
traductions qu'ils proposent dans leurs ouvrages respectifs de l'expression
terms and conditions : " conditions contractuelles ", "
modalités ", ou encore " conditions ", les différentes
traductions qui figurent respectivement dans ces ouvrages, vont en effet
toutes dans le sens de la simplification. Luce Jame, dans son ouvrage
L'anglais des assureurs (Belin), propose elle-même, pour " in
the terms and conditions of Article... ", " selon les modalités de
l'Article... ", et " standard terms and conditions " est rendu, dans le
Lexique juridique du Conseil de l'Europe, par " conditions
générales ". Louis Ménard, dans son Dictionnaire de
la comptabilité, propose également " conditions
générales ", ou " modalités ", et précise que
l'expression désigne les " stipulations énoncées dans
un contrat ".
Ces quelques propositions de traduction semblent donner raison
aux partisans de la simplification et de la suppression de la redondance
mais bien entendu, il serait pour le moins hasardeux d'en tirer des
conclusions définitives et de vouloir à tout prix imposer une
solution que certains auront, pour des raisons diverses, du mal à
accepter.
Principales caractéristiques de la langue juridique anglaise et française
et spécificités de la traduction juridique
IV. Les connecteurs et les adverbes
Hereafter, hereby, thereof,
whereas... Les textes juridiques ne seraient sans doute pas ce qu'ils
sont sans ces différents mots que l'on regroupe souvent sous la
désignation collective de " connecteurs " ou de " mots
charnière ".
Les connecteurs sont en effet des
éléments syntaxiques dont se sert le rédacteur pour
assurer l'articulation logique et la fluidité de ses textes. Outre
les termes cités en début de paragraphe, on pourrait aussi
évoquer aforementioned, hereof, hereto, hereunder, therefor
(à ne pas confondre avec therefore), whereof, etc. Ces
différents adverbes permettent en règle
générale une économie de mots par rapport à
l'idée qu'ils permettent de véhiculer : par exemple,
hereof est souvent employé en lieu et place de of this
Contract, of this clause. Les particules " here- " et
"there- ", que l'on retrouve dans la plupart de ces connecteurs,
ainsi que " where- ", sont des outils pratiques qui permettent
d'établir la distance nécessaire par rapport à
l'élément évoqué : ainsi, dans " the parties
hereto ", l'adverbe hereto fait référence au
document que l'on tient en main (" les parties au présent contrat
"), tandis que dans " the parties thereto ", l'adverbe
thereto renvoie à un autre document, qui vient
théoriquement d'être cité.
Les renvois à des
éléments qui viennent d'être cités supposent un
balisage très précis du texte : autrement dit, il faut que le
rédacteur soit très précis dans sa formulation, et
très clair, pour que les adverbes utilisés ne risquent pas de
prêter à confusion. Force est de constater en effet, que les "
connecteurs " ne permettent pas toujours d'éviter les
ambiguïtés qu'ils sont censés combattre. Lorsqu'ils sont
utilisés sans discernement et sans retenue, ces termes sont
toutefois plus souvent générateurs de lourdeur que de
réelle ambiguïté, ce qui a des conséquences sur
le style du texte plutôt que sur le sens à proprement parler.
Au niveau de la traduction, il faut
souvent avoir recours à un certain étoffement pour rendre les
connecteurs : " Errors or omissions in such documents shall not relieve
the Contractor from performing such omitted Work, but such Work shall be
performed by the Contractor as if fully and correctly set forth and
described therein." : "..., et ces Travaux seront
exécutés par le Contractant comme s'ils avaient
été entièrement et correctement définis et
décrits dans ces documents". Dans cette phrase, il s'est
avéré nécessaire de répéter le nom de
référence.
Dans d'autres cas, l'utilisation du
pronom adverbial en peut s'avérer suffisante : " When Contractor
considers that the criteria specified in 1.1 have been satisfied, it shall
notify Owner thereof." : "..., il devra en avertir le
Maître d'ouvrage ". Dans un troisième cas de figure, on
pourra se contenter d'utiliser la traduction " littérale " (celle
que donne le dictionnaire) de l'adverbe : " AB shall deliver the
Documents or a copy thereof to the Licensee upon written notice from
the Owner." : " AB remettra les Documents ou une copie de ceux-ci au
Titulaire de la licence..".
Il est à noter que l'on retrouve
les connecteurs dans presque tous les types de textes, qu'il s'agisse des
textes fondateurs, comme la Constitution américaine, de contrats ou
d'actes, de décisions de justice, etc. En voici quelques exemples :
- " All legislative powers herein
granted shall be vested in a Congress of the United States." ; " When
vacancies happen in the representation from any state, the executive
authority thereof shall issue writs of election to fill such vacancies."
(Constitution américaine)
- " In consideration of the mutual covenants
contained herein, the parties hereto agree as follows."
(Contrat d'achat)
- " You hereby purchase from us on the
date hereof your Agreed Percentage Share of the Term Loan and the
Revolving Credit Facility on the date thereof." (Participation
Agreement). Hereof signifie ici of this Agreement, tandis que
thereof renvoie à Term Loan.
- " The office of a Director shall be vacated by his written resignation. Such resignation shall become effective on the date
fixed therein, or upon the delivery thereof to the Company, whichever is
later." (Articles of Association). Dans cette phrase, therein
équivaut à in such resignation.
On peut aussi remarquer que si les
hereof, hereto ou aforementioned témoignent de toute
évidence d'une certaine longévité, les composés
plus complexes, comme hereinbefore, thereinunder, ou wheretofore ont eux
tendance à disparaître des textes juridiques modernes.
Outre les termes cités
jusqu'à présent, il convient également
d'évoquer les pronoms such, said et same, qui
remplissent eux aussi le rôle de mots charnière. Ces
différents pronoms, qui remplacent les noms auxquels ils renvoient,
sont en règle générale utilisés afin
d'éviter les répétitions. Ils doivent être
traduits respectivement par ce (ou cette, ces), ledit
(ou ladite), et celui-ci (ou celle-ci), même si
ici aussi, comme toujours en traduction juridique, tout dépendra du
contexte. Ainsi, dans l'exemple suivant, same est rendu de deux
façons différentes sans que celui-ci soit utilisé :
" The company shall provide and maintain for the sole use of the
employee while on business of the company a motor car [...] and shall pay
all expenses in connection with such use of the same and the same shall be
changed from time to time..." : " La société devra fournir
à l'employé, pour son usage exclusif et dans le cadre de ses
activités pour la société, et maintenir en état
un véhicule [...] et devra payer tous les frais engagés dans
le cadre de l'utilisation de ce véhicule, lequel sera
remplacé de manière occasionnelle...".
Il faut préciser que les pronoms
said, same et such font depuis fort longtemps l'objet de
vives critiques de la part, souvent, des juristes eux-mêmes. Ainsi,
Bryan Garner, dans son Dictionary of Modern Legal Usage, exprime son
opinion en ces termes : " The words it, them, or the noun
itself [...] are words that come naturally to us all; same or
the same is an unnatural English expression." (p. 780), ou encore, "
Said never lends greater precision than the, this, that, these, or
those - in many contexts, it even introduces imprecision." (p. 779). Il
n'en reste pas moins que ces pronoms ont tendance à perdurer dans
les textes juridiques, d'où ils ne sont pas prêts de
disparaître à en croire l'exemple suivant, tiré du
United States Code (codification officielle de la législation
fédérale), 11 U.S.C. § 723 (1994) : " Notwithstanding
section 502 of this title, there shall not be allowed in such
partner's case a claim against such partner on which both
such partner and such partnership are liable, except to any
extent that such claim is secured only by property of such
partner and not by property of such partnership." (cette phrase
contient pas moins de sept occurrences de such).
Pour finir, et pour donner une
dernière illustration des critiques dont les " connecteurs " font
parfois l'objet, citons le commentaire suivant de David Mellinkoff (The
Language of the Law, 1963, p. 321-322), à propos de l'adverbe
whereas : " Condemned and praised, but most of all used, 'whereas' is one
of the most persistently typical and most consistently vague words in the
language of the law. It has as many meanings as you have patience, some of
them poles apart. One moment 'whereas' means the fact is, and the next
moment it reverses course to mean in spite of the fact (although)."
© 2000-2001 - Frédéric Houbert
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